Denis
Sassou N’Guesso : « Face à Ebola, il ne faut pas baisser la garde » et la
question de Centrafrique
Par
Camille Delourme et Rose-Marie Bouboutou - 05/03/2015,
journaldebrazza.com
Le
président congolais Denis Sassou N’Guesso a rencontré la presse internationale
dans les salons de l’Hôtel Steigenberger.
Le
chef de l’État a répondu à de nombreuses questions, quarante minutes durant, sur
la politique internationale et nationale. À commencer par le sujet du jour :
l’épidémie du virus Ebola.
Ne
surtout pas baisser la garde dans la lutte contre Ebola
«
Je crois que la tenue de cette conférence atteste de la volonté de la Communauté
internationale de poursuivre la mobilisation, avec autant de force et de
vigueur, pour éradiquer le fléau du virus Ebola. Parmi les enseignements,
positifs, de cette journée, on peut retenir que le Libéria et la Guinée
commencent à rouvrir les portes de leurs écoles. Ce qui confirme une nette
amélioration de la situation sur le terrain. Il ne faut toutefois pas baisser la
garde mais plutôt déployer encore plus d’énergie pour parvenir au « zéro cas ».
Sassou
N'guesso "Le débat est engagé au Congo afin de faire évoluer des institutions
issues des guerres civiles des années 90". © sassou.net
Un
« plan Marshall » pour relancer les économies des pays touchés par le virus
?
«
La relance économique sera un défi majeur pour la Guinée, le Liberia et la
Sierra Leone dont les économies ont été ébranlées par le virus. Sur ce point, la
communauté internationale a également réitéré son soutien indéfectible pour
établir un plan global de relance. Plusieurs protagonistes, aujourd’hui, n’ont
pas hésité à employer le terme de plan Marshall ». Alors que la Banque mondiale
estime des pertes allant de 3 à 7 points de croissance dans les pays les plus
touchés, Denis Sassou N’Guesso assure qu’« il faudra le soutien de toute la
communauté internationale, car les chantiers sont nombreux : infrastructures,
entreprenariat privé, éducation, administration. C’est en tout cas une bonne
nouvelle que la Banque mondiale puisse être la tête de file de la mobilisation
en faveur des pays concernés ».
L’après-Ebola,
quels enseignements pour l’avenir ?
«
Ce virus Ebola a mis en lumière, cruellement, les faiblesses des équipements
sanitaires de plusieurs pays africains. Ce drame doit donc servir à l’ensemble
des pays du continent à travailler dans ce sens. La coordination au sein de la
sous-région ouest-africaine a aussi affiché des failles qu’il faudra résoudre,
collectivement, à l’avenir. Le continent doit parvenir à mettre en place des
stratégies globales pour répondre rapidement et efficacement à des crises
sanitaires. Dans cette crise sanitaire sans précédent, l’Afrique a répondu
présent en soutenant les pays les plus touchés. Cette coopération est réelle,
mais peut et doit être améliorée pour gagner en
efficacité."
L’Afrique
centrale se mobilise contre la nébuleuse Boko Haram
Interpellé
par une consoeur sur l’immobilisme supposé de l’Afrique centrale sur la délicate
question de Boko Haram, le président de la République a pu faire le point sur la
situation. Avec une pointe d’humour.«Votre question permet de souligner que,
parfois, certaines informations échappent aux journalistes, fussent-ils
chevronnés. En effet, en marge du sommet de l’UA à Addis Abeba, les chefs d’État
d’Afrique centrale se sont réunis pour décider de la tenue d’un sommet, à
Yaoundé, consacré à Boko Haram le 16 février. Et votre modeste serviteur et
interlocuteur est l’un des initiateurs de ce sommet spécial de la Cééac.
À
cette occasion, nous y avons exprimé notre totale solidarité à l’endroit du
Cameroun et du Tchad. Nous y avons également annoncé la mobilisation de 100
millions de dollars pour venir en aide à nos frères et voisins. Par la suite, le
président Obiang Nguéma et moi-même sommes allés rencontrer le président
Jonathan à Abuja. Puis, le même jour, nous avons rallié Accra pour une séance de
travail avec John Dramani Mahama. Nous nous sommes accordés sur l’organisation
d’un Sommet Cédéao-Cééac pour apporter une solution commune à Boko Haram. Cet
après-midi, j’ai discuté avec le président de la Commission de la Cédéao (ndlr :
Kadré Désiré Ouédraogo) et ce sommet se concrétise. Nous sommes en mouvement, de
façon unie et solidaire », a dit Denis Sassou N'Guesso.
Aucune
tension avec Catherine Samba-Panza
Décoré,
à Rome, par l’organisation catholique Sant’Egidio pour son rôle de médiateur
dans le conflit centrafricain, le président de la République a pu apporter un
éclairage sur « le procès d’intention » fait aux « négociations de Nairobi » : «
En ce qui concerne mes relations avec Madame Samba-Panza, jamais nous n’avons
été en conflit. Si quelqu’un vous a dit pareille chose ou que vous-même avez eu
cette impression, je vous assure qu’il s’agit d’une mauvaise impression. Quant à
Nairobi, une initiative a été prise, non pas pour remettre quiconque en selle
(ndlr : les anciens présidents Bozizé et Djotodia), mais pour faire en sorte que
les groupes armés, anti-Balaka et Séléka, qui n’avaient pas totalement adhéré
aux conclusions du Forum de Brazzaville, s’inscrivent définitivement dans le
processus de paix.
C’est
chose faite puisqu’à Nairobi, ces groupes armés se sont engagés à cesser les
hostilités et à s’inscrire dans la feuille de route de la tenue des élections. »
Concernant les dites élections, le chef de l'État congolais ajoute : « il faut
mobiliser des moyens matériels et financiers importants que la République
centrafricaine n’a pas. Ici à Bruxelles, j’ai multiplié les contacts avec des
membres de l’Union européenne pour m’assurer de leur soutien dans l’organisation
des élections d’ici le mois d’août 2015. J’en profite d’ailleurs pour vous
annoncer la tenue, dans les prochaines semaines, d’une réunion pour que tous les
partenaires de la République centrafricaine puissent s’inscrire clairement dans
ce processus".
Constitution
et référendum au menu
Au
niveau national, la révision de la Constitution a été évoquée. « Le débat est
engagé au Congo afin de faire évoluer des institutions issues des guerres
civiles des années 90. J’ai invité toutes les forces politiques à s’impliquer
dans ce débat, pour permettre au Congo de relever, dans les prochaines années,
le défi de l’émergence. J’ai aussi dit, à plusieurs reprises, que si les
différentes parties ne trouvaient pas de consensus par le dialogue, le peuple
sera consulté par référendum. C’est aujourd’hui le débat qui doit prévaloir et
non pas celui des candidatures ». Relancé sur son cas personnel (« vous
voyez-vous, en 2016, autre part qu’à la tête du pays ? »), Denis Sessou N’Guesso
a répondu : « Si telle est la volonté des Congolais, oui. Mais ce ne sera pas la
mienne".
La
possible fermeture de l’ambassade de Belgique à Brazzaville ?
Respectant
le choix de la Belgique concernant la possible fermeture de son ambassade à
Brazzaville, le président s’est ainsi exprimé : « La Belgique a pris une
décision souveraine, dans le cadre de la restructuration de leur diplomatie.
Mais la Belgique est un partenaire historique du Congo et nous allons continuer
à discuter. Car nous croyons à l’intérêt du maintien de l’ambassade de Belgique
à Brazzaville".
Le
président ne veut pas arbitrer le match Le Roy-Mbono
Au
niveau domestique, et dans un domaine plus récréatif, l’avenir de Claude Le Roy
a été évoqué par une surprenante question : « Allez-vous retenir Claude Le Roy
qui a déclaré que vous seul pouviez le pousser à rester à la tête des Diables
rouges », a ainsi demandé notre confrère d’Africa24. « Ce n’est bien sûr pas à
moi de m’occuper de ce dossier qui dépend de la Fédération congolaise de
football. Il faut toutefois souligner que Claude Le Roy a fait du très bon
travail en prenant en main cette jeune équipe pour l’emmener à un niveau où l’on
ne voyait plus les Diables rouges depuis longtemps. J’ai donc une appréciation
favorable à l’endroit du travail qu’il a effectué ces derniers mois ». Une fois
n’est pas coutume, le président aura choisi de botter en touche sur ce point
sportif.