CPI:
le tribunal a dit le droit, Jean-Pierre Bemba est libre. Et l'indemnisation des
victimes?
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La
CPI libère Jean-Pierre Bemba
Le chef de guerre congolais avait été condamné pour
crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
La justice internationale s’est ravisée avant de le
libérer, hier.
De quels crimes était accusé Jean-Pierre Bemba ?
Ce proche du clan
Mobutu _ son père était le « patron des patrons » du Zaïre, l’ancien nom de la
RD-Congo ou RDC _ a fondé le Mouvement de libération du Congo (MLC) en 1998
contre Laurent Désiré Kabila (ancien président de la RDC et père du président
actuel, Joseph Kabila).
Son parti est
intervenu en Centrafrique en 2002 pour soutenir, à sa demande, le président
Ange-Félix Patassé contre les rebelles conduits par François Bozizé. Les
« Banyamulenge » (le nom des combattants du MLC) ont commis des milliers
d’exactions contre les Centrafricains. Ces crimes n’ont pas empêché leur chef de
devenir, en 2003, vice-président de la RDC et de se présenter en 2006 à
l’élection présidentielle congolaise.
Livré en 2008 à
la Cour pénale internationale (CPI), il a été jugé coupable en 2016 en première
instance « de crimes contre l’humanité (meurtre et viol) et de crimes de
guerre (meurtre, viol et pillage) commis par les troupes du MLC en République
centrafricaine » du 26 octobre 2002 au 15 mars 2003 alors qu’il faisait
« effectivement fonction de chef militaire et possédait un contrôle effectif
sur les troupes du Mouvement de libération du
Congo ».
Pourquoi a-t-il
été acquitté ?
Le 8 juin 2018,
trois des cinq juges de la chambre d’appel ont conclu que Jean-Pierre Bemba
avait été « condamné à tort » : « il ne saurait être tenu
pénalement responsable au sens de l’article 28 du Statut de Rome des crimes qui
ont été commis par les troupes du MLC pendant l’opération menée en RCA et il
doit en être acquitté », ont-ils estimé. À leurs yeux, « la chambre de
première instance avait commis des erreurs graves en constatant que M. Bemba
n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou
réprimer les crimes des troupes du MLC. » Acquitté, il a été libéré,
hier.
Que va-t-il
devenir ?
Jean-Pierre Bemba
n’en a pas exactement fini avec la CPI : il est sous le coup d’une condamnation
à 12 mois de prison et d’une amende de 300 000 € pour des atteintes à
l’administration de la justice dans une affaire de subornation de témoins. Mais
plusieurs erreurs ont été relevées dans ce dossier par les juges de la CPI, de
sorte qu’une sentence définitive, moins rigoureuse, est attendue le
4 juillet.
Selon son avocat
Aimé Kilolo, Jean-Pierre Bemba peut demander à la CPI un dédommagement de
100 millions d’euros pour ces dix ans passés en prison.
Mais surtout, son
acquittement lui permet d’envisager de se présenter à la prochaine élection
présidentielle congolaise, d’ici à la fin de l’année 2018. Une mauvaise nouvelle
pour les leaders de l’opposition incapable, pour l’heure, de se mettre d’accord
sur une candidature unique. En particulier pour Moïse Katumbi qui avait su
attirer auprès de lui des proches de Bemba comme son porte-parole Olivier
Kamitatu. Cette libération n’est pas non plus de nature à rassurer le clan au
pouvoir mis en ballottage par Jean-Pierre Bemba à la présidentielle de
2006.
Laurent Larcher , le 14/06/2018 à 6h00
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L’acquittement
de Bemba révèle les échecs de la Cour pénale
internationale
L’acquittement
de l’ex-vice-président congolais met en avant les faiblesses des dossiers soumis
à la CPI.
Acquitté par la
chambre d’appel de la Cour pénale internationale, Jean-Pierre Bemba se trouve en
liberté provisoire. L’ex-vice-président de la République démocratique du Congo
(RDC) a bien quitté les murs de la prison de Scheveningen, à La Haye
(Pays-Bas), dans la soirée du 12 juin, mais n’a pas rejoint son domicile de
Bruxelles. La Cour doit encore se prononcer sur la peine qu’il devra purger pour
avoir suborné des témoins. Il faut, en attendant, qu’un Etat l’accueille sur son
sol. La Belgique, où réside sa famille, n’avait toujours pas répondu à la Cour
mercredi soir, a annoncé une source au Monde. Deux autres pays ont été
approchés.
L’acquittement de
M. Bemba, prononcé le 8 juin, à la majorité des juges de la chambre
d’appel, révèle avec force les échecs de la Cour. L’affaire Bemba fut bâtie sur
un postulat politique. C’est au nom de la « stabilité » de la
RDC que l’ancien procureur, Luis Moreno Ocampo, avait poursuivi Jean-Pierre
Bemba il y a dix ans. Beaucoup de diplomates et d’activistes soufflaient alors à
l’oreille de ce procureur. Puisque « deux crocodiles dans un même
marigot » ne font pas bon ménage, il fallait mettre fin au violent
face-à-face opposant Joseph Kabila, fraîchement élu à la tête de la RDC, à
Jean-Pierre Bemba. C’était en 2006.
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RCA:
Jean-Pierre Bemba acquitté, quid de l'indemnisation des victimes?
Depuis vendredi dernier, la
Cour pénale internationale a mauvaise presse en Centrafrique. L'acquittement
de Jean-Pierre Bemba a provoqué un tollé et ce sont les
5 229 victimes de cette crise qui ne peuvent désormais plus demander
réparation auprès de la Cour.
Mike
Cole, le représentant de la CPI à Bangui, a annoncé son désir de voir tout de
même les victimes
indemnisées. « Le conseil de direction du Fonds pour le
profit des victimes a pris une décision pour accélérer le programme de
relèvement de son mandat d'assistance. Le programme d'assistance sera assuré
sous forme de réhabilitation physique, psychologique, ainsi que de soutien
matériel. »
Un
million d'euros, c'est la somme qui a été demandée pour établir un capital de
départ auprès de l'assemblée des Etats parties du Fonds au profit des
victimes.
Un
peu d'espoir
Pour
Arsène, une des victimes des exactions du MLC, cette demande suscite un peu
d'espoir. « Nous attendons comme réparation, la réhabilitation pour nous
les victimes et également les indemnisations. »
Rentrée
de La Haye en colère, mardi après-midi, l'avocate des victimes, Marie-Edith
Douzima, juge que ce fonds est une moindre compensation. « Malgré
l'acquittement de Jean-Pierre Bemba, leur souffrance n'est pas oubliée dans la
mesure où la chambre d'appel n'a pas nié le fait qu'il y a des
victimes. »
A
la FIDH, qui a soutenu les victimes depuis des années, on estime que si l'acquittement
est critiquable, cette annonce est une bonne chose, permettant de
combler le vide du verdict, et de reconnaître le statut de
victimes.