L'Afrique devant le
monde d'hier et de demain.
Dans une semaine, le
31 janvier 2017 prochain, l'Union Africaine (UA) doit se donner une nouvelle
tête, en remplacement de la sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zouma. C'est
l'occasion d'afficher un nouveau défi et d'examiner un véritable aggiornamento
de l'organisation continentale. Il faut revenir à l'esprit fondateur du
Panafricanisme.
1 – Le retour du
monde d'avant.
Ce qu'il faut bien
convenir d'appeler la « Coalition occidentale » renoue avec sa
tradition impérialiste, comme cela se disait naguère dans les années 60-70. Le
45ème président des Etats-Unis d'Amérique qui vient d'être élu en est la figure
emblématique et caricaturale.
En perte de vitesse
et de croissance économique, désormais incapable de conquérir commercialement
les marchés outre-mer, le capitalisme – rebaptisé libéralisme - renoue avec ses
premiers soubresauts, la conquête par la force militaire, c'est-à-dire la
politique de la canonnière.
Or celle-ci est
désormais inopérante : on ne peut plus envahir durablement un pays et s'y
maintenir indéfiniment. La stratégie de l'implantation militaire est en échec,
aussi bien en Afghanistan qu'en Irak ou en Lybie, d'où les négociations avec
l'Iran. C'est pourquoi l'Occident et les « pays affinitaires » vont
devoir négocier avec la Syrie de Bachar El-Assad.
Il reste cependant
une autre stratégie, celle du cheval de Troie. Elle consiste à installer dans
les pays convoités des régimes « amis », c'est-à-dire des pouvoirs
fantoches, des gouvernements compradores, par coup d'état ou sous couvert
d'élections prétendument démocratiques, comme au bon vieux temps de la guerre
froide ! C'est la stratégie choisie par la France, non sans succès à court
terme, dans certains pays africains : Côte d'Ivoire, Cameroun, Gabon...
Dans chacun de ces Etats, le Président dort chaque nuit avec la France dans son
lit. Cela perturbe le jugement.
Alors que depuis deux
décennies, l'UA s'évertue à écarter toute prise du pouvoir par la force, la
voici désormais contrainte d'avaler les couleuvres des interventions étrangères
en Afrique, avec l'élimination du président libyen, les opérations militaires
françaises en Centrafrique ou au Mali. Humiliation suprême, ceux qui passaient
pour les meilleurs élèves de la classe, l'Ethiopie ou l'Afrique du sud, font
profil bas.
Incapables hier de
peser en Côte d'Ivoire et humiliés en Lybie, les voici aujourd'hui impuissants
en Centrafrique ou au Burundi. A force de vouloir à tout prix siéger au Conseil
de sécurité de l'ONU, pour des raisons de prestige, les Etats africains en sont
venus à se neutraliser et à rendre inaudible la voix du
continent.
Le risque de l'après
Kadhafi, c'est l'éclatement de l'Union Africaine. Dans sa configuration
actuelle, cette dernière est, au mieux une illusion, au pire une
chimère.
2 – Il faut
déconstruire l'Union Africaine.
Il est en effet grand
temps de déconstruire l'Union africaine afin de rebâtir un ensemble plus
cohérent, au plan politique, géostratégique et économique. Ce mécanisme de
démembrement serait un exercice salutaire. Il vaut mieux que l'existence
actuelle de ce monstre au pied d'argile, incapable de défendre les intérêts du
continent ou même de faire entendre sa voix.
Née en 1999, à la
suite de la défunte Organisation de l'unité africaine (OUA) créée en 1963,
l'Union africaine avait pour ambition avérée d'instruire et de construire les
Etats-Unis d'Afrique.
L'un des fervents
artisans de cette stratégie, le colonel Kadhafi, avait mis son poids politique,
son courage, son tempérament et le poids financier de son pays, au service de
cette vision. Après avoir réussi à imposer la mise sur orbite d'un satellite de
communication spécifiquement africain, il comptait monter une contribution
financière qui devait permettre à certains pays africains, encore sous le joug
de leurs anciennes puissances coloniales, de s'affranchir des zones monétaires
européennes, l'euro en particulier. C'est sans doute cette politique de
libération continentale qui lui a coûté la vie, à l'initiative de la France et
du Royaume Uni.
Depuis, les chefs
d'Etats ont adopté en 2015 une proclamation qui fixe à l'horizon 2063 la
perspective d'un « continent intégré, politiquement uni, basé sur les
idéaux du panafricanisme et sur la vision de la renaissance de
l'Afrique » ! Voilà un objectif bien lointain qui renvoie l'unité de
l'Afrique aux calendes grecques.
Quatre conditions
doivent prévaloir pour reconstruire un ensemble africain uni et
efficace :
-
une structure
fédérale disposant d'attributions exclusives où viendraient s'inscrire
volontairement les Etats africains qui en acceptent les
statuts ;
-
un président élu au
suffrage universel direct par l'ensemble des populations de tout les pays
membres, et non plus la désignation d'un terne diplomate par les seuls chefs
d'Etat ou de gouvernement ;
-
une force armée
fédérale sous commandement unique ;
-
une unité monétaire
commune ou, à tout le moins, une parité fixe entre les monnaies
existantes.
Ces conditions
préférentielles remplies, un cinquième engagement subsidiaire s'impose : le
démantèlement progressif des organisations sous-régionales de type Cémac,
Cedeao, Ceac, etc. Ces conclaves à vocation exclusivement économique pèsent peu,
se concurrencent, fonctionnent mal. Ces associations d'Etats constituent
désormais des entraves à l'unification alors qu'elles devaient servir d'étapes
intermédiaires et temporaires vers l'unité du continent. Leur multiplication est
le signe du désordre ambiant, puisqu'un seul et même pays peut faire partie de
cinq ou six organisations sous-continentales.
Lors de la prochaine
réunion de l'UA, qui doit élire le nouveau chef de l'exécutif de la Commission
africaine, il faudra se battre pour imposer le candidat qui prendra l'engagement
de poursuivre les objectifs ci-dessus, qui sont ceux du
Panafricanisme.
Parmi les cinq
candidats en lice, tous diplomates de carrière, car ministres des Affaires
étrangères en titre ou anciens de leurs pays respectifs, aucun ne semble
remettre en cause le format actuel de l'organisation continentale. Plus
inquiétant encore, trois de ces candidatures proviennent de l'Afrique
francophone, dont deux de la même zone, la Cémac ! On retombe dans les
querelles de clochers.
Espérons que le 31
janvier prochain, les « Maîtres » de notre continent recouvriront tous
les vertus du Panafricanisme et désigneront celui des candidats à même de
défendre avec conviction cette vision.
Des cinq postulants,
deux personnalités se dégagent, celle de Mme Pelenomi Venson-Moitoi et celle de
M. Abdoulaye Bathily. A choisir entre l'expérience de l'une et le volontarisme
de l'autre, la candidature de ce dernier nous paraît la plus porteuse
d'avenir : « passer d'une union des Etats à une union des
peuples ».
Paris, le 23 janvier
2017
Prosper
INDO
Président du CNR