Croissance en Afrique selon le FMI et impacts des réciprocités économiques avec l'Europe

 


1- L'Afrique vit sa plus forte croissante depuis 30 ans, selon le FMI

PRETORIA (AFP), 05 novembre 2007 - L'Afrique sub-saharienne, à l'exception du Zimbabwe, traverse sa meilleure situation économique depuis une trentaine d'années, avec une croissance de 6% et une inflation de 7,5% en 2007 --, a souligné lundi le Fonds monétaire international (FMI).

"Les performances économiques récentes montre que l'Afrique sub-saharienne connaît sa plus forte croissance et sa plus faible inflation depuis plus de 30 ans", a déclaré Sean Nola, représentant du FMI en Afrique, lors d'une présentation à Pretoria.

"Les prévisions sont également bonnes pour 2008, avec la croissance du PIB qui devrait s'accélérer et une inflation toujours à la baisse", a-t-il ajouté. "La région semble bien placée pour soutenir ce rythme de croissance."

La croissance des 44 pays de la région devait être de 6% en 2007 et plus de 6,5% en 2008, un taux tiré par les pays exportateurs de pétrole comme le Nigeria et l'Angola.

"L'expansion économique est plus forte pour les exportateurs de pays, mais elle se retrouve dans tous les groupes de pays", a souligné M. Nola.

"Sur le front extérieur, elle reflète la forte demande de matières premières, l'arrivée de davantage de capitaux et l'allègement de la dette", a-t-il poursuivi.

"Sur le plan interne, des progrès continus dans la stabilisation des économies et la mise en place de réformes dans la plupart des pays ont aidé à soutenir les investissements et la productivité".

L'inflation devrait s'établir à 7,5% d'ici la fin de l'année "avec un chiffre à une unité dans 32 des 44 pays". En 2008, le taux devrait perdre un point supplémentaire.

Pour éviter des chiffres biaisés, les calculs excluent le Zimbabwe, où l'inflation bat des records mondiaux à près de 8.000% et où la production s'est effondrée.

"Il reste du rattrapage à faire, a cependant noté le directeur adjoint chargé des recherches du FMI, Charles Collyns. C'est mieux que le Proche-Orient et l'Amérique latine, mais il y a du potentiel pour faire beaucoup mieux."

 

 

2 - Afrique : les impacts économiques de la réciprocité commerciale avec l'Europe

LE MONDE ECONOMIE- Article paru dans l'édition du 06.11.07

Le temps presse. Le 31 décembre, le glas aura sonné pour les accords dits de Cotonou qui donnent à 78 pays d'Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP) un accès commercial privilégié aux marchés des 27 Etats membres de l'Union européenne (UE). Pour leur succéder, et se mettre aussi en conformité avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui exige la réciprocité, l'UE négocie avec les pays ACP divisés en six zones régionales des accords de partenariat économique (APE) qui suscitent de fortes inquiétudes puisqu'ils obligeront ces pays à démanteler la plupart de leurs barrières douanières vis-à-vis de l'Europe. Selon Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, les APE fonderont une nouvelle relation entre l'UE et les pays ACP, basée sur la compétitivité économique arguant qu'en dépit de trente ans de protections douanières, les exportations africaines n'ont pas décollé et restent concentrées sur un nombre restreint de produits de base. Mais abaisser ces protections ne va-t-il pas aggraver le mal ? Confrontée à une vague de protestations, la Commission européenne a indiqué qu'elle se contentera, d'ici à la fin de l'année, de signer des accords intérimaires sur les échanges de produits avec les seules régions susceptibles d'être prêtes à temps, comme les Caraïbes. Ce n'est donc que courant 2008 que d'autres aspects du "partenariat" seront abordés, comme les services et les investissements. Cette tactique, cependant, ne règle en rien les points de désaccord les plus délicats. Les blocages persistent avec deux des régions les plus importantes pour le Vieux Continent : l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique australe.

 

HANDICAPS STRUCTURELS

Accepter la mise en place des APE expose en effet à des déconvenues. Selon les travaux de Matthias Busse, chercheur à l'Institut de recherche économique de Hambourg (HWWA), 15 % des recettes des pays de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) proviennent des droits de douane. Lever les protections vis-à-vis de l'Europe leur ferait perdre de 5 % à 10 % de leurs rentrées budgétaires totales, une proportion pouvant dépasser 20 % pour la Gambie et le Cap-Vert ! Cette perte de ressources risque de menacer des dépenses prioritaires comme l'éducation et la santé. De plus, les producteurs locaux pourraient de souffrir de la concurrence des denrées européennes, les précédentes expériences de baisses de droits de douane en Afrique ayant mis à mal les productions locales notamment agricoles (lait, poulet, conserves de tomates...). Selon une étude du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), les exportations agricoles européennes vers les pays ACP pourraient augmenter de 35 % en cas d'accord. De leur côté, ces pays gagneraient peu par rapport à la situation actuelle - le marché est déjà ouvert à 97 %. L'impact de la baisse des tarifs douaniers sur les importations est certes censé améliorer la compétitivité de leurs économies en abaissant par exemple le coût des machines et des équipements. Mais ces pays souffrent de nombreux handicaps structurels. "La réalité de ces économies est tellement compliquée qu'il faut relativiser. L'hypothèse qu'elles puissent répondre à une demande croissante infinie de produits sur le marché européen n'est pas vraie. De même, la hausse attendue de leurs importations européennes est incertaine. L'accès aux devises est très difficile et contrôlé par les banques centrales", explique Cristina Mitaritonna, économiste au Cepii.

Mais faute d'accord, la Commission menace : "Ces pays seront soumis, à la place, à notre système généralisé de préférence", a indiqué M. Mandelson. Ce dispositif s'appliquerait aux Etats qui n'ont pas le statut de pays les moins avancés (PMA) -, et il impliquerait une hausse des tarifs douaniers sur leurs exportations vers l'Europe. La Commission européenne évalue ainsi que "plus de 1 milliard d'euros" d'exportations de l'Afrique de l'Ouest vers l'UE "serait perdu potentiellement" en raison de l'application d'un droit de douane moyen de 20 %. Pour l'Afrique centrale, 360 millions d'euros d'exportations de produits-clés - la banane, le thon, les crevettes ou l'aluminium - sont menacés. Cette situation accentuerait aussi la fragmentation entre les anciennes colonies européennes. Les quarante PMA bénéficieraient eux, faute d'accord, du régime "tout sauf les armes" (TSA), qui continuerait à leur garantir, en principe, un accès sans droit aux marchés européens (sauf pour les armes), ce qui ne les incite pas à signer les APE. Mais cette situation peut aussi changer "si des pays comme la Guinée équatoriale devaient un jour perdre leur statut de PMA à l'Organisation des Nations unies", a prévenu Bruxelles dans un document transmis le 19 octobre aux Etats d'Afrique centrale. "Pour bénéficier du régime TSA, il faut respecter des "règles d'origine" très strictes : prouver que la plupart des biens intermédiaires utilisés proviennent aussi du pays, ajoute Mme Mitaritonna. Ces règles sont très contraignantes, par exemple, sur le textile et la viande, et ajoutées aux normes phytosanitaires, elles rendent très compliquées les exportations en franchise de droits des pays très pauvres." Les pays ACP risquent donc de devoir choisir entre deux maux : signer les APE ou ne pas les signer.

Philippe Ricard (à Bruxelles) et Adrien de Tricornot

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