Darfour: l'opération militaire européenne au Tchad et en RCA lancée lundi à Luxembourg

 

Par Cécile Roux, PARIS, AP, 12 Octobre 2007

 Les ministres européens des Affaires étrangères doivent formellement prendre lundi la décision de lancer l'opération militaire européenne, qui doit être déployée à l'automne au Tchad et en République centrafricaine pour répondre aux conséquences régionales de la crise du Darfour et protéger les populations civiles.

Réunis à Luxembourg, les ministres doivent adopter le cadre juridique et financier de cette opération sous commandement irlandais, qui devrait comprendre environ 3.000 hommes, dont à peu près la moitié de Français, a-t-on expliqué vendredi de sources françaises.

L'objectif serait de mettre en place la force européenne à partir de début novembre, après la saison des pluies, avec une montée progressive avant la fin de l'année, dans l'est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine.

Au total, une dizaine d'Etats européens apporteraient leur contribution à l'opération, dont la France, l'Irlande (de l'ordre de 300 à 400 hommes), la Suède, la Pologne, et la Belgique. La Roumanie pourrait fournir des hélicoptères. Des discussions sont en cours avec l'Espagne notamment pour des moyens aériens.

L'opération est prévue pour un an, des rapports devant être établis au bout de six et douze mois, avec éventuellement, si nécessaire, une relève des Nations unies. On précisait de sources françaises qu'il était possible que l'opération européenne fasse appel à des moyens du dispositif Epervier au Tchad (environ 1.100 hommes) pour des prestations à son profit.

Le général irlandais Pat Nash commanderait cette opération, avec la mise à la disposition par la France, au niveau stratégique, de son QG (OHQ, Operational Headquarters) du Mont-Valérien. Le quartier général de la force sur le terrain, dont l'emplacement n'est pas encore décidé, se trouverait lui au Tchad.

Le 25 septembre, le conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1778 autorisant le déploiement de l'opération militaire européenne ainsi que d'une mission civile de police des Nations unies.

Le mandat donné aux Européens comprend la protection des civils en danger, en particulier des réfugiés et des déplacés, la facilitation de l'acheminement de l'aide humanitaire et la protection des personnels, locaux et installations des Nations unies. Placée sous le chapitre VII de la charte de l'ONU, l'opération européenne aura le droit de recourir à la force. Elle agira en coordination avec la force "hybride" Union africaine-ONU, composée de quelque 26.000 hommes, qui doit être déployée au Darfour, dans l'ouest du Soudan.

"En liaison avec la crise du Darfour, nous sommes face à une situation humanitaire tragique", rappelle-t-on de sources françaises, en faisant état de la présence au Tchad d'environ 250.000 réfugiés soudanais, sans compter 180.000 déplacés internes (contre 50.000 en décembre 2006).

Le conflit au Darfour a fait plus de 200.000 morts depuis 2003. L'ONU estime à environ 3 millions -dont 2,25 millions de Darfouriens- le nombre de personnes déplacées dans la région. AP

 


 

Crise nord-sud au Soudan avant des pourparlers sur le Darfour

KHARTOUM, AFP, 12 oct 2007 - Le partenariat de paix entre le nord et le sud du Soudan connaît sa crise la plus sérieuse depuis sa conclusion en 2005 alors qu'une stabilisation du Darfour reste tributaire du succès de négociations prévues le 27 octobre en Libye.

Le SPLM, le Mouvement de libération du peuple du Soudan, l'ex-rébellion dans le sud, a suspendu jeudi sa participation au gouvernement central, reprochant à son partenaire nordiste, le Parti du congrès national, d'agir dans un esprit de parti unique, ce qui complique, selon lui, l'application de l'accord de paix.

La réaction du Parti du congrès national (CNP), la grande formation du nord dirigée par le président Omar el-Béchir ne s'est pas fait attendre, traduisant la profonde crise de confiance entre les représentants du nord musulman et du sud animiste et chrétien.

"Le fond du problème est qu'il existe au sein du SPLM un groupe qui veut mettre fin à notre partenariat. Ce groupe pense qu'en s'alliant avec des parties étrangères, il peut liquider notre projet politique", a souligné Nafie Ali Nafie, numéro 2 du CNP, en allusion aux Etats-Unis.

Il s'est employé durant une conférence de presse tardive à réfuter point par point les arguments avancés par le SPLM pour justifier sa décision.

Les sujets qui fâchent ne manquent pas entre les deux formations: retard dans la démarcation de la frontière, conflit sur la zone d'Abiye riche en pétrole et revendiquée par les deux parties, le retrait inachevé des forces du nord de la zone sud et vice-versa.

"Pour chaque accusation du SPLM nous pouvons répliquer par dix", a assuré un autre dirigeant du CNP, Sayed al-Khatib, qui tout comme M. Nafie ont estimé que l'application de l'accord de paix globale (CPA) signé en janvier 2005 progressait bien.

Les deux dirigeants nordistes ont par ailleurs invité le SPLM de balayer devant sa porte à propos du déficit démocratique dans le nord évoqué jeudi par le responsable sudiste Yasser Armane.

Ils ont assuré que les violations des droits de l'Homme étaient nombreuses dans la zone sous contrôle du gouvernement semi-autonome du sud, ce qu'a reconnu en partie M. Armane, en évoquant des efforts pour y mettre fin.

Au delà de ces accusations mutuelles, ce sont deux visions contradictoires de ce que doit être le régime politique du Soudan qui se sont exprimées.

Les sudistes ont plaidé pour un régime démocratique qui ne sévit pas contre la presse, n'expulse pas de diplomates étrangers et n'arrête pas les opposants.

M. Nafie a en face décrié un complot sudiste contre le projet politique de sa formation qui reste imprégnée de son héritage islamiste et anti-occidental.

"C'est ça le fond du problème", a-t-il dit.

M. Armane a assuré que par sa décision, le SPLM n'entendait pas compliquer la tâche du gouvernement avant les négociations de Libye avec les mouvements rebelles du Darfour, considérées comme cruciales pour un retour au calme dans cette région de l'ouest du Soudan en guerre civile.

"Notre problème avec le nord et le Darfour sont deux choses distinctes et nous soutenons les efforts pour ramener la paix" au Darfour, selon lui.

Il a dit que le sud poussait des rebelles à unifier leurs positions avant le rendez-vous du 27 octobre en Libye. L'un de ces rebelles, Abdel Karim Jar al-Nabi, a indiqué vendredi par téléphone à l'AFP être arrivé à Juba dans le sud, avec d'autres commandants, pour des rencontres de coordination.

La crise, même si elle sérieuse, ne marque pas de rupture entre les deux parties. Les sudistes se disent prêts à dialoguer et à revenir au gouvernement une fois les problèmes résolus et les nordistes affirmant leur attachement à l'accord de paix qui a mis fin à une guerre civile de 21 ans (1,5 million de morts).


 

L'émissaire de l'Onu au Darfour parle d'"heure de vérité"

Par Opheera McDoom

 

KHARTOUM, Reuters, Jeudi 11 octobre 2007 - Parvenir à un cessez-le-feu crédible pour faire cesser les violences dans la région soudanaise du Darfour sera la priorité des pourparlers de paix inter-soudanais prévus à compter du 27 octobre en Libye, a déclaré jeudi l'émissaire de l'Onu, Jan Eliasson.

Il a exhorté toutes les factions de rebelles du Darfour à participer aux discussions en soulignant qu'il s'agit de "l'heure de vérité" pour mettre fin aux violences dans la région.

"Le premier pas très concret (...) sera de rechercher et je l'espère parvenir à une cessation crédible des hostilités", a déclaré à Khartoum Jan Eliasson en qualifiant la situation sur le terrain de "profondément alarmante".

"Passer à côté de cette occasion serait une tragédie - l'heure de vérité est arrivée".

"L'escalade militaire est une source de grande inquiétude", a-t-il confié à des journalistes.

"N'avons-nous pas été le témoin de suffisamment de violences et de désespoir ? Ne voyez-vous pas qu'on assiste actuellement à la destruction complète du tissu social au Darfour ? Est-ce que c'est vraiment cela que nous voulons perpétuer ?", s'est-il interrogé.

 

PREALABLES

 

Le Darfour est depuis début 2003 le théâtre d'une guerre civile et d'exactions à grande échelle qui, selon les Nations unies, ont fait 200.000 morts et déraciné 2,5 millions de personnes dans cette région semi-désertique grande comme la France.

Le gouvernement de Khartoum, accusé d'armer et de soutenir des milices arabes "djandjaouides" qui sèment la terreur parmi les populations négro-africaines, dément et évoque un bilan d'à peine 9.000 morts depuis quatre ans et demi.

Un certain nombre de responsables de la dizaine de factions rebelles du Darfour menacent de boycotter les pourparlers du 27 octobre en posant comme préalable la participation d'une seule délégation du Mouvement pour l'égalité et la justice (JEM) et d'une seule de l'Armée de libération du Soudan (SLA).

Pour l'émissaire de l'Onu, poser des préalables est une démarche dangereuse.

De son côté, Abdel Wahid Mohamed el Nour, fondateur de la SLA aujourd'hui exilé en France, n'a pas l'intention de se rendre en Libye pour négocier avec le gouvernement de Khartoum avant le déploiement au Darfour de la "force hybride" Onu-Union africaine que le Conseil de sécurité tarde à envoyer sur le terrain.

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