Depuis la
déclaration de guerre du Lieutenant Djadder-Bédaya à l’endroit du régime de
Bozizé et l’annonce simultanée de la naissance d’un n ième parti, nous nous attendions à une
réaction formelle de la part du gouvernement de Bozizé ou de l’Assemblée
Nationale, ou encore à des prises de position des représentants des principaux
partis politiques en Centrafrique.
Et nous n’avons pas été surpris par le silence qui avait, depuis, suivi
ladite déclaration. A propos, nous
pourrions rappeler aux hommes politiques et aux militaires qu’il ne sert
absolument à rien de faire l’autruche, qu’un silence accommodant de la part de
chacun n’a aucun relent de démocratie, et, qu’un silence complice ou pas ne paie
jamais dans la gestion des grandes affaires d’un pays. Enfin, les raisons pour
ce silence pourraient paraître de plusieurs ordres dont nous citerons quelques
uns seulement.
Dans le
contexte centrafricain, l’on pourrait avancer que la première raison de ce
silence serait la peur. La peur de
représailles de celui ou du groupe dont on désapprouverait les actions. Ce serait la peur de toutes les formes
de violence, à savoir agressions verbales, coups et blessures, assassinats ou
destructions de biens. Et depuis
plusieurs années, nous avons observé en Centrafrique que le commun des citoyens
ne pouvait plus compter sur la justice centrafricaine pour le protéger, pour
protéger sa famille et pour protéger ses biens. Les politiciens et surtout les autorités
militaires avaient apporté la confusion dans l’esprit du citoyen en oubliant les
obligations professionnelles et les devoirs civiques qu’ils avaient vis à vis de
leurs concitoyens. Le droit, la
justice, l’honneur, le civisme, le respect, la civilité, la décence avaient
semblé être des concepts importés qui n’avaient pas droit de cité dans la
société centrafricaine. L’exemple
des derniers évènements du quartier Fouh avait démontré que les soldats de
l’armée nationale centrafricaine pouvaient devenir, eux-mêmes, les agresseurs
avec la bénédiction de leur hiérarchie militaire. Des soldats pouvaient être commandités
et avaient été capables de tuer de sang froid, non pour des raisons d’état, mais
pour satisfaire des querelles personnelles, allant ainsi à l’encontre d’un des
principes élémentaires, dévolus à l’armée nationale, entre autres de protection
de la vie de chaque citoyen et de ses biens. L’ironie avait été que plusieurs
victimes de ces agressions avaient été des officiers supérieurs de cette même
armée centrafricaine. Aujourd’hui,
le citoyen a peur dans ce pays que chacun s’acharne, contre nature, à appeler
une démocratie. Le peuple n’ose
même plus avoir confiance en son armée que l’on qualifierait de nationale, parce
que la justice qui devait résulter d’un système véritablement démocratique bien
rôdé, était moralement corrompue et était devenue, contre son gré, complice de
nombreux hommes politiques et militaires aux moeurs crapuleux. Mais enfin, si chaque citoyen ne peut
plus compter sur une forme équitable de cette justice, sur une administration
civile impartiale, sur une autorité militaire responsable, et, sur les soldats
de son armée nationale pour le protéger alors, les députés de l’Assemblée
Nationale devraient voter une loi plus sévère pour radier sans délai de l’armée
nationale ces soldats qui jouent aux cowboys et les passer en urgence devant une
cour martiale pour qu’ils répondent de leurs crimes. Autrement, cette Assemblée Nationale
devrait voter une loi qui permettrait à chaque citoyen le port d’arme à feu pour
se défendre, défendre sa famille et ses biens. Si chaque citoyen était également armé,
peut-être que ces soldats et autres réfléchiraient plus d’une fois avant de
jouer aux pistoleros. Voici ici
l’exemple d’un sujet de débats pour les honorables députés de l’Assemblée
Nationale dans une Centrafrique qui serait en passe de devenir un véritable
Far-West. Les députés, le
gouvernement, la société civile et chaque citoyen du pays devraient en urgence
penser aux voies et moyens qui rétabliraient une justice équitable et sans peur,
puis la véritable autorité de l’état, afin que tous les enfants du pays sans
exception ne vivent plus dans la peur et participent pleinement à la vie économique de ce
beau pays qui est en train d’être mis à feu et à sang par ceux-là qui ont la
conviction d’être au dessus des lois.
La seconde
raison du silence, selon nous, serait le manque de discernement entre ce qui est
juste et ce qui ne l’est pas, entre le bien et le mal, et, l’absence de courage
pour dénoncer haut et fort les injustices et défier des idéologies dangereuses
ou incohérentes qui mettraient en danger le futur des générations à venir. Chaque citoyen devrait être capable de
dire “m…, voilà ce que je pense”, lorsqu’un acte posé représente un danger pour
un concitoyen ou pour le pays.
Dans ce contexte, les médias nationaux pourraient devenir réellement
utiles à la démocratie et ouvrir librement la voie à l’expression publique de la
frustration et de la colère des citoyens.
Mais non, certains politiciens opportunistes avaient plutôt voulu museler
les médias en refusant la révélation et la diffusion de ces sentiments ou
d’autres points de vue qui seraient non-conforme à la politique du gouvernement
en place. Chaque citoyen devrait
avoir le courage de défendre ses intérêts, de défendre réciproquement les
intérêts légitimes de son voisin, enfin, de défendre les intérêts suprêmes de
son pays. Ces intérêts étant bien
évidemment la paix, le pain, la famille, et la société et le futur du pays et
des enfants. Malheureusement, l’on
avait observé que lorsque le tort était en train d’être commis ou avait été
commis, tout le monde acclamait et portait en triomphe l’agresseur. Selon nous, lorsqu’un individu prend les
armes pour faire un coup d’état, mettant ainsi en mal la démocratie, la paix
sociale et le développement, le peuple centrafricain tout entier devrait
publiquement exprimer sa désapprobation et les raisons qui le soutiendraient,
quelque soit l’origine ethnique de leurs auteurs. Mais enfin, où seraient donc passées les
valeurs traditionnelles que Barthélémy Boganda avait fait graver dans les
armoiries du pays et qui lisaient “Zo Kwe Zo”? Est-ce que certains enfants du pays
avaient perdu toute leur humanité et la raison?
Bozizé et son
gouvernement avaient certainement crû, comme à leur habitude, qu’en faisant
semblant de n’avoir rien entendu et que sans trompette et sans tambour, les
échos de la déclaration de guerre de Djadder s’en iront et disparaîtront d’eux
mêmes dans le lointain; ils avaient
la ferme conviction qu’en ignorant ladite déclaration, tout l’effet qu’elle
avait voulu produire s’estomperait.
Mais cette stratégie de Bozizé serait-elle bonne? Le gouvernement de Bozizé avait toujours
démenti les rumeurs des attaques des zaraguinas ou pas, ou celles des frondes
dans le régions du Nord du pays, seulement pour les admettre à demi-mot plus
tard. Est-ce donc là les qualités
que le peuple attendait de leurs dirigeants? Est-ce que le fait d’ignorer les
réalités des frondes et les attaques des populations civiles dans le Nord
n’indiquerait pas l’incompétence du gouvernement à rassembler les informations
pertinentes, à les recouper, à tirer des conclusions plausibles sur ces
évènements, et, à communiquer la vérité au peuple? N’est-ce pas la responsabilité des
autorités politiques et du gouvernement en place d’informer régulièrement,
clairement et honnêtement la population centrafricaine de ce qui se trame dans
ce Nord et qui les inquiète?
N’est-ce pas l’autorité du gouvernement de prendre des mesures énergiques
pour défendre la population civile et mettre fin à cette prise en otage des
activités économiques des villages de la région? N’est-ce pas un devoir d’informer
publiquement et de laisser la population participer aux débats, puis d’apprécier
à son tour les conséquences probables ou pas? N’est-ce pas par ce moyen que le peuple
apprendrait à séparer le bon grain de l’ivraie, à exercer son jugement à propos
des évènements, puis à développer sa propre maturité politique? Sinon, où devrait-on aller tirer la
transparence dans la gestion des affaires publiques?
L’Assemblée
Nationale quant à elle, était supposée représenter le peuple; celle-ci est
cependant incapable de traduire et de dire tout haut ce que le peuple ressent à
la suite de ces attaques des villages et des postes administratifs. Elle ne presserait pas le gouvernement
pour que celui-ci soit plus rapide dans ses réactions, plus convaincant dans
l’envoi des troupes. La preuve
serait que les actions d’intervention du gouvernement ne sont pas répercutantes,
manquent de punch et de conviction, et, ne sont pas persuasives. Par conséquent, elles ne dissuaderaient
pas les agresseurs, ni n’arriveraient à protéger un peu plus efficacement les
populations civiles. Sinon, de quoi
donc cette Assemblée Nationale devrait s’occuper? Ou bien est-ce qu’après ces attaques des
villages, et des postes administratifs, l’Assemblée Nationale attendrait
d’offrir de nouvelles victimes innocentes à ces agresseurs de la paix et de la
démocratie? A quoi servirait donc
d’avoir une Assemblée Nationale dans cette démocratie, si celle-ci ne comprend
pas ce qui est en jeu, ne défend pas les aspirations et les intérêts de la
population qu’elle représente, et, si surtout elle reste apeurée et muette en
face de ces anomalies qui pourraient apporter d’autres coup d’état et mettre en
mal la véritable démocratie?
Les chefs de
partis et les membres des bureaux politiques, eux non plus n’avaient rien dit à
la suite de la déclaration de Djadder.
Avaient-ils ainsi accepté l’UFR dans leur rang? Aucun d’entre eux n’avait jusqu’ici émis
d’objection pour désavouer les projets d’opposition armée de Djadder. Même Patassé qui avait désapprouvé le
principe d’opposition armée et la méthode de coup de force pour renverser un
régime démocratiquement établi, n’avait jusqu’ici émis aucune objection. Cependant, il existerait bien entendu
une procédure administrative établie pour la reconnaissance publique d’un
nouveau parti politique, n’est-ce pas!
Qu’est-ce qui avait donc empêché Djadder d’emprunter le chemin légal que
d’autres avant lui avaient suivi pour le légalisation de l’UFR? Au lieu d’engager un conseiller
juridique ou un avocat pour rédiger les statuts de l’UFR, ses dirigeants avaient
dû conclure que ce faire aurait été beaucoup trop compliqué, et que faire usage
des armes serait plus expéditif et plus efficace.
Si Djadder ou
d’autres opposants politiques estiment que Bozizé, son gouvernement, et la
majorité qui soutiendrait la politique de Bozizé à l’Assemblée Nationale ne
mériteraient plus la confiance du peuple centrafricain ou que ceux-ci sont
incapables d’apporter les réponses aux attentes du peuple, nous supposons que
ceux qui avaient rédigé les textes de
Tout ce qui
précède serait un survol de certains problèmes que des centrafricains avaient
décidé de causer à leur démocratie et aux pays. Par le silence que chaque centrafricain
lui impose, cette démocratie serait en perpétuel danger. Peut-être que les partis politiques, ou
simplement chaque centrafricain devrait d’abord chercher à vraiment comprendre
ce que c’est que la démocratie. La
démocratie ne serait pas l’organisation d’une casse à la banque centrale; elle
ne serait pas une rapine; ce ne serait pas jouer “aux cowboys et aux indiens”;
la démocratie ne serait pas un processus de revendication quelconque par les
armes. La démocratie serait quelque
chose de plus noble; ce serait un ensemble de règles pour assurer une gestion
saine et efficace des affaires du pays dans la sérénité. Ces règles dicteraient aux citoyens
toutes les modalités pour mettre en commun les richesses, les biens, les
habiletés, les connaissances, afin de les partager équitablement pour le bonheur
de tous, puis de les transmettre aux futures générations. La démocratie est comme un oeuf qu’il
faudrait manipuler délicatement et couver avec beaucoup d’assurance, espérant
qu’il en sortira un poussin. Et
peut-être que ce poussin donnera un jour des oeufs, puis d’autres poussins qui,
deviendront des poules qui, à leur tour, donneront d’autres oeufs, etc. Cette
démocratie n’est donc pas seulement celle de Djadder, de Bozizé, de Patassé, de
Kolingba, de Makala, de Makabo et autres, mais également celle qu’hériteront
tous leurs descendants. Il
appartiendrait donc à chaque centrafricain de demeurer alerte et de veiller à
laisser en héritage une démocratie jouissant d’une bonne santé. La démocratie
serait aussi l’acceptation par tous les fils du pays du privilège délégué à
chacun d’avoir une objection, une opinion, un point de vue, et, de l’exprimer en
toute civilité, afin de contribuer à la construction d’une société
centrafricaine, solide et toujours plus dynamique.
Nous espérons
enfin que chaque enfant qui se réclamerait d’être centrafricain, réalisera très
tôt que
Jean-Didier
Gaïna
Regards et
points de vue - Centrafrique