Jean-Yves Le Drian: «Je suis très
fier que les forces maliennes soient en tête du défilé du 14 juillet». Et la
République centrafricaine…
Le défilé du 14
juillet avec 13 contingents africains, est-ce que ça n’a pas un petit air de
Françafrique ?
C’est le contraire. Je suis très
fier pour la France que le défilé du 14 juillet soit ouvert par des unités des
12 pays africains qui ont soutenu le Mali dans son refus de perdre sa
souveraineté. Que les forces maliennes soient là en tête et qu’elles soient
suivies par les forces françaises qui ont permis à ce pays d’éviter de devenir
un sanctuaire terroriste. Qui aurait dit au mois de janvier, alors que la
population avait peur, appelait au secours, que six mois après ce serait un
soldat des forces armées maliennes qui le premier saluerait le président de la
République française au bas des Champs-Elysées. Et pas seulement le président de
la République française, mais aussi le président de transition du Mali
Dioncounda Traoré et aussi le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
Que de chemin parcouru !
Mais certains voient dans ce défilé
comme le deuxième acte de cette cérémonie du cinquantenaire des indépendances
avec Nicolas Sarkozy où on sentait comme un parfum de nostalgie
coloniale ?
C’est l’ouverture d’une nouvelle ère
où les Africains prennent en charge leur propre sécurité et où la sécurité de
l’Afrique est partagée par d’autres. C’est le contraire de ce que vous
décrivez.
Mais ce défilé demain, cette
conférence sur la sécurité au mois de décembre prochain à Paris, est-ce que tout
cela n’est pas aussi pour relégitimer la présence militaire française en
Afrique ?
Ce qui se passera au cours du sommet
de la fin de l’année, initié par le président de la République François
Hollande, c’est l’affirmation d’une volonté de sécurité partagée parce que ce
qu'il ne faut pas oublier qu'au mois de mai, la réunion des chefs d’Etat
africains a décidé la mise en place d’une force de réaction rapide
africaine.
Parmi les 13 pays africains qui
seront sur les Champs-Elysées, il y aura le Tchad. Et l’ONG Survie se dit
choquée par cette présence alors que le régime du président Idriss Déby en
profite pour renforcer la répression contre ses
opposants...
Les Tchadiens ont apporté au Mali
leur capacité d’intervention. Ils ont été, à un moment donné de l’intervention,
essentiels. Ils ont perdu des hommes. Ils doivent être respectés et je trouve
logique qu’ils soient présents. Ils ont contribué aussi à la libération du Mali
et évité que ce pays ne sombre dans une véritable dictature jihadiste qui aurait
eu des conséquences énormes sur l’ensemble de la région, mais aussi sur
l’Europe. Quand on découvre plus de 350 tonnes d’armement depuis six mois, ces
armes-là n’étaient pas destinées uniquement à contrôler
Bamako.
Six mois presque jour pour jour
après le début de l’opération française, est-ce que la guerre est finie au
Mali ?
On peut considérer que les
opérations les plus déterminantes sont achevées, mais il faut garder la
vigilance. C’est pourquoi nous garderons à la demande du gouvernement malien un
millier d’hommes sur place à partir de la fin de l’année pour sécuriser. Il peut
y avoir encore quelques risques individuels résiduels, mais globalement la
sécurité est revenue sur ce territoire, la stabilité aussi. Et la présence des
forces des Nations unies permettra la mutation du Mali pour que demain la
démocratie et le développement reviennent.
Est-ce que vous concourrez à la
surveillance des frontières du sud de la Libye ?
Pas directement. Il y a une vraie
difficulté dans cette zone puisque qu’on peut penser qu’un certain nombre de
jihadistes sont en voie de réorganisation dans cette région même si c’est
beaucoup moins significatif que ce qui se passait au Mali. L’Etat libyen est en
reconstitution et ils ont fait appel à l’Union européenne pour une mission
d’assistance visant à aider les Libyens à assurer eux-mêmes la sécurité de leur
frontière. C’est ce que nous souhaitons.
Pensez-vous que les otages d’Arlit
sont en Libye ou plutôt en Algérie ?
C’est une question à laquelle je ne
réponds pas. La seule chose que je dis, c’est que le gouvernement français met
tout en œuvre pour que ces otages retrouvent leur liberté. Le président Hollande
a rencontré les familles il y a quelques jours et leur a fait part de cette
détermination.
Est-ce que vous avez eu récemment
des preuves de vie ?
Le président de la République a dit
aux familles que tout laissait à penser que ces otages étaient
vivants.
Donc il y a peut-être une preuve de
vie récente ?
Je n’en dis pas plus.
A Kidal, l’accord entre les
autorités maliennes et les anciens rebelles touaregs semble très fragile à tel
point que le gouverneur envoyé par Bamako est reparti au bout de quelques
heures. Est-ce qu’on ne va pas au clash ?
Il est fragile mais il existe.
Depuis six mois, on me dit « il n’y
aura jamais d’accord à Kidal ». Il y en a un. En conséquence de
quoi, les élections se dérouleront aussi à Kidal.
A la date du 28 juillet, ou
peut-être plus tard ?
Les élections auront lieu le 28
juillet. La campagne est commencée. Il y a 28 candidats. Cela montre que ça
intéresse. Il y a des meetings où il y a plein de monde.
En Centrafrique, trois mois et demi
après l’arrivée au pouvoir de la Seleka, l’ex-rébellion, les habitants de Bangui
et de beaucoup de préfectures de province vivent dans la terreur des braquages
quotidiens. Et beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi l’armée française
qui est là, ne fait rien.
C’est vous qui me parliez de
Françafrique... Quand il y avait Françafrique, la France décidait du
gouvernement. Aujourd’hui la France est présente à Bangui. Nous avons à peu près
400 militaires sur l’aéroport. Elle est présente pourquoi ? D’abord parce
qu’il faut assurer la sécurité de nos ressortissants et des ressortissants
européens. Elle est présente parce que nous avons une mission auprès de la
Micopax [ Mission de consolidation de la paix en Centrafrique, ndlr ]. Elle
est prête à appuyer ce que demandent les autorités militaires de la Micopax.
Elle est présente pour préserver l’aéroport de Bangui qui est le seul lien entre
ce pays et le reste du monde. Elle n’est pas là pour décider qui doit diriger ce
pays. Nous n’avons pas, nous, à nous immiscer dans le choix des
gouvernements.
Et quand vous avez 400 hommes sur
l’aéroport de Bangui M'Poko, on ne peut pas parler de non assistance à personnes
en danger ?
Nous n’avons pas à intervenir. On ne peut pas à
la fois dire, il ne faut pas de Françafrique et en même temps regretter que les
autorités françaises, les militaires français ne désignent pas un
gouvernement.