Une constitution fondée sur quelle culture politique ?
Par Gervais Douba (*)
Cet été, mon épouse et moi avons eu le privilège de rencontrer des compatriotes à Bourges alors que nous étions en chemin pour un camp de formation évangélique dans les cévennes. Cette élite Centrafricaine a coutume de lire mes articles sous toutes les coutures et avait décidé de m’interroger sur mes intentions, la logique qui m’anime et mes sources d’inspiration. La rencontre était très stimulante et d’une qualité rare au point de me rappeler ce poète Congolais qui suggérait à ceux qui parlent ou qui écrivent d’avoir pitié de ceux qui les écoutent ou les lisent. L’intitulé de cet article est le résumé d’une interpellation. Avec la permission des compatriotes rencontrés à Bourges et ensuite à Bordeaux, j’en fais la synthèse et l’analyse : Une constitution en quête de fondement théorique ; la culture politique mais quelle culture politique laissons et/ou laisserons nous en offrande ou en héritage à nos enfants ?
Lorsque l’on veut s’aventurer à remonter à la genèse de la culture politique qu’est la démocratie en Europe, on se réfère à l’histoire de la démocratie Athénienne ou de la démocratie Venisienne. Sans faire un exposé préconstruit- ce dont les Centrafricains sont allergiques pour des raisons que l’épistémologie et le paradigme ignorent- je ne m’aventurerai pas dans une exégèse. Mais, je sais une chose, la culture politique Centrafricaine présente une coloration plus proche de celle de la ville de Sardes que celles d’Athènes et de Venise.
Ce que je nommais dans mon premier article « Quant un concept interpelle ; m’interrogeant sur le concept de transition, « l’ euthanasie politique du régime Patassé dont le régicide Bozizé est l’heureux bénéficiaire » est en réalité la mise en scène de la fête d’une société défaite. Les manifestations du 15 Mars 2003 est la traduction Centrafricaine du syndrome dit de Stockolm, une sanction au régime déchu sans adhésion claire au nouveau régime. La transition messianique a renoué –sans subtilité avec la singulière culture politique dont nous sommes tous les émanations. L’engagement pris par Bozizé auprès de ses parrains et cautions se résumait en un mot : annoncer le paiement des arriérés des salaires aux agents civils et militaires de l’Etat paupérisés et se montrer en médiateur ou courroies de transmission des médicaments pour lutter contre les pathologies tropicales qui gangrenaient et ravageaient les Centrafricains pendant que le régime défunt se livrait au commerce et s’enrichissait par ses restaurants. Bozizé savait bien qu’il n’allait pas se penser en chef d’Etat ; garant de l’intérêt supérieur ; donc vital mais en président de conseil d’administration. Comme ses prédécesseurs,- et il faut être dupe pour ne pas le savoir- Bozizé- parfaitement informé par la francmaçonnerie et entraîné par la françafrique, a une connaissance aigüe - pour l’avoir pratiquée- de l’incurie des élites civiles et de l’oligarchie militaro-politique de notre pays ; parce que facilement corrumpues et corruptibles, assoiffées plus d’avoir le pouvoir que de savoir exercer l’autorité. La culture politique dominante en Centrafrique- comme ailleurs – se nourrie d’actes d’allégeance féodale et d’instrumentalisation de l’unité nationale. A partir d’une interrogation sur ce mode de vie, sur les us et coutumes de la classe politique Centrafricaine, on peut mettre en évidence tout ou presque les ressorts et les caractéristiques de cette culture politique qui rappelle plus Sardes ( Apocalypse chapitre 3).
La prétention de cet article est d’être ni recette ni prescription mandarinale voire un exposé doctoral. Comme je le disais, je tente - par tâtonnement- d’apporter un éclairage théorique pour la compréhension de ce qui se trame à Bangui(officiellement) mais simultanément dans toutes les chancelleries des ambassades et dans tous les quartiers généraux des forces occultes pour lesquels la défense de leurs intérêts et la sauvegarde de leur influence soulève d’abord et avant tout une interrogation sur le type de pouvoir à mettre en place et non sur le choix d’un modèle de développement ou d’un modèle de société. Ma prétention est double :
a) incurable insurgé contre les falsifications de l’histoire et l’exercice par amateurisme du pouvoir politique- qui par omission ou commission nous donnent une image déformée du passé, mais, plus grave, nous induisent en erreur à propos du présent, je me permets de déclencher une prise de conscience des situations qui font conflits de façon récurrente chez nous.
Je suggère que nous déconstruisions la thèse dominante qui reviendrait à faire croire que le pouvoir est seulement entre les mains de qui détient des armes à feu, de qui possède les richesses. Nous sommes à même de faire vaciller les fondements de cette thèse pourvu que nous nous tenions à la brèche. Je ne veux pas inventer des victoires populaires là où il n’y en a pas ( les souvenirs de janvier 1979 me hantent encore)
Je ne veux pas non plus penser qu’écrire des pages devrait se résumer à dresser une litanie d’échecs, aligner les injures, les invectives. Si notre culture politique se veut plutôt créative que crétine ou mesquine, anticiper un avenir possible sans pour autant nier le passé, il faut, me semble-t-il, mettre en valeur des possibilités nouvelles et révéler tous ces épisodes enfouis dans l’ombre et lors desquels des gens- cas de Janvier 1979-ont montré leur capacité à résister, même très brièvement, à se rassembler sur des bases crédibles et saines et parfois à gagner. Je pars – notait Howard Zinn
(1) du postulat, ou peut-être de l’espoir ( Personnellement je confesse Jésus Christ comme mon seigneur et mon rédempteur ) que notre avenir réside davantage dans moments de solidarité que notre passé recèle que dans les années d’obscurantisme et de confusion politique sur la notion d’unité nationale si solidement ancrés dans nos mémoires. Je crois – être péremptoire-que l’unité nationale ne signifie pas homogénéité nationale . L’unité nationale n’est jamais une œuvre finie après les indépendances ni par l’action surprenante du Saint-esprit, ni par le seul fait qu’on parle tous « sango ». Inscrire l’unité nationale dans un projet social, économique et politique, c’est contribuer au rapprochement dans l’harmonie, de nos différentes diversités et disparités. C’est de favoriser l’émergence des conditions propices à l’exploration et à l’exploitation des capacités productives de tout un chacun.b) militant depuis huit ans pour l’application de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 ( dite convention de New-york) dont le Centrafrique est non seulement signataire mais Etat qui l’a ratifiée, il me semble important de débattre avec mes compatriotes de la notion de culture politique qui transparaît le plus souvent en filigrane et de façon insidieuse dans une constitution. Je m’en suis rendu compte à plus d’un titre – en tant que délégué français des DEI ; notre ONG experte n°1 auprès de l’UNICEF et n°2 auprès de l’UNESCO- à l’occasion des négociations de la Convention pour l’Europe dite « Commission VGE. La culture dominante ( que l’on retrouve dans l’éducation, dans la vie politique ou dans les médias ou dans les sphères des différentes composantes de la société civile) prétend que notre société serait une communauté très unie et que nous n’aurions qu’un seul intérêt commun ou pour plagier certains spécialistes Centrafricains ; un intérêt général Je paris que la constitution qui est en gestation et pour laquelle un référendum est convoqué très prochainement est soit commandée soit rédigée selon deux axes majeurs : la francmaçonnerie et la françafrique sont déterminées à faire émerger un pouvoir – et non une autorité- capable de défendre bec et ongle les intérêts de leurs classes. Le deuxième axe c’est la défense des intérêts de classe des gouvernants en place. Il s’agit d’un système de gouvernement au service des besoins des riches et des puissants qu’il faut perpétuer. C’est donc une constitution qui sacralisera la défense des intérêts supérieurs des coalitions francmaçon-françafrique et régime en place. C’est une constitution ; coquille vide qui sera pour les intérêts supérieurs de nos enfants, un véritable aquarium. Face à l’argent facile ( être homme de pouvoir en Centrafrique, c’est être riche comme Crésus et mettre la main sur un bon pactole), aux allégeances à bon marché et aux arrogantes et condescendantes pratiques professionnelles qui compromettent et hypothèquent durablement le devenir des jeunes, le Centrafrique deviendra par cette constitution, un pays bocal où il n’y a rien, aucune échappatoire pour les plus démunis qui ne peuvent se retirer en France en cas de coup d’Etat et dont les enfants sont exposés aux années blanches. La culture politique de chez nous , nous a acculés à un point de non-retour, de situation extrême de complexité psychologique, de pénurie de capacité humaine, de prostitution et d’enfermement et de perte de la pensée, c’est-à-dire que la parole n’est pas encore libérée, notre culture politique n’est pas une culture qui offre la chance d’ascension sociale à tous même aux résignés mais qui favorise l’ascension sociale des rusés, des acrobates de l’escroquerie et de l’imposture .
J’espère que l’histoire me donnera tort car, je signalais dans le premier article que l’attelage Bozizé-Goumba était un attelage contre nature et qu’il y sera mis terme à brève échéance et cela s’est produit. Aujourd’hui, M. Goumba est un faisant fonction dont les attributions par rapport à celles du Premier- ministre laissent à désirer quant à leur légalité. Les constitutions qui brillent ne sont pas toutes en or.
A la lumière de ces éléments, je me propose d’examiner avec vous sur la base de conjectures et d’hypothèses le pourquoi on nous traîne – sans entraînement- vers un référendum sans que ne soit débattue en profondeur et clairement la question du choix de société, de nouveaux levier pour se prémunir contre les tentatives d’instrumentalisation de l’intérêt supérieur des centrafricains. (I). Sur quel socle allons-nous ancrer l’avenir et le devenir du Centrafrique ( au sens Boganda du terme au lieu de « la Centrafrique » ; dévoiement historique). Essayons d’inventer les chemins du futur . ( II)
NI ATHENES NI VENISE MAIS SARDES.
En parlant d’Athènes ou de Venise ou de Sardes, -de grâce ne m’attribuez pas les pensées qui ne sont pas les miennes – ce sont des métaphores, des allusions à des représentations de la démocratie et les différents processus d’accession au pouvoir et les différents modes opératoires pour exercer le pouvoir.
Les métaphores ont par vocation d’être des clés de lecture. Elles portent en elles, des germes d’un éclairage théorique. Contrairement à ce que beaucoup affirment, leur rôle ne se réduit pas à alimenter les anecdotes ou à faire du remplissage. Ce sont de véritables béquilles ( et non des prothèses ou des substituts) pour la construction de paradigme . Les juristes diraient que ce sont des mines à ciel ouvert de jurisprudences de principe.
Le philosophe Bernard Manin soutenait que c’est effectivement à Athènes qu’existait la vraie démocratie et non Venise. A Venise, la démocratie était construite sur du mensonge, de la falsification et il y a une double échelon de représentation. En revanche, le système Athénien était fondé sur le fait que ceux qui gouvernent ont une légitimité parce qu’ils ont été élus et qu’ils ont conscience qu’ils doivent rendre des comptes. Même si tous les Athéniens ont théoriquement vocation à accéder au pouvoir, il faut remarquer qu’ils avaient un respect profond de citoyen et de leur ministère. Ce n’était pas sur la base d’une logique de mandarin régnant ad vitam aeternam, incontesté et incontestable. Il n’était nullement question de sanctuariser l’imposture et la fourberie comme chez les Crétois. Cela a influencé l’apôtre Paul au point de stigmatiser le comportement fourbe et peu crédible des Crétois face à l’appât de gain .( Crétoiser c’est pousser l’imposture et la fourberie jusqu’au sommet)
Quant à Sardes, pourquoi comparons nous cette citée du livre de l’Apocalypse à notre pays. Loin de nous la prétention de faire une herméneutique de bas étage ou d’émettre une opinion péremptoire et de scientifique de comptoir. Sardes était une ville très riche dont le roi s’appelait CRESUS ( d’où le proverbe être riche comme Crésus ».Son sous-sol ou ses eaux regorgeaient de pierres précieuses. Pour peu qu’on fait l’effort de descendre dans ses eaux, on en sort avec des lingots d’or ( d’où le proverbe avoir le pactole) . La ville était située sur une colline et, qui plus est , est fortifiée. Elle et son roi avaient souffert de la convoitise des ennemis. Elle a été plusieurs fois attaquée mais sa position lui a permis de repousser les assauts de l’ennemi ; il n’y avait qu’une entrée. Sa forteresse rappelle les murailles de Jéricho ou les murailles de Chine vues du côté de la Mongolie lorsque l’on s’y trouve. Crésus honorait la fonction militaire car, sans sa soi-disant vigilante armée, le royaume était constamment exposé. Crésus avait le génie d’arrondir gracieusement les militaires, des officiers généraux aux hommes des troupes.
La culture politique de Sardes est de paraître pour invincible voire inattaquable en se fiant uniquement à deux atouts ; le passé prestigieux et le positionnement géographique. Cette citée symbolise l’absence de vigilance et le triomphe des apparences alors qu’elle est vulnérable. La preuve, il y avait eu une attaque- qui rappelle l’histoire de la guerre de Troie- advint et le roi a été fait prisonnier par l’ennemi. Cette armée corrompue et repue n’est préoccupée que par des intrigues de Palais et a baissé la garde du présent.
Sur une échelle de temps, Sardes a un passé glorieux ( pays réputé riche) un positionnement géographique enviable et enviée, un avenir de pays suscitant d’énorme convoitise pour ses richesses légendaires et proverbiales mais pas un présent. On ne peut pas construire le futur sans le passé et le présent. Dans les écritures, il est écrit que quelques sujets du royaume ne s’étaient pas compromis. Ces sujets demeurés vigilants constituent une base, un rempart. On peut reconstruire des choses à partir de cette poignée…( qui n’a ni le comportement des Crétois ni les institutions de Venise).
La culture politique est selon Manuel Vasquez Montalban
(2), un long fleuve qui mène à une génération déterminés d’êtres humains, qui leur transmet des valeurs morales et esthétiques, des idéologies, l’histoire, des codes et des symboles. C’est-à-dire tout un riche patrimoine élaboré par les aînés et que les générations nouvelles reçoivent lorsqu’il existe un point de rencontre possible entre cet apport et le récepteur de cette formidable offrande. Face à ces deux conceptions ; culture comme patrimoine et culture comme conscience se sont exercées traditionnellement deux tentatives de manipulation politique en Centrafrique.- Prenons le cas de la culture politique comme conscience. Sa forme la plus lisible et la tangible est le parti –Etat ; le M.E.S.A.N. Au lendemain des indépendances nominales et pour les nécessités de l’Etat-nation , le principe du parti unique a été décrété par le congrès du M.E.S.A.N de Berbérati. Mais, dans l’esprit du Président David Dacko 1 ( que son âme repose en paix) ne pas être militant du M.E.S.A.N. c’est être contre lui et contre l’unité nationale. L’unité nationale n’a pas été construite par le M.E.S.A.N. Elle est le fait du colonisateur pour les besoins de ses intérêts. A Berbérati, le M.E.S.A.N. avait fait de l’obscurantisme en confondant unité nationale sur le plan de l’Etat-nation avec l’homogénéité nationale. Au lieu de se fixer comme objectif de rapprocher les disparités et les diversités territoriales , les dirigeants ont fait la chasse aux sorcières, muselé les gens en voulant gommer cette réalité séculaire que sont les disparités et les diversités, par une politique patrimoniale et clientéliste, aggravée par la propagande. Cette culture politique a engendré les damnés de la terre, les laisser pour compte et les laisser en souffrance çà et là en terre de Centrafrique.[ J’ouvre une parenthèse ici pour faire savoir que se référer à Boganda n’est nullement une attitude de dévotion. C’est le seul homme et le premier homme de l’ancienne AEF à faire la preuve d’une capacité de production de paradigme (Etats unis d’Afrique Centrale qu’il appelait le Centrafrique) et un concept politique lisible et crédible]. Dacko I s’était rendu impopulaire – comme pas deux – non par le génie d’un paradigme mais la mise en place – sans pédagogie aucune – du fameux « Koua ti kodro et de l’emprunt national » L’emprunt national a été une opération d’escroquerie politique comparable à ce que l’on appelle en occident « les emprunts russes » Il y avait peu de cadres patriotes. Ce qui peut se comprendre !
La situation a servi de détonateur au coup d’Etat du 1er Janvier 1966. les régimes successifs de M. Bokassa ( paix à son âme) , c’est-à-dire du gouvernement par actes constitutionnels à la République puis de la République de Présidence à vie à l’Empire, les cadres civils et militaires Centrafricains se sont laissés vassalisés et une caste d’oligarques mafieux locaux s’est reconstruite peu à peu sur les cendres des damnés de la terre de l’emprunt national .Au nom de l’unité nationale, on a tué, torturé. L’ennemi invisible de l’unité nationale est le fait qu’on a fait des différentes résolutions des congrès successifs du M.E.S.A.N. des résolutions « Status Confessionis ». Cette orientation a irrigué toutes les relations sociales au point que les plus rusés y ont vu l’occasion de tracer leur trajectoire professionnel et de mettre l’occasion à profit pour bien noircir leur curriculum vitae et leur futurum vitae alors que les plus résignés venaient applaudir…L’opération Bokassa –qui a supplanté « koua-ti-kodro » peut être rangée dans le camp de paradigme. Sur l’étendue du territoire de Centrafrique, les paysans Centrafricains y ont adhéré. Les campagnes café, coton, et autres ont généré réellement des revenus aux parents. L’entrepreneuriat rural était encouragé au point qu’il y a des incidences sur l’organisation du calendrier scolaire ; les grandes vacances étaient réparties du primaire au secondaire. Ce sont ces transformations notoires qui caractérisent ce que j’appelle un paradigme. On a construit d’une autre manière la lutte contre la pauvreté , de Bangui vers les provinces et cela a relancé l’activité bancaire de la Banque national de développement. C’est l’opération Bokassa qui a contribué à faire la réputation de M. Patassé et sa plantation de riz du km22. M. Patassé a le droit de récuser ce que j’affirme !
De Dacko I et II à Patassé et maintenant Bozizé, la culture politique en Centrafrique a deux écoles : L’école de Dacko incarnée par M.Kolingba et l’école de Bokassa , incarnée par Patassé. Tous se sont réclamés de Boganda à des fins démagogiques. Ils ont dévoyé l’esprit de Boganda. Je ne prétends pas qu’il faille être la copie conforme de Boganda mais il s’agit de l’expression d’une culture politique dans sa traduction nationale . Comme conscience se résume plutôt en une exaltation mystique du pouvoir qu’à la construction du présent du pays.
Nous avons un passé prestigieux de peuple pacifique ( et non pacifiste). En dehors des incantations politiques, les Centrafricains sont tenus – dans la grande majorité- à l’écart du pactole que sont le diamant, le café. Les dispensaires et hôpitaux, les structures scolaires du primaire au secondaire sont tombées en ruine pendant que la caste d’oligarques envoyaient ses femmes accoucher en France ou ailleurs et ses enfants poursuivrent tranquillement leurs études à l’étranger et j’en passe. Les mœurs politiques ne nous ont pas impliqués. La culture politique dans sa dimension conscience n’a pas fait des Centrafricains des acteurs et co acteurs du système. De l’exUFCA aux syndicales, toutes nos organisations sociales sont de véritables usines à vénération de nos Aristocrates de Bangui et leurs vassaux des provinces. Sous les régimes des Présidents Kolingba et Patassé, les partis politiques et les différentes composantes de la société civile- sous leurs dehors démocratiques, se sont transformés en fabriques d’oligarques condescendants et désinvoltes, de vrais « Nobellistes » de dénis des droits élémentaires de l’humain .Je veux faire une observation avant d’aller plus loin. Je n’insinue rien. Par déni de droits élémentaires de l’humain, j’entends par là le fait que un laisser pour compte a très peu de chance d’être accueilli comme il convient- non parce qu’il se prévaut du titre d’un neveu ou d’une nièce haut placé(e)- mais simplement parce qu’il est un être humain. Zo koé Zo de Boganda ( reflet d’une culture politique) n’est pas repris dans nos mœurs administratives. Par exemple à la maternité de Bangui, les sages femmes ne sont pas sages . Elles insultent, se moquent, humilient, dégradent les patientes. ( ce sont les caractéristiques élémentaires de culture politique. Les dénis de droits élémentaires, la perpétuation des inégalités constituent de graves obstacles à la croissance économique et entravent la lutte contre la misère –dont la pauvreté )
Malheureusement, l’on observe que le plus souvent, les masses vouent à ces héros d’un jour, un véritable culte au point que le déficit du débat démocratique ( culture politique) que ces héros prétendaient combler, est érigé en culture de parti. On confond adhésion intelligente à la ligne politique du parti au rapport fusionnel avec le chef ; histoire d’assurer ses arrières ! La culture conscience est un mélange de dérivatifs que l’on rencontre même dans les vieilles démocraties Européennes notamment occidentales. Ne s’en échappent que ceux qui ne veulent pas faire une carrière politique ; des tête brûlée comme moi.
-Quant à la culture politique comme patrimoine, l’aspect le plus notoire, les plus ostensible est le nettoyage des traces de l’Empire. Le Centrafrique est privé de mémoire par tous les régimes politiques successifs.
Les ballets n’existent chez nous que lorsqu’il faut aller danser à l’aéroport ou accueillir le père vénéré, le grand timonier. Ces ballets peuvent-ils vivre de leur savoir-faire ? reçoivent-ils un bout du pactole ?
Je prétends penser que toute personne capable d’avoir conscience de ce qu’elle est et de ce qu’elle fait et, surtout, du rôle qu’elle a dans les relations avec autrui possède une culture. Nul ne peut être exclu du royaume dans ce sens. Comme Boganda interpellait Félix Eboué à Brazzaville, je pose à tous ceux qui sont au commande du pouvoir une question : quelles sont les orientations de la nouvelle constitution pour libérer la parole et l’initiative en Centrafrique ? Je ne suis pas misonéiste mais la constitution ne vise—telle pas à légitimer l’euthanasie politique du 15 mars et à donner aux gouvernants actuels des coudées franches pour leur népotisme ; ce qui constitue un phénomène oligarchique grave. M.Bozizé ne va-t-il pas, d’ici un mois ou aussitôt après le référendum concocter vite fait une structure de parti avant les élections générales de Janvier. Dans toutes ces manœuvres, où est la préservation de l’intérêt supérieur du Centrafricain. Je parle de celui qui ne peut jamais devenir réfugié politique en France ou ailleurs et dont le sort dépend de l’amélioration de la situation globale ? Celui là qui ne peut falsifier son acte de naissance ou son diplôme pour être nommé x ou y ! Celui là dont les enfants ne peuvent s’émanciper autrement qu’à la condition que notre culture politique pense à eux, à leur avenir. Il n’y a pas d’école en état de fonctionnement. Une culture politique qui préfère ses fêtes à l’éducation de sa nation est une culture qui rejette la formation de l’esprit critique, de l’esprit scientifique. Une telle culture est une culture de la dictature au sens noble du terme. A l’insécurité civile, s’ajoute l’insécurité de l’avenir. Des jeunes sans projet … Des jeunes qui subissent la précarité structurelle , dont la trajectoire professionnelle est en pointillée et sans chance de s’établir dans le stable et que nous récupérons pour les droguer, en faire des enfants soldats, des chaires à canon, des gamines mères avant la fin de l’adolescence.
Nous contribuons à alimenter dans l’esprit de ces enfants la vision d’un Centrafrique fondé sur la persécution, la falsification de l’histoire et la prédation violente. En fait, la violence que subissent les jeunes Centrafricains – ceux que les parents ne sont en mesure et ne peuvent les envoyer à l’étranger, ces jeunes couples qui se contentent de nos dispensaires et hôpitaux- mouroirs – compromet de façon prématurée les chances d’accès à la dignité humaine et le champ des possibles se rétrécissent. Quel pays laisserons nous en offrande ou en héritage aux enfants des six régions de Centrafrique ! Quand ces jeunes sont pleins, on les vide en les rendant corvéables à merci. En revanche, quand ils sont vides de nos drogues, des nos expédients et autres produits hallucinogènes voire anxiogènes- c’est-à-dire quand ils parviennent par la force de leur volonté à s’émanciper et à s’affranchir de notre emprise, nous nous plaignons. Comme des verres ; plein on le vide, vides d’alcool, on se plaint. Pauvres enfants de Centrafrique , si l’on vous demandait, c’est quoi une constitution pour vous, qu’allez-vous répondre ?
INVENTER LES CHEMINS DU FUTUR ; DECONSTRUIRE LA CULTURE POLITIQUE ACTUELLE
Alors que partout en Afrique – sauf dans certaines régions du continent où l’on confond pouvoir et autorité- j’ai comme impression que le temps d’accès à la vigilance s’est arrêté en Centrafrique. Ainsi que l’ont relevé mes interlocuteurs à Bourges puis à Bordeaux, je suis en décalage, je suis en plein délire de persécution des plus démunis en Centrafrique… Saurais-je un jour à quoi cela est dû !
A la lecture des journaux, après avoir navigué sur les sites Béafrica, Sangonet et IDEE+ pour ne citer que ceux qui sont fréquentables, je ne pense pas me tromper énormément.
Ah si ! je me trompe sur un voire deux points :
Ma première erreur tient à une question de synchronisation.( devenu vieux, mes neurones me jouent des tours ; je ne percute plus rien)
Le défunt régime – c’est-à-dire celui de Patassé s’était trompé d’époque. Il a enfourché les thématiques des luttes de libération alors que depuis la fin de la période dite des Trente Glorieuses suivie de l’accélération du phénomène de la mondialisation, un vent d’éveil a gagné le continent africain. Le régime né de l’euthanasie politique ne fait pas mieux ; dialogue national escamoté, prolifération des forces occultes bref la nation Centrafricaine et non l’Etat est sur la pente des entités chaotiques ingouvernables. Nous avons évolué du Centrafric-berceau des bantous de Boganda pour tous les Centrafricains vers le Centr’à-fric –berceau de toutes les virtuoses de la culture politique vulcanogène et vertiginogène pour l’unité nationale.
Ma deuxième erreur réside dans l’appel à la vigilance. La culture politique en Europe comme en Afrique est très influencée par les thématiques managériaux. Le champ politique semble de plus en plus se professionnalisé et l’expertise est de mise. Il y a peu de place aux approximations et à l’amateurisme.
Si les forces occultes et obscurantistes prolifèrent chez nous plus qu’ailleurs, si notre nation est devenue un terrain fertile pour scientifiques de comptoir et bricoleur du dimanche de la politique, il y a de quoi à s’interroger ?
- Déconstruire les luttes de libéralisation est un appel à une logique de rupture- non de table rase avec le passé mais une pédagogie de réforme.
L’offensive néolibérale et les forces coalisées de l’occultisme sont allergiques à ce que le Centrafrique jette l’ancre au port de la modernité. Chaque jour, la culture politique fondée sur la nostalgie et le folklore offrent leurs services à toutes les forces de la coalition. Ces forces voient d’un mauvais œil l’émergence - dans le champ de la société civile- de nouveaux acteurs désireux de remailler le tissu social et de faire reculer la pauvreté. Les épouses de chef d’Etat – avec tout le respect du à leur rôle de mère et à leur rang - s’improvisent fondatrice d’ONG si elles ne créent pas des restaurants de prestiges ; véritables nids des renseignements généraux .Aucun espace publique n’est laissé inoccupé pour des expériences mêmes iconoclastes pour engendrer l’innovation sociale. Faute de culture de dialogue avec des règles de jeu claires, nous obtenons tout et tout de suite, par la prédation violente – et non par la grève . Il n’y a aucune raison pour que quelqu’un(e) qui était aussi nul(le) que vous dans le quartier ou dans les forces armées, sans se prévaloir d’aucune expertise, d’aucun autre mérite, devienne du jour au lendemain détenteur ou détentrice d’une partie de la souveraineté nationale et s’en serve pour vous asservir avec condescendance et arrogance. Je caricature - parce que je suis en décalage - mais, sans déconner, les ressorts de notre violence politique sont dans l’absence de projet politique lisible, crédible, dans la répartition ( la politique de redistribution) et dans l’exercice condescendant et arrogant, aggravé par l’incompétence de notre fonction ; quand nous avons la chance d’en exercer une. Dis donc, on dit qu’il n’ y a pas d’argent, que les salaires ne peuvent pas être payés… Comment sont alimentés les fonds secrets ou les caisses noires du gouvernement ! Je m’interroge et je vous propose de vous poser la question avec tout le sérieux possible. Ce n’est pas un exercice de mesquinerie ou de vulgaire populisme. Chaque inspecteur des impôts, chaque agent du trésor public, chaque douanier, chaque agent de la brigade des mines a son pactole, ses réseaux propres. Le pays est officiellement pauvre. Il est classé parmi les PPTE (Pays pauvres très endettés) par les institutions financières internationales. Mais des chantiers sortent de terre, les cellulaires pullulent ! Les redevances et autres taxes des services de l’Etat ne sont pas recouvrées et dit-on que seuls les « blancs paratonnerres » peuvent les recouvrer. Les étudiants que nous formons ici et qui vont en coopération , malgré leur jeunesse font marcher les ministres et autres DG mauvais payeurs ou spécialistes de procédures dilatoires ou d’intimidation voire de propos dégradants et humiliants vis-à-vis des agents de recouvrement. Je lis les interventions de quelques uns sur internet. Quand mes anciens étudiants auxquels j’ai conseillé la coopération en Centrafrique , au Congo, au Burkina Faso, au Mali et à Madagascar, une fois revenus en France, me font état de leurs analyses des facteurs endogènes de notre pauvreté. C’est à la fois consternant et affligeant et tout revient à la culture politique. Cette culture est inadaptée. Par exemple, sur le plan technique, un budget n’est pas indéfiniment extensible. Celui de Centrafrique n’échappe pas à cette règle. Or le budget Centrafricain actuel doit supporter un exécutif bicéphale et la pléthore des conseillers qui font de la sinécure. Mon propos ne vise pas les hommes. Il vise à soulever une problématique de culture politique. Il vrai que les orientations stratégiques des institutions financières internationales sont très monétaristes à lire la définition qu’elles donnent de la pauvreté et les préconisations pour s’en sortir. Notre culture politique a-t-elle construit des mécanismes internationalement crédibles et susceptibles d’emporter des consensus ? Avons – nous réussi à opposer aux mécanismes internationaux des mécanismes nationaux de redistribution, d’incitation à entreprendre ou à capter les externalités technologiques pour les inséminer chez nous ? Avons nous démontrer aux institutions internationales nos outils de contrôle, d’évaluation, les résultats de nos expérimentations dans la lutte contre la pauvreté ? Avons-nous convaincu nos concitoyens de la justesse des repères et des références quant aux règles d’intégration à la fonction publique, de nomination des cadres à la direction des entreprises publiques et parapubliques ? Je ne veux pas donner l’impression de demander aux gouvernants de faire chez nous des choses alors qu’ils n’en ont pas les moyens. Mon unique objectif d’interroger la culture politique. Si nous n’avons pas les moyens, nous avons à profusion les hommes… Dacko 1 et Bokassa 1er pouvaient légitimement se plaindre de la carence des cadres et de l’insuffisance de l’expertise. Depuis Dacko II jusqu’à Bozizé, des cadres se ramassent à la pelle…Ils débarquent de partout des quatre coins du monde et veulent tous gagner autant de sous que possible en un temps record… Donc, des cadres, il y en a. Mais il manque une culture politique de progrès, de liberté d’initiative et de créativité. Dans ce sens, le DN a raté la sortie – n’en déplaise aux inébranlables avocats généraux de cette foire d’empoigne.
Déconstruire les fondements des luttes de libération ne signifie pas crier à la Sharon, son patriotisme qui est plutôt un nationalisme. D’ailleurs, Kolingba et Patassé ont remis en selle la culture politique initiée par leur maître à penser ; Bokassa.
Se mettre en indélicatesse avec les institutions financières internationales tout en sachant que nos richesses minières, notre élevage, ne valent pas un shilling revient à jouer au coq du village . C’est la parfaite illustration de l’expression « Koli fa gbö » Les hommes valables étant au travail, celui qui développement en compagnie des femmes, le comportement du passager clandestin, à vocation à rendre le cadre moins menaçant pour ces femmes ! Cette expression a un poids sociologique très important !
Nous ne nous sommes pas insérer dans les échanges internationaux pendant que cela était « fastoche ». Nous n’avons pas profité des phénomènes des délocalisations des années 80 .Les entreprises d’origine étrangère même les moins performantes nous ont quitté. Il ne nous reste que les petites unités commerciales plumables à merci par nos inspecteurs des impôts.
Loin de moi l’intention de passer pour un tel ou un tel, je m’essaie –après les échanges avec nos compatriotes à Bourges et à Bordeaux- à un décryptage fouillé de notre culture politique et de la nécessité de lui donner un sens, une orientation. Qu’à l’occasion du référendum en gestation, nous en appelions aux sociologues, aux psycho-sociologues de nous détricoter notre culture politique . Notre culture politique n’engendre que des inégalités territoriales d’abord et sociales après. Notre classe politique a une culture d’Aristocratie, d’Oligarchie, se croit messianique, aime vassaliser, entretient de mœurs féodales -sans avouer des projets de dynastisation des partis politiques. Notre société civile ( laïque , religieuse et syndicale) s’accommode de cette intégration conflictuelle en pactisant avec les projets centraux confus et diffus des gouvernants. (Attention, je n’appelle ni à l’insurrection ni à la désobéissance civile ni à une révolution. Le credo de ma foi et de mon métier m’incite à partager ce message d’appel à la vigilance : L’exploitation du pauvre peut être supprimée, non en faisant disparaître les quelques millionnaires, mais en faisant disparaître l’ignorance du pauvre et en lui enseignant à ne pas collaborer avec ceux qui l’exploitent. Cela convertira les exploiteurs également
(.3)Apportons tous, chacun selon ses compétences et ses expériences- notre contribution à l’émergence d’une culture politique d’alternative comportant des repères idéologiques et symboliques qui donnent la parole à tous ceux qui - à des titres divers - sont en première ligne, dans le grand combat pour remettre le Centrafricain anonyme, pauvre, au cœur du processus productif. Que cette culture politique soit celle de l’après luttes de libération et de la résistance à la mondialisation, articulée autour de l’enracinement d’une société où l’insertion dans les échanges internationaux est stimulée et non à marche forcée, où l’on refuse la démocratisation improvisée d’Etat dépourvu de moyens sauf la brutalité militaire et policière.
Ma deuxième erreur – je disais, vient de l’appel à la vigilance. En réalité c’est l’analyse que je fais de la culture politique du changement qui me met en porte à faux. La culture politique à deux dimensions que nous avons rappeler ( conscience et patrimoine) . Mais , elle plonge ses racines dans l’attitude et le comportement.
L’attitude définit la raison d’être de penser . En revanche, le comportement définit la raison faire ; seul et/ou en société.
« La seule chose stable dans l’univers, c’est le changement » disait Conficius.
L’ancienne conviction ou culture politique est encore solidement ancrée dans les attitudes et dans les comportements. Nous ne sommes pas misonéiste pour rien. Nous le sommes soit par peur de faire un saut périlleux dans l’avenir. Nous opposons une inertie au changement de société par nostalgie, par allergie, ou tout simplement parce que nos droits acquis vont vacillés et qu’on ne nous offre aucun filet de sécurité. Pour produire le changement, il ne suffit pas de promettre qu’on paiera les arriérés de salaires et que toute velléité de manifestation sera mâtée. Il faut avoir une approche ( les travaux théoriques sur le changement dont les évangiles ) il y a des approches sociologiques, psychologiques pour les individus et pour les organisations. Ensuite , il y a les méthodes ( les outils) ; les couvre feu à eux seuls ne suffisent pas. Les modes opératoires musclés à eux seuls ne suffisent pas parce que tout changement induit les adversités élémentaires visibles que j’ai citées mais induit deux comportements très subtiles à décelés : le comportement de passager clandestin et le comportement de dilemme du prisonnier. M.Goumba a eu un comportement de dilemme de prisonnier en acceptant de sacrifier sa crédibilité à l’appel de M. Bozizé . S’en est suivi les réponses de M. Maïdou et autres icônes de notre classe politique. Mon allusion appelle une analyse. Désigner ces autorités ne signifient pas que je leur manque de respect. Elles méritent de la part de chacun de nous, du respect, de la considération. Leur nom nous sert de support d’analyse parce qu’à un moment donné de l’histoire de notre pays, elles ont été en première ligne. Elles ont une attitude –certainement honorable. Ce sont de bons enseignant, de médecin de grande réputation… Dire qu’elles ont développé un comportement de dilemme de prisonnier signifie qu’à la lumière d’un modèle d’analyse, le comportement qu’ils ont est symptômatique du comportement du dilemme de prisonnier ; ce qui est une des racines de la culture politique dans une analyse stratégique.
Lors du coup d’Etat de M.Mathieu Kérékou du Bénin, la notion a été utilisée par la direction de la FEANF sous la formulation de « soutien tactique et démarcation stratégique.
Ce qui est un euphémisme puisque la stratégie- sur le plan épistémologique – a trois aspects : stratégie globale déclinée stratégie tactique puis ensuite déclinée en stratégie opérationnelle. Dieu merci, ce temps de l’ancrage dans l’idéologie Marxiste, est révolu. Si l’on vous interroge sur l’idéologie politique qui m’influence, dite sans ambigüité que je me réclame l’appartenance aux idées de Karl Popper ( sur le plan politique), Karl Polanyi et Max Wéber ( sur le plan économique et social ). Mais, ce qui me détermine d’abord et surtout, c’est ma foi chrétienne en Jésus et ma référence à un des pères fondateurs de la réforme protestante ; Jean Calvin ( sur le plan théologique)
Pour conduire le changement : il faut d’abord convaincre les têtes des parties prenantes - le changement d’attitude –pour entraîner une modification durable du comportement des acteurs. Ce changement 1 ou théorie du renforcement , s’avère souvent inefficace car il n’est pas de nature à lever des blocages de toutes sortes. En revanche, le changement 2 cherche à induire une légère modification du comportement qui entraîne un déclic donc un changement d’attitude.
Amener le changement de culture politique consiste à synchroniser l’attitude et le comportement ou c’est le comportement qui engendre le changement dans l’attitude. Le rôle de la parole- le langage du changement-est primordial. C’est par exemple le rôle de l’injonction paradoxale du genre « Tu ne nous a pas prouvé que tu es capable de… ». Sur le plan historique, la réforme protestante fondée sur la doctrine du sacerdoce universel et l’accessibilité des saintes écritures par tous a produit d’énormes transformations dans le monde. Marx Wéber dans ses travaux en fait une éloquente illustration.
N’en voulons pas à ceux qui se rallient à un régime. La motivation peut être l’appât du gain. Mais, admettons que l’envie d’exercer le pouvoir ne serait-ce que pour quelques mois dans sa vie peut être à l’origine d’une décision. Dans ce cas, le changement opéré est individuel et sans conséquence sociétale. Le changement de culture politique que j’appelle de mes vœux , consiste à de donner un défi ; entrer en tribu. C’est admettre que soit répandue à tous les niveaux de la société – églises, syndicats, associations , partis politiques- de la médiation. Ce n’est pas une fonction, de surcroît une attribution ouvrant droit à rétribution. C’est un état d’esprit qui se situe dans le triple sens d’une interface, d’une transition et d’une coupure .
- interface parce que l’idée de médiation va de pair avec l’image d’un passeur d’une logique à une autre ;
- transition. Quant on entre dans une tribu, le lien ne se donne pas. Il se construit dans la durée et le détour par rupture et reprise obligeant souvent à des re formulations intermédiaires, s’accrochant à des points d’appui transitoires
- coupure aussi puisque construire et reconstruire le lien social et économique sur la base solidaire et éthique suppose des ruptures avec les lieux communs. Il y a autant à délier qu’à relier pour démultiplier les postures et favoriser l’émergence d’une culture politique d’alternative..
Conclusion :
Si nous ne réalisons pas comme vitale pour notre pays, la nécessité d’impulser un changement de culture politique, d’autres projets de coups d’Etat dorment certainement dans les cartons. La constitution en gestation ne sera pas fondamentalement différente de celle qu’avait proposée le régime défunt.( je vous renvoie à mon article « Fabrique de misère publié sur Sangonet )
Sardes et la théorie de l’apparence ajoutée à l’imposture légendaire des Crétois de l’antiquité nous ferons reculer par rapport à beaucoup de pays africains de plusieurs siècles. L’armée Tchadienne est déjà notre gardienne pendant que l’économie camerounaise nous perfuse, la France et la Chine mettent notre trésor public sous dialyse. Ne dépendre que des actions humanitaires des ONG ou ne préparer que l’arrivée des GI à Bouar ou le retour des fantassins français à Bangui, c’est trop short pour donner à un pays une dignité. Boganda ( que son âme repose en paix) doit se retourner dans sa tombe. Pourquoi l’économie des pays de l’OCDE se renforce avec celle des pays d’Asie du Sud Est et les terres africaines ne sont aptes qu’à accueillir des bases militaires !
La Chine à qui nous tendons la main est une civilisation qui a inventé et réinventer une culture politique.
Ce qui me paraît urgent, ce n’est pas le ravalement de la façade de la maison à laquelle s’attèle l’équipe de M. Bozizé ou de l’empêcher qu’il se présente. Je ne connais pas pour le juger. L’essentiel est dans la culture politique.
Nous devons nous en remettre à une évidence qui crève l’œil à savoir l’admission par le Centrafrique que la période de la confusion entre biens publics et biens privés est forclose ; que l’époque des Présidents de la République- Président de conseil d’administration est forclose ; que les Présidents de la République chef des armées est concevable et non le Président de la République cumulard de Ministère de la défense et autre
Le bon Dieu ne nous a pas refusé les métamorphoses institutionnelles qui ont réussi en Afrique notamment au Mali, au Ghana et en Afrique du sud.
Nous sommes capables d’arrêter de faire du Centrafrique le sanctuaire de caste d’oligarques mafieux et d’inventer un futur. Puissions-nous passer d’une culture politique de l’inventaire des insuffisances des dons humanitaires, des asymétries et dissymétries dans les aides publiques au développement et de vision manichéiste entre nous, pour évoluer vers une culture politique d’invention de fondements de société. Nous sommes nous aussi capables d’inventer une culture politique où il n’y a pas que ceux qui ont les armes à feu et de l’argent qui ont droit à la parole ou à la dignité. Je fais le rêve- à l’instar du Pasteur Martin Luther King – que les fils et les filles de Centrafrique ; les enfants et petits enfants de Dacko, de Bokassa,de Kolingba, de Patassé, de Bozizé… et les petits enfants des damnés de la terre, des laisser pour compte, des laisser en souffrance de l’ignoble culture politique du déni de l’autre, de la condescendance, des affirmations péremptoire et du révisionnisme de notre histoire, accepteront de refonder ensemble et de façon concertée, le nouveau dessein du Centrafrique.
Une telle re fondation suppose que nous renoncions aux invectives, à la revanche pour la revanche dans nos attitudes ( raisons d’être) et dans nos comportements ( raison de faire) pour faire de la préservation des vies humaines , du respect de la dignité humaine, le socle et le point d’ancrage d’une société de solidarité polysémique et protéiforme.
Les peuples qui ont relevé ces défis ne sortent pas des cuisses de Jupiter et ne sont pas nés avec une cuillère d’argent à la bouche ! Ils ont certainement commencer par s’indigner de la montée de l’escroquerie et de ses impacts sur le devenir et l’avenir du pays. Ils ont fait le douleureux choix d’accoucher des paradigmes aux conséquences lourdes comme « Vérité et Réconciliation »
Putain ! les Centrafricains sont capables de payer un tribu pareil pour s’attribuer les attributs de la tribu des peuples épris de paix et décider à travailler ensemble pour faire reculer la pauvreté !…
PS : Que Dieu veuille bien me prête vie- malgré mon âge avancé- d’assister à la réalisation d’un tel événement ! Je lui en serai très reconnaissant.
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(*) L’auteur est enseignant en sciences de gestion IUT-IUP ( Université de Rouen) - 3è Vice Président de la section française de Défense de l’Enfant Internationale - Membre de l’Observatoire des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat, de la Commission de rédaction de la norme AFNOR sur le commerce équitable et Consultant pour le Comité Européen de Coordination pour l’économie sociale et solidaire.
[1] Historien . « Une histoire populaire des Etats-Unis » Edit Agone, Marseille 2002 812 pages. Très cité par Le Monde Diplomatique.
[2] Manuel Vàsquez Montalbàn ( 1939-2003) Ecrivain et militant en lutte permanente contre les injustices et les inégalités sociales. Ami et collaborateur du Monde Diplomatique
[3] Mohandas K. Gandhi, Haryan, 28 juillet 1940.
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