Nicolas Gros-Verheyde
crédit : OCHA/C.Illemassene
(BRUXELLES2, exclusif
- oct 2, 2013) - L’Union européenne
est prête à « soutenir
financièrement », voire
matériellement, « le déploiement d’une
force africaine de maintien de la paix en République centrafricaine
» (MISCA), a confirmé aujourd’hui un porte-parole du Haut représentant, lors du
point de presse quotidien en réponse à une question de B2. Mais l’UE attend pour
fixer le montant de sa contribution « les
documents finaux de planification qui doivent être encore finalisés
». Pour l’UE, a-t-il ajouté, « cette crise
sans précédent comme ses conséquences au plan régional, de la société et
humanitaire » requièrent « une
réponse internationale coordonnée, forte et revêtant plusieurs
dimensions ».
Un risque de
somalisation
Lors d’une réunion à
New-York, tenue la semaine dernière en marge de l’assemblée générale des
Nations-Unies, à l’initiative de la France et de l’Union européenne la
commissaire chargée des Affaires humanitaires, Kristalina Georgieva, n’avait pas
hésité à parler d’un « risque de somalisation » pour le pays. «
C’est la crise la plus oubliée du monde. La
situation humanitaire est catastrophique, affectant l’ensemble de la population
de 4,6 millions de personnes. Au cours des dernières semaines, le nombre de
personnes déplacées à l’intérieur a presque doublé pour atteindre
400.000 » a-t-elle expliqué, précisant que la situation en
Centrafrique n’est pas sans « conséquences
pour la région dans son ensemble. La RCA est au centre d’une région extrêmement
fragile de l’Afrique. »
La crise oubliée par
excellence
« Durant des années, on a essayé de mobiliser. Mais
personne ne s’y intéressait vraiment à cette crise oubliée » raconte
un diplomate européen. « Cette
question a été longtemps hors radar. Chacun restait sur une perception du passé où la
France gérait cette zone et qu’il n’y avait pas à s’en occuper. Mais maintenant
il y a un changement. » La France « ne veut pas gérer toute seule, elle veut y intéresser
les autres ». Et parmi les autres pays, chacun « a commencé à être conscient qu’il y a une question de
stabilité, de vide sécuritaire total au sein de l’Afrique qui peut être très
dangereux ». Et d’ajouter : «
Tout le monde est d’accord pour agir très vite pour renforcer la sécurité sur le
terrain. »
La discussion
sécuritaire vient de commencer
La discussion
sécuritaire vient cependant « juste de
commencer ». Et, selon des informations de participants à la
réunion de New-York, certains pays membres du Conseil de sécurité – le
Royaume-Uni et les Etats-Unis – semblaient encore « réticents » jusqu’à peu pour donner un
soutien international à la force, « davantage pour des questions de politique interne
» (consultations parlementaires). Côté africain, aussi, les
engagements tardent. Sur les 3500 effectifs de la MISCA, seuls 2000 sont réunis
(*). La décision prise par les Etats membres de la CEEAC (Afrique centrale), le
16 septembre dernier, d’augmenter leur contribution afin de compléter la
génération de force, « représente
une étape
importante » salue le porte-parole de Catherine Ashton. A noter
qu’une réunion, en format discret, devrait se tenir jeudi, organisée par
l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne.
Le rôle de la Misca :
primordial pour protéger les civils
« On souhaite une force sur le terrain qui protège les
civils, sécurise le terrain. Mais ce qu’il faut éviter est de n’avoir une
sécurisation uniquement sur Bangui en oubliant le reste du territoire, avec un
déplacement des bandes armées dans d’autres lieux » commente un
autre diplomate européen pour B2. La MICOPAX - Mission de consolidation de
la paix en République Centrafricaine – mise en place depuis juillet 2008, avec
un fort soutien financier européen (100 millions d’euros) a un format trop
limité (400 militaires + 150 policiers) pour pouvoir agir partour. « Mais là où elle a pu être présente, cela a eu un
effet très positif. »
Aide humanitaire :
mobiliser
La Commission
européenne a décidé d’augmenter son aide humanitaire d’urgence la portant à 20
millions d’euros (contre 8 millions d’euros en 2012). Mais il y a encore de
nombreux besoins. « La mission de la
commissaire Georgieva en juillet a permis de mobiliser certains
Etats ». La Suède et le Royaume-Uni ont versé, chacun 4 millions $,
et l’Allemagne 2,5 millions $, selon les chiffres du bureau des Nations-Unies de
coordination de l’aide humanitaire. Mais il s’agit encore de mobiliser d’autres
bonnes volontés, d’autres bailleurs de fond, souligne-t-on du côté de la
commissaire européenne Georgieva.
Aide de
transition
L’aide au
développement est quasiment stoppée. Cela « reste très difficile car il n’y a pas de partenaire
gouvernemental disponible » confirme un diplomate européen,
interrogé par B2. La tendance est plutôt «
de développer des programmes « cash flower », à haute haute intensité
de main d’œuvre afin de permettre à un maximum de population de pouvoir vivre de
façon légitime » mais sans verser d’argent à
l’État
Processus
politique
A terme, au niveau
politique, on songe du côté de la Commission européenne à mettre en place une
conférence d’appui pour le Centrafrique, en 2014, comme il y en a eu une
cette année pour le Mali ou la Somalie.
(*) La Misca : 3500 hommes. Décidée le 17 juillet par le Conseil de la paix et de la sécurité de l’organisation africaine, cette mission devra contribuer à : « (1) la protection des civils et à la restauration de la sécurité et de l’ordre public, à travers la mise en œuvre de mesures appropriées, (2) la stabilisation du pays et à la restauration de l’autorité de l’État centrafricain, (3) la réforme et la restructuration du secteur de la défense et de la sécurité, et (4) la création de conditions propices à la fourniture d’une assistance humanitaire aux populations dans le besoin. Elle devrait comprendre un effectif de 3.500 personnels en uniforme (2475 pour la composante militaire – soit environ 4 bataillons – et 1025 pour la composante de police), ainsi que 152 civils, en englobant les actuels effectifs de la MICOPAX. Elle aurait dû être mise en place et prendre le relais le 1er août, selon les documents de l’Union africaine.