Par AFP – 01 avril
2015
AFP - Le président élu du Nigeria
Muhammadu Buhari s'adresse à la presse le 1er avril 2015 à
Abuja
Le nouveau président élu du
Nigeria Muhammadu Buhari a salué mercredi son élection, qui marque la première
alternance démocratique du pays depuis l'indépendance, comme "vraiment
historique", et a rendu hommage au chef de l'Etat sortant Goodluck
Jonathan.
"Notre pays a rejoint la
communauté des nations qui remplacent par les urnes un président en place au
cours d'un scrutin libre et honnête", s'est félicité M. Buhari, dans sa première
allocution depuis son élection.
"Pour moi, c'est vraiment
historique", s'est réjoui cet ancien putschiste de 72 ans, qui dirigea une junte
militaire pendant deux ans dans les années 1980, avant de se rallier à la
démocratie.
"A 17h15 exactement (mardi), le
président Jonathan m'a appelé pour me féliciter. J'appelle tous les Nigérians à
se joindre à moi pour saluer (ses) qualités d'homme d'Etat", a ajouté M.
Buhari.
Le nouveau président élu a
indiqué qu'il comptait rencontrer rapidement le chef de l'Etat sortant pour
organiser son arrivée à la présidence.
"M. Jonathan peut être certain
de toute notre compréhension, de notre entière coopération, et du respect de mon
équipe comme de moi-même", a-t-il assuré.
Muhammadu Buhari, qui était le
candidat du parti d'opposition du Congrès progressiste (APC) a remporté
l'élection présidentielle avec 53,95% des voix, contre 44,96% pour Goodluck
Jonathan, du Parti démocratique populaire (PDP), selon les résultats officiels
proclamés mercredi matin.
La victoire de M. Buhari marque
un tournant majeur dans l'histoire politique agitée du Nigeria qui a connu six
coups d'Etat militaires depuis l'indépendance en 1960, et qui a été gouverné par
le même parti, le PDP, depuis la fin des dictatures militaires il y a 16
ans
_____________________________________________________________
Nigeria :
le coup de fil de Jonathan qui a tout changé
lefigaro.fr - Par Tanguy Berthemet - Envoyé spécial à Kaduna, 01/04/2015 à 10:40
Le nouveau président élu du
Nigeria, Muhammadu Buhari, a salué mercredi « les qualités d'homme
d'État » du sortant, Goodluck Jonathan qui, la veille, l'avait appelé pour
reconnaître sa défaite. Un coup de téléphone qui a changé l'histoire du
pays.
Il était 17 heures 15 mardi, quand le président sortant du Nigeria, Goodluck Jonathan, a appelé son rival. En quelques mots, il reconnaissait sa défaite, et félicitait le vainqueur. Ce coup de téléphone peut paraître simple, évident, presque anodin. Mais au Nigeria, où la défaite politique est rarement envisagée, surtout si on perd à la loyale, c'est un vraie stupéfaction. Jamais un président n'avait décroché son combiné téléphonique. Il est vrai que les prédécesseurs de Goodluck Jonathan n'en avaient pas eu l'occasion. Soit ils s'étaient retirés au terme de leurs deux mandats constitutionnels, soit, le plus souvent, ils avaient été chassés du pouvoir sans ménagement, par des coups d'état. Le dernier président est mort sans avoir quitté ses fonctions, et a laissé la place, en 2010, à son vice-président: Goodluck Jonathan.
La dure réaction du
PDP
Il n'empêche, personne n'avait envisagé un tel
dénouement à cette campagne présidentielle. Elle fut longue et brutale. Et les
habitudes du pays ne poussaient pas une issue aussi fair-play. Goodluck
Jonathan, président critiqué pour sa manière d'exercer le pouvoir, sera devenu
un homme d'État à la dernière minute. Au Nigeria, la presse et les télévisions
ont longuement commenté son geste inattendu, pour encenser le président
sortant.
Au-delà de l'anecdote, ces paroles du vaincu au
vainqueur sont le signe que l'élection de samedi a été, pour la première fois,
libre, ouverte et relativement calme. Pour la première fois, le Nigeria est fier
de sa démocratie. Et le pays veut espérer que Jonathan a lancé une tradition qui
existe dans tous les régimes stables.
Certes de People's democratic party (PDP), l'ex parti au pouvoir qui va désormais devoir faire l'apprentissage de l'opposition, s'est montré moins gentleman. Il semble vouloir entretenir la réputation épouvantable de la classe politique nigériane. Un ancien ministre a accusé le chef de Commission électorale de partialité. A peu près tous les responsables locaux du PDP hurlent à la fraude. Le site internet du PDP revendiquait même la victoire, alors que les chiffes, plus de 15 millions de voix contre 12,5 millions, ne prêtaient pas vraiment à l'interprétation.
Le test de l'élection des
gouverneurs
Les Nigérians n'ont écouté que leur président
déchu. Sitôt le désormais célèbre appel connu, les supporters de Muhammadu
Buhari ont envahi les rues, fêtant longuement la large victoire de leur
candidat. Les peurs accumulées pendant la campagne, aiguisées par des pronostics
alarmistes, se sont évanouies. Ce ne fut une mauvaise nouvelle que pour les
vaches. Achetées pour célébrer la fin de l'élection présidentielle, elles ont
été sacrifiées plus tôt que prévu.
Mercredi, le pays prenait tout de même garde à ne pas trop s'emballer. Le chemin vers un régime sans violence est encore long. Le 11 avril, l'élection des gouverneurs des états sera un véritable test. Le choix des détenteurs de ces sièges, extrêmement importants et convoités, conduit souvent à des scrutins particulièrement douteux et rugueux. On saura à cette occasion si le coup de téléphone de Goodluck Jonathan a réellement transformé le Nigeria.
Source :
http://www.lefigaro.fr/international/2015/04/01/01003-20150401ARTFIG00111-nigeria-le-coup-de-fil-de-jonathan-qui-a-tout-change.php
________________________________________________________________
Muhammadu Buhari remporte la
présidentielle au Nigeria
Par
Ola AWONIYI, Ben
SIMON, AFP –
Apr 01 4:16
AM
L'ancien putschiste Muhammadu
Buhari a remporté la présidentielle au Nigeria contre le sortant Goodluck
Jonathan lors de l'élection la plus serrée de l'histoire du pays le plus peuplé
d'Afrique, selon les résultats officiels proclamés
mercredi.
La victoire de M. Buhari,
reconnue par M. Jonathan, constitue la première alternance démocratique au
Nigeria, marquant un tournant majeur dans l'histoire politique agitée de ce pays
qui a connu six coups d'Etat militaires depuis l'indépendance, en 1960, et qui a
été gouverné par le même parti depuis la fin des dictatures militaires, il y a
16 ans.
Avec l'annonce tard dans la
soirée de mardi au siège de la Commission nationale électorale indépendante
(Inec) de sa victoire écrasante dans l'Etat de Borno, épicentre de
l'insurrection islamiste de Boko Haram, M. Buhari remporte 21 Etats des 36 que
compte la fédération nigériane.
L'Inec a précisé mercredi matin
que M. Buhari, 72 ans, du Congrès progressiste (APC), avait remporté l'élection
avec 2,57 millions de voix d'avance sur son rival. Il a recueilli 15.424.921
voix ou 53,95% des 28.587.564 suffrages exprimés. Goodluck Jonathan, 57 ans, du
Parti démocratique populaire (PDP), a obtenu 12.853.162 voix (44,96%) à
l'élection qui s'est déroulée samedi et dimanche.
Sans tarder, l'Union européenne
a "chaleureusement félicité" mardi soir la victoire du candidat de M.
Buhari.
Le président français François
Hollande a également félicité Muhammadu Buhari et "salué la détermination du
peuple nigérian" ainsi que "le sens des responsabilités" du président nigérian
sortant, qui a reconnu sa défaite.
Dans un pays où les dissensions
politiques attisent souvent des tensions ethniques et religieuses, entraînant de
sanglantes émeutes post-électorales, le vote, qui s'est déroulé dans le calme,
n'a pas donné lieu à des violences majeures pour
l'instant.
Et le groupe islamiste Boko
Haram, qui a multiplié les attentats-suicides dans le nord, ces dernières
semaines, et qui avait juré de perturber cette élection, n'est pas parvenu à
empêcher le processus électoral.
Des milliers de Nigérians sont
descendus dans les rues de Kano, la plus grande ville du nord musulman, pour
célébrer la victoire de celui qu'ils ont plébiscité avec près de deux millions
de voix --contre un peu plus de 200.000 pour M. Jonathan dans cet Etat--, a
constaté un journaliste de l'AFP.
Une nuée de scooters et de
voitures tous feux allumés faisaient des rodéos avec leurs engins, dans un nuage
de gaz d'échappement. Des femmes voilées scandaient "Juste Buhari!" en choeur
dans la foule.
Nombre d'entre eux
brandissaient des balayettes, le symbole du parti de Buhari, le Congrès
progressiste (APC), qui s'est engagé à lutter contre des années de mauvaise
gouvernance et de corruption.
A Kaduna, dans le centre du
Nigeria, où des affrontements entre chrétiens et musulmans avaient fait près
d'un millier de morts lors de la défaite de M. Buhari à la présidentielle de
2011, la foule exultait elle aussi, mardi soir, après avoir retenu son souffle
tout le week-end dans l'attente des résultats.
- Première alternance
démocratique -
Le Nigeria, première économie
du continent, qui compte 69 millions d'électeurs inscrits sur 173 millions
d'habitants, a voté ce week-end pour élire, outre le président, les 109
sénateurs et les 360 députés du pays que compte le
Parlement.
Malgré les couacs techniques,
dûs à l'utilisation de lecteurs de cartes électorales biométriques pour la
première fois, qui ont engendré de longues files d'attente devant les bureaux
votes, et la menace d'attentats islamistes, les Nigérians ont été voter en masse
pour faire entendre leur mécontentement, notamment sur les questions de sécurité
et sur la corruption.
A Lagos, la capitale économique
et la plus grande ville du pays, où Buhari a remporté la présidentielle, des
feux d'artifice ont été lancés dans le quartier populaire d'Obalende et les
partisans du nouveau président ont laissé exploser leur joie dans les rues, à
pied, dans des triporteurs et même à cheval.
A Abuja, une foule compacte
dansait devant le QG de campagne de l'APC.
"Il s'agit de la première
alternance démocratique de l'histoire du Nigeria. Il n'est pas question de
musulman ou de chrétien, ou même de parti politique. Cela montre aux politiciens
que s'ils ne font pas leur travail, on peut les mettre dehors", s'est
enthousiasmé Anas Galadima, qui faisait partie de la fête.
Pour le commentateur politique
Chris Ngwodo, la victoire de M. Buhari "instaure une suprématie (...) de
l'électorat", dans un pays où, bien souvent, la bataille était gagnée d'avance
pour le président sortant.
"La dynamique entre les
gouvernés et le gouvernement a changé pour de bon", a-t-il
poursuivi.
Selon M. Ngwodo, si M. Buhari a
remporté cette élection, c'est parce, soutenu par une opposition unie, il a
réussi à fédérer l'électorat au niveau national, s'assurant d'une importante
réserve de voix dans la moitié nord, majoritairement musulmane, mais remportant
aussi des soutiens clé dans le sud, principalement chrétien - avec notamment un
appui stratégique à Lagos.
Les récentes avancées de
l'armée contre Boko Haram, dans le nord-est, grâce à l'intervention militaire
des pays voisins, le Tchad en tête, ont finalement peu profité à M. Jonathan,
les électeurs considérant sûrement que cette opération arrivait trop tard,
l'insurrection islamiste ayant fait plus de 13.000 morts en six
ans.
M. Jonathan a téléphoné à M.
Buhari dès 17H15, mardi, pour le féliciter et reconnaître sa défaite, selon
l'opposition, un geste qui a été salué par les politiciens de tous
bords.
"Je remercie tous les
Nigérians, une fois de plus, pour l'immense opportunité qui m'a été donnée de
diriger ce pays (...) J'ai transmis mes voeux personnels au général Muhammadu
Buhari", a-t-il déclaré dans un communiqué.
"Aucune ambition personnelle ne
vaut le sang d'un Nigérian", a ajouté M. Jonathan.
Aisha Buhari, l'épouse de M.
Buhari, "fière de son mari", a déclaré dans l'après-midi: "Nous allons
construire un nouveau Nigeria, comme mon mari l'a promis". Avant d'ajouter,
réaliste: "Ca va être dur. Les attentes sont immenses".
________________________________________________________________
1 avril 2015
Muhammudu Buhari vient d’être
élu président du Nigeria. Pour la première fois dans la courte histoire de la 4e
république (1999-), le pays est en train de vivre une alternance politique.
Pourtant Buhari n’est pas un nouveau venu.
Buhari à Chatham House, Londres,
février 2015
Buhari est né à Daura dans le
nord musulman du pays en 1943 et si les Nigérians se souviennent de lui c’est
avant tout en tant que militaire qui a traversé tous les soubresauts du Nigeria
indépendant. Ainsi il a participé au premier coup d’état de 1966 et dirigé des
troupes pendant la guerre du Biafra (1967-1970). Il a aussi fait partie du
groupe d’officiers qui a renversé le régime de Yakubu Gowon en 1975 et s’était
alors vu confier l’État fédéré du nord-est du pays, c’est à dire la partie du
Nigeria aujourd’hui menacée par Boko Haram. C’est encore à un coup d'État qu’il
participe quand il renverse la 2e république à la fin 1983. Cette fois-ci, il
devient chef d’État pendant 20 mois avant de se faire renverser lui-même par
Ibrahim Babangida et de passer presque trois ans en
prison.
Le président/général est devenu
à la fois célèbre pour son caractère inflexible et son incorruptibilité. Ce sont
deux images qu’il cultivera toujours et qui ont sans doute contribué à son
élection en 2015. Mais Buhari avait aussi recours à des méthodes très
autoritaires en organisant des tribunaux spéciaux pour emprisonner les
politiciens corrompus ou même en tentant de kidnapper un cacique du régime
précédent en plein Londres. En disant déclarer la «guerre contre
l’indiscipline», il a enfermé nombre de ses opposants dont le chanteur Fela
Kuti. Ce dernier s’en souviendra quand une fois sorti de prison et Buhari
renversé, il le qualifiera d'«animal à peau humaine» et en le comparant à Ronald
Reagan, Margaret Thatcher et P. W. Botha.
Les actions de Buhari alors
qu’il était président ont créé un nouveau mot entendu souvent dans le débat
politique nigérian : le «buharisme». Il s’agit du mélange d’un nationalisme
sourcilleux et de lois populistes. En plein bras de fer avec le FMI, Buhari
n’avait pas hésité à dévaluer le naira pour redonner une certaine liberté de
manœuvre à son pays. De même, sa politique répressive était souvent présentée
comme celle qui mettrait fin au népotisme ou à la corruption en général. Le
«buharisme» tel qu’il est compris aujourd’hui est, sans doute aucun, une forme
de populisme autoritaire.
Buhari a d’autres cartes en
main pour diriger le pays. Il a ainsi appris à connaitre le secteur pétrolier à
plusieurs reprises dans les années 1970 et 1990. Quand on sait que le pays est
aujourd’hui le 13e producteur mondial et qu’il a été lui-même à la tête d’une
agence gouvernementale en charge de la redistribution des revenus du pétrole, on
comprend que son expérience va compter. Surtout que depuis le début de l’année
le prix du cours du pétrole a chuté et que de nombreux États de la fédération
demandent un réajustement de la formule qui permet de distribuer les bénéfices
pétroliers au sein du Nigeria.
Buhari n’est pas le premier
général à s’être reconverti en démocrate. Le général Olusegun Obasanjo était
devenu le premier président du Nigeria démocratique en 1999. Buhari avait depuis
longtemps médité cette conversion puisqu’il s’était déjà présenté aux élections
présidentielles en 2003, 2007, 2011 et 2015. La quatrième fois est donc la
bonne; voici son discours de victoire.
APC Presidential Aspirant, Muhammadu Buhari, Gives Acceptance
Speech
Source: http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/2015/04/01/portrait-du-nouveau-president-du-nigeria-muhammudu-buhari/