Comment l’Afrique perçoit
la France,
d’après le Quai d’Orsay
www.lesafriques.com - 09 mai 2008
Un rapport du Quai d'Orsay –
révélé par Le Monde – fondé sur une synthèse des télégrammes de 42 ambassadeurs
français en Afrique souligne l'inconfort de la position française en Afrique.
Aussi dur de sortir de la « Françafrique » que de s'y cramponner.
Par Said Djaafer, Alger
C'est un rapport
commandé par le Quai d'Orsay après le discours controversé du président Nicolas
Sarkozy à Dakar, en juillet 2007, dans lequel il convoquait un lexique et des
référents surannés pour dresser le portrait d'une Afrique, hors de l'histoire,
enfermée dans « l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition
sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles ». La conclusion du rapport
est simple : la
France perd pied en Afrique, son image se dégrade fortement
et « oscille entre attirance et répulsion (...) au gré du soutien politique,
ou des interventions, militaires notamment ». Le soutien à des chefs d'Etats
africains inamovibles et la présence de bases militaires françaises accrédite,
chez les Africains, l'image d'une France agissant pour des « gouvernements
iniques et pour des causes opaques ». Prenant acte de l'émergence de
nouveaux acteurs en Afrique (Chine, Inde, Brésil, Etats-Unis…), le rapport note
que la « France n'est plus la référence unique ni même primordiale en Afrique
».
L’idée d’une France vorace
persiste
Paris a tenté ces derniers mois de
rattraper les effets du discours de Dakar. Très inspiré des vieilles thèses
ethnocentristes de Hegel sur l'Afrique, il avait suscité la surprise indignée
des élites africaines. Quelques mois plus tard, en février, au Cap, le président
français entamait une correction de tir en annonçant une renégociation des
accords de défense en vigueur entre la France et certains Etats africains et,
surtout, en présentant les rapports « équilibrés, transparents et décomplexés
» avec l'Afrique du Sud comme un modèle devant inspirer « la relation
nouvelle entre la
France et l'Afrique ». Depuis, il y a eu ce qu'un diplomate
français appelle les « dégâts durables » infligés à l'image de
la France par
l'affaire de l'Arche de Zoé, association qui avait tenté de faire sortir
illégalement du Tchad des enfants présentés comme des réfugiés du Darfour. Du
coté des Africains, des jeunes notamment, le rapport montre que l'idée d'une
France vorace qui pille les ressources naturelles reste prégnante alors que,
selon les diplomates, les principaux intérêts économiques français se trouvent
en Afrique anglophone. Ce déplacement des intérêts français vers l'Afrique
anglophone est ainsi expliqué par les chiffres : la moitié des échanges français
avec le continent se fait avec l'Afrique du Sud et le Nigeria et, plus
globalement, l'Afrique subsaharienne n'entre plus que pour 0,5% du commerce
extérieur de la
France contre 40% en 1957.
Les idéalistes sont
réalistes
Que dire de ces chiffres quand on
les croise avec le « désamour » des africains, francophones principalement, avec
la France ? Que
l'entretien de la
Françafrique n'a aucune justification économique, alors qu'elle
est la source d'une forte nuisance pour l'image de la France. Il est vrai que l'économie
officielle est une chose et que les bénéfices des réseaux en sont une autre. Il
est également vrai que la diplomatie française bénéficie d'un apport de voix «
automatiques » très utile lors des débats onusiens. Mais ces justifications ont
clairement perdu de leur pertinence, depuis la chute du mur de Berlin. Du coup,
les « idéalistes » qui, en France, appellent à la rupture et à l'enterrement de
la
Françafrique pourraient faire valoir des arguments très
réalistes pour défendre l'option du changement. Ils peuvent faire valoir, par
exemple, qu'il est beaucoup moins risqué de fâcher le Gabon que de déplaire à
la
Chine.
Autre
point de vue à lire sur lesafriques.com :
lesafriques.com
«La France a une occasion
unique en RDC»