CENTRAFRIQUE MON PAYS

(J’ai vu, j’ai entendu et je constate !) I

Par : Dr. Félix YANDIA

 

Pour une paix durable en Centrafrique nous devons prendre le mal par la racine, c’est- à dire chercher à comprendre pourquoi il n’y a eu ni de stabilité politique, ni de paix, durant ces vingt dernières années, avant de rechercher des voies et moyens d’une paix durable, pour un développement harmonieux, dans un Centrafrique juste et prospère en cette de mondialisation. Dans une vie, chaque homme dispose d’un temps de parole bien limité, mais aussi, d’un temps d’action. Nos hommes politiques ont épuisé leur temps de parole. Qu’ils passent à l’acte tout en écoutant le peuple qui jusque là n’a jamais parlé. 

Deux faits historiques, mondialement connus, peuvent nous aider à nous resituer. D’abord,  quand les barbares débarquèrent il y a 17 siècles dans l’Empire romain, c’étaient des migrants qui croyaient un jour rentrer chez eux. Mais en ce XXIème siècle leurs descendances sont encore là. En France par exemple, ils se font tous appeler des Gaulois, et aujourd’hui sont  fiers de l’être et nous traitent d’immigrés. Ensuite, rappelons-nous. Il y a seulement deux siècles encore, le commerce triangulaire (aujourd’hui mondialisation, selon moi) a généré des guerres tribales partout en Afrique. Mais, déjà, ce sont d’abord les dignitaires locaux, se contentant de pacotilles et d’alcool (du beaujolais impérial, interdit au peuple ?), qui chassaient et qui envoyaient leurs frères en esclavage, loin, loin en Amérique ; cent millions d’âmes paraît-il. Alors, alors, d’ici demain, on dira toujours que c’est la faute du blanc. Mais ça s’appelle la mondialisation. C’est d’abord quoi la mondialisation pour nous Centrafricains ? Je ne sais pas, ce n’est pas mon domaine de compétence.

En effet, depuis plus d’une vingtaine d’années, le nombre de Centrafricains réfugiés politiques va grandissant, au rythme des changements politiques dans leur pays. Les  réfugiés économiques (cadres et diplômés ne pouvant rentrer au bercail), désemparés, ne savent plus à quel saint se vouer. Pourtant, tous ces Centrafricains, et mêmes les Ex dignitaires, ne rêvent que d’une seule chose : rentrer un jour dans leur beau et cher pays pour y vivre en paix et en sécurité. Mais comment et à quels prix ? Pour les uns, sans être sûrs de redevenir « propriétaires des recettes publiques », pas question de s’hasarder pour un retour dans ce pourtant beau et riche pays. Pour d’autres laissés pour compte, il faut souffrir en paix quelque part, et ailleurs, et c’est une véritable désolation dans le désoeuvrement.

Ainsi, dans ce pays de 3,6 millions d’habitants, comptant plus de 50 partis politiques, pour autant de sous-préfectures, les appétits sont voraces.  Dans ce pays subdivisé en 16 préfectures, on compte autant de candidats aux élections présidentielles. Il est donc facile de voir la cruauté que cela engendre, mais aussi les risques encourus : une politique, sans foi ni loi et sans vergogne, destinée à prendre en otage des populations entières sur des bases essentiellement ethniques et régionalistes. Cette politique ethnique et régionaliste créée sur des bases purement égotistes, suscitant la peur et le rejet de l’autre. Cette dangereuse politique est entretenue par les dirigeants politiques, des intellectuels également véreux, au détriment d’une vraie politique nationale. Elle ne peut que conduire le pays dans l’abîme total.  Il ne nous reste qu’à voir Mbaïki, la fleur retournée à la brousse, Mobaye, Kembé, Paoua, Kaga-Bandoro, (…) avec leurs édifices publics (essentiellement coloniaux, rappelons-le) en ruines, pour comprendre que toute la population centrafricaine, du nord au sud, d’est en ouest, souffre et fait les frais de cette politique irresponsable. Tout n’est peut-être pas sombre heureusement. Bangui commence à redevenir la coquette, c’est bien et félicitations. C’est la preuve que nous pouvons bien mieux, mais avec des hommes honnêtes et compétents, chacun dans son domaine. Seuls les prédateurs et leur progéniture peuvent s’exiler, et vivre aussi longtemps que l’éternité, des fruits de leurs prédations et des aides plus ou moins conséquentes du H.C.R. Il nous reste aussi à voir que, sur ces quinze dernières années, plus de quarante (40) mois de salaire (soit quatre ans !) demeurent impayés à ce jour. Et ce n’est pas fini.

Nous sommes donc en face d’une classe politique engendrée par un même système, un même type de régime, qui se bat aveuglément dans le seul et unique but de se rapprocher de nouveau des caisses du trésor public, privatisable à merci et sans vergogne. Plus de vingt ans d’instabilité et gestion (libre à chacun de la qualifier) ont profondément liquéfié le pays. Les principaux acteurs de cette scène politique sont encore et toujours là, cherchant à briguer la magistrature suprême. Cette présence traduit sans équivoque la gravité de la situation, et donc des préoccupations légitimes que nous pouvons avoir.

Pour ne citer que les faits historiques que nous connaissons tous, tels que la confiscation et l’utilisation des salaires comme armes de dissuasion contre la masse populaire, car « ventre affamé n’a point d’oreilles », ou encore les rapatriements manu militari ainsi que les sévices moraux et corporels sur les opposants, ou encore les villages incendiés, les exécutions extrajudiciaires sommaires (politiques), les coups d’Etats à répétition, les mutineries militaires, les rebellions (….), tous aussi destructeurs et meurtriers les uns que les autres en témoignent.

Nous sommes aujourd’hui à la veille d’une campagne électorale, et surtout présidentielle. Plus grave, il n’y a en fin de compte qu’un seul profil de Candidat : anciens dignitaires (qui cherchent à reconstituer leurs richesses simplement rétrécies). Parmi eux, que ceux qui ont encore les mains propres lèvent le doigt ! Encore plus haut, vers le ciel !

Ex Présidents, actuel Président, futur ex Président (cf. un encadré du Canard Enchaîné au lendemain du 15 mars ironisant : « Coup d’état en Centrafrique, un autre président à renverser »), Vice Président et bientôt ex-Vice Président, ex Ministres ou encore ex Ministres devenus ex Présidents et tous les anciens ministres des différents régimes (il est vrai que c’est difficile de s’y retrouver et j’ai perdu le verbe). Malgré tout, il apparaît que tous ces anciens ou anciens-anciens, premiers ou pas, possèdent la même moralité et recherchent le même but, se venger tout en brimant la population.

 

*En cette période de vaches, pour ne pas dire de Centrafricains, maigres, d’où sort l’argent pour les  campagnes électorales destiné à acheter les voix, et les cautions de 15 millions, puis 10 millions et enfin 5 millions de francs (ce n’est pas la peine de préciser, il n’y a plus de FF) ?

*Pourquoi, bourreaux et victimes, galonnés d’hier, aujourd’hui concurrents, se tendent-ils la main ? Sont-ils vraiment sincères, ou doit-on craindre la grosse artillerie d’autant plus le bourreau nous dit, «si ce n’est pas moi, il n’y aura pas la paix  dans ce pays». La victime nous répond : « Kwa na Kwa, ou la mort rien que la mort».

* Comment expliquer qu’un Président détourne 70 milliards, alors que les arriérés de salaires cumulés n’atteignent que 24 milliards ? Si c’est vrai, son successeur espère-t-il en faire autant et en combien de temps ? Compatriotes, faut-il encore attendre le retour et dans combien de temps de Monsieur Avenir pour qu’il puisse nous le dire ?

*Comment expliquer que c’est toujours avec la complicité des civils que les coups d’Etats finissent par installer durablement les militaires au pouvoir ? 14 ans de Bokassa, 12 ans de Kolingba et combien pour Bozizé ? Taisons-nous et mangeons, Messieurs les Ex quelque chose. Comme d’habitude, seules les interventions extérieures finissent par les faire partir (Opérations Barracudas, Murs de Berlin avec les exigences de la démocratisation imposées par François Mitterrand).

*Comment comprendre la dispersion des alliés d’hier, hommes politiques et militaires unis pour renverser un Président (d’où qu’il viennent) pourtant démocratiquement élu et dont le mandat arrivait à terme. Avaient-ils un programme commun, ou celui du PUN ou du FPP ou encore celui du FODEM… pour une gestion collégiale ? Quel était le programme de Bozizé ? Le seul combat politique est-il celui de faire partir à tout prix le locataire du Palais de la Renaissance, quel qu’il soit ? L’homme qui sera élu en 2005, quel qu’il soit, sera-t-il respecté reconnu ? Et l’opposition une opposition constructive, qui propose et pas seulement contribuer à noircir (sans rire) et à mettre les bâtons dans les roues dans ce contexte politique et économique désolant ?

Evidemment, personne n’est responsable, nous dira-t-on. Pendant ce temps, j’ai vu, et peut-être revu dans le désordre total. Mais, dans tout ce que j’ai vu et peut-être revu (mais pas tout cité par respect à mon pays.

J’ai vu qu’ils ont vu que ce que j’ai vu, le peuple a vu. J’ai vu, et le peuple aussi a vu un pays béni où vivent des hommes maudits. J’ai vu des Ex marchander la Paix. J’ai vu que le peuple a vu qu’ils reviennent sans la paix avec les mêmes chansons et les mêmes gbogborôh et leurs canons rouillés. J’ai vu, récemment, des pauvres paysans de Ouadda-Djallé labourer leur champ avec du bois durci au feu ou des os taillés. J’ai vu des hommes aller et revenir à pied de Bria, pour en rapporter tout simplement une lame de fer. A Mobaye, j’ai vu un commissaire de police faire fièrement usage d’un jouet de bébé comme d’une sonnette pour appeler un subalterne. A Bangui, j’ai vu des policiers matraquer les ramasseurs de kinda gozo (sauterelles, que la nature nous donne), pendant que les journalistes les interviewaient et les faisaient danser. J’ai vu un pays où les tous Ex font un constat global d’échec sur les 20 dernières années. J’ai vu qu’ils ont vu, que ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait. J’ai vu devant le siège d’un parti politique, un enfant avec son pousse-pousse, être poursuivi et traqué, parce qu’il a failli se faire tuer par un cortège présidentiel. J’ai vu un dignitaire me dire « tu n’as pas compris ». J’ai vu, et le peuple aussi a vu, des taxi mens s’acquitter de leurs impôts. J’ai vu des rues et des avenues défoncées. J’ai vu des policiers racketter.  J’ai vu des Ex trop parler de paix, et organisant trimestriellement des mutineries. Aussi, j’ai vu E lé songo avec des armes. J’ai vu qu’il a vu que j’ai compris. J’ai vu tous ces Ex nous parler d’avenir, et ne pas présenter un bilan. J’ai vu, pendant les campagnes électorales, les paysans me dire, « c’est le seul moment pour manger, c’est la démocratie, tout le monde peut venir ». J’ai vu qu’ils ont vu que je rêve pour un beau pays qu’ils se sentent incapable de réaliser. J’ai vu, et le peuple aussi, des gens, le colt bien en vue, interrompre un pasteur, dans son prêche dominical pour répondre à l’appel téléphonique de l’autorité. J’ai vu un Président traumatisé et devenu parano, à la suite des mutineries et des coups d’Etats trimestriels. J’ai vu, dans un aéroport parisien, un Président en larmes. J’ai vu, dans un aéroport parisien, un Ministre incapable de savoir de quel poste ministériel il était le titulaire. Alors, alors… Dans mon pays, j’ai vu des intellos radoter.

Aussi, j’ai vu que les anciens Présidents, l’actuel Président, les futurs Présidents, ont compris, tout le monde a vu qu’ils ne nous diront pas la vérité sur le fond de leurs pensées, et les vraies raisons pour lesquelles ils veulent devenir Président. J’ai vu, dans les veillées mortuaires des proches du Président, des intellos et des Ministres ou ex Ministres se battre pour être en vue, en distribuant le café à la peuplade (pour une fois qu’ils piquent la place de leurs servants) et aux gens réellement éprouvés. J’ai vu qu’ils ont vu, que si nous avons compris, ils sont perdus. J’ai vu, et le peuple aussi a vu, un pays où coulent le lait et le miel dans certaines gorges. J’ai vu un candidat annuler une réunion, parce que, au dernier moment paraît-il, un cabri affamé, a dévoré son discours essentiellement sur papier. J’ai vu, des enfants tués par des balles appelées perdues. J’ai vu la chaise d’un ami, qui venait de se lever, traversée par une balle, toujours appelée perdue. J’ai vu des Présidents prédisant la famine et la mort. J’ai vu des gens affamés et des morts, par balles ou par manque de moyens. J’ai vu dans un pays, un pays de la débrouille. J’ai vu certains dignitaires se dire « le petit il a raison ». J’ai vu, qu’ils ont vu, que… je vous demande de compléter la liste. J’ai vu qu’ils ont compris et qu’ils nous observent, alors et alors, complétez-la pour en rigoler.

Dans ce pays, j’ai vu des gens créer des Partis politiques, juste pour marchander des postes ministériels. J’ai vu des pasteurs et des diacres, un revolver dans une main et la bible dans l’autre. J’ai vu un Ministre dévorer un poulet braisé entier, avec un long pain bien beurré et un service de café, au petit déjeuner, pendant ce temps, les parents venus le solliciter  attendre au portail. J’ai vu des gens détourner des barils de pétrole alors que le pays en manquait. J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu que les hommes capables se taisent. J’ai v, un pays où tout est de la faute du Président. J’ai vu des anciens syndicaux se convertir et tout cela pour la mangeoire. J’ai vu un Président appeler une population déjà affamée à baisser la tête, à se soumettre au jeune et à continuer de prier. J’ai vu un Ministre détourner le regard, et la tête avec, pour me faire croire qu’il ne m’a pas vu. J’ai vu des Ministres dire «  c’est grâce à mon cerveau que je se suis "parvenu" », et c’est la vérité. J’ai vu un pays ne pas accueillir les enfants de son fondateur et même pas la veuve. J’ai des intellos baisser la culotte. J’ai vu dans ce pays, un Ex Empereur, bible dans la main se couronner apôtre pour la Paix. J’ai vu un pays où meurent tous les jeunes et un pays où seuls les hommes politiques vivent vieux. J’ai vu un pays où les dignitaires se plaignent plus tous les autres. J’ai vu qu’il a vu que j’ai vu et que j’en souriais, tout-en m’en foutant. J’ai vu des innocents en garde à vue et des voleurs en liberté. J’ai vu un ex Ministre me faire l’accolade bien appuyée et très sonore, comme si j’étais un sourd et non voyant. J’ai vu qu’ils ne veulent pas que ce secret de famille soit connu ! Alors, alors je veux qu’on change. Je radote, je sais, mais n’y a-t-il pas de quoi radoter ?

Dans ce pays, j’ai vu des candidats dénoncer la prédation, la gabegie, le clientélisme, et tous ces maux qui font mal. J’ai vu, dans ce pays, qu’on ne combat ni même ne dénonce ces maux. J’ai vu, un autre ex, et même un ex-ex, m’aborder dans la rue, pour me parler de ses problèmes. J’ai vu un ex ministre attendre un bus, transport en commun, à des heures de pointe ! J’ai vu la peuplade lui rappeler sa belle époque ! Dans ce pays, j’ai vu des candidats parler de Paix. J’ai vu des dignitaires me dire : parlant ainsi, tu ne vas pas "manger" dans ce pays ! J’ai vu qu’il a vu que j’étais désolé. J’ai vu des procès politiques en fin de règne, mais pas des procès de dignitaires en pleine gloire, au moment des faits. J’ai vu, dans ces pouvoirs, de l’impunité, des règlements de comptes, entre nouveaux dignitaires et déchus. J’ai vu, toujours, les mêmes« moudjou vouko, na bé ti lo koééééé ». J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu leur catalogue programme. J’ai vu qu’ils ont vu que le peuple a vu l’état des routes, des écoles, des hôpitaux, de l’agriculture et j’en passe. J’ai vu que le peuple a vu tout ce qu’ils proposent de réaliser en cinq ans sans lui dire où trouver l’argent. J’ai vu des candidats proposer des machines à sous. J’ai vu des dignitaires monter quatre à quatre les marches de l’assemblée, la dépouille d’une femme de Président sur l’épaule. J’ai vue des dignitaires ne pas inviter ni la veuve, ni les orphelins d’un Président fondateur. J’ai vu des promotions dans la haute classe politique pour garantir une protection mutuelle. J’ai vu des ministres avec leur chien méchant. J’ai vu des dignitaires envoyer leurs enfants faire des études à l’étranger. J’ai vu des dignitaires détruire nos écoles. J’ai v, des Ministres avec leurs portails sévèrement gardés. J’ai vu un ministre répondre à un ancien collègue quémandeur, que son chien n’avait pas encore mangé.

Mais aussi, et encore, j’ai vu un Président entouré d’une bande d’escrocs. J’ai vu un président parcourant le monde pour vendre du diamant. J’ai vu une femme se gaver dans la marmite d’un ministre en fuite. J’ai vu des candidats braver les intempéries et les routes chaotiques en plus des zaraguina (coupeurs de routes) pour se rendre dans des contrées encore habitées par des hommes, parler aux cabris malheureusement en pèlerinage ou décampés au Tchad. J’ai vu, et en France, chez un consul, toute une cantine remplie de 10.000 Fcfa. J’ai vu que le peuple en a vu de toutes les couleurs. J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu. J’ai vu qu’ils ont vu que j’ai vu que 60 mois (combien d’années ça ?) de bourse de nos enfants à l’étranger ne sont pas payés. J’ai vu qu’ils se font appeler « Excellence », et dans quels domaines.  J’ai vu, à Bosemptélé, des camions de militaires recharger et transporter les marchandises des Libanais, pour contourner la douane. J’ai vu un Centrafricain détenir le record mondial de longévité politique. J’ai vu l’espérance de vie d’un centramachin cadavérique. J’ai vu des militaires faire la guerre dans leur propre pays. J’ai vu que le peuple va continuer de voir, et d’en voir. J’ai vu qu’ils ont vu que nous voulons un président Honnête et Sérieux. J’ai vu que ces Présidents ont vu que j’écris Président avec un grand P, sans un pet et dans la paix. J’ai vu des pêcheurs pécher dans la diplomatie et comme ambassadeurs. J’ai vu des gens, bien gros et bien gras, se tenir orgueilleusement et sans la honte ni pitié, devant des gens maigres et affamés, pour faire campagne. J’ai vu un Général prêcher la Paix sans péter, sans l’Unité.

Ce n’est pas fini, encore, j’ai vu des candidats en campagne reçus par des chiens habillés de tee-shirts à leur effigie. J’ai vu pousser des villas, ensuite détruites et pillées par la peuplade. J’ai vu des dignitaires fiers et pleins d’orgueil, puis les mêmes, déchus et anéantis, réduits à vivre dans la clandestinité ou même sans liberté. J’ai vu tout un gouvernement s’islamiser, et c’est la politique. J’ai vu à Paris un désoeuvré, voyant les chances de son candidat s’envoler, péter les plombs. J’ai vu des militaires appelés pour sauver le pays. J’ai vu des gens ordonnées rentrer dans ce désordre (et si Boganda voyait çà, quelle honte aurions nous ?). J’ai vu un Empereur déclarer que « la politique, ce n’est pas pour les enfants ».  J’ai vu un Président déclarer « comment peut-on faire dépecer par autrui le buffle qu’on vient de tuer soi-même ? ». J’ai vu, quelques mois plus tard, un Président déposé par un buffle mâle (koli gba en sango). J’ai vu des candidats détecter nos richesses en reniflant le sol. J’ai vu des civils acclamer des militaires après un coup d’Etat. J’ai vu des partis politiques composés des gens d’une même localité. J’ai vu des militaires s’éterniser au pourvoir. J’ai vu un président élu au suffrage universel remercier le Seigneur d’abord.

J’allais oublier, j’ai aussi vu un dignitaire me dire  « une bouche qui mange ne parle pas » ! J’ai vu que par simplement la longueur, si tous les Centrafricains qui ont vu écrivaient, ça ferait le tour du monde.  J’ai vu qu’ils ont peur de ça.  J’ai vu des Président nous dire que le pouvoir est un don de Dieu, pas des armes, et surtout, surtout, pas du peuple. J’ai vu nos mamans toutes nues danser devant la Présidence de la République. J’ai vu des opposants en prison se convertir. J’ai vu des Centrafricains tués parce qu’ils disaient la vérité ! J’ai vu les ruines de nos écoles, et les naissances des chapelles. J’ai vu un Président démocratiquement élu partir pour ne pas revenir. J’ai vu un Président chier, tout en sueur, j’ai compris que c’était un homme, mais a-t-il un cœur si c’en est vraiment un ? J’ai vu un Président bruyamment péter et des ministres l’acclamer. J’ai vu des Hommes s’enfuir, abandonnant femmes et enfants (a koli a kpé). J’ai vu l’Empereur partir pour ne pas revenir. J’ai vu un Empereur être inhumé, sans la dignité, et dans la mutinerie, donc dans la peur. J’ai vu un Président mourir à côté (Cameroun) de nous, dans la solitude, et la pauvreté ! J’ai vu tous les catalogues (type La Redoute) programmes, de chaque candidat refusant de voir et de parler d’unité et de la concorde nationale. J’ai vu des Centrafricains ne sachant comment aller enterrer leur mort (naturel ou par balles directes ou encore appelées perdues et surtout achetée avec l’argent de son impôt, direct ou indirect). J’ai vu dans ce pays tout le monde dire que c’est la faute des autres. J’ai vu qu’ils vont se dire « heureusement qu’il n’a pas tout vu ou qu’il n’a rien vu ». J’ai vu que ces dignitaires ont vu que tous nos hommes politiques ne sont pas des cupides rapaces (propos injustement reproché au journaliste Maka Gbokossoto si nos juges avaient pris la peine de regarder le dictionnaire).  J’ai déjà vu ces hommes vous dire « ne rêvez pas avec ce fou, et venez manger » ! Mais aussi, j’ai vu les Centrafricains voir ces choses et peut-être autres choses, de leurs propres yeux. Alors, alors, c’est à eux aussi de nous dire, « a fou sein, partout, partout ! » mais surtout par l’autocritique et par des omissions et des mensonges, car le peuple a tout vu !

 

Ainsi donc, constatons, considérons et dormons (car seule la nuit porte conseil).

- Constatant que plus personne ne peut se prévaloir de « mains propres» (dans les deux sens : des centrafricains et des étrangers),

- Constatant que les Centrafricains sont cyniquement abusés et désabusés, donc dépassés et résignés,

- Constatant que les deux Vices Présidents du dialogue national se portent candidats, et donc en rang dispersés (traduisant ainsi un manque de conviction dans les résolutions du dialogue national),

- Constatant que 25 partis, avec théoriquement leur programme et visions politiques sans convergence les uns avec les autre, soutiennent un candidat débarqué au pouvoir et théoriquement "bien placé",

- Constatant que tous les anciens ministres se mobilisent essentiellement pour l’homme le mieux placé, de manière à revenir au plus vite aux affaires et dans quels buts…..,

- Constatant que les rancunes restent tenaces entre nos dirigeants ex et ex, et entre exs et futurs ex,

- Constatant que le retour des anciens Présidents en première ligne cache mal le manque de crédibilité dans les partis politiques où on a la merde jusqu’au cou.

- Considérant que beaucoup ne peuvent que se servir des noms écrans d’anciens présidents pour récidiver,

- Constatant que la justice centrafricaine ne peut pas être indépendante du fait que les promotions dans la magistrature se font après marchandages et chantages aux magistrats,

- Considérant que la R.C.A n’est pas qu’un Rassemblement de Crapauds Abandonnés (propos attribués à tort ou raison à l’écrivain Léopold S. Senghor ou Rien dans la Caisse comme disent les Centrafricains),

- Considérant que tous nos hommes politiques ne sont pas des cupides rapaces,

- Considérant qu’il ne peut y avoir de paix durable sans concorde nationale,

- Considérant que la communauté internationale ne peut nous assister éternellement,

- Considérant que chaque Centrafricaine et chaque Centrafricain, de bonne foi, soucieuse et soucieux de l’avenir de son pays, (celles là et ceux là ne manquent pas) peut compléter ces considérations et constats non exhaustifs ici (….),

Décrète une auto critique et une réflexion constructive générales. 

 29 décembre 2004 [à suivre]

 Points de vue Centrafrique - sangonet