La
Centrafrique, une affaire de sécurité nationale pour N'Djamena
«Sans l'aide de N'Djamena, Djotodia ne serait jamais rentré dans
Bangui
»
Le président du Tchad,
Idriss Deby Itno à la tribune de l'Assemblée générale de l'Onu, à New York. Ph:
AFP
Agence
France-Presse, 08.10.2013
- Parrain
historique de la Centrafrique, le régime tchadien a désormais décidé d'imposer
directement sa loi à Bangui via le président de transition Michel Djotodia pour
étouffer toute tentative de déstabilisation de sa frontière, selon des sources
diplomatiques et militaires.
Après
avoir soutenu à bout de bras - y compris financièrement - le régime
centrafricain de François Bozizé pendant des années, le président Idriss Deby
Itno l'a laissé brutalement tombé - le jugeant incapable de garantir la
stabilité de la longue frontière commune entre les deux pays - et a imposé un
nouveau président à Bangui au début 2013.
"Sans
l'aide de N'Djamena, Djotodia ne serait jamais rentré dans Bangui" à la tête des
rebelles de la Séléka, le 24 mars, rappelle un diplomate africain. Des
combattants d'origine tchadienne fournissent un bonne part des forces de Michel
Djotodia. Et l'armée tchadienne apporte le contingent le plus nombreux de la
force africaine déployée à Bangui.
Cette
politique d'intervention directe en Centrafrique tient en grande partie à
l'histoire personnelle du chef de l'Etat tchadien. "Par expérience, il sait qu'à
N'Djamena, le danger vient des zones frontières", explique ce
diplomate.
En 1990,
pour renverser le président tchadien Hissène Habré, il avait lui lui-même lancé
son offensive depuis les confins tchado-soudanais. En 2008, où son pouvoir a
vacillé quand des rebelles sont parvenus jusqu'aux grilles du palais
présidentiel de N'Djamena, les colonnes insurgés venaient là aussi de la
frontière soudanaise.
"Cette
affaire l'a marqué. Depuis, il veut étouffer dans l'oeuf toute tentative de
déstabilisation à ses frontières", explique un officier supérieur africain basé
à Bangui.
Selon un
diplomate occidental en Centrafrique, c'est d'ailleurs cette logique qui a amené
N'Djamena à intervenir en première ligne aux côtés des Français au Mali contre
des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda. "Idriss Déby préférait se battre
contre eux à l'étranger, plutôt que d'avoir à les affronter un jour au
Tchad".
Un général
pour ambassadeur
Et grâce à
l'argent du pétrole, le régime tchadien a désormais les moyens de sa politique.
A coups de pétro-CFA, il a en effet entièrement rééquipé son
armée.
Maintenant,
la priorité, c'est la Centrafrique, comme l'a encore rappelé le 19 septembre le
président Idriss Deby en affirmant que le chaos chez son voisin du sud risquait
d'en faire "un sanctuaire de terroristes".
Traditionnellement,
l'ambassadeur du Tchad à Bangui est un homme de confiance pour N'Djamena, selon
une source diplomatique tchadienne: "il n'est pas là pour faire de la
figuration".
Le profil
pour le moins atypique du titulaire du poste, le très discret et influent
Mahamat Bechir Cherif Daoussa, illustre les préoccupations d'Idriss Deby en
Centrafrique.
Général de
gendarmerie, c'est son premier poste diplomatique. Mais il a été successivement
directeur général de la police nationale, gouverneur de Moundou (sud), région
frontalière de la Centrafrique, et secrétaire d'Etat à la
Sécurité.
Si le
Tchad prend directement en charge le dossier centrafricain, c'est également en
raison de l'absence de ses voisins et du retrait relatif de la France - qui
maintient toutefois un détachement de 400 hommes à l'aéroport de Bangui, selon
plusieurs diplomates africains.
Il ne peut
laisser la main aux deux Soudan, du fait de la défiance historique entre
N'Djamena et Khartoum. La RD Congo est engluée dans ses propres problèmes
internes. Le Congo-Brazzaville joue certes un rôle de médiateur mais ne peut
guère faire plus. Quant au Cameroun, "le président Paul Biya se désintéresse
totalement des affaires de la région", déplore un responsable
onusien.