Et si Exhibit B était finalement autre chose qu’une œuvre d’art ?

02 décembre 2014 - Par Claude Ribbe sur Mediapart [Pour comprendre l'affaire Exhibit B]

Source : C. Ribbe et  http://blogs.mediapart.fr/blog/claude-ribbe/021214/et-si-exhibit-b-etait-finalement-autre-chose-qu-une-oeuvre-d-art

 

Les défenseurs d’Exhibit B considèrent tous que cette « performance » serait une œuvre d’art.

On a pris l’habitude d’admettre, surtout depuis Marcel Duchamp, que n’importe quel objet peut être promu à la dignité d’œuvre d'art par le choix de l'artiste, à condition qu’il soit validé par notre perception.

Exhibit B repose principalement sur la volonté de mettre en scène des corps d’Africains ou d’Afro-descendants dans des situations dont il est difficile de contester qu’elles sont humiliantes, et sur le regard de spectateurs  qui reconnaissent implicitement, en pénétrant dans le théâtre, cette mise en scène comme une œuvre.

L’argument majeur qui est opposé aux contestataires est leur refus de voir la « performance » avant de la rejeter. Mais voir la « performance », c’est reconnaitre Exhibit B comme une œuvre d’art et donc ce refus de voir, c’est peut-être tout simplement le refus d’accorder à Exhibit B le statut d’œuvre d’art.

Ainsi, pour les opposants, demander l’annulation ne serait pas perçu comme un acte attentatoire à la liberté de l’artiste, puisqu’ils dénient à Exhibit B la qualité même d’œuvre d’art.

Ce qui est offert au regard dans ces tableaux contraint le spectateur à décrypter les objets vivants exposés comme étant des corps «noirs» suppliciés ou en tout cas dénigrés. Et dès lors, cette obligation de décryptage a un sens particulier pour celui qui sait bien qu’il se reconnaîtrait s’il acceptait de (se) regarder dans ce qui n’est pour lui qu’un miroir.

On est forcé d’en conclure que le regard dont Exhibit B a besoin pour accéder au statut d’œuvre d‘art n’est, par définition, pas universel. Pour les uns, ce sont des « corps noirs » que le martyre exalte à l’état d’œuvre d’art, pour les autres, qui refusent de se prêter au jeu, la reconstitution d’un zoo humain dans lequel - ils ne le savent que trop- Brett Bailey les oblige à se reconnaître comme victimes.

Une œuvre peut-elle exister sans avoir une portée universelle ?  L’art est-il possible en mettant a priori hors jeu une partie, fût-elle minime, de l’humanité ?

Qu’ils en soient conscients ou pas, les intellectuels  qui se sont efforcés de porter un jugement sur Exhibit B lui ont reconnu sans discussion le statut prestigieux d’œuvre d’art, parce qu’ils en avaient déjà, par leur regard complaisant de spectateur, endossé la racialisation, qu’ils se trouvaient incapables  d’échapper à la dichotomie blanc/noir qu’elle imposait et, partant, à tous les pièges que cette lecture simpliste de l’humanité peut induire.

C’est cette racialisation imposée qui pose problème dans cette « performance », cette impossibilité, pour une partie de la population, d’accepter ce que d’aucuns considèrent comme une œuvre là où eux ne voient qu’un outrage, une provocation non seulement  insupportable dans le principe, mais surtout impossible à regarder.

Peut-être faudrait-il  cesser, au nom de l’ « art » et de la liberté d’expression de l’artiste, de refuser aux opposants à ce spectacle le droit d’en demander l’annulation. Ce déni ne serait légitime que si Exhibit B, comme toute œuvre d’art, se plaçait d’un point de vue universel, donc incontestable. Et tel n’est, à ce qu’il me semble, malheureusement pas le cas.

 

Tous les commentaires (à la date du 03/12/2014)

- 02/12/2014, 19:33 | Par miha

Est-il envisageable que l'artiste ait l'humilité d'admettre que sa façon de dénoncer ce qu'il dit combattre ajoute à l'humiliation des personnes qui se sentent concernées ?

Il ne s'agit pas, de la part des contestataires, d'un rejet pour des raisons dogmatiques, de tabous contestables (religieux, politiques, ...) ; il s'agit, pour l'auteur, de respecter et reconnaître la légitimité d'un ressenti émotionnel, d'une souffrance encore vive, d'une douleur encore présente.

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- 03/12/2014, 15:21 | Par Jacques Bolo en réponse au commentaire de miha le 02/12/2014 à 19:33

Quel est le ressenti de quelqu'un qui n'a pas vu ce qu'il critique?

C'est la pensée Finkielkraut !

 (qui avait critiqué le film Underground (1995) de Kusturica sans l'avoir vu - fait dont s'était inspiré le film Rien sur Robert de Pascal Bonitzer en 1999).

·                                 Alerter

- 02/12/2014, 21:11 | Par Régis MOLLARET

Dans une époque rétrograde ou la barbarie reprend le dessus, on banalise un spectacle dégradant, offert aux yeux de la populace comme aux siècles précédents, se retranchant derrière l'appellation autoproclamée, par leur auteur et ses supporters: d'oeuvre d'art.

Verra-t-on se multiplier les spectacles d' humiliation en tout genre subies par les plus déshérités, hier comme aujourd'hui, et banaliser aux yeux de la population toutes les atrocités et humiliations commises par les humains sous le prétendu prétexte de les dénoncer.

Du spectacle à la réalité il n'y a qu'un pas franchi de plus en plus souvent. L'homme est un animal brutal et sanguinaire et les spectacles sanguinaires l'attirent. Transformer cette barbarie en spectacle courant la rend plus proche. Ce qui est en cause, ce n'est pas de montrer des horreurs, mais de traiter des gens, fussent-ils volontaires, (et volontaires pour quel motif) en objets. C'est tout le contraire de l'art. 

C'est la barrière entre le tolérable et l'intolérable qui est brisée. Tout un chacun sera à même de reproduire ce type de spectacle "artistique" dans le secret de lieux à l'abri des regards ou l'on pourra en petit comité développer tout spectacle dégradant, voir tout type de torture.  Belle éducation pour notre jeunesse, bel exemple pour l'humanité.

Le titre "Exibition" est très juste et tout à fait adapté. Cette production fait penser à un monde sans grande moralité.

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- 02/12/2014, 19:58 | Par Lounghes

En fait les contempteurs de cette ignominie ont une méconnaissance profonde des rapports de dominations qui - ont été - sont infligés aux noirs. Cela s'apparente même à du racisme tout simplement. Si cette bêtise concernait une certaine communauté, les mêmes s'en seraient indignés à plus soif. Ce sont ces postures et indignations à géométrie variable qui posent problème. En 2014, sous couvert d'art, on peut humilier en conscience des gens et faire le procès de ceux qui sont horrifiés par le procédé.

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- 03/12/2014, 10:01 | Par Quoique en réponse au commentaire de Lounghes le 02/12/2014 à 19:58

Si cette bêtise concernait une certaine communauté, les mêmes s'en seraient indignés à plus soif.

On progresse : sur un autre fil, un internaute parle de drôles à calotte et à ficelles. Mon dieu que c'est dur d'éviter la censure du mot "j...f" par la modération !

Par ailleurs, comment pouvez-vous être sûr que ceux qui s'indignent à plus soif de l'appel à l'inexistence de cette pièce se seraient indignés avec la soif qui leur resterait de l'existence d’une pièce mettant en scène leur propre communauté ?

Comment pouvez-vous être sûr que l'artiste a cherché, sous couvert d'art, à humilier en conscience des gens ? Il vous l'a dit ? Vous êtes dans son âme ?

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- 03/12/2014, 12:10 | Par cerise en réponse au commentaire de Lounghes le 02/12/2014 à 19:58

Le plus grave à mon sens est que cette pièce fait comme si tous les "regardants" connaissaient l'histoire des zoos humains alors qu'elle est très mal connue sinon totalement ignorée de la plupart des français. Personnellement j'ai vraiment réalisé ce qu'étaient les zoos humains quand il en a était question en 1998 autour du footballeur Kanaque Christian Karambeu quand il a expliqué pourquoi il ne chantait pas la marseillaise.

Je pense ne pas être la seule à mal connaître cela et surtout en mesurer l'ignominie.

Sans doute l'expo EXIBIT B s'adresse t'elle aux gens plus cultivés que moi, esthètes de l'art mais un spectacle est normalement fait pour être vu par tous.

Bailey Africain du sud s'empare ainsi d'une histoire qui n'est pas la sienne mais plutôt celle des européo/africains/caraïbes pour en faire le spectacle- simulacre des zoos humains destinés aux expositions "universelles" des métropoles européennes.

Les visiteurs des musées classiques n'y ont rien vu à redire ils en sont restés à l'émotion artistique. Je me souviens de Karembeu, on sentait que la présentation de son grand-père au zoo lui était restée en travers.

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- 03/12/2014, 13:26 | Par Juliette BOUCHERY en réponse au commentaire de cerise le 03/12/2014 à 12:10

Une histoire qui n'est pas la sienne ? Des Sud-Africains n'ont-ils pas été exposés comme des bêtes de foire, Saartje Bartman, la "Vénus Hottentote", n'était-elle pas Sud-Africaine ?

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- 03/12/2014, 15:24 | Par Jacques Bolo en réponse au commentaire de cerise le 03/12/2014 à 12:10

Cette critique du fait que l'artiste s'adresse à des initiés et peu être mal compris est valide, mais il faut reconnaître alors qu'elle concerne absolument tout l'art moderne.

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- 02/12/2014, 20:12 | Par Odile Bouchet

C'est compliqué, cette question: Nuit et brouillard est un film documentaire, est-ce une oeuvre d'art? Ce qu'expose ce film est-il très différent? Pure souffrance humaine par pure cruauté dont encore aujourd'hui bien des gens souffrent. Les fils du colonialisme et de l'esclavage sont très emmêlés, il est très difficile de les demêler. Même si l'on peut croire l'auteur quand il affirme que son propos n'est pas raciste, les effets de son propos puevent l'être et du coup, son travail inregardable.

En ces temps de grande recrudescence des pires tendances de l'humain sur nos terres, on peut se méfier de ce genre de spectacle, et peut-être surtout, de ses effets secondaires. Faut-il alimenter la machine à interdire? Faut-il alimenter la machine à ségreguer? Si j'ai bien compris le problème, c'est la censure contre l'artiste versus la permission de montrer l'exercice du racisme le plus bas brut de décoffrage. Les deux sont mauvais, selon moi... je ne vois pas la solution. Dans le portrait du colonisateur/ portrait du colonisé, Memmi ne donne pas de solution, et dit qu'il n'y en a pas, ou qu'il n'y en a que de mauvaises.

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- 02/12/2014, 21:26 | Par mon truc

"Nuit et Brouillard" est un regard de cinéaste sur des crimes contre l'humanité. Il utilise des documents et relie l'ensemble selon son point de vue. Ce film marque encore les enfants que leurs enseignants installent devant comme s'ils allaient à une conférence par un historien, l'autorisation de l'Education Nationale peut être remise en cause aujourd'hui alors que les autres génocides anciens comme l'esclavage ou récents et actuels  sont seulement cités et parfois analysés. Je me demande si l'installation des crimes de cet été en Palestine était présentée serait permise, même si on la dénommait "oeuvre d'art"...Supprimer la loi Gayssot qui protège  certains à cause d'un génocide et laisse se déchainer tous les autre racismes. 2 poids, 2 mesures.

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- 03/12/2014, 00:31 | Par pierretilhou en réponse au commentaire de mon truc le 02/12/2014 à 21:26

Ce discours du 2 poids, 2 mesures me rappelle une saynette en gare. Un employé de la SNCF un peu mou se fait prendre à partie ("gréviste, fonctionnaire, privilégié") par une femme qui devait sans doute partager les mêmes galères quotidiennes. C'est sans doute plus simple de crier sur le "privilégié" de proximité et essayer de le dépouiller de ses maigres avantages, et ainsi devenir le promoteur d'une sorte d'égalitarisme dans l'oppression. Ce qui est une conquête sociale devient un privilège (accordé par qui ?). Bref, la compétition victimaire est un cul de sac, une course vers le bas où (presque) tout le monde perd.

Quant à l'expo, je ne sais pas pourquoi on traite de la liberté de créer comme d'un droit absolu (idem pour la liberté d'expression). Je ne peux pas insulter, menacer mon voisin (même poétiquement et de façon artistique). Ni mettre en scène un viol (je ne me souviens pas d'avoir vu quiconque défendre les snuff movies comme de l'art) ou une dissécation. Il y a une limite à la liberté de la création (comme à la liberté d'expression), c'est accepté par tout le monde, et il est parfaitement légitime d'en débattre.

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- 03/12/2014, 12:16 | Par cerise en réponse au commentaire de mon truc le 02/12/2014 à 21:26

"nuit et brouillard" est un fim et non une pièce de théatre ce qui introduit une distance, on n'y voit que des cadavres et pas des être vivants, il est commenté, ces deux oeuvres ne sont pas comparables et il ne s'agit pas de concurrence des mémoires mais de rapport entre êtres humains : les acteurs mis en scène zoo humain qui regardent le visiteur qui vient voir EXIBIT B.

Il n'y a pas de comparaison possible entre les deux.

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Ce commentaire a été dépublié par son auteur.

- 02/12/2014, 23:52 | Par justejuste

Soyons simples: quel est l'objectif de ce spectacle ? A quoi est-il utile ?  Même si l'objectif est noble, il n'est pas visible, pas compris, illisible. Ce spectacle n'est pas une oeuvre d'art, il n'apporte rien de bon, rien de positif, même pas une prise de conscience, de plus cela ne sert à rien.

Spectacle inutile et fatigues inutiles.

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- 03/12/2014, 15:27 | Par Jacques Bolo en réponse au commentaire de justejuste le 02/12/2014 à 23:52

Comme je le disais sur le même sujet:

Bon exemple de mécanisme où des bonnes volontés s'affrontent dans une surenchère selon le mécanisme gauchiste classique du plus à gauche/antiraciste que moi tu meurs.

Le véritable pb est plutôt l'ineptie d'une vision scolaire et historique de la question traitée, alors que le racisme actuel n'est évidemment pas l’esclavage ou les zoos humains, mais les discriminations au logement, à l'emploi, les violences policières ou le paternalisme de gauche.

Ces lieux de mémoire ne sont que des images d’Épinal. Cette vision scolaire ringarde est la vraie infantilisation, qui caractérise l'essence de la hiérarchisation (raciale ou non).

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- 03/12/2014, 03:17 | Par Alicia Deys

Voici quelques jours, j'avais commenté la tribune de Tristan Guilloux, relative à Exhibit B, Pourquoi je ne suis pas d'accord avec la tribune de Christophe Girard à propos de l'expo de Brett Bailey, dans les termes qui suivent, répondant à un abonné de MDP, se positionnant, lui aussi, en faveur du collectif demandant l'annulation de l'exposition, ajoutant à ses arguments :  

Sans compter, plus récemment ces corps écorchés et siliconés, dont l'exposition fut heureusement interdite par décision de justice en France. Exposition de cadavres mis en scène, très sûrement des dépouilles de prisonniers chinois exécutés, achetées à Hong-Kong selon "L'artiste"  -que pour ma part j'ai peine à différencier d'un Mengele- lequel  n'a jamais donné de preuves démentissant cette hypothèse. Prisonniers exécutés ou non, cette "expo" cauchemardesque connut un succès dans de nombreuses capitales de la planète. Le pis est qu'il y a toujours un public pour "visiter" et financer ce genre de monstruosité qualifié d'art contemporain. [Dans un autre registre] au fond, peu éloigné sur le plan  philosophique et éthique, voici quelques années, un autre artiste encouragé par la Mairie de Paris, avait proposé à des personnes sans domicile de jouer leur propre rôle contre une rétribution ridicule, place Notre-Dame, à Paris. On leur avait demandé d'être polis et de sourire : afin que çà fasse plus vrai, pour ne pas effrayer les touristes?

Ayant par la suite écouté Bams, invité de l'émission de Taddei, j'ai réécrit dans un blog intitulé "l'Homme debout, est l'Homme universaliste" que cette événement ne peut selon moi être de l'art car il est humiliant en soi, de voir des personnes en cage, jouer le rôle de leurs ancêtres esclaves. Comme une réplique du passé colonial. 

Je partage totalement ce que vous écrivez à propos de la question de l'universalité de l'oeuvre, notamment cet extrait : "Une œuvre peut-elle exister sans avoir une portée universelle ? L’art est-il possible en mettant a priori hors jeu une partie, fût-elle minime, de l’humanité?"

A propos d'universalité, je pense d'ailleurs que les figurants  de couleur noire se sont également fourvoyés : par manque de distanciation, ou de réflexion sur le sens de leur participation à cet événement?

La façon dont Bams a, à juste titre selon moi, démontré l'absence d'art dans cet événement racialisant : "en 2014, on [y] voit toujours des hommes muets, des sous-hommes" comme dans les zoos humains, m'a néanmoins heurtée  lorsqu'elle en est arrivée -à propos de l'annulation d'un spectacle, a faire de deux poids deux mesures. Considérant que la censure était sélective, Bams a pris l'exemple des spectacles et des propos de Dieudonné, se moquant des déportés et singeant Hitler, Dieudonné, son "ami camerounais", dont elle a considéré qu'il avait été censuré,  parce qu'il est noir et en raison de la qualité de ses cibles -les personnes juives et plus précisément les victimes de la Shoah.

Partant de là, je crois que certains membres de ce collectif, -dont j'ai d'emblée signé la pétition- s'est lui aussi éloigné de l'universalisme en tenant ces propos, limitant ce combat pour la dignité à un espace mental où s'affronteraient un "Nous noirs" contre un "vous Blancs". Allant jusqu'à dire : "vous les Français qui me regardez, que savez-vous des rapports entre la France et l'Afrique?" comme si Bams, elle-même renvoyait ces derniers, -dont elle s'exclut tout à coup-, à  leurs caractères biologiques et ethnologiques, Français dont elle fait pourtant partie. Or  bon nombre de Français n'ayant aucune ascendance africaine ont également signé cette pétition, en défense du respect de l'intégrité de l'être humain, -en l'espèce les victimes de la Traite et plus largement l'Homme noir-, le fondement de ce combat étant l'universalisme. Hier je revoyais Nelson Mandela : sans jamais mettre de côté sa négritude, sa culture et celle du peuple sud-africain, Mandela, comme Ghandi, n'a cessé de faire sienne cette valeur sans laquelle aucune fraternité n'est possible. 

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- 03/12/2014, 09:08 | Par THIERRY HERMAN

A lire tous les commentaires , on en arrive à cette conclusion effarante : Dieudonné , Soral et Zemmour ont gagné la bataille des "esprits" ...car il est incapable de disserter de cette question , sans faire appel à sa propre identité : catho ou juifs ou musulmans , noirs ou blancs ,  Toute la gauche de la bien pensante à la radicale focalise ses avis sur une oeuvre d' art , dont le but est simplement de choquer , de heurter pour interroger notre propre regard sur la condition de l' esclavage

Qui sait aujourd' hui que les zoos humains ont véritablement existé dans les années 20 30 ?  Au moins cette oeuvre d' art a le mérite de le rappeler

Je n ai vu personne de gauche demander à interdite les manifesations des Femen parce que celles ci utilisent leurs corps nus pour manifester .

Bref  5 poids 5 mesures ...

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- 03/12/2014, 15:30 | Par Jacques Bolo en réponse au commentaire de THIERRY HERMAN le 03/12/2014 à 09:08

Il faut souligner aussi que les zoos humains (comme les autres zoos d'ailleurs) sont dans la continuité des cabinets de curiosités qui récoltaient les choses inconnues du monde entier dans un but de connaissance.

L'idée que le but est l'humiliation me paraît fausse, et précisément, ethnocentrique (par son anachronisme).

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- 03/12/2014, 09:20 | Par Heitor O'Dwyer de Macedo

Merci pour ce billet qui formule, comme celui de Joseph Confavreux publié le même jour, une problématique esthétique. Il me semble que cette manière naturaliste de présenter la violence, prolonge celle adoptée par les écrivains qui se reclament de l'autofiction ou de la fin du roman. Ces agents culturels, essayent de nous convaincre que leur difficulté à créer de métaphores nous permettant de mieux nommer l'epoque dans lequelle nous vivons est la façon contemporaine d'être artistes. C'est un fait : ils ont convaincu beaucoup de monde que nous sommes impuissants pour penser le monde, et que nous sommes condamnés au simple constat de nos impossibilités.

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- 03/12/2014, 09:23 | Par rachelle

C'est autre chose q'une oeuvre d'art c'est sûr. Un genre de striptise.

 N'importe quoi peut devenir une oeuvre d'art

On a donc le droit de voir l'art comme n'importe quoi

Un produit, on prend ou on laisse sans explication.

Je vais m'acheter un kilt tiens...

 

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- 03/12/2014, 09:36 | Par Lo lop

La question qui se pose pour toute oeuvre, surtout quand elle met en scène des personnages, c'est l'histoire qu'elle raconte. C'est à dire où elle prend les personnages (donc nous-mêmes) et où elle les (nous) amène.

Il me semble que le problème que pose cette "oeuvre" est donc un peu le même que celui de la violence au cinéma. Soit la violence est cohérente avec l'histoire, elle s'inscrit à l'intérieur, la renforce : elle est nécessaire. Soit elle masque l'absence de propos, un peu comme un cuisinier qui rajoute du sel et du gras quand il a raté le plat (astuce bien connue des cuistots de collectivité).

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- 03/12/2014, 10:29 | Par Joseph G

Votre conclusion est liberticide. Une expression artistique n'est pas universelle, elle reste contestable par tous ceux qui n'y sont pas sensibles, ou qui la déclassent de l'expression artistique. D'où la nécessité de laisser la liberté d'expression agir, être pour ou être contre et dire pourquoi, mais interdire, jamais.

 

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- 03/12/2014, 10:54 | Par Quoique en réponse au commentaire de Joseph G le 03/12/2014 à 10:29

Comme je l'ai dit ailleurs : critiquer oui, interdire, non.

Cette polémique me rappelle l'affaire où on voulait faire interdire Tintin au Congo. Voici ce que j'avais écrit alors :

L’album de bande dessinée « Tintin au Congo » va-t-il être interdit par la justice belge à cause de son contenu jugé raciste ? En assignant l’éditeur Casterman, le Congolais Bienvenu Mbutu Mondondo, qui réside en Belgique, est l’idiot utile de tous ceux qui crient que l’antiracisme fera autant de morts au XXIe siècle que le communisme au XXe siècle. Certes, il y a beaucoup à faire pour lutter contre le racisme et l’esclavage, en Afrique comme au Moyen-Orient, car tous les esclavagistes et tous les esclaves ne sont pas européens (on pourra relire « Coke en Stock »). Il faut lutter, mais pas en s’en prenant à une BD vieillotte, simpliste - et pas qu’au point de vue des idées -, et n’intéressant plus que les gens nostalgiques de leur enfance. Actuellement, les enfants - qu’il convient évidemment d’éduquer au respect de la différence, expliquant que leur civilisation n’est pas, par quelque décret divin, essentiellement supérieure à toutes les autres - ne lisent pas tous Tintin, mais Titeuf et des mangas.

L’Afrique avait son histoire. Si certains doivent avoir honte, ce ne sont pas les Africains, dont les élites intellectuelles sont parfaitement à même d’enseigner les richesses du passé pré-colonial, mais les Occidentaux qui doivent reconnaître que leurs préjugés négatifs étaient totalement faux. A cause d’un européocentrisme suffisant, ils étaient incapables de comprendre vraiment ces peuples qu’ils rabaissaient pour mieux les dominer. Le hasard veut que j’aie lu récemment deux livres anciens :

- La BD « Les Casseboufigue en Afrique » de Guy Sabran (éd. GP - 1947), où une bande de petits Français débrouillards mène à la baguette une armée de « nègres » idiots, cupides, fainéants, naïfs, complexés et j’en passe.

- Un recueil de cartes postales anciennes, « Souvenirs du Sénégal » (éd Regard - Visiafric) où les mêmes « nègres » sont photographiés dans leur vérité : qu’ils soient habillés ou nus, tous dignes, fins, à cent lieues des clichés crétins que nos parents partageaient en toute bonne foi naïve.

L’Afrique avait son histoire avant que les occidentaux ne l’envahissent au XIXe siècle. Une histoire très riche et complexe occultée par les envahisseurs, comme fait tout envahisseur. Regardez comment, pendant longtemps dans nos livres d’histoire, nous n’avons vu la Gaule que comme un no man’s land vaguement peuplé de sympathiques nigauds. Sur quelques générations, l’Afrique s’est vue imposer un progrès qui, pour nous, a pris des siècles. Cela a été fait en discréditant tout ce qui constituait son patrimoine économique, culturel, religieux. Reste à prouver que le progrès, notre progrès, est aussi un progrès humain. Car notre Occident est quand même cette civilisation qui a pondu deux guerres mondiales et quelques génocides ; qui, avec ses moyens techniques supérieurs, pille, pollue, détruit plus qu’aucune autre civilisation avant elle.

L’Afrique n’était pas un Eden : j’ai écrit plus haut qu’elle avait une histoire complexe. Elle avait déjà ses démons, mais ni plus ni moins que nous dans notre histoire. Nous avons tout aggravé. Nous avons fabriqué des gens partagés entre le complexe d’infériorité devant Bwana et la rancœur. Des gens dont le désir de se projeter dans un avenir qu’ils veulent maîtriser est contrecarré : on poursuit, sous une autre forme, notre action prédatrice sur leurs ressources humaines et matérielles. Ce pillage qui, il y a un siècle, était l’esclavage, s’appelle maintenant l’immigration choisie et le bas prix des ressources.

On nous dit : « Ils sont aussi victimes de leurs propres dirigeants ». Et nous, on a mieux avec nos Sarkozy-Fouquet’s, nos médias asservis aux grandes fortunes et notre Medef ?

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- 03/12/2014, 12:29 | Par cerise en réponse au commentaire de Joseph G le 03/12/2014 à 10:29

Parceque le théâtre de boulevard était délibérément sexiste, il n'était pas  considéré pas comme une expression artistique de qualité, mais personne n'en demandait l'interdiction c'est vrai. Peut-être l'aurait'il fallu pour faire progresser la conscience féministe, je me pose la question devant le débat sur l'universalisme.

j'ai revu une de ces pièces c'est épouvantable de mysoginie, une incitation au mépris des femmes qui ne posait aucun problème.

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- 03/12/2014, 13:51 | Par Joseph G en réponse au commentaire de cerise le 03/12/2014 à 12:29

Je crois qu'il l'est toujours, sexiste, le théâtre de boulevard, pourtant la conscience féministe continue de progresser. La liberté d'expression n'oblitère en rien  la marche du monde. Interdire c'est rendre clandestin voire séduisant, autant que l'on voit tout cela en plein jour, comme les fachos par exemple..

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- 03/12/2014, 11:41 | Par amska

On ne peut pas parler de l'innommable en utilisant l'art, en tout cas pas de façon aussi explicite. L'art sublime, en quelque sorte, son sujet et là, le sujet, c'est l'innomable. Et l'innommable ne doit en aucun cas être sublimé.

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- 03/12/2014, 13:24 | Par René Thibaud

Merci Claude Ribbe de soulever la bonne question. Une oeuvre d'art ne peut pas être ressentie par certains comme un viol. Un autre exemple : j'aime photographier des gens dans la rue, ce sont pour moi des danseurs. Mes photos ne seront des oeuvres d'art que si elles donnent à voir ce regard à tous sans distinction, universellement si j'ose dire. Par contre si je capture l'image de quelqu'un par effraction, sur son visage, ou dans sa vie intime, à son insu, je sais au même moment que je ne fais pas une oeuvre d'art car dans mon regard une liberté au moins est exclue.

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- 03/12/2014, 13:48 | Par Cy

Universalité de l'oeuvre d'art... C'est une question tout à fait pertinente me semble-t-il... A laquelle je conviens n'avoir pas de réponse à donner, du moins dans l'immédiat : l'oeuvre d'art doit-elle, selon vos propres termes, "se pla[cer] d’un point de vue universel, donc incontestable" pour être dénommé telle, accéder à ce rang ?

Je suis ennuyé de me sentir dans l'incapacité de répondre, ce qui me met dans une posture tout à fait post-moderne. Et sans doute, malgré tout, fertile.

On peut peut-être poser la question d'une manière plus contemporaine : l'oeuvre d'art doit-elle tendre à l'universel ?

Je crains, répondant affirmativement, de déposséder de cette appelation, devenue contrôlée (et à juste titre, qu'on ne se méprenne pas), nombre de productions humaines qui m'eussent sinon paru en relever. Mais je fais peut-être erreur...

Je fais, oui, sans doute erreur, et peut-être faut-il répondre par l'affirmative. Ne suis-je pas touché, et chacun ne l'est-il pas, par les statuettes étrusques, par les peintures rupestres, par les tableaux bichromes en bouse des paysans rwandais ? La liste pourrait s'étendre, et vous donnerait raison.

Ce qui, à la suite de ce que vous-même, Eric Fassin, et d'autres, avez écrit, disqualifierait l'exposition dont il est question.

Et pourtant, je ne cesse de m'interroger... Universel... Y tendre, ne serait-ce qu'y tendre, ce n'est pas rien... fut-ce par devers soi...

·                                 Alerter

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- 03/12/2014, 14:40 | Par Darladirladada

Vous avez fort bien démontré que sous prétexte d’art, on ne peut dénoncer la cruauté et la persécution par le biais d'une mise en scène, d’un spectacle ou d’une vitrine qui réduit des êtres vivants au rang d'objets inanimés.

Le principe du zoo qui consiste à mettre en scène des animaux ou des humains dégrade à la fois la dignité de ceux qui y sont exhibés comme objets de curiosité et l'humanité de ceux qui regardent en les rendant complices de cette exploitation.

·                                 Alerter

- 03/12/2014, 15:13 | Par Luc Rigal

J’ai l’impression qu’elle est bien une œuvre d’art, cette pièce, utilisant des moyens bien modernes — trop probablement : c’est-à-dire sans l’affectation ni les détours en usage dans les médias grand public — et que c’est ça qui ne passe pas. Soyons clair, est-ce que c’est simplement le fait de présenter des noirs en cage qui pose problème (eux-mêmes seraient « humiliés » sans le savoir ou « humilieraient » les noirs qui les regardent en le sachant) ? Est-ce que c’est cette partie restreinte (le « zoo humain ») de la représentation qui autoriserait de dénier à ce travail de dénonciation le statut de création artistique, ou bien est-ce plus généralement la monstration crue d’une réalité de la pensée et de l’action coloniale qui la sous-tend ?

Le billet de blog de Marina Da Silva sur le site du Monde diplo dit bien, je crois, ce qu’il en est de l’image que les détracteurs se font du spectacle et ce qu’il en est réellement :

http://blog.mondediplo.net/2014-12-02-Exhibit-B-ne-pas-se-tromper-d-adversaires

Peut-être les violences exposées sont-elles trop inadmissibles pour s’accorder avec l’image de soi des tenants de l’intimidation qui auront adopté un peu trop complaisamment les écueils de notre culture contemporaine de la compétition, ou celle de ceux pour qui la culture ancestrale magnifiant la hiérarchie entre les générations et entre les sexes pourrait leur revenir à l’esprit trop brutalement. Recourir, alors, à la volonté d’interdire trahirait qu’on a trop bien compris vers quels prolongements peut entraîner ce que l’on appelle de ce mot cruel : une performance...

·                                 Alerter

- 03/12/2014, 15:36 | Par J MAURIN

Vous n'avez rien compris à l'Art !

http://www.google.fr/search?q=prostituées+vitrine&client=safari&rls=en&prmd=ivns&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ei=iR1_VO3FK9HuaLLggtAO&ved=0CAUQ_AU

À la rigueur on peut admettre que certains "intellectuels" sont tout simplement des imbéciles et sont un peu dépassés, à l'insu de leur plein gré,  par leur snobisme...

Faites n'importe quoi, il y a aura toujours des cons pour applaudir...

·                                 Alerter