COMMUNIQUE DISCOURS DE L’AMBASSADEUR,
HAUT REPRESENTANT DE LA FRANCE AUPRES DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, A
L’OCCASION DE LA FETE NATIONALE, RESIDENCE DE FRANCE, BANGUI, 14 JUILLET
2013
Chères et Chers
Compatriotes, Chères et Chers Amis européens,
Lorsque mon épouse et moi-même, entourés de tout le personnel de l’ambassade, avons eu le plaisir de vous accueillir en cette résidence, pour la première fois, le 14 juillet 2012, personne ne pouvait prédire tous les événements que nous allions vivre ensemble.
En vérité, ces douze
mois furent une annus horribilis. Je ne reviendrai pas sur tous les faits qui
l’ont jalonnée de crainte de raviver, en ce jour de fête, des circonstances
dramatiques, de tristes, pénibles, voire traumatisants, souvenirs. Pourtant ils
restent vivaces, comme sont encore présents dans nos mémoires, tous ceux de nos
compatriotes et amis qui ont décidé de quitter définitivement ce pays où ils se
plaisaient.
De ces longs mois, surgit le 26 décembre 2012, ce jour honteux où les arrières petits-fils des combattants de Bir-Hakeim, alors que les échos de la célébration du 70ème anniversaire de la bataille ne s’étaient pas encore dissipés, les descendants des héros du 2ème bataillon de marche de l’Oubangui-Chari ont attaqué l’ambassade de France et brûlé le drapeau français. Je ne l’oublierai jamais. Je ne le pardonnerai jamais.
Partout dans le
monde c’était la fête. Mais à Bangui, les Français étaient en grand danger. Car
la communauté française a été visée et menacée comme elle ne l’a jamais été par
la suite. A ce moment-là, nous n’avons jamais été aussi près d’une évacuation
tant la menace était réelle. A ce propos, je rappelle qu’une évacuation n’est
pas décidée localement par l’ambassadeur. Elle résulte d’une décision du
ministre des affaires étrangères après une analyse approfondie de la situation
avec notamment le ministre de la défense, à la lumière de l’appréciation de
l’ambassadeur, sous l’autorité du Président de la République.
Après ce 26 décembre
2012, il y a eu bien d’autres événements qui resteront gravés dans nos mémoires
pour longtemps. Mais, comme dans tous les moments pénibles, nous avons su
resserrer nos rangs, faire face et tenir. Chacun, à sa place, a été
admirable.
J’exprime ma
gratitude à tous les chefs d’îlots qui, alors qu’ils étaient inquiets pour leur
propre famille, se sont mis au service de l’intérêt général, relayant les
informations et consignes de l’ambassadeur.
Je veux témoigner ma
reconnaissance à nos forces armées, à tous les officiers, sous-officiers et
militaires du rang des détachements Boali XXXI et XXXII, aux renforts venus de
Libreville et à leurs chefs : le lieutenant-colonel Benoît Fine, le
lieutenant-colonel Jean-Marc Demay, le colonel Bruno Paravisini, sous l’autorité
du général Jean-Jacques Toutous. Ils ont assuré la sécurité des Français, et de
personnes d’autres nationalités d’Europe et d’ailleurs, de nos emprises, du
Lycée français Charles de Gaulle, des centres de mise en protection des 17
villas et de l’Institut Pasteur, et de l’aéroport de M’Poko. Grâce à eux, AIR
FRANCE a réussi à assurer la continuité de la desserte aérienne de Bangui même
après le 24 mars.
Et puisque je parle
d’AIR FRANCE, je voudrais, ici, rendre hommage à tous le personnel de l’agence
de Bangui, toujours présent, actif et compréhensif à l’égard des préoccupations
des Français, hommage aussi aux responsables régionaux et nationaux de la
compagnie avec laquelle nous avons toujours travaillé en parfaite
confiance.
Evoquant nos forces
armées, je salue le détachement Boali XXXIII qui assure la continuité de la
mission.
Je remercie aussi
nos grandes entreprises, notamment TOTAL et ORANGE qui, comme AIR FRANCE, ont
développé une action citoyenne remarquable.
Je remercie aussi
tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont contribué avec courage, sang-froid
et dévouement, chacun dans son domaine, à la sécurité de nos compatriotes,
qu’ils ont accueillis chez eux ou dans les centres de mise en protection des 17
villas et de l’Institut Pasteur. A tous, je suis reconnaissant, comme je suis
reconnaissant à M. André Lemonnier, votre élu à l’Assemblée des Français de
l’étranger et aux associations, à l’Union des Français de l’étranger et à
Français du Monde-ADFE.
Enfin, je voudrais
ici rendre hommage à tous les personnels de l’ambassade. Certains diront qu’ils
n’ont fait que leur devoir, certes. Mais ils l’ont fait dans des conditions que
peu imaginent. Malgré les critiques, il y en a toujours en pareille
circonstance, c’est normal et humain, ils ont tenu. Leur travail a d’ailleurs
été reconnu et apprécié par le ministre des affaires étrangères, qui leur a
prodigué ses remerciements et ses encouragements. Chaque fois qu’il m’a appelé
pour faire le point sur la situation, M. Laurent Fabius n’a jamais manqué de me
demander de leur transmettre ses félicitations. Je leur dis ici, combien je suis
fier de leur travail, combien je suis fier d’eux.
J’associe dans un
même hommage tous nos conjoints qui prennent leur part de tension, de stress et
font preuve du même courage.
J’aurai aussi
l’occasion de remercier de son soutien, le Directeur du Centre de crise du
ministère des affaires étrangères qui effectuera une visite à Bangui à la fin de
la semaine. A travers lui, je remercierai toutes les forces de renfort, civil,
militaire et de gendarmerie nationale, notamment le GIGN et la garde
républicaine.
Le bilan du travail
de tous se suffit à lui-même : on ne dénombre aucun mort parmi notre
communauté.
Nous avons tenu.
Grâce à cette ténacité, nous avons rouvert, dès les 4 et 9 avril, les classes du
lycée français Charles de Gaulle de Bangui pour permettre aux élèves de passer
leurs examens de fin d’année.
Le pari de
l’ambassade, de l’équipe administrative et éducative, des familles, des élèves
eux-mêmes, de l’Association des parents d’élèves dont je salue le président, de
l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger qui nous a toujours soutenus,
ce pari, mes Chers Compatriotes, est gagné : le pourcentage de réussite au
baccalauréat, 96%, sans précédent à Bangui, soit 10 points de plus que la
moyenne nationale, est notre plus belle récompense. Félicitations à ceux qui se
souviendront, toute leur vie, des conditions dans lesquelles ils ont obtenu leur
diplôme.
Grâce à cette
ténacité, nous avons réussi à maintenir en RCA, une offre d’enseignement
français sans hypothéquer l’avenir. C’est vrai, à la prochaine rentrée scolaire,
les choses ne seront pas tout à fait comme avant. Mais avec le support du CNED,
nous préservons l’essentiel, à savoir l’homologation qui permet aux élèves de
passer les examens qui débouchent sur les diplômes français.
Nous voulons aussi
que l’Alliance française reprenne les enseignements de français à la rentrée et,
dès que possible, ses activités culturelles.
Mes Chers
Compatriotes : rien, ni personne, ne nous abattra.
Comme l’a dit M.
François Hollande, Président de la République, le 27 décembre 2012 : en RCA, «
si nous sommes présents, ce n’est pas pour protéger un régime, c’est pour
protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir
dans les affaires intérieures ». Mais nous soutenons un Peuple.
C’est pourquoi, au
rythme du rétablissement de la sécurité et de l’Etat de droit, la France se
préoccupe de ceux qui souffrent de la cruauté et de la frénésie barbare et
destructrice de la Séléka.
Avec les ONG
spécialisées, la France mène le combat pour la vie, contre la malnutrition, pour
les droits de l’Homme, pour le rétablissement de la démocratie, en particulier à
travers le redressement de la presse privée.
En visite à Bangui,
cette semaine, Mme Kristalina Georgieva, Commissaire européenne chargée de la
coopération internationale, de l’aide humanitaire et de la réaction aux crises,
a annoncé que l’Union européenne consentirait un effort particulier en faveur
des populations centrafricaines déshéritées. Déjà partie prenante de cette aide
en qualité d’Etat membre, la France complète sa participation à l’effort
collectif européen par une contribution bilatérale de plus d’un milliard de
francs CFA. Je signerai cette semaine des conventions pour la mise en œuvre de
cette aide avec des ONG et le Comité international de la Croix
Rouge.
Nous soutenons nos
entreprises sans lesquelles il n’y aura pas de reprise économique. Elles ont été
durement éprouvées. Il faut avoir beaucoup de courage pour se remettre au
travail, alors que le résultat de tant d’efforts, parfois d’une vie, a été
anéanti en quelques heures de pillage.
Mes Chers Compatriotes, je le redis : rien, ni personne, ne nous abattra.
Face à cette
situation, on peut le comprendre, nos rangs se sont clairsemés. Notre communauté
a fondu de moitié depuis décembre dernier. Cet éloignement, provisoire pour
beaucoup, ne fait que renforcer la pugnacité de ceux qui restent, c’est-à-dire
de vous-mêmes qui êtes ici. Vous êtes les forces qui aideront à la construction
de ce pays.
Je dis bien
construction.
En effet, je crois
qu’il ne faut pas « reconstruire » la RCA sur les bases du passé qui ne feront
que resurgir ses vieux démons. Il faut voir loin. Il faut « bâtir » la RCA
nouvelle du XXIème siècle. Une RCA tournée vers le futur, la mise en valeur de
ses richesses agricoles et minières, les industries d’avenir, les nouvelles
technologies, et sa jeunesse. Pour cela, il faut faire un effort massif dans
l’enseignement, l’école est une priorité nationale absolue. Comme doit l’être la
lutte contre la corruption.
Dans ce contexte, la
France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, entend jouer
un rôle, tout son rôle, en relation avec le sens des responsabilités dont
doivent faire preuve nos cousins africains. Ils doivent trouver en eux-mêmes les
forces, les voies et moyens de résoudre les difficultés auxquelles ils sont
confrontés. Dans la crise actuelle, la France a d’emblée appelé à la cessation
des combats et à une solution négociée. Elle soutient l’action de la CEEAC et de
l’Union africaine. Elle participe au comité de suivi et du groupe de contact.
Elle apporte son appui logistique à la FOMAC. Son ambassade est ouverte et n’a
jamais cessé de fonctionner.
Une fois promulguée,
la Charte constitutionnelle de la transition ouvrira une nouvelle étape de la
marche vers l’élaboration d’une Constitution et d’élections aussi vite que
possible comme c’est le cas au Mali.
En Afrique, la
France et l’Union européenne, dont je salue fraternellement l’ambassadeur, qui
est souffrant, ainsi que les consuls honoraires représentant les Etats membres,
sont aux avant-postes. La France reste présente au côté de ses amis africains.
Elle l’a prouvé et continue à le faire. Elle l’a montré ce matin sur les
Champs-Elysées. Des représentants des forces africaines impliquées dans le
combat contre le terrorisme au Mali ont défilé ensemble sous le regard du
Président de la République et du Secrétaire général des Nations
Unies.
Mes Chers
compatriotes, Chers amis européens, cette année nous avons voulu nous retrouver
ensemble, entre nous. C’est le sens de la fête de la Fédération du 14 juillet
1790 que nous célébrons chaque année. C’est le jour où, dans un même élan
patriotique et républicain, nous célébrons le bonheur d’être Français et
d’appartenir à une Nation fière de son héritage, une Nation qui, dans les
épreuves, sait s’unir pour surmonter les difficultés d’aujourd’hui et envisager
demain avec espoir et confiance.
Ces valeurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, qui sont notre ciment national et notre message au monde, nous voulons les partager avec ceux qui viennent enrichir la communauté française. La fête nationale est particulièrement bien choisie, pour accueillir aujourd’hui dans la citoyenneté et la communauté française, Mme Marie-Louise Nabila Nguilé que j’invite à me rejoindre et à qui je remets son titre officiel de nationalité française et par là-même de citoyenneté européenne.
Comme membre de la Nation française, parmi nos devoirs, il y a le devoir de mémoire et de solidarité. Car la Nation est un tout insécable. Ayons donc une pensée pour nos soldats engagés sur des théâtres d’opérations extérieures, pour nos compatriotes dont la nationalité française leur vaut d’être retenus en otages. Ayons également une pensée pour les victimes de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge.
Un mot enfin pour saleur tous ceux qui rejoignent bientôt une autre affectation. Nous les voyons partir à regret. Je salue également les membres de l’Ordre national du Mérite qui fête cette année le cinquantième anniversaire de sa fondation par le Général de Gaulle.
Mes Chers
Compatriotes, ma femme et moi, servis par les circonstances, avons voulu
restaurer l’esprit républicain et convivial du 14 juillet qui est avant tout la
fête de tous ceux qui sont la richesse de la France, « de la France qui se bat,
de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ». Cette richesse
ce sont les Français eux-mêmes, c’est-à-dire vous-mêmes.
Mes Chers
Compatriotes, tout en vivant votre citoyenneté européenne, soyez heureux et
fiers d’être Français.
Du fond du cœur,
vive la République et vive la France.
Pour exprimer cette
communion patriotique et cet élan, j’ai demandé à nos soldats de chanter la
Marseillaise. Je vous invite à la chanter avec eux à leur rythme.
Serge
MUCETTI