L'Union Européenne (UE) retarde l'envoi de soldats en RCA

DW-Wold.de - 18 mars 2014

La Centrafrique devra encore attendre l'envoi de la mission d'intervention militaire des 28. Réunis lundi à Bruxelles, les diplomates européens n'ont pas pu retenir une date d'envoi de la mission promise depuis un mois.

La France a demandé aux autres Etats européens d'agir en RCA
La France a demandé aux autres Etats européens d'agir en RCA

 

Parmi les principales raisons de ce report, il y a la difficulté à rassembler les mille hommes qui devraient composer la mission d'intervention de l'Union européenne en Centrafrique. On parle ensuite de problèmes logistiques qui empêcheraient la mise en forme de ce projet annoncé depuis le 14 février par la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. Et c'est d'autant plus curieux que l'effectif de mille hommes n'était pas envisagé au départ. Il n'était question que de cinq cents hommes. Et c'est en mesurant l'ampleur du chaos dans lequel sont plongés les Centrafricains, que Mme Ashton avait annoncé le double de l'offre précédente c'est-à-dire mille soldats pour la fin de ce mois de mars, déclenchant de nombreux espoirs.

 

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a indiqué que l'Europe était capable d'envoyer 1000 hommes en RCA
La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a indiqué que l'Europe était capable d'envoyer 1000 hommes en RCA

 

Revers pour l'Union européenne

 

A ce jour, personne ne sait quand débutera cette mission européenne en Centrafrique. Il s'agit d'un revers selon Annette Weber, experte de l'Afrique auprès de la fondation allemande pour la science et la politique :

«La mission européenne devrait servir de transition vers l'installation d'une force de l'ONU. Cela veut dire, d'une part que cette future mission de l'ONU manque d'appui et d'autre part, que le report de la force européenne implique que la mission de l'ONU ne viendra pas du tout. Je pense aussi que c'est un revers pour l'Union européenne elle-même qui montre son incapacité à faire ce qu'elle annonce. C'est non seulement un revers mais aussi une déception du point de vue des attentes des Européens quant á leur aptitude à réagir à des urgences de maintien de la paix.»

 

Lors de leur réunion à Bruxelles ce lundi, les diplomates européens se sont limités à souligner que l'opération en question devrait démarrer rapidement.

Le gouvernement de la Chancelière allemande Angela Merkel exclut l'envoi de troupes de combat en Centrafrique
Le gouvernement de la Chancelière allemande Angela Merkel exclut l'envoi de troupes de combat en Centrafrique

 

Priorité à la crise ukrainienne ?

 

Les Etats européens n'étaient pas très enthousiastes pour intervenir en Centrafrique et la France avait déjà exprimé son impatience. Certains diplomates n'ont pas caché la crainte que l'intervention en Ukraine retarde le dossier centrafricain. Plusieurs pays européens qui sont engagés dans des crises ne souhaitent pas retirer leurs troupes dans l'immédiat. Pour ce qui est de l'Allemagne, elle avait prévu l'envoi d'une douzaine de soldats formateurs et d'un Airbus qui servirait au transport de blessés. Berlin exclut cependant l'envoi de troupes de combat.

En Centrafrique, actuellement deux mille soldats français et six mille soldats africains essaient sans grand succès de faire cesser les violences.

 

 

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L'opération européenne en Centrafrique repoussée aux calendes grecques

 

Par Jean Guisnel, Le Point.fr - 18/03/2014

 

Pour envoyer les 1 000 soldats européens nécessaires en Centrafrique, l'Union européenne se paie de mots. Une nouvelle fois, la France va devoir payer.

 

À Bruxelles, les jours se suivent et se ressemblent : les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne réunis lundi ont évoqué la situation en Centrafrique. Mais seulement pour se payer de mots dans un communiqué verbeux concluant que "l'UE reste extrêmement préoccupée par l'impact humanitaire de la crise qui persiste malgré les efforts régionaux et internationaux déployés sur le terrain". Le communiqué des ministres souligne pourtant : "la nécessité d'une accélération des travaux relatifs à la préparation de l'opération PSDC Eufor RCA en vue de permettre son lancement rapide, conformément aux engagements de l'Union européenne". Mais toute la vanité du propos se trouve dans l'"accélération des travaux relatifs à la préparation" d'une opération militaire annoncée le 20 janvier dernier et qui aurait dû lancer fin février le déploiement d'un millier d'hommes environ.

 

La présidence grecque n'a réussi à ce jour qu'à faire déployer un état-major opérationnel sur son sol, à Larissa, dont les effectifs sont au complet, fournis par les États membres. Il est vrai que non loin des rivages de la mer Égée, les risques sont limités aux éventuels coups de soleil. À ces guerriers farouches, mais désoeuvrés, Le Point est heureux d'offrir ce lien sur les ressources touristiques de la région.

 

Recordman du voeu pieux

 

Recordman du voeu pieux, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait déclaré à l'Assemblée nationale le 17 décembre 2013, voici plus de trois mois, que des soldats européens seraient "bientôt" déployés en Centrafrique : "Je crois pouvoir vous affirmer, compte tenu des démarches qui ont été faites par la France, que nous aurons bientôt des troupes au sol qui seront apportées par nos collègues européens." Cette annonce ne faisait pas suite à de quelconques assurances données par des partenaires européens, mais à des démarches exclusivement françaises entamées par un télégramme qui avait été envoyé le 8 janvier, ainsi titré : "Demande urgente de démarche auprès des Européens en vue d'une opération PSDC (politique de sécurité et de défense commune)". L'existence de ce document avait été révélée par Le Figaro le 24 janvier.

 

Pour autant, du côté européen, les réponses ont été négatives. Le 18 janvier, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a bien estimé que l'Europe "ne peut pas laisser la France seule" en Centrafrique, ajoutant que les intérêts européens sont en jeu "quand en Afrique noire et subsaharienne menacent l'instabilité, les déportations et le terrorisme, dont les conséquences débordent en Europe". Bien vu ! Mais l'Allemagne n'a pas levé le petit doigt depuis pour venir en aide à ce pays détruit.

 

Une erreur d'analyse majeure

 

Surtout, cette analyse de l'imbrication de la situation en Afrique avec l'Europe continentale n'est pas partagée par les Européens. Contrairement à ce qui se passe au Mali, où des Européens ont été enlevés, rançonnés et tués et où, de ce fait, vingt-trois nations européennes participent à la reconstruction de l'armée nationale, le chaos centrafricain ne provoque aucun sentiment d'insécurité. L'annonce précipitée d'une mission européenne de facto impossible à mettre sur pied relève d'une erreur d'analyse majeure, inspirée par la volonté d'agir très vite au moment du sommet franco-africain de l'Élysée, les 6 et 7 décembre 2013.

 

Reste à savoir comment les choses vont se passer maintenant. L'un des scénarios pourrait consister en un maintien de la mission Eufor RCA, avec des effectifs de bric et de broc que les Français compléteraient avec des troupes supplémentaires. Jean-Yves Le Drian aurait voulu l'éviter, mais aura-t-il le choix ? Et c'est encore la défense française qui va devoir payer, y compris la location hors de prix des avions de transport que les Européens refusent de prêter et qu'il faut donc aller chercher en... Ukraine !