Pourquoi
faire de la politique en Centrafrique ne serait-il plus synonyme de servir le
peuple?
Afin mieux
comprendre les formes d’expression politique en Centrafrique, nous allons
essayer de répondre à la question simple et cependant essentielle de savoir
quelles avaient été les raisons véritables à l’origine des partis politiques
dans cet ancien territoire français de l’Oubangui-Chari? Pour lever tout équivoque, nous voudrons
préciser au préalable que nous n’avons nullement les prétentions
professionnelles ou académiques pour répondre à cette question et laisserons aux
anciens oubanguiens, aux historiens, sociologues ou anthropologues et étudiants
centrafricains ou à d’autres, intéressés par le sujet, les responsabilités
professionnelles, morales, sociales ou civiques, puis le soin d’apporter les
éléments de réponse qui feraient toute la lumière sur ce sujet et sur la
mauvaise direction dans laquelle les politiciens nationaux avait accepté
d’engager le pays. Mais en attendant d’éventuelles réponses, nous ne nous
laisserons nullement intimider ni par le sujet ni par l’ampleur de la tâche et,
partagerons volontiers avec tous le point de vue qui suit.
Nous
avancerons volontairement qu’un mouvement politique aurait pour essence une
réflexion, née dans un premier temps de l’observation de certaines conditions économiques et sociales,
difficiles ou intolérables, vécues par une population dans une région
géographique bien définie.
L’objectif du mouvement politique aurait donc été d’agiter dans la
conscience des citoyens ces injustices qui avaient été observées, puis de
réclamer des changements. Après que
la pensée politique ait été établie, l’appel au changement pouvait être partagé
avec de nouveaux individus ou étendu à un groupe plus large, qui avait accepté
de souscrire au mouvement et qui avait commis de participer à la dénonciation
des mauvais traitements et réclamer des changements.
Sous
l’administration coloniale de l’Oubangui-Chari par
Au cours de
la période qui avait précédé la déclaration d’indépendance, certains oubanguiens
“évolués”, ceux qui pouvaient parler le français ou encore ceux qui avaient reçu
une éducation, avaient commencé à prendre conscience du désir d’émancipation et
à formuler une pensée politique favorable ou non à la continuation de
l’administration du territoire par la métropole, puis petit à petit en avait
expliqué les fondements à d’autres qui, adhéraient ainsi aux divers
mouvements. Pour ce qui concerne le
Mouvement d’Evolution Sociale de l’Afrique Noire (MESAN) de l’Abbé Barthélémy
Boganda, le grand projet de société dudit mouvement avait été résumé par ce que
les manuels scolaires avaient appelé “les Cinq verbes du MESAN”. Après l’indépendance et le lègue de la
gestion des affaires du pays aux nationaux, les dénonciations avaient persisté,
à cause de l’identification dans le pays de ce que l’on appellerait de nouvelles
injustices ou de nouveaux maux qui, depuis, avaient eu pour origine le clanisme,
le tribalisme, le régionalisme, le népotisme, l’incompétence des autorités
publiques, la démagogie des politiciens, l’autoritarisme des régimes, la
corruption idéologique du système judiciaire, la prévalence de la criminalité,
le mutisme et la paralysie parlementaires, l’inefficacité des régimes à initier
des projets pertinents de développement, la brutalité contre une population
civile vulnérable, la corruption et l’affairisme d’une classe politique
nationale, la confusion dans l’esprit des dirigeants politiques, des notions
modernes de démocratie, de civisme, d’état, de patriotisme, de civilité, de
république, etc. C’était vraiment pour tous ces maux à la fois et d’autres que
naissaient les associations civiles et les mouvements des travailleurs pour ne
citer que ces deux exemples, avant que les termes ‘’droits universels”, ‘’droits
fondamentaux’’ et ‘’droits de l’homme’’ ne soient à la mode et ne deviennent le
fer de lance des réclamations politiques.
Notons que la
dénonciation publique pouvait apporter ce que nous appellerons une alternance et
pas nécessairement les changements positifs attendus pour la population. Ou bien cette dénonciation pouvait
simplement être disqualifiée par le système politique en place ou encore pouvait
être mâtée, puis muselée par des combines machiavéliques élaborées par le régime
en place. Parce que des
alternatives acceptables n’avaient pas été considérées, les injustices ou les
maux avaient persisté, le mouvement de dénonciation s’était poursuivi, et avait
poussé à la formation d’une nouvelle association, d’un nouveau groupe
clandestin, d’un nouveau parti politique, d’un groupe de partis communément
appelé une concertation, d’une branche armée d’un parti politique ou encore
d’une rébellion armée dans le cas extrême.
Après la
chute du régime de parti unique sous Bokassa, tout le monde avait senti et
apprécié à sa juste valeur le souffle des libertés retrouvées, notamment ceux
des libertés d’expression et des libertés d’association, qui avaient été en
grande partie inspirée par le grand mouvement ouvrier en Pologne, la renaissance
du mouvement syndical et les grèves des élèves et étudiants en
Centrafrique. Les circonstances
dans le pays avaient été que ce mouvement syndical national avait bénéficié de
l’opportunisme et du leadership de Patassé et du MLPC. Ou encore que Patassé et le MLPC avaient
réussi à phagocyter le mouvement syndical à leur profit. Nous serions plutôt convaincus de
la validité de la seconde hypothèse, lorsque que l’on avait observé les hautes
fonctions que les anciens syndicalistes et les anciens leaders des mouvements
étudiants avaient occupées au sein du premier gouvernement du MLPC. Après la chute donc du régime de
Bokassa, la population avait aspiré à l’exercice de la démocratie, et, nous
avions alors assisté à l’explosion du nombre des partis politiques dans le
pays. Sans écart de langage et sans
prétention, nous pouvons affirmer ici que
Après
l’indépendance du pays, nous nous étions demandé si les fils et les filles du
pays avaient vraiment rêvé de meilleures perspectives pour
Enfin, nous
étions arrivés à la triste conclusion que les partis politiques centrafricains
étaient simplement des associations d’individus qui espéraient un jour avoir le
plaisir d’arriver au pouvoir à Bangui, afin de faire comme leurs
prédécesseurs. Ils n’avaient aucun
souci ou encore n’avaient rien à voir avec le bien-être de la population, et
s’étaient moqués éperdument des notions livresques du développement social et du
progrès économique de
Regardons
l’histoire du pays. La première
fois que
Aujourd’hui,
certains centrafricains feraient la politique uniquement pour créer de nouveaux
partis politiques, non pour créer l’enthousiasme au sein de toute la population
et pour mettre en place des conditions nécessaires pour le développement social
et économique du pays. Aujourd’hui,
certains centrafricains feraient la politique parce que cette voie
représenterait le raccourci pour se faire un nom en utilisant l’intimidation
comme idéologie. Ceux-ci avaient des ambitions et bien souvent des comptes
personnels à régler, et voudraient comme leurs prédécesseurs arriver au pouvoir
à Bangui, même s’ils n’avaient rien de valable à contribuer au développement du
pays ou à offrir à la population.
S’ils n’y arrivaient pas par le verbe, ils prenaient alors les armes
contre leurs frères pour satisfaire leurs objectifs, avec la complicité de
nombreux étrangers qui tirent les ficelles. Ces chefs de rébellions ne savent plus
ce qu’ils font ou ce qu’ils voudraient pour le pays, ni ce qu’ils feraient s’ils
arrivaient un jour au pouvoir à Bangui.
Le bien-être des centrafricains et le développement du pays leur
importent peu. Chacun voudraient sa
propre gloire, même s’ils n’en ont pas les qualités humaines, les qualités
morales, ni les compétences techniques et intellectuelles.
Enfin, tirons
les conclusions du fameux dialogue national inclusif. Pas un seul des participants, n’avait
donné des assurances quant à ce qui concerne le retour rapide et effectif des
réfugiés centrafricains dans leurs villages. Mieux, il y aurait même eu une
augmentation du nombre des réfugiés et de nouveaux camps de réfugiés en dehors
du pays. Aucun des représentants
des rébellions n’avaient discuté des stratégies pour créer des emplois rémunérés
pour les chercheurs d’emplois et pour leurs troupes démobilisées. Aucun de ces rebelles, individuellement
ou collectivement avait expliqué aux centrafricains, pourquoi renverser Bozizé
et vouloir prendre le pouvoir à Bangui avait consisté à tuer, à violer, à
détruire des villages, à voler, et à chasser dans les matitis des femmes
et des enfants qui n’avaient jamais adhéré au Kwa Na Kwa (KNK) de Bozizé, ni
appartenu à l’UFVN? L’idée géniale
fortement acclamée à l’issue de ces assises, avait été le financement de la
démobilisation, désarmement et réinsertion. Mais quelle grosse blague! N’avez-vous pas réalisé que ces rebelles
étaient en réalité des brigands qui rêvaient d’être les nouveaux libérateurs de
la promotion numéro 2, des nouveaux cowboys ou des nouveaux rambos! Et il y aurait encore des
centrafricains, convaincus que Patassé, Bozizé, Démafouth, Sabone, Massi, Damane
et tous les autres voulaient vraiment la paix et un avenir meilleur pour tous
les centrafricains. Selon nous, ce
dialogue national n’était aucunement une fin en soi. Chaque rébellion voulait
faire entrer ses hommes au gouvernement.
Mais qu’est-ce qu’un gouvernement serait quand chaque membre dudit
gouvernement ne prendrait des ordres que du chef de sa rébellion? Pour ce qui nous concerne, les parrains
de la politique en Centrafrique et les coaches du dialogue national inclusif
devraient être embarrassés des résultats, car ils ne s’étaient souciés que de la
publicité autour de cet évènement mineur, puis de leurs carrières
professionnelles et, nullement des voies qui pourraient mener les centrafricains
vers une paix durable et vers le progrès économique dans le pays. Mais enfin, dites-nous quand serait le
prochain dialogue national extraordinaire!
Une chose
devrait cependant être claire. L’on
ne peut pas prendre les armes pour faire entendre sa voix, et en même temps
prétendre être démocrate. La
violence physique contre ses concitoyens pour faire valoir sa position, n’est
pas synonyme de civisme non plus. Tuer un citoyen centrafricain ou commanditer
des actes de violences serait un crime aux yeux des lois en Centrafrique. Nous sommes persuadés que les chefs de
rébellions de l’AFDC, de l’APRD, de l’UFDR, du GUN, du CJPJ et autres
groupuscules prendront auprès de leurs conseillers juridiques les informations
nécessaires à la compréhension et à la connaissance des conséquences pénales de
leurs crimes. Nous espérons surtout
que chacun aura le courage un jour d’accepter toutes les responsabilités des
torts qu’ils auraient causés en Centrafrique. Ces chefs des rébellions et ceux qui
sont au gouvernement devraient être conscients que la justice pourra attendre
tout le temps qu’il faudra pour agir.
La véritable justice serait aussi un met qui se mange froid. Ils ne devront nullement prétendre faire
du tort à une population centrafricaine en pensant qu’une amnistie générale
accordée par la justice de Bozizé les absoudrait tous. La justice des grands crimes dans le
pays ne peut pas s’exercer uniquement par des décisions d’amnistie
générale. Sinon, pourquoi prétendre
qu’il y aurait une constitution qui
définirait le système judiciaire?
Soixante ans après les massacres au Cambodge un dernier coupable serait
en train de rendre des comptes à la justice de son pays. Le peuple centrafricain trouvera bien
parmi ses enfants, un petit nombre qui réclamera et obtiendra la véritable
justice au nom de tous ceux qui avaient soufferts aux mains de chaque
rebelle.
Est-ce qu’il
y aurait un moyen de relancer un mouvement national véritablement démocratique,
de centrer les débats sur la sécurité de la population, la sureté nationale,
l’économie, sur la création d’emplois et sur le progrès? Nous serons heureux enfin d’entendre ou
de lire quelque part les points de vue des centrafricains qui auraient la
profonde conviction que la démocratie et les bonnes politiques reposeraient sur
la mobilisation du public et non sur des brigands et quelques politiciens
opportunistes.
Jean-Didier
Gaïna
Virginie,
Etats-Unis d’Amérique (17 mars 2009)