Gervais Douba
Enseignant en Sciences de gestion (Université de Rouen)
Administrateur et Délégué Régional DEI-France
L’actualité ;
actualisante des mois de Mars, Avril, Mai et juin 2015 est déroutante pour le
credo de la grande muette,
agissant sur les théâtres
d’opération dans divers pays Africain dont le Centrafrique et le Burkina Faso.
S’agissant de
Les
deux pays ont en commun d’être deux des quatorze pays d’Afrique francophone au
Sud du Sahara (P.A.S.S.) ayant signé ensuite, ratifier,
Ce
décor planté et les faits rappelés, ce travail se fera à partir des exigences de
D’un
certain point de vue, la difficulté pour ancrer
Il
y a 36 ans que le socle de l’empire de Bokassa 1er a vacillé, suite au massacre de plus de
250 élèves et étudiants, que celui-ci avait perpétré dans l’enceinte de la
tristement célèbre prison de « Garagba ». Un groupe de magistrats Africains
a enquêté et a conclu à la participation personnelle de Bokassa à ce massacre.
Prenant prétexte sur le rapport des juristes Africains, rendu public à Dakar en
Juillet 1979, le gouvernement français d’alors y a tiré la source de légitimité
de son intervention militaire baptisée « Opération Barracuda » Cette opération militaire dit «
Barracuda de Septembre 1979 » a été déclenchée alors que Bokassa était en visite à Tripoli. Le
coup d’état réalisé par
Depuis
le mois d’Avril 2015, ce pays est à nouveau sous le feu des projecteurs au sujet
de son déni des droits des enfants. Des enfants; filles et garçons auraient subi
des attouchements sexuels d’une part, par des éléments de la force
« Sangaris » de l’armée française et d’autre part par des soldats
originaires du Tchad et de
De
commissions d’enquête en commissions d’enquête, les appels à la contrition et à
l’auto-dénonciation lancés par le gouvernement français à l’endroit des soldats
([2])
catalysent deux évidences sur les
droits de l’enfant à interroger ; CIDE et ses trois protocoles
additionnels /CADBE en tant que ordre juridique à part entière ou entièrement à
part, puisque
Par
ce prisme doit-on ranger la violation des droits des enfants que dans les
dommages collatéraux ? La commission d’enquêtes Deschamps aboutira-t-elle à
des réparations ? Si oui, de quelle nature seront ces réparations
? Quant à la seconde évidence à
interroger, elle pose la question des changements qu’il y aurait sur les
exigences de
I
: CIDE/CADBE ;
ORDRE JURIDIQUE EN CONFLIT AVEC LES ACCORDS DE DEFENSE ADOSSES A
Le
marqueur de la période postcoloniale avec l’ex- puissance tutélaire sont les
accords de défense. Les mauvaises langues diraient que ces accords légitiment et
érigent
A
partir de ce point de vue, on peut poser comme postulat que les accords
bilatéraux de défense adossés aux Conventions des nations unies sur les
privilèges et immunités du 13 Février 1946 sont de véritables « terra incognita » des droits de
l’enfant. On a d’un côté un ordre juridique ; les accords de défense
intriqués aux Conventions des nations unies sur les privilèges et immunités
diplomatiques et de l’autre, un autre ordre juridique ; à vocation
internationale aussi mais rendu « mou » par la première
pour des raisons que l’on ignore.
Lorsque
le premier est négocié puis mis en œuvre, on y intègre peu ou prou les exigences
du second, c’est-à-dire on ne prend pas en compte et avec le même degré de
gravité, les effets ou impacts du premier sur le second et inversement.
L’approche, qu’on a de l’intérêt supérieur de l’enfant est plutôt l’approche
d’un droit relégué à la périphérie d’un autre droit ; un droit accessoire,
que celle d’un droit susceptible de structurer les intérêts, que défendent les
accords bilatéraux de défenses et les Conventions des Nations unies du 13
Février 1946, c’est-à-dire une norme de niveau principal.
Le
regain d’intérêt pour la réactivation des accords bilatéraux de défense n’a pas
eu autant de succès depuis les lendemains de l’écroulement du mur de Berlin et
l’émiettement du Pacte de Varsovie. Les nouvelles forces, qui en résultent,
trouvent un malin plaisir à contourner purement et simplement les autres règles
du droit, les autres normes juridiques, changent d’échelle et vident
Dit
autrement, le droit d’ingérence humanitaire dont on se prévaut, conduit-il à
reléguer
Reléguer
Lorsque
le lien social est détricoté, les structures familiales délitées ; aggravant
ainsi les manques et ouvrant la voie à l’émergence de nouveaux déficits et à de
nouvelles pathologies psychosociologiques, les droits de l’enfant ne sont ni
promus ni défendus par l’administration et le pouvoir dont ce sont les
attributions premières. Dans le billet d’humour que nous citions, le haut gradé
de l’armée française à Bangui faisait remarquer qu’il est de notoriété que
l’autorité en Centrafrique, qu’il s’agisse de l’autorité politique, militaire ou
civile est déficiente et défaillante. La réaction du Procureur de Bangui
([3])
est étonnante ; comme si l’on se trouvait dans un pays de droit.
Intention
noble à l’origine. L’opération « Sangaris » a permis de sauver des
vies ; l’exercice du droit d’ingérence humanitaire pour protéger. Mais se
pose à la grande muette le problème suivant : Ne devrait-elle pas être
plutôt le bras armée d’une démocratie chargée d’appliquer le principe du respect
de
L’implantation
de plusieurs camps militaires ; Sangaris, MINUSCA, Eurofor, à proximité du
camp des « déplacés » est
la conséquence de l’errance territoriale et de la situation de détresse où
étaient les enfants. De là est né un phénomène ; les dysfonctionnements et
les dissymétries de toutes sortes oeuvraient les uns avec les autres. La
proximité des deux camps est en soi, génératrice de promiscuité et
potentiellement accidentogène pour les droits des enfants. Dans les camps
militaires dont Sangaris, règne l’abondance. Dans le camp d’en face où les
barbelés servent de mur mitoyen,
c’est-à-dire le camp des « déplacés », règnent la pénurie et
la misère. L’errance territoriale a fait perdre aux enfants repères et points
d’ancrage.
Les
droits des enfants ont été confinés à la protection militaire et
sécuritaire ; donc une variable d’ajustement par rapport aux autres normes juridiques. Le cas
Centrafricain est typique des normes juridiques en conflit. Les commissions
d’enquête vont s’enchevêtrer, le ballet des diplomates sera bien cadencé mais
l’acte d’établir des ponts durables entre normes juridiques et de mettre en
perspective une humanité fondée sur des valeurs et principes qu’inspirent
les droits de l’enfant, devenir une
réalité ([4]).
Dans
les conflits entre normes juridiques, la clé de lecture est rarement celle de la
valeur recherchée qu’il faut préférer sauvegarder mais les égoïsmes nationaux et
le rapport des forces. Très
souvent dans les normes juridiques
en conflit avec les droits de l’enfant, la prise en compte de l’intérêt
supérieur de l’enfant est à géométrie variables.
La
protection de l’enfant est à géométrie variable et la participation de l’enfant
à géométrie variable. Espérons que Mme Marie Deschamps et son équipe se
réfèreront à
Face aux autres normes
Pour
terminer les droits de l’enfant constituent des droits à part entière et non des
droits entièrement à part, des droits de seconde zone ou des droits supplétifs.
Les enfants sont pauvres certes ; mais leurs droits ne sauraient être réduits à
n’être qu’un pauvre droit, à n’être que des droits mutilés, cannibalisés ou
phagocytés par d’autres droits.
Comment
corriger ; voire travailler à atténuer ces chaines de dérives ? Une
des voies à explorer pour répondre à ce questionnement pourrait-il être de
d’encastrer
II
:
INTEGRER
Sans
céder à de la conjecture pour de conjecturer dans cette analyse, la
connaissance, l’expérimentation et l’action en faveur de la promotion et défense
des droits de l’enfant sont constitutifs de prisme d’analyse d’une société
([5])
; qu’elle soit une société située dans l’hémisphère Nord ou dans l’hémisphère
Sud. Nous inspirant de cette démarche et à nos développements précédents, il est
curieux de constater que les Rapports de l’ONU ([6])
ne considèrent pas les droits de l’enfant comme source et
moteur
d’accélération
de mise en œuvre
des objectifs du Millénaire
pour le développement
et de définition
du
programme de développement
notamment dans les pays du Sud.
Deux
thèses
fondent et inspirent notre démarche :
la thèse
de l’intégration
des droits de l’enfant
comme catalyse et levier de progrès
social face à
une situation d’errance
territoriale et celle de l’articulation
des 3 P ;
Protection, Prescription et Participation
La communauté
internationale
a
été
interpelée
par la lettre posthume de deux adolescents Guinéens ;
retrouvés
morts le 2 Août
1999 dans les trains d’atterrissage
de l’avion
de
La
situation des migrants sur les côtes
Libyennes, Italie et espagnoles
actualise cette lettre
posthume et met en évidence
le décalage
entre les préoccupations
des dirigeants de ces pays et les exigences de
Dans
les 8 Objectifs du Millénaire
pour le Développement,
la lutte contre la pauvreté
passe par l’éradication
des facteurs de pauvreté
et de réduction
de la vulnérabilité
des populations ;
au premier rang desquelles les enfants. L’errance
territoriale et les conséquences
tentaculaires en est la cause principale.
Quant
à
la thèse
de l’articulation
des 3 P ; P comme Protection, P comme Prestation et P comme Participation.
L’articulation
vise à
créer
des ponts entre les acteurs ;
une sorte de toile d’araignée
avec pour objectif un effet «
rempart
»,
un effet « mirador »
pour favoriser l’éclosion
des droits de l’enfant.
La défection
d’un
maillon de la chaine est révélation
de dysfonctionnement.
Le
gouvernement de transition en Centrafrique a réduit
les droits de à
la protection. Dans l’hypothèse
qui nous occupe, l’enfant
n’est
même
objet de protection. La protection est assimilée
à
une démarche
de charité.
Tout le champ de la protection est sous-traité
aux clusters des ONG. Quant à
la « Prestation
de l’Etat
»
elle est quasi inexistante en situation d’errance
territoriale.
A
défaut
de l’existence
de politiques publiques fiables et crédibles
en matière
de prestation- par exemple se
traduisant par l’offre
de perspective aux enfants, l’Etat
se borne à
des prescriptions vagues et fumeuses,
qui confinent davantage à
de la « Proscription »
Enfin,
en errance territoriale, l’enfant
est laissé
à
la merci des circonstances de toutes sortes et subit toutes les influences.
Personne
ne demande son avis pour tout ce qui le concerne. Dans la pratique,
l’éduque-t-on
à
la dignité,
à
la protection de son propre corps !
L’élimination
de la pauvreté
est un préalable
à
la construction du développement
durable. Sortir le droits des enfants de la spirale du déni,
voire de la cannibalisation par d’autres
droits, sauver l’intérêt
supérieur
de l’enfant
face à
d’autres
intérêts
notamment ceux du marché
et ceux des complexes militaro-industriels exige une dose de subversion dans
l’analyse
et de changement de paradigme dans la pratique des accords de partenariats
publics/privés.
CONCLUSION :
La
crise en République Centrafricaine entre dans sa troisième année. Elle a
déclenché des manifestations de solidarité multiforme à travers le monde dont
l’opération Sangaris. Mais celui qui est triplement victime est l’enfant :
exposé à l’errance territoriale soit en tant que « déplacé » soit en tant que « réfugié » soit en tant qu’« enfant soldat » enrôlé de force
par les forces et groupes armés ([8]).
Cette
errance territoriale héberge non seulement des pathologies graves et connues
mais également est propice au développement d’autres pathologies hybrides et
plus dévastatrices humainement parlant.
Ses
droits contenus dans
Seule
une approche subversive des droits de l’enfant et l’intégration de ces droits
dans les Objectifs du millénaire pour le développement durable donnera ce droit
; CIDE/CADBE un autre sens et une autre humanité.
[1]
)
[2] :
-
Le Monde du 1er Mai 2015 « Centrafrique : 16
Soldats français accusés de viols sur mineurs. Ces viols auraient été commis
dans la période de décembre 2013 à Mai-juin 2014 sur des enfants «
déplacés » dans l’immense Camp MPOKO..
- Le Monde du 5 mai 2015 « Viols en Centrafrique :
la justice au ralenti » « Si quelqu’un a Sali le drapeau, si
d’aventure un seul d’entre eux a commis de tels actes, qu’il se dénonce
immédiatement » Jean-Yves Le
DRIAN, Ministre de
- Jean-Louis Le Touzet « Bangui : « des Soldats
Français accusés de viols » Libération Editions numériques du 30 Avril
2015
[3]) Bensimon ; C. Envoyé spécial du
Journal Le Monde Editions électronique du 5 Mai 2015, Bourreau ; M. (New-York Nations Unies correspondance
et Guilbert ; N. et Piel ; S. ( Paris)
[4]
)
Jean-Pierre
Rosenczveig « Droits de l’enfant comme prisme d’analyse d’une
société » Blog Journal le Monde. L’auteur, après avoir été Président du
Tribunal pour enfant de Bobigny et Président-Fondateur de la section française
de Défense Internationale des Enfants (DEI-France) est désormais juge honoraire.
Il continue présider le BIE (Bureau Internationale pour Enfant)
Montréal/Québec
[5])
Rosenczveig
; J-P ( Blog Le Monde.)
[6]) Rapport 2014 du Secrétariat Général sur les 8
objectifs du millénaires pour le développement , particulièrement celui
considérant une vie de dignité pour tous de la soixante –huitième
session..
[7])
Yaguina Koita et Fodé Sylla « Message posthume aux
dirigeants de l’Europe Occidentale »
[8]
)
AAD
COMMENTS :
Centrafrique
: Les soldats sud-africains traumatisés
d’avoir
« tué
des enfants
»
C’est
seulement après
que les tirs eurent cessé
que nous avons vu que nous avions tué
des enfants. Nous ne savions pas que ça
se passerait comme ça.
Nous avons tué
des petits garçons…des
adolescents qui auraient dû
être
à
l’école.
Les survivants pleuraient, appelaient à
l’aide,
appelaient (leurs) mamans »