LA RENAISSANCE CENTRAFRICAINE DANS LE CONTEXTE DU RENOUVEAU DEMOCRATIQUE NATIONAL
Les échéances à venir revêtent une importance capitale pour la Renaissance centrafricaine. Cette Renaissance qui aurait, en principe, dû prendre sa source dès le 15 mars 2003 a été purement et simplement gâchée par le manque de sérieux et de rigueur, le non-discernement des priorités, l’absence de mise en œuvre d’une certaine politique théorique et enfin par l’impunité qui ont caractérisé la transition consensuelle. Ma problématique ne se situera pas au niveau de la personnalité des hommes qui briguent la magistrature suprême de l’Etat, elle consiste plutôt à jeter un regard de manière objective sur la situation nationale telle qu’elle se présente à l’aube des échéances nationales primordiales.
L’état des lieux de la transition consensuelle penche fortement vers la négativité. Il ne s’agit pas d’accepter béatement les campagnes officielles, à travers les médias de l’Etat, transformant pour ‘les besoins de la cause’ un bilan globalement négatif en un bilan globalement positif, ni de tomber dans le négativisme chronique. L’honnêteté intellectuelle permet de reconnaître qu’un effort substantiel a été entrepris dans certains domaines, en particulier la sécurité. Malheureusement cet effort est totalement anéanti par les actes anti-citoyens et antinationaux dus à certains éléments de l’armée et de l’ex-rébellion. A travers leur comportement pervers, violent, exécrable et méprisant du citoyen, ces éléments ont transformé l’acte salutaire national du 15 mars 2003 en un calvaire pour le Centrafricain. Parce que détenant les armes dont ils font usage impunément à tout moment, ils utilisent ce moyen de force et de défense nationale contre la population civile affaiblie par la faim, l’ignorance de ses droits, l’absence de la légalité, le mépris de l’individu et par la corruption publique. Ainsi, le citoyen est spolié, humilié et assassiné par ses propres défenseurs. Ces derniers se croient tout permis car bénéficiant, semble-t-il, de la protection occulte des autorités supérieures de la Nation.
Les Centrafricains ont, pendant toute la période de transition consensuelle, vécu les errements d’une politique incohérente. L’exécutif n’a pas su canaliser à bon escient la disponibilité de la population pour un changement par des mesures salutaires et radicales pour la sauvegarde de la nation sur le plan de la sécurité, économique, éducatif, sanitaire, culturel, etc. Ces mesures auraient permis de consolider, sur l’ensemble du territoire, l’esprit qui a guidé l’engagement des patriotes (société civile, partis politiques, organisations des jeunes, des femmes, les militaires, etc.) du 7 décembre 2002 ayant abouti à l’événement du 15 mars 2003. Le témoignage concret est la répétition de l’absence d’Etat de droit qui caractérise le pays depuis l’indépendance, à savoir la victoire permanente des forts sur les faibles, la priorité de la hiérarchie sur le talent, l’absence flagrant du respect des droits de l’homme, l’interdiction plus ou moins de la critique objective, la priorité de la politique sur l’économie et enfin l’édification de la corruption en une institution fondamentale qui régit le bon fonctionnement de l’autorité politique. Ainsi, l’évidence largement rapportée que la corruption est une absence de droit est un axiome pour notre pays. La boucle se referme lorsque l’on sait que la loi en Centrafrique n’est pas une règle qui s’impose à tous de manière neutre et équitable car les relations avec le pouvoir sont toujours personnalisées. La traduction dans la pratique quotidienne est la répartition personnalisée des postes les plus favorables à l’enrichissement illicite et à la mise en place des pratiques frauduleuses pour s’assurer de la servitude aussi bien au niveau des fonctionnaires de l’Etat que des dirigeants des sociétés paraétatiques.
Nous sommes en train de vivre des cas concrets dans les préparatifs des échéances importantes pour le pays. Le bras de fer qui oppose les différentes institutions de la transition entre-elles nous permet de voir que certaines de ces Institutions sont purement et simplement incompétentes ou bien totalement à la solde de l’exécutif de transition. Le CNT paraît plus indépendant et plus régulier dans ses prises de position (même s’il apparaît, à certain moment, politicien sur certains dossiers) par rapport à la CCT, à la CEMI et à l’exécutif de transition. Il est probable, au vu et su des réalités du terrain, que deux poids, deux mesures ont plus guidé les décisions des membres de la CCT pour les présidentielles ainsi que ceux de la CEMI pour les législatifs que l’équité, la justice et l’impartialité.
La finalité de la transition, qui va durer au moins 22 mois, aurait du être la mise en place d’une politique nationale permettant l’éradication de ces tares. Elle aurait pu se traduire par l’instauration d’une véritable politique nationale plaçant le citoyen centrafricain au centre de toutes les décisions politiques et économiques en considérant l’intérêt national à la place d’une ambition personnelle. Cette démarche aurait consacré l’esprit du renouveau, du développement socio-économique, de la démocratie et du respect des droits fondamentaux de l’homme. Le constat est clair : l’intérêt individuel, la tromperie, l’enrichissement sur le dos du peuple, l’esprit de gabegie, l’impunité et la démagogie continuent à être à l’honneur dans la conduite des affaires de l’Etat et du pays. Cette situation constitue un lourd handicap pour la relance économique et politique du pays dans la paix et la concorde nationale. Car les capitaux ainsi que les investisseurs privés nationaux et internationaux continuerons à fuir le pays tant que les Centrafricains eux-mêmes auront peur de leur propre Etat, peur de sa violence politique potentielle et de ses violations du droit dans tous les domaines. Ceci est d’autant vrai que l’argent a une tendance naturelle à quitter les pays mal gérés, en proie à des troubles sociaux pour se mettre à l’abri des folies meurtrières des hommes.
Finalement que faut-il pour une Renaissance centrafricaine effective, pragmatique, réaliste et réalisable quel que soit l’homme qui sortira vainqueur des consultations de février-mars 2005 ? Les citoyens attendent des réponses claires à cette question qui interpelle avec force les candidats aux différents scrutins (présidentielles et législatives.) Il est temps que la rigueur s’impose à tous les Centrafricains par esprit d’équité, de justice et de tolérance : la recherche d’intérêt individuel est à bannir ; il est urgent de mettre fin à la démagogie ; pour le salut de la nation, il faut mettre fin de manière exemplaire à l’impunité ; place plutôt à la légalité, au respect des droits fondamentaux de l’homme, au respect de la parole donnée et des documents paraphés pour une bonne gouvernance et une meilleure conduite des affaires de l’Etat centrafricain.
Un autre rendez-vous pour la Renaissance centrafricaine vient d’être sacrifié au profil des ambitions personnelles et des intérêts particuliers. Il appartient aux Centrafricains d’être très vigilants dans les jours et semaines à venir pour éviter de tomber dans les pièges des manœuvres politiciennes et électoralistes des différents candidats aux présidentielles et aux législatives. Aucun des candidats à ce jour ne nous a démontré la faisabilité de son programme (profession de foi ?) qui n’est souvent qu’un assemblage d’idées hétéroclites manquant de réalisme.
Narcisse Komas, Animateur Kodro.
(12 janvier 2005 - Regards - sangonet)