Panique et tollé face à l’interdiction d’utiliser du charbon de bois au Tchad
Le gouvernement tchadien a interdit d’abattre les arbres pour fabriquer du combustible domestique, une mesure essentielle, explique-t-il, pour lutter contre la désertification
N'DJAMENA, 19 janvier 2009
(IRIN) - L’interdiction imposée par le gouvernement sur l’utilisation du
charbon de bois à N’Djamena, capitale du Tchad, a créé des conditions
qualifiées « d’explosives » par un observateur, à l’heure où les familles
recherchent désespérément une source d’énergie pour pouvoir cuisiner.
« A l’heure où je vous parle,
des femmes et des enfants se trouvent à la périphérie de N’Djamena, en
train de fouiller partout pour trouver des branches mortes, de la bouse de
vache ou, éventuellement, des petits morceaux de charbon », a expliqué à
IRIN Merlin Totinon Nguébétan, représentant de la branche tchadienne du
Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT),
depuis la capitale. « Les gens ne peuvent pas cuisiner ».
« Les femmes qui accouchent ne
trouvent même pas un seul morceau de charbon pour pouvoir chauffer de
l’eau pour se laver », s’est indignée Céline Narmadji, de l’Association
des femmes pour le développement du Tchad.
Selon les syndicats et autres
organismes de la société civile, le gouvernement n’a pas préparé la
population, ni mis d’autres sources d’énergie domestique à la disposition
de la population avant d’interdire complètement le transport du charbon et
du bois de chauffe dans la capitale en décembre, pour préserver
l’environnement, selon les autorités.
Le charbon de bois est la
seule source d’énergie domestique utilisée par environ 99 pour cent des
Tchadiens, ont indiqué à IRIN des habitants de N’Djamena. Or, depuis que
le gouvernement a interdit l’acheminement du charbon de bois à N’Djamena,
et confisqué, dit-on, tout le charbon de la ville, il est devenu quasi
impossible de s’en procurer, selon les travailleurs humanitaires et les
habitants.
Et lorsqu’on y parvient, le
sac qui se vendait auparavant à environ 6 000 francs CFA (12 dollars)
coûte désormais sur le marché noir environ quatre fois cette somme.
Changement
climatique
Selon les représentants du
gouvernement, l’interdiction imposée sur l’utilisation du charbon de bois
participe d’un effort d’empêcher l’abattage des arbres pour la fabrication
de combustible, une mesure essentielle, ont-il expliqué, pour lutter
contre la désertification.
Le gouvernement a déjà tenté
par le passé d’empêcher l’abattage des arbres, mais des mesures
particulièrement sévères ont été prises ces dernières semaines, selon les
travailleurs humanitaires et les habitants.
« Les Tchadiens doivent
chercher d’autres formules pour faire la cuisine et oublier le charbon de
bois et le bois de chauffe », a récemment déclaré Ali Souleyman Dabye,
ministre de l’Environnement, à la presse, à N’Djamena. « Faire la cuisine
est une nécessité fondamentale pour chaque foyer. D’un autre côté ...avec
le changement climatique, chaque citoyen doit protéger son environnement
».
Selon les autorités,
l’interdiction porte uniquement sur le charbon de bois fabriqué à partir
de bois vert, et non de bois mort. Pourtant, l’acheminement du bois et du
charbon de bois à N’Djamena a été totalement interdit, selon les
habitants.
Au beau milieu de la panique
et des protestations contre l’interdiction, un autre représentant du
gouvernement a déclaré, au cours d’une conférence de presse tenue le 14
janvier, que le gouvernement avait commis une erreur en ne préparant pas
le public à cette mesure, mais il n’a annoncé aucun changement à cet
égard.
« C’est de la bévue ; l’erreur
est humaine », a déclaré Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye, président du
Conseil économique, social et culturel du Tchad. Il a appelé les Tchadiens
à garder leur calme, affirmant que le gouvernement pouvait « résoudre
cette crise et trouver une solution ».
Le 15 janvier, le Premier
ministre tchadien a rencontré le président d’une association nationale de
défense des consommateurs, selon le site Internet du gouvernement.
Les familles «
crient »
Les habitants et les experts
du secteur humanitaire ont déclaré à IRIN que l’interdiction imposée sur
l’utilisation du charbon de bois avait aggravé les conditions de vie déjà
difficiles des populations de la ville. « Toutes les familles de N’Djamena
crient », a expliqué à IRIN Delphine Djiraibé Kemneloum, coordinatrice du
Comité de suivi de l'appel à la paix et à la réconciliation.
« La situation est assez grave
parce que les Tchadiens ont toujours utilisé du charbon de bois pour
cuisiner et chauffer l’eau », a indiqué M. Nguébétan, d’ONU-HABITAT. De
nombreux Tchadiens gagnent également leur vie en vendant du charbon de
bois.
« Nous sommes tous d’accord
sur le fait que la désertification est un grave problème que le Tchad doit
traiter », a-t-il convenu. « Mais le gouvernement doit proposer des
solutions alternatives à la population, en complément de ses mesures ».
Le gouvernement a évoqué des
solutions alternatives telles que le propane, mais « uniquement de manière
abstraite », a noté M. Nguébétan.
A N’Djamena, selon la
population, peu d’habitants utilisent le propane, une denrée rare. Ceux
qui en ont les moyens se rendent de l’autre côté de la frontière, au
Cameroun, pour y acheter du gaz.
Manifestations
réprimées
Le 14 janvier, les soldats de
l’armée et la police ont dispersé la foule qui s’était réunie dans la
capitale pour protester contre les mesures prises par le gouvernement, et
plus généralement, contre le coût élevé de la vie, ont rapporté les
habitants de la capitale.
« Ils ont frappé des
manifestants, principalement des femmes », a indiqué Mme Narmadji, de
l’association de femmes, qui faisait partie des manifestants.
« Tant que le gouvernement ne
changera pas les choses, nous ne renoncerons pas », a-t-elle déclaré. «
Mieux vaut mourir rapidement et en masse, plutôt que continuer à succomber
d’une mort lente, comme nous le faisons actuellement ».
« Nous sommes déjà morts »,
a-t-elle finalement ajouté.
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