OPINION : IL FAUT QUE LA RENAISSANCE CENTRAFRICAINE S’AFFIRME

 

Il y a quelques semaines de cela, je publiais dans le journal Le Citoyen (n° 2145 du 12-04-05 et 2146 du 13-04-05) ainsi que sur le site www.sangonet.com une réflexion intitulée “Le Centrafricain face à lui-même”. Cette réflexion proposait une nouvelle compréhension de notre pays dans le cadre de la Renaissance Centrafricaine en reconsidérant les définitions de certains points à cibler comme objectifs indispensables. Cette démarche devant être analysée dans la perspective d’une prise de conscience citoyenne destinée à chaque centrafricaine et centrafricain intéressé et impliqué dans la recherche des solutions aux problèmes récurrents nationaux.

 

Les différentes contributions (qui me sont parvenues) suite à cette réflexion, ont fait ressortir l’importance de cette démarche dans l’élite intellectuelle locale généralement désignée, ces derniers temps, à tort ou à raison comme la majorité intellectuelle silencieuse. Le premier constat fait apparaître qu’il y aurait une pénurie (ou absence fictive) d’intellectuels engagés et convaincus ou qu’ils ont abdiqué leur rôle laissant le champ libre à des opportunistes qui n’hésitent pas à s’allier à la maffia locale. Ce constat faisant, dans ce cas, ressortir chez nous un tarissement progressif et heureusement très lent de nos sources de renouvellement intellectuel. De même, ce phénomène est observable au niveau des leaders politiques qui, eux aussi auraient abdiqué leur rôle au profit des prétentions des militaires. Cette pénurie (ou du moins l’absence fictive de ces classes sociales sur la scène nationale qui n’est due ni à l’indifférence, ni à l’incompétence et ni au laxisme) a joué et continue de jouer un mauvais tour à notre pays sur tous les plans. Elle s’est surtout caractérisée, pendant ces deux dernières décennies, par une absence singulière de débats contradictoires sur le devenir du pays, processus dynamiques de remise en cause perpétuelle de tout homme ouvert d’esprit et ouvert sur le monde et d’un peuple ayant soif de changement constructif et évolutif. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence. Mais le phénomène, que l’on pourrait appeler celui de la capitulation des hommes d’action (intellectuels, politiques, sociétés civiles, etc.) devant les prédateurs de tout acabit, est assez troublant et il est assez gros de conséquences indirectes pour qu’on lui accorde qu’un petit moment de réflexion. Un pays ne survit ni se développe seulement à l’abondance et à la qualité des choses essentielles à la vie, telles la nourriture, l’habit, la maison, mais également à l’importance numérique et qualitative des hommes et des femmes qui possèdent avec aisance la culture, l’art, la pensée et l’action. Il devient obligatoire pour les véritables intellectuels centrafricains au pays de sortir de leur silence afin d’engager des débats francs, honnêtes et sincères sur tous les aspects de la vie sociale, économique, politique et culturelle du pays.

 

Entendons-nous, l’objet de ces débats est de poser le problème tel qu’il doit l’être, ce n’est certes pas le résoudre immédiatement. L’important c’est de pouvoir rassembler les idées ; de les rendre claires (car les idées claires ne sont jamais perdues) ; de les agencer, avec d’autres idées claires pour qu’elles présentent à l’esprit ébloui des ensembles étonnants et cohérents susceptibles de permettre à notre pays d’en tirer conséquemment parti. Pour que la démarche évolue positivement dans le temps, il faut naturellement évaluer les possibilités de notre pays en intellectuels engagés, volontaristes et disponibles, en leaders d’opinions convaincus, en citoyens responsables, etc. Chaque centrafricaine et centrafricain devra comprendre, que dans tous les cas et, pour une renaissance dynamique, la grande première vérité est celle que toute richesse procède de l’Homme. Ignorer ce point réduirait tous les efforts à nul. Il serait également vain si ces efforts ne soient donc guidés par l’intelligence maîtresse.

 

Car le simple bon sens, sans aucun appareil savant, suffit à faire accepter à tout centrafricain raisonnable le postulat que la qualité de vie et le développement de la nation auraient pu être considérablement meilleurs ici depuis les années 1970, si les leaders sociaux, économiques, politiques et culturels avaient créé et consolidé des richesses au lieu de construire “des châteaux en Espagne” et de dévorer la substance commune pendant toutes ces périodes d’années. Le rappel de cette imprévoyance est de faire ressortir l’urgence de la prise de conscience citoyenne qui doit aider tous les intellectuels centrafricains au pays à penser le pays différemment en s’imposant une nouvelle vision du développement économique, social, politique et culturel de la nation. Il nous permet surtout d’affirmer avec force que l’homme ne trouve pas l’accomplissement de son destin dans les retours mélancoliques sur le passé, ni dans les piétinements sur le présent, mais dans la poursuite joyeuse de sa grandeur.

 

Le deuxième constat fait ressortir que dans la recherche des meilleurs moyens pour la reconstruction de notre nation, les triomphes des résultats sont souvent moins éclatants que ceux d’autres peuples. Cette triste réalité fait beaucoup douter nos concitoyens des dons de l’intelligence, de certaine finesse de l’esprit de nos intellectuels et de la sincérité de l’engagement des leaders sociaux, politiques, économiques et culturels pour la transformation véritable de la société centrafricaine. Cette situation serait-elle du au renoncement de certains membres de ces classes sociales, par choix délibéré, aux richesses spirituelles et morales inspiratrices d’engagement réel, de détermination véritable et de combat visionnaire pour l’intérêt supérieur de la nation ?

 

Une autoanalyse menée objectivement par chaque intellectuel centrafricain lui permettra d’évaluer ses forces et ses faiblesses et l’emmènera à reconnaître sans fausse pudeur ses vertus et ses grandeurs et de confesser avec sévérité envers lui-même ses défaillances et ses défauts. Il pourra à la lumière de cet exercice s’impliquer honnêtement et sincèrement dans l’exaltant travail de la reconstruction nationale qui ne peut être que bénéfique pour tous les centrafricains y compris lui-même. Ayant en l’esprit la tendance naturelle des facteurs intrinsèques et extrinsèques caractéristiques de chacun des centrafricaines et centrafricains ainsi que les défaillances fondamentales de l’Etat qui ont viciées quarante-cinq (45) années d’indépendance, il est nécessairement temps de développer une nouvelle vision des rapports intercommunautaires, une nouvelle vision des rapports humains et enfin une nouvelle vision des facteurs de développement national. Car comme je l’avais déjà dit : “ Lorsque l’avenir d’un pays, son orientation politique, économique, sociale et culturelle sont en jeu, aucun sexe, aucun âge, aucune religion, aucune ethnie, aucune organisation sociale ni aucune condition ne sont exclus pour relever le défit.

 

Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence que l’exploitation et l’utilisation de toutes les richesses nationales seront une entreprise lente, pénible, désespérante tant qu’aucun effort soutenu et désintéressé issu des élites engagées et véritablement nationalistes ne voit le jour au pays. C’est ainsi que le premier pas pour la Renaissance Centrafricaine est l’apport de tous les intellectuels nationaux (une partie des richesses humaines du pays) dans la définition d’un nouveau cadre de vie et de développement d’une nouvelle orientation économique, sociale et culturelle. Cette démarche est un véritable atout pour le devenir de notre pays si l’on prend l’exemple du Bénin (Bénin perspectives 2025) et de la Gambie (Gambia Vision 2020) dont les intellectuels ont su transcender tous les clivages pour s’atteler à l’essentiel qui est l’engagement de chaque intellectuel Béninois ou Gambien pour le développement de sa nation. Par ailleurs, en considérant l’exemple original, celui du Québec dénommé la Révolution tranquille qui a permis en 25 ans à cette province du Canada de rattraper les grandes nations industrialisées, je ne peux que conclure que “les esprits vraiment réalistes ne sont pas ceux qui jouent toute leur vie sur la gageure terre à terre de la médiocrité, mais ceux à qui l’histoire a enseigné la leçon qu’à toutes les époques l’utopie du jour a été la réalité du lendemain.”

 

La Renaissance Centrafricaine ne pourra s’affirmer et contribuer de manière dynamique à la reconstruction nationale que par l’engagement effectif de tous les intellectuels patriotes et engagés.

 

Narcisse Komas, Bangui, Centrafrique  (06 mai 2005 - Actualité centrafrique de sangonet)