Accord historique à Vienne sur le
nucléaire iranien après 12 ans de crise
Par
Charlotte
PLANTIVE, Siavosh GHAZI, Philippe
SCHWAB – AFP
-14/07/2015
Les principaux diplomates qui ont
oeuvré à la conclusion d'un accord sur le nucléaire iranien posent le 14 juillet
2015 à Vienne
L'Iran et les grandes
puissances ont conclu mardi un accord historique mettant fin à douze années de
tensions autour du dossier nucléaire iranien et ouvrant une "nouvelle page" dans
les relations internationales, alors qu'Israël dénonçait une "erreur historique".
Cet accord rend quasi
impossible la construction d'une bombe atomique par Téhéran et marque le début
d'une normalisation des relations de ce pays de 77 millions d'habitants, aux
riches ressources pétrolières et gazières, avec la communauté
internationale.
Dans les rues de Téhéran, les
Iraniens célébraient à coups de klaxons et de cris de joie, cet accord mardi
soir, après la rupture du jeûne du Ramadan. "Peut-être" que la situation
économique "va changer, spécialement pour les jeunes", confiait Giti, 42
ans.
L'UE, l'ONU, Téhéran ou encore
Londres ont salué un accord "historique", tandis que Moscou poussait "un soupir
de soulagement" au terme d'un véritable marathon diplomatique.
Les 109 pages de l'accord
limitent les ambitions nucléaires de Téhéran en échange de la levée progressive
et réversible des sanctions qui étouffent son économie.
Ce succès diplomatique, conclu
après deux ans de négociations acharnées, referme un dossier qui empoisonnait
les relations internationales depuis 2003.
Ce dénouement intervient à un
moment où le Proche-Orient est déchiré par de nombreux conflits, dans lesquels
l'Iran est impliqué.
Paris a appelé l'Iran à se
saisir de l'occasion pour "aider à en finir" avec le conflit en Syrie. A
Damas, le président Bachar al-Assad a félicité son allié iranien chiite pour sa
"grande victoire".
Même les Emirats arabes unis
-un pays sunnite- ont estimé que cet accord pouvait être une "occasion d'ouvrir
une nouvelle page dans les relations entre les pays de la région du
Golfe".
A l'inverse, Israël a
imédiatement dénoncé une "erreur historique", qui va permettre à l'Iran de
financer sa "machine de terreur". "Israël n'est pas lié à cet accord avec l'Iran
(....) Nous saurons toujours nous défendre", a menacé le Premier ministre
Benjamin Netanyahu.
C'est la première fois qu'un
accord à ce niveau lie
"Cet accord nous donne une
chance d'aller dans une nouvelle direction", a commenté le président américain
Barack Obama, tout en soulignant qu'il était fondé sur les vérifications "et pas
sur la confiance". Il a annoncé une conférence de presse mercredi à Washington
où l'accord doit désormais être soumis au Congrès, contrôlé par les Républicains
qui pourraient faire obstacle à son application.
L'épilogue heureux est aussi un
succès pour le président iranien Hassan Rohani, pour qui l'accord pourrait
"éliminer peu à peu la méfiance" entre les ennemis historiques. Le chef de
l'Etat, un modéré, a promis que son pays ne se doterait "jamais" de la bombe
atomique tandis que le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a salué
"les honnêtes et durs efforts" de ses négociateurs.
- Accès 'limité'
-
L'entente a été arrachée à
l'issue de 18 jours d'un dernier round de négociations.
L'accord met en oeuvre de
grands principes actés à Lausanne en avril: Téhéran s'engage à réduire ses
capacités nucléaires (centrifugeuses, stock d'uranium enrichi...) pendant
plusieurs années et à laisser les inspecteurs de l'Agence internationale de
l'énergie atomique (AIEA) procéder à des inspections plus
poussées.
Le but est de rendre quasiment
impossible la possibilité pour l'Iran de fabriquer une bombe atomique, tout en
assurant à Téhéran, qui a démenti toute visée militaire, le droit de développer
une filière nucléaire civile.
Une fois les installations
iraniennes réduites, selon les termes de l'accord, il faudrait en effet un an à
Téhéran pour fabriquer une bombe, contre deux à trois mois
aujourd'hui.
En échange, l'Iran bénéficiera
progressivement d'une levée des sanctions internationales adoptées depuis 2006
par les Etats-Unis, l'Union européenne et l'ONU et qui brident l'économie
iranienne. Les premières sanctions pourront être levées à partir du premier
semestre 2016 si Téhéran respecte ses engagements. En cas de violation de
l'accord, elles pourront être rétablies et cela pendant quinze
ans.
En revanche, l'interdiction du
commerce des armes a été reconduite pour cinq ans, sauf autorisation spécifique
du Conseil de sécurité. La demande de l'Iran, soutenue par Moscou, de lever cet
embargo a été un des principaux points de blocage.
Et l'Iran a accepté un "accès
limité" à certains de ses site militaires aux inspecteurs de
l'AIEA.
Les milieux économiques se
tiennent prêts à revenir dans ce pays qui dispose des quatrièmes réserves de
brut au monde et des deuxièmes de gaz. L'Iran, un pays de l'Opep, pourra à terme
exporter à nouveau librement son pétrole.
Les prix du pétrole, qui
avaient un peu perdu mardi matin, se sont resaisis dans la journée, les
investisseurs se montrant désireux de tourner la page après l'annonce de
l'accord historique.
L'accord doit encore être
endossé par le Conseil de sécurité de l'ONU, une formalité qui doit intervenir
d'ici "quelques jours", selon Paris.