02 décembre 2014
- Par Claude Ribbe
sur Mediapart [Pour
comprendre l'affaire Exhibit B]
Source : C. Ribbe et
http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-ribbe/021214/et-si-exhibit-b-etait-finalement-autre-chose-qu-une-oeuvre-d-art
Les défenseurs d’Exhibit
B considèrent tous que cette « performance » serait une œuvre
d’art.
On a pris l’habitude
d’admettre, surtout depuis Marcel Duchamp, que n’importe quel objet peut être
promu à la dignité d’œuvre d'art par le choix de l'artiste, à condition qu’il
soit validé par notre perception.
Exhibit B repose principalement sur la
volonté de mettre en scène des corps d’Africains ou d’Afro-descendants dans des
situations dont il est difficile de contester qu’elles sont humiliantes, et sur
le regard de spectateurs qui reconnaissent implicitement, en pénétrant
dans le théâtre, cette mise en scène comme une œuvre.
L’argument majeur qui est
opposé aux contestataires est leur refus de voir la
« performance » avant de la rejeter. Mais voir la
« performance », c’est reconnaitre Exhibit B comme une œuvre
d’art et donc ce refus de voir, c’est peut-être tout simplement le refus
d’accorder à Exhibit B le statut d’œuvre d’art.
Ainsi, pour les
opposants, demander l’annulation ne serait pas perçu comme un acte attentatoire
à la liberté de l’artiste, puisqu’ils dénient à Exhibit B la qualité même
d’œuvre d’art.
Ce qui est
offert au regard dans ces tableaux contraint le spectateur à décrypter les
objets vivants exposés comme étant des corps «noirs» suppliciés ou en tout cas
dénigrés. Et dès lors, cette obligation de décryptage a un sens
particulier pour celui qui sait bien qu’il se reconnaîtrait s’il acceptait de
(se) regarder dans ce qui n’est pour lui qu’un miroir.
On est forcé
d’en conclure que le regard dont Exhibit B a besoin pour accéder au
statut d’œuvre d‘art n’est, par définition, pas universel. Pour les uns, ce sont
des « corps noirs » que le martyre exalte à l’état d’œuvre d’art, pour
les autres, qui refusent de se prêter au jeu, la reconstitution d’un zoo humain
dans lequel - ils ne le savent que trop- Brett Bailey les oblige à se
reconnaître comme victimes.
Une œuvre
peut-elle exister sans avoir une portée universelle ? L’art
est-il possible en mettant a priori hors jeu une partie, fût-elle minime,
de l’humanité ?
Qu’ils en soient
conscients ou pas, les intellectuels qui se sont efforcés de porter un
jugement sur Exhibit B lui ont reconnu sans discussion le statut
prestigieux d’œuvre d’art, parce qu’ils en avaient déjà, par leur regard
complaisant de spectateur, endossé la racialisation, qu’ils se trouvaient
incapables d’échapper à la dichotomie blanc/noir qu’elle imposait et,
partant, à tous les pièges que cette lecture simpliste de l’humanité peut
induire.
C’est cette
racialisation imposée qui pose problème dans cette « performance »,
cette impossibilité, pour une partie de la population, d’accepter ce que
d’aucuns considèrent comme une œuvre là où eux ne voient qu’un outrage, une
provocation non seulement insupportable dans le principe, mais surtout
impossible à regarder.
Peut-être
faudrait-il cesser, au nom de l’ « art » et de la liberté
d’expression de l’artiste, de refuser aux opposants à ce spectacle le droit d’en
demander l’annulation. Ce déni ne serait légitime que si Exhibit B, comme
toute œuvre d’art, se plaçait d’un point de vue universel, donc incontestable.
Et tel n’est, à ce qu’il me semble, malheureusement pas le
cas.
Tous
les commentaires (à la date du 03/12/2014)
Est-il
envisageable que l'artiste ait l'humilité d'admettre que sa façon de dénoncer ce
qu'il dit combattre ajoute à l'humiliation des personnes qui se sentent
concernées ?
Il ne s'agit
pas, de la part des contestataires, d'un rejet pour des raisons dogmatiques, de
tabous contestables (religieux, politiques, ...) ; il s'agit, pour
l'auteur, de respecter et reconnaître la légitimité d'un ressenti émotionnel,
d'une souffrance encore vive, d'une douleur encore présente.
·
Alerter
Quel est le
ressenti de quelqu'un qui n'a pas vu ce qu'il critique?
C'est la pensée
Finkielkraut !
(qui avait
critiqué le film Underground (1995) de Kusturica sans l'avoir vu - fait
dont s'était inspiré le film Rien sur Robert de Pascal Bonitzer en
1999).
·
Alerter
Dans une époque
rétrograde ou la barbarie reprend le dessus, on banalise un spectacle dégradant,
offert aux yeux de la populace comme aux siècles précédents, se retranchant
derrière l'appellation autoproclamée, par leur auteur et ses supporters:
d'oeuvre d'art.
Verra-t-on se
multiplier les spectacles d' humiliation en tout genre subies par les plus
déshérités, hier comme aujourd'hui, et banaliser aux yeux de la population
toutes les atrocités et humiliations commises par les humains sous le prétendu
prétexte de les dénoncer.
Du spectacle à
la réalité il n'y a qu'un pas franchi de plus en plus souvent. L'homme est un
animal brutal et sanguinaire et les spectacles sanguinaires l'attirent.
Transformer cette barbarie en spectacle courant la rend plus proche. Ce qui est
en cause, ce n'est pas de montrer des horreurs, mais de traiter des gens,
fussent-ils volontaires, (et volontaires pour quel motif) en objets. C'est tout
le contraire de l'art.
C'est la
barrière entre le tolérable et l'intolérable qui est brisée. Tout un chacun sera
à même de reproduire ce type de spectacle "artistique" dans le secret de lieux à
l'abri des regards ou l'on pourra en petit comité développer tout spectacle
dégradant, voir tout type de torture. Belle éducation pour notre jeunesse,
bel exemple pour l'humanité.
Le titre
"Exibition" est très juste et tout à fait adapté. Cette production fait penser à
un monde sans grande moralité.
·
Alerter
En fait les
contempteurs de cette ignominie ont une méconnaissance profonde des rapports de
dominations qui - ont été - sont infligés aux noirs. Cela s'apparente même à du
racisme tout simplement. Si cette bêtise concernait une certaine communauté, les
mêmes s'en seraient indignés à plus soif. Ce sont ces postures et indignations à
géométrie variable qui posent problème. En 2014, sous couvert d'art, on peut
humilier en conscience des gens et faire le procès de ceux qui sont horrifiés
par le procédé.
·
Alerter
Si cette
bêtise concernait une certaine communauté,
les mêmes s'en seraient indignés à plus soif.
On
progresse : sur un autre fil, un internaute parle de drôles à calotte et à ficelles. Mon dieu que
c'est dur d'éviter la censure du mot "j...f" par la
modération !
Par ailleurs,
comment pouvez-vous être sûr que ceux qui s'indignent à plus soif de
l'appel à l'inexistence de cette pièce se seraient indignés avec la soif
qui leur resterait de l'existence d’une pièce mettant en scène leur propre
communauté ?
Comment
pouvez-vous être sûr que l'artiste a cherché, sous couvert d'art, à humilier
en conscience des gens ? Il vous l'a dit ? Vous êtes dans son
âme ?
·
Alerter
Le plus grave à
mon sens est que cette pièce fait comme si tous les "regardants" connaissaient
l'histoire des zoos humains alors qu'elle est très mal connue sinon totalement
ignorée de la plupart des français. Personnellement j'ai vraiment réalisé ce
qu'étaient les zoos humains quand il en a était question en 1998 autour du
footballeur Kanaque Christian Karambeu quand il a expliqué pourquoi il ne
chantait pas la marseillaise.
Je pense ne pas
être la seule à mal connaître cela et surtout en mesurer
l'ignominie.
Sans doute
l'expo EXIBIT B s'adresse t'elle aux gens plus cultivés que moi, esthètes de
l'art mais un spectacle est normalement fait pour être vu par
tous.
Bailey Africain
du sud s'empare ainsi d'une histoire qui n'est pas la sienne mais plutôt
celle des européo/africains/caraïbes pour en faire le spectacle- simulacre
des zoos humains destinés aux expositions "universelles"
des métropoles européennes.
Les visiteurs
des musées classiques n'y ont rien vu à redire ils en sont restés à l'émotion
artistique. Je me souviens de Karembeu, on sentait que la présentation de son
grand-père au zoo lui était restée en travers.
·
Alerter
Une histoire qui
n'est pas la sienne ? Des Sud-Africains n'ont-ils pas été exposés comme des
bêtes de foire, Saartje Bartman, la "Vénus Hottentote", n'était-elle pas
Sud-Africaine ?
·
Alerter
Cette critique
du fait que l'artiste s'adresse à des initiés et peu être mal compris est
valide, mais il faut reconnaître alors qu'elle concerne absolument tout l'art
moderne.
·
Alerter
C'est compliqué,
cette question: Nuit et brouillard est un film documentaire, est-ce une oeuvre
d'art? Ce qu'expose ce film est-il très différent? Pure souffrance humaine par
pure cruauté dont encore aujourd'hui bien des gens souffrent. Les fils du
colonialisme et de l'esclavage sont très emmêlés, il est très difficile de les
demêler. Même si l'on peut croire l'auteur quand il affirme que son propos n'est
pas raciste, les effets de son propos puevent l'être et du coup, son travail
inregardable.
En ces temps de
grande recrudescence des pires tendances de l'humain sur nos terres, on peut se
méfier de ce genre de spectacle, et peut-être surtout, de ses effets
secondaires. Faut-il alimenter la machine à interdire? Faut-il alimenter la
machine à ségreguer? Si j'ai bien compris le problème, c'est la censure contre
l'artiste versus la permission de montrer l'exercice du racisme le plus bas brut
de décoffrage. Les deux sont mauvais, selon moi... je ne vois pas la solution.
Dans le portrait du colonisateur/ portrait du colonisé, Memmi ne donne pas de
solution, et dit qu'il n'y en a pas, ou qu'il n'y en a que de
mauvaises.
·
Alerter
"Nuit et
Brouillard" est un regard de cinéaste sur des crimes contre l'humanité. Il
utilise des documents et relie l'ensemble selon son point de vue. Ce film marque
encore les enfants que leurs enseignants installent devant comme s'ils allaient
à une conférence par un historien, l'autorisation de l'Education Nationale
peut être remise en cause aujourd'hui alors que les autres génocides anciens
comme l'esclavage ou récents et actuels sont seulement cités et
parfois analysés. Je me demande si l'installation des crimes de cet été en
Palestine était présentée serait permise, même si on la dénommait "oeuvre
d'art"...Supprimer la loi Gayssot qui protège certains à cause d'un
génocide et laisse se déchainer tous les autre racismes. 2 poids, 2
mesures.
·
Alerter
Ce discours du 2
poids, 2 mesures me rappelle une saynette en gare. Un employé de la SNCF un peu
mou se fait prendre à partie ("gréviste, fonctionnaire, privilégié") par une
femme qui devait sans doute partager les mêmes galères quotidiennes. C'est sans
doute plus simple de crier sur le "privilégié" de proximité et essayer de le
dépouiller de ses maigres avantages, et ainsi devenir le promoteur d'une sorte
d'égalitarisme dans l'oppression. Ce qui est une conquête sociale devient un
privilège (accordé par qui ?). Bref, la compétition victimaire est un
cul de sac, une course vers le bas où (presque) tout le monde
perd.
Quant à l'expo,
je ne sais pas pourquoi on traite de la liberté de créer comme d'un droit absolu
(idem pour la liberté d'expression). Je ne peux pas insulter, menacer mon voisin
(même poétiquement et de façon artistique). Ni mettre en scène un viol (je ne me
souviens pas d'avoir vu quiconque défendre les snuff movies comme de l'art) ou
une dissécation. Il y a une limite à la liberté de la création (comme à la
liberté d'expression), c'est accepté par tout le monde, et il est parfaitement
légitime d'en débattre.
·
Alerter
"nuit et
brouillard" est un fim et non une pièce de théatre ce qui introduit une
distance, on n'y voit que des cadavres et pas des être vivants, il est commenté,
ces deux oeuvres ne sont pas comparables et il ne s'agit pas de concurrence des
mémoires mais de rapport entre êtres humains : les acteurs mis en scène zoo
humain qui regardent le visiteur qui vient voir EXIBIT B.
Il n'y a pas de
comparaison possible entre les deux.
·
Alerter
Ce commentaire a
été dépublié par son auteur.
Soyons simples:
quel est l'objectif de ce spectacle ? A quoi est-il utile ? Même
si l'objectif est noble, il n'est pas visible, pas compris, illisible. Ce
spectacle n'est pas une oeuvre d'art, il n'apporte rien de bon, rien de positif,
même pas une prise de conscience, de plus cela ne sert à
rien.
Spectacle
inutile et fatigues inutiles.
·
Alerter
Comme je le
disais sur le même sujet:
Bon exemple
de mécanisme où des bonnes volontés s'affrontent dans une surenchère selon le
mécanisme gauchiste classique du plus à gauche/antiraciste que moi tu
meurs.
Le véritable
pb est plutôt l'ineptie d'une vision scolaire et historique de la question
traitée, alors que le racisme actuel n'est évidemment pas l’esclavage ou les
zoos humains, mais les discriminations au logement, à l'emploi, les violences
policières ou le paternalisme de gauche.
Ces lieux de
mémoire ne sont que des images d’Épinal. Cette vision scolaire ringarde est la
vraie infantilisation, qui caractérise l'essence de la hiérarchisation (raciale
ou non).
·
Alerter
Voici quelques
jours, j'avais commenté la tribune de Tristan Guilloux, relative à Exhibit
B, Pourquoi je ne suis pas d'accord avec la tribune de
Christophe Girard à propos de l'expo de Brett Bailey, dans
les termes qui suivent, répondant à un abonné de MDP, se positionnant, lui
aussi, en faveur du collectif demandant l'annulation de l'exposition,
ajoutant à ses arguments :
Sans compter,
plus récemment ces corps écorchés et siliconés, dont l'exposition fut
heureusement interdite par décision de justice en France. Exposition de cadavres
mis en scène, très sûrement des dépouilles de prisonniers chinois
exécutés, achetées à Hong-Kong selon "L'artiste" -que pour ma
part j'ai peine à différencier d'un Mengele- lequel n'a jamais donné de
preuves démentissant cette hypothèse. Prisonniers exécutés ou non, cette
"expo" cauchemardesque connut un succès dans de nombreuses
capitales de la planète. Le pis est qu'il y a toujours un
public pour "visiter" et financer ce genre de monstruosité
qualifié d'art contemporain. [Dans un autre registre] au fond, peu éloigné sur
le plan philosophique et éthique, voici quelques années, un autre artiste
encouragé par la Mairie de Paris, avait proposé à des personnes sans
domicile de jouer leur propre rôle contre une rétribution ridicule, place
Notre-Dame, à Paris. On leur avait demandé d'être polis et de sourire :
afin que çà fasse plus vrai, pour ne pas effrayer les
touristes?
Ayant par la
suite écouté Bams, invité de l'émission de Taddei, j'ai réécrit dans un blog
intitulé "l'Homme debout, est l'Homme universaliste" que cette événement ne peut
selon moi être de l'art car il est humiliant en soi, de voir des personnes en
cage, jouer le rôle de leurs ancêtres esclaves. Comme une réplique du passé
colonial.
Je partage
totalement ce que vous écrivez à propos de la question de l'universalité de
l'oeuvre, notamment cet extrait : "Une œuvre peut-elle exister sans
avoir une portée universelle ? L’art est-il possible en mettant a
priori hors jeu une partie, fût-elle minime, de
l’humanité?"
A propos
d'universalité, je pense d'ailleurs que les figurants de couleur noire se
sont également fourvoyés : par manque de distanciation, ou de
réflexion sur le sens de leur participation à cet
événement?
La
façon dont Bams a, à juste titre selon moi, démontré l'absence d'art
dans cet événement racialisant : "en 2014, on [y] voit
toujours des hommes muets, des sous-hommes" comme dans les zoos humains, m'a
néanmoins heurtée lorsqu'elle en est arrivée -à propos de l'annulation
d'un spectacle, a faire de deux poids deux mesures. Considérant
que la censure était sélective, Bams a pris l'exemple des spectacles et des
propos de Dieudonné, se moquant des déportés et singeant Hitler, Dieudonné, son
"ami camerounais", dont elle a considéré qu'il avait
été censuré, parce qu'il est noir et en raison de la qualité de
ses cibles -les personnes juives et plus précisément les victimes de la
Shoah.
Partant de là,
je crois que certains membres de ce collectif, -dont j'ai d'emblée signé la
pétition- s'est lui aussi éloigné de l'universalisme en tenant ces propos,
limitant ce combat pour la dignité à un espace mental où s'affronteraient
un "Nous noirs" contre un "vous Blancs". Allant jusqu'à dire : "vous les
Français qui me regardez, que savez-vous des rapports entre la France et
l'Afrique?" comme si Bams, elle-même renvoyait ces derniers, -dont elle
s'exclut tout à coup-, à leurs caractères biologiques et
ethnologiques, Français dont elle fait pourtant partie. Or bon nombre de
Français n'ayant aucune ascendance africaine ont également signé cette
pétition, en défense du respect de l'intégrité de l'être humain,
-en l'espèce les victimes de la Traite et plus largement l'Homme noir-, le
fondement de ce combat étant l'universalisme. Hier je revoyais Nelson
Mandela : sans jamais mettre de côté sa négritude, sa culture et celle du
peuple sud-africain, Mandela, comme Ghandi, n'a cessé de faire sienne cette
valeur sans laquelle aucune fraternité n'est
possible.
·
Alerter
A lire tous les
commentaires , on en arrive à cette conclusion effarante : Dieudonné ,
Soral et Zemmour ont gagné la bataille des "esprits" ...car il est incapable de
disserter de cette question , sans faire appel à sa propre identité : catho
ou juifs ou musulmans , noirs ou blancs , Toute la gauche de la bien
pensante à la radicale focalise ses avis sur une oeuvre d' art , dont le but est
simplement de choquer , de heurter pour interroger notre propre regard sur la
condition de l' esclavage
Qui sait
aujourd' hui que les zoos humains ont véritablement existé dans les années 20
30 ? Au moins cette oeuvre d' art a le mérite de le rappeler
Je n ai vu
personne de gauche demander à interdite les manifesations des Femen parce que
celles ci utilisent leurs corps nus pour manifester .
Bref 5
poids 5 mesures ...
·
Alerter
Il faut
souligner aussi que les zoos humains (comme les autres zoos d'ailleurs) sont
dans la continuité des cabinets de curiosités qui récoltaient les choses
inconnues du monde entier dans un but de connaissance.
L'idée que le
but est l'humiliation me paraît fausse, et précisément, ethnocentrique (par son
anachronisme).
·
Alerter
Merci pour ce
billet qui formule, comme celui de Joseph Confavreux publié le même jour, une
problématique esthétique. Il me semble que cette manière naturaliste de
présenter la violence, prolonge celle adoptée par les écrivains qui se reclament
de l'autofiction ou de la fin du roman. Ces agents culturels, essayent de nous
convaincre que leur difficulté à créer de métaphores nous permettant de mieux
nommer l'epoque dans lequelle nous vivons est la façon contemporaine d'être
artistes. C'est un fait : ils ont convaincu beaucoup de monde que nous
sommes impuissants pour penser le monde, et que nous sommes condamnés au simple
constat de nos impossibilités.
·
Alerter
C'est autre
chose q'une oeuvre d'art c'est sûr. Un genre de striptise.
N'importe
quoi peut devenir une oeuvre d'art
On a donc le
droit de voir l'art comme n'importe quoi
Un produit, on
prend ou on laisse sans explication.
Je vais
m'acheter un kilt tiens...
·
Alerter
La question qui
se pose pour toute oeuvre, surtout quand elle met en scène des personnages,
c'est l'histoire qu'elle raconte. C'est à dire où elle prend les personnages
(donc nous-mêmes) et où elle les (nous) amène.
Il me semble que
le problème que pose cette "oeuvre" est donc un peu le même que celui de la
violence au cinéma. Soit la violence est cohérente avec l'histoire, elle
s'inscrit à l'intérieur, la renforce : elle est nécessaire. Soit elle
masque l'absence de propos, un peu comme un cuisinier qui rajoute du sel et du
gras quand il a raté le plat (astuce bien connue des cuistots de
collectivité).
·
Alerter
Votre conclusion
est liberticide. Une expression artistique n'est pas universelle, elle reste
contestable par tous ceux qui n'y sont pas sensibles, ou qui la déclassent de
l'expression artistique. D'où la nécessité de laisser la liberté d'expression
agir, être pour ou être contre et dire pourquoi, mais interdire,
jamais.
·
Alerter
Comme je l'ai
dit ailleurs : critiquer oui, interdire,
non.
Cette polémique
me rappelle l'affaire où on voulait faire interdire Tintin au Congo. Voici ce
que j'avais écrit alors :
L’album de bande
dessinée « Tintin au Congo » va-t-il être interdit par la justice
belge à cause de son contenu jugé raciste ? En assignant l’éditeur
Casterman, le Congolais Bienvenu Mbutu Mondondo, qui réside en Belgique, est
l’idiot utile de tous ceux qui crient que l’antiracisme fera autant de morts au
XXIe siècle que le communisme au XXe siècle. Certes, il y a beaucoup à faire
pour lutter contre le racisme et l’esclavage, en Afrique comme au Moyen-Orient,
car tous les esclavagistes et tous les esclaves ne sont pas européens (on pourra
relire « Coke en Stock »). Il faut lutter, mais pas en s’en prenant à
une BD vieillotte, simpliste - et pas qu’au point de vue des idées -, et
n’intéressant plus que les gens nostalgiques de leur enfance. Actuellement, les
enfants - qu’il convient évidemment d’éduquer au respect de la différence,
expliquant que leur civilisation n’est pas, par quelque décret divin,
essentiellement supérieure à toutes les autres - ne lisent pas tous Tintin, mais
Titeuf et des mangas.
L’Afrique avait
son histoire. Si certains doivent avoir honte, ce ne sont pas les Africains,
dont les élites intellectuelles sont parfaitement à même d’enseigner les
richesses du passé pré-colonial, mais les Occidentaux qui doivent reconnaître
que leurs préjugés négatifs étaient totalement faux. A cause d’un
européocentrisme suffisant, ils étaient incapables de comprendre vraiment ces
peuples qu’ils rabaissaient pour mieux les dominer. Le hasard veut que j’aie lu
récemment deux livres anciens :
- La BD
« Les Casseboufigue en Afrique » de Guy Sabran (éd. GP - 1947), où une
bande de petits Français débrouillards mène à la baguette une armée de
« nègres » idiots, cupides, fainéants, naïfs, complexés et j’en
passe.
- Un recueil de
cartes postales anciennes, « Souvenirs du Sénégal » (éd Regard -
Visiafric) où les mêmes « nègres » sont photographiés dans leur
vérité : qu’ils soient habillés ou nus, tous dignes, fins, à cent lieues
des clichés crétins que nos parents partageaient en toute bonne foi
naïve.
L’Afrique avait
son histoire avant que les occidentaux ne l’envahissent au XIXe siècle. Une
histoire très riche et complexe occultée par les envahisseurs, comme fait tout
envahisseur. Regardez comment, pendant longtemps dans nos livres d’histoire,
nous n’avons vu la Gaule que comme un no man’s land vaguement peuplé de
sympathiques nigauds. Sur quelques générations, l’Afrique s’est vue imposer un
progrès qui, pour nous, a pris des siècles. Cela a été fait en discréditant tout
ce qui constituait son patrimoine économique, culturel, religieux. Reste à
prouver que le progrès, notre progrès, est aussi un progrès humain. Car notre
Occident est quand même cette civilisation qui a pondu deux guerres mondiales et
quelques génocides ; qui, avec ses moyens techniques supérieurs, pille,
pollue, détruit plus qu’aucune autre civilisation avant
elle.
L’Afrique
n’était pas un Eden : j’ai écrit plus haut qu’elle avait une histoire
complexe. Elle avait déjà ses démons, mais ni plus ni moins que nous dans notre
histoire. Nous avons tout aggravé. Nous avons fabriqué des gens partagés entre
le complexe d’infériorité devant Bwana et la rancœur. Des gens dont le désir de
se projeter dans un avenir qu’ils veulent maîtriser est contrecarré : on
poursuit, sous une autre forme, notre action prédatrice sur leurs ressources
humaines et matérielles. Ce pillage qui, il y a un siècle, était l’esclavage,
s’appelle maintenant l’immigration choisie et le bas prix des
ressources.
On nous
dit : « Ils sont aussi victimes de leurs propres dirigeants ». Et
nous, on a mieux avec nos Sarkozy-Fouquet’s, nos médias asservis aux grandes
fortunes et notre Medef ?
·
Alerter
Parceque le
théâtre de boulevard était délibérément sexiste, il n'était pas
considéré pas comme une expression artistique de
qualité, mais personne n'en demandait l'interdiction c'est vrai.
Peut-être l'aurait'il fallu pour faire progresser la conscience féministe,
je me pose la question devant le débat sur
l'universalisme.
j'ai revu une de
ces pièces c'est épouvantable de mysoginie, une incitation au mépris des
femmes qui ne posait aucun problème.
·
Alerter
Je crois qu'il
l'est toujours, sexiste, le théâtre de boulevard, pourtant la conscience
féministe continue de progresser. La liberté d'expression n'oblitère en
rien la marche du monde. Interdire c'est rendre clandestin voire
séduisant, autant que l'on voit tout cela en plein jour, comme les fachos par
exemple..
·
Alerter
On ne peut pas
parler de l'innommable en utilisant l'art, en tout cas pas de façon aussi
explicite. L'art sublime, en quelque sorte, son sujet et là, le sujet, c'est
l'innomable. Et l'innommable ne doit en aucun cas être
sublimé.
·
Alerter
Merci Claude
Ribbe de soulever la bonne question. Une oeuvre d'art ne peut pas être ressentie
par certains comme un viol. Un autre exemple : j'aime photographier des
gens dans la rue, ce sont pour moi des danseurs. Mes photos ne seront des
oeuvres d'art que si elles donnent à voir ce regard à tous sans distinction,
universellement si j'ose dire. Par contre si je capture l'image de quelqu'un par
effraction, sur son visage, ou dans sa vie intime, à son insu, je sais au même
moment que je ne fais pas une oeuvre d'art car dans mon regard une liberté au
moins est exclue.
·
Alerter
Universalité de
l'oeuvre d'art... C'est une question tout à fait pertinente me semble-t-il... A
laquelle je conviens n'avoir pas de réponse à donner, du moins dans
l'immédiat : l'oeuvre d'art doit-elle, selon vos propres termes, "se
pla[cer] d’un point de vue universel, donc incontestable" pour être dénommé
telle, accéder à ce rang ?
Je suis ennuyé
de me sentir dans l'incapacité de répondre, ce qui me met dans une posture tout
à fait post-moderne. Et sans doute, malgré tout, fertile.
On peut
peut-être poser la question d'une manière plus contemporaine : l'oeuvre
d'art doit-elle tendre à l'universel ?
Je crains,
répondant affirmativement, de déposséder de cette appelation, devenue contrôlée
(et à juste titre, qu'on ne se méprenne pas), nombre de productions humaines qui
m'eussent sinon paru en relever. Mais je fais peut-être
erreur...
Je fais, oui,
sans doute erreur, et peut-être faut-il répondre par l'affirmative. Ne suis-je
pas touché, et chacun ne l'est-il pas, par les statuettes étrusques, par les
peintures rupestres, par les tableaux bichromes en bouse des paysans
rwandais ? La liste pourrait s'étendre, et vous donnerait
raison.
Ce qui, à la
suite de ce que vous-même, Eric Fassin, et d'autres, avez écrit, disqualifierait
l'exposition dont il est question.
Et pourtant, je
ne cesse de m'interroger... Universel... Y tendre, ne serait-ce qu'y tendre, ce
n'est pas rien... fut-ce par devers soi...
·
Alerter
Ce commentaire a
été dépublié par son auteur.
Vous avez fort
bien démontré que sous prétexte d’art, on ne peut dénoncer la cruauté et la
persécution par le biais d'une mise en scène, d’un spectacle ou d’une vitrine
qui réduit des êtres vivants au rang d'objets inanimés.
Le principe du
zoo qui consiste à mettre en scène des animaux ou des humains dégrade à la fois
la dignité de ceux qui y sont exhibés comme objets de curiosité et l'humanité de
ceux qui regardent en les rendant complices de cette
exploitation.
·
Alerter
J’ai
l’impression qu’elle est bien une œuvre d’art, cette pièce, utilisant des moyens
bien modernes — trop probablement : c’est-à-dire sans l’affectation ni
les détours en usage dans les médias grand public — et que c’est ça qui ne
passe pas. Soyons clair, est-ce que c’est simplement le fait de présenter des
noirs en cage qui pose problème (eux-mêmes seraient « humiliés » sans
le savoir ou « humilieraient » les noirs qui les regardent en le
sachant) ? Est-ce que c’est cette partie restreinte (le « zoo
humain ») de la représentation qui autoriserait de dénier à ce travail de
dénonciation le statut de création artistique, ou bien est-ce plus généralement
la monstration crue d’une réalité de la pensée et de l’action coloniale qui la
sous-tend ?
Le billet de
blog de Marina Da Silva sur le site du Monde diplo dit bien, je crois, ce qu’il
en est de l’image que les détracteurs se font du spectacle et ce qu’il en est
réellement :
http://blog.mondediplo.net/2014-12-02-Exhibit-B-ne-pas-se-tromper-d-adversaires
Peut-être les
violences exposées sont-elles trop inadmissibles pour s’accorder avec l’image de
soi des tenants de l’intimidation qui auront adopté un peu trop complaisamment
les écueils de notre culture contemporaine de la compétition, ou celle de ceux
pour qui la culture ancestrale magnifiant la hiérarchie entre les générations et
entre les sexes pourrait leur revenir à l’esprit trop brutalement. Recourir,
alors, à la volonté d’interdire trahirait qu’on a trop bien compris vers quels
prolongements peut entraîner ce que l’on appelle de ce mot cruel : une
performance...
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Alerter
Vous n'avez rien compris à l'Art !
http://www.google.fr/search?q=prostituées+vitrine&client=safari&rls=en&prmd=ivns&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ei=iR1_VO3FK9HuaLLggtAO&ved=0CAUQ_AU
À
la rigueur on peut admettre que certains "intellectuels" sont tout simplement
des imbéciles et sont un peu dépassés, à l'insu de leur plein gré, par
leur snobisme...
Faites n'importe quoi, il y a aura toujours des cons
pour applaudir...
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Alerter