Devant la CPI,
l'Ivoirien Blé Goudé s'affirme comme "un homme de paix" un "pacifiste dans
l'âme", affirme sa défense
Par
Maude BRULARD
| AFP -02
février 2016
20h45
Charles Blé
Goudé, ancien chef du mouvement des Jeunes patriotes fidèles à l'ex-président
ivoirien Laurent Gbagbo, a assuré mardi devant la CPI être innocent des crimes contre l'humanité
dont il est accusé, se présentant comme un "homme de paix" n'ayant "aucune
goutte de sang" sur les mains.
Les deux hommes
comparaissent devant la Cour pénale internationale de La Haye pour leurs rôles
présumés dans la crise née du refus de l'ex-chef de l'Etat de céder le pouvoir à
Alassane Ouattara, reconnu vainqueur par la France, les Etats-Unis et l'Union
européenne de la présidentielle de fin 2010.
Les violences
avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois, des deux côtés du conflit,
transformant en champ de bataille certaines zones du premier producteur mondial
de cacao, moteur économique de l'Afrique de l'Ouest.
M. Blé Goudé et
son mentor sont accusés de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtres,
viols, persécutions et autres actes inhumains, présumés commis notamment par les
Jeunes patriotes.
Petites lunettes
noires rectangulaires, costume bleu et chemise blanche, Charles Blé Goudé, 44
ans, s'est exprimé avec éloquence devant les juges, se tournant régulièrement
vers ses partisans réunis dans la galerie du public.
"Jamais, je n'ai
commis de crimes, jamais", a assuré celui qui était surnommé le "général de la
rue" pour sa capacité à mobiliser les partisans de Laurent Gbagbo, assurant:
"dans mes relations avec mes concitoyens, aucune goutte de sang ne crie contre
moi".
"Au cours de la
crise, j'ai pris des risques énormes, de village en village, dans les campagnes,
pour sensibiliser les populations à la paix, j'ai lancé des appels à la
retenue", a-t-il affirmé.
L'accusé avait
épinglé sur le revers de sa veste un pin's du Cojep, le Congrès panafricain des
Jeunes patriotes, qu'il a fondé en 2001. Ce groupe était le fer de lance de
violentes manifestations antifrançaises en janvier 2003 et novembre
2004.
Mais selon sa
défense, en 2007, Charles Blé Goudé a parcouru le pays avec sa "caravane de la
paix", appelant à "tendre la main à l'ennemi". Des vidéos de cette époque
montrées aux juges ont ému les partisans de l'ex-chef de milice présents dans le
public, qui ont versé quelques larmes.
- Rien à se
reprocher -
Très
charismatique, Charles Blé Goudé est considéré par ses détracteurs et les ONG
internationales comme un de ceux ayant le plus contribué aux violences de
2010-2011.
"La justice, il
ne faut pas la fuir, surtout quand on ne se reproche rien, a-t-il ajouté. C'est
pourquoi je me tiens devant vous avec confiance".
Auparavant, son
avocat, le Néerlandais Geert-Jan Knoops, l'avait comparé au champion des droits
civiques Martin Luther King, affirmant que M. Blé Goudé était "un pacifiste dans
l'âme".
L'avocat a
également présenté une vidéo montrant l'accusé avec Jesse Jackson, un proche du
pasteur américain.
MM. Gbagbo et Blé
Goudé avaient plaidé non-coupable jeudi à l'ouverture du procès. L'accusation
assure que l'ancien président, âgé de 70 ans, s'est accroché au pouvoir "par
tous les moyens".
La défense de
Laurent Gbagbo a, elle, accusé lundi Alassane Ouattara de s'être emparé du
pouvoir "par la force", avec l'aide de la France, l'ex-puissance
coloniale.
Laurent Gbagbo,
dont la santé est "fragile", selon ses avocats, avait été livré à la CPI en
2011. Charles Blé Goudé l'avait été en 2014.
La peine maximale
encourue devant la CPI est de 30 ans de
prison, mais les juges peuvent prononcer une peine plus lourde s'ils estiment
que les crimes commis sont exceptionnellement graves.
Mercredi,
l'accusation appellera à la barre ses premiers témoins.
Bien que le
procureur ait promis d'intensifier ses efforts et appelé à la patience, aucun
membre du camp Ouattara n'a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut
parfois d'être taxée de "justice des vainqueurs".
"Je ne suis pas
un homme de guerre et j?appelle à la réconciliation dans mon pays, j?appelle à
la paix", a conclu M. Blé Goudé, applaudi par ses partisans, souhaitant être
"jugé sur mes actes en tant qu'individu et non sur ce qu'on aurait voulu que je
sois".