Christiane Taubira, icône de gauche opposée à la déchéance de nationalité, claque la porte sur un « désaccord politique majeur »

Par Véronique MARTINACHE, Baptiste PACE | AFP  - 28/01/2016

La déchéance de nationalité aura eu 
raison de Christiane Taubira: la garde des Sceaux, devenue une icône de la 
gauche et une cible privilégiée de la droite et de l'extrême droite depuis 2012, 
a remis mercredi sa démission à François Hollande.
La déchéance de nationalité aura eu raison de Christiane Taubira: la garde des Sceaux, devenue une icône de la gauche et une cible privilégiée de la droite et de l'extrême droite depuis 2012, a remis mercredi sa démission à François Hollande.

"Je quitte le gouvernement sur un désaccord politique majeur", a-t-elle justifié depuis la Chancellerie, avant la passation de pouvoirs avec son successeur Jean-Jacques Urvoas, proche de Manuel Valls et président de la commission des Lois à l'Assemblée nationale.

Évoquant le "péril terroriste", elle a appelé à ne "concéder aucune victoire, ni militaire, ni diplomatique, ni politique, ni symbolique", se disant avec sa démission "fidèle" à elle-même, à ses "engagements" et à ses "combats".

"Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir", avait-elle tweeté peu après l'annonce de sa démission le matin, décidée selon l'Elysée avant le départ de M. Hollande en Inde le week-end dernier.

Après avoir remercié collaborateurs et personnel du ministère de la Justice, Christiane Taubira a enfourché son vélo et quitté la place Vendôme.

Par le passé, rares sont les ministres à avoir démissionné par désaccord avec la politique menée, si ce n'est Jean-Pierre Chevènement et son fameux "un ministre ça ferme sa gueule" ou "ça démissionne". Il démissionne en 1983 puis réitère en 1991 en raison de la guerre du Golfe et en 2000 sur la question corse. Michel Rocard avait jeté l'éponge en 1985, en désaccord sur la proportionnelle.

S'il a "salué" le travail de Mme Taubira depuis 2012, M. Hollande a souligné, lors du Conseil des ministres, les nécessaires "cohérence dans l'action" et "éthique collective" au sein du gouvernement. Or, censée porter cette réforme décidée après les attentats du 13 novembre, Mme Taubira n'avait pas caché son opposition à l'extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français.

En décembre, elle avait même annoncé son abandon sur un média algérien, avant d'être désavouée par l'Elysée et Matignon.

Une cascade de réactions a accompagné la démission de Christiane Taubira, devenue une figure de la gauche depuis la réforme du mariage homosexuel mais également une des cibles favorites de la droite et l'extrême droite, et objet aussi parfois d'attaques racistes.

L'ex-députée de Guyane s'est dite "fière" de son action Place Vendôme depuis 2012.

Marine Le Pen, présidente du Front national, a salué "une bonne nouvelle pour la France". Pour Guillaume Larrivé (LR), Mme Taubira a été "la pire ministre de la Justice de la Ve République".

- "Rétrécissement" de la majorité -

A gauche, Benoît Hamon, ancien ministre PS et proche de Mme Taubira, a exprimé son "respect pour (ses) convictions". Jean-Christophe Cambadélis lui a adressé ses "amitiés" au nom de "combats communs" tandis que, pour le frondeur Laurent Baumel, "François Hollande aura fracturé la gauche d'un bout à l'autre". Cécile Duflot (EELV) a elle "salué chaleureusement la décision de courage et de conviction" de Mme Taubira.

Huit Français sur 10 approuvent la démission de la ministre selon un sondage Elabe.

Nombre d'élus s'alarmaient, à un an et demi de l'élection présidentielle, du "rétrécissement" de la majorité de François Hollande, après les départs en 2014 de Cécile Duflot, puis d'Arnaud Montebourg, de Benoît Hamon, et d'Aurélie Filippetti. Celle-ci a d'ailleurs dit que Christiane Taubira pouvait "rassembler largement", répondant même "pourquoi pas" à la question d'une candidature de l'ex-ministre à des primaires de la gauche.

"Non, c'est absolument sûr", répondait toutefois samedi dernier Christiane Taubira à Michel Denisot qui l'interrogeait sur cette possibilité pour l'émission "Conversations secrètes" sur Canal+, diffusée mercredi soir. Emission dans laquelle elle laissait peu de place au doute sur sa prochaine démission.

Député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas est un juriste spécialiste des questions de sécurité. Il avait notamment été le rapporteur de la loi sur le renseignement en 2015. Il "portera, aux côtés du Premier ministre, la révision constitutionnelle et préparera le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et la réforme de la procédure pénale", selon l'Elysée.

Après ce coup de théâtre, Manuel Valls a précisé lui-même les contours de la réforme constitutionnelle devant la Commission des lois de l'Assemblée. Le Premier ministre a annoncé qu'"aucune référence" à la binationalité ne figurerait dans la Constitution, "ni a priori dans la loi ordinaire" censée décliner cette réforme.

Cette solution, une subtilité sémantique, permet de ne pas "stigmatiser" les binationaux, l'un des principaux reproches formulés à gauche. La France, par ailleurs, "s'engagera dans la ratification" de la Convention de 1961 interdisant la création d'apatrides, a précisé le Premier ministre.

M. Valls a par ailleurs accédé à une demande de la droite en annonçant que cette déchéance serait rendue possible également pour "les délits les plus graves".

 

Vidéo : Taubira quitte son ministère à vélo et sous les applaudissements

https://fr.news.yahoo.com/video/taubira-quitte-son-ministère-à-141521998.html

Christiane Taubira a quitté mercredi 27 janvier à bicyclette le ministère de la Justice, accompagnée d'une foule de caméras et des applaudissements du personnel, a constaté une journaliste de l'AFP. Durée: 01:10

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Christiane Taubira démissionne sur un désaccord politique majeur

Reuters – 27/01/2016

Reuters/Reuters - La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a démissioné mercredi, déclarant qu'elle quittait le gouvernement sur un "désaccord politique majeur" lié au projet du gouvernement …plus  de prononcer la déchéance de nationalité pour les personnes coupables de terrorisme. /Photo prise le 27 janvier 2016/REUTERS/Christian Hartmann

PARIS (Reuters) - La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a démissionné mercredi du gouvernement en raison d'"un désaccord politique majeur" sur la politique sécuritaire du gouvernement, une décision attendue qui clôt de longs mois de défiance.

Elle a présenté sa démission au chef de l'Etat avant le conseil des ministres, le jour de la présentation par le Premier ministre de la révision de la Constitution sur l'extension de la déchéance de nationalité, disposition, finalement expurgée, qu'elle combattait.

Christiane Taubira est remplacée par le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, un proche du Premier ministre.

"Je quitte le gouvernement sur un désaccord politique majeur. Je choisis d'être fidèle à moi-même, à mes engagements, à mes combats, à mon rapport aux autres", a-t-elle expliqué lors d'une déclaration à la presse avant la passation de pouvoirs.

En fonction depuis le 16 mai 2012, l'"icône" du mariage homosexuel, porte-parole des frondeurs de la gauche, met ainsi fin à une situation inconfortable, voire intenable, au sein d'un gouvernement où elle était de longue date en porte-à-faux avec François Hollande et Manuel Valls.

Attaquée régulièrement par l'opposition qui réclamait sa démission, Christiane Taubira, qui aura 64 ans le 2 février, avait mené à son terme en 2015 une réforme pénale jugée "laxiste" par la droite et le Front national pour avoir supprimé notamment les peines planchers.

"LE DERNIER MOT À L'ÉTHIQUE"

La présidente du FN, Marine Le Pen, a salué mercredi "une bonne nouvelle pour la France" dans un concert de réactions de soulagement au sein de l'opposition. Les "frondeurs" socialistes et des responsables écologistes, telle Cécile Duflot qui démissionna en 2014 du gouvernement, ont loué pour leur part le "courage" et les "convictions" de la ministre.

A l'Assemblée, les députés socialistes et écologistes se sont levés pour l'applaudir après qu'elle eut été remerciée pour des "combats emblématiques" et des "moments historiques".

La décision du chef de l'Etat, après les attentats du 13 novembre, de constitutionnaliser la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français convaincus de terrorisme, aura précipité le départ de Christiane Taubira alors qu'elle avait exprimé le voeu de rester à son poste.

Ironie du sort, le gouvernement, au nom de l'unité nationale, a finalement renoncé à inscrire la référence aux binationaux dans la Constitution, a annoncé mercredi Manuel Valls en présentant un texte remanié devant la commission des Lois de l'Assemblée.

"Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit", avait écrit auparavant Christiane Taubira sur son compte Twitter, avec l'emphase littéraire qui caractérisait ses discours.

Le ton s'est durci lors de sa déclaration à la presse : "Nous ne devons lui concéder aucune victoire, ni militaire, ni diplomatique, ni politique, ni symbolique", a-t-elle dit du "péril terroriste".

"Pour elle, le seul fait d'inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution est inacceptable", a-t-on expliqué dans son entourage.

UNE NOMINATION AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL?

Ouvertement hostile à l'extension de la déchéance de nationalité - mesure qui lui donnait un "haut-le-coeur" confiait-elle le 18 novembre dernier sur France 5 -, Christiane Taubira avait plusieurs fois exprimé son désaccord.

Lors d'une visite en Algérie le 22 décembre, elle avait même annoncé sur une radio locale l'abandon de cette mesure symbolique plébiscitée par les Français dans les enquêtes d'opinion. Elle estimait alors que la réforme, qui divise profondément la majorité, "posait un problème de fond sur le principe fondamental qu'est le droit du sol".

Le lendemain, Manuel Valls la désavouait publiquement en annonçant le maintien de la disposition contestée et en soulignant que "le respect de la parole présidentielle s'impos[ait] à tous."

"Chacun a droit à ses doutes, à ses interrogations, à ses questionnements et à ses analyses", avait toutefois ajouté le Premier ministre lors d'une conférence de presse aux côtés de Christiane Taubira.

L'équation politique devenant inextricable, Manuel Valls s'était résolu à défendre lui-même le projet de loi constitutionnelle devant les députés, à partir du 5 février, alors que cette mission incombait à la garde des Sceaux. Jean-Jacques Urvoas, qui a décidé début décembre un outil de contrôle de l'état d'urgence, devait en être le rapporteur.

La démission de Christiane Taubira intervient quelques semaines avant un remaniement attendu, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius étant donné partant pour le Conseil constitutionnel en mars prochain.

Trois nouveaux "Sages" doivent être nommés, un par le président de la République, un par le président du Sénat et un par le président de l'Assemblée nationale, et le nom de Christiane Taubira a été cité parmi les prétendants possibles.

(Sophie Louet avec Service France, édité par Yves Clarisse)

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Autres titres :

 

Christiane Taubira : « Je choisis d’être fidèle à moi-même »

Le Monde.fr | 27.01.2016 à 09h14 • Mis à jour le 27.01.2016 à 21h40

http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/01/27/la-ministre-de-la-justice-christiane-taubira-a-demissionne_4854309_823448.html

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Démission de Christiane Taubira : une bonne ou une mauvaise chose pour le gouvernement ?

http://www.francetvinfo.fr/politique/christiane-taubira/demission-de-christiane-taubira-une-bonne-ou-une-mauvaise-chose-pour-le-gouvernement_1288291.html#xtor=AL-79-%5Barticle_video%5D-%5Bconnexe%5D