René
Maran, premier écrivain noir à obtenir le prix Goncourt (1921, Batouala - Véritable roman
nègre, Paris, éd. Albin Michel, 169
p.)
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rend hommage, ce mardi, à l'écrivain René Maran, né le 5 novembre
1887, dont le premier roman fit scandale après avoir été
récompensé.
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LePoint.fr - Publié
le 05/11/2019 à 08:31
[Les
faits se déroulent surtout en Oubangui-Chari (République Centrafricaine),
particulièrement dans la région de la Ouaka. René Maran a été l’adjoint de
l’administrateur colonial Jacoulet en 1913. Il avait observé et vécu les
méthodes employées à l’encontre des populations. - Sangonet]
Son
premier roman, Batouala, aura été le bon. René Maran, né il y
a 132 ans jour pour jour, en 1887, à bord d'un bateau qui conduisait
ses parents guyanais à Fort-de-France, a marqué le petit monde littéraire du
début du siècle dernier dès les balbutiements de sa carrière. En 1921, à
seulement 34 ans, il devient le premier écrivain noir à obtenir le
prestigieux prix
Goncourt.
À la parution de la nouvelle, celle-ci fait l'effet d'une bombe dans la France
des années folles. Dans Le Petit Parisien, comme
nous le rappelle La 1ère,
l'accueil réservé à l'annonce de la victoire de René Maran est sans
équivoque : « M. René Maran, administrateur colonial, domicilié à
Fort-Archambault, à deux journées de marche du lac Tchad, au milieu de Noirs qui
lui ressemblent comme des frères, a reçu hier le prix Goncourt. (….) Depuis
l'année 1903, époque où fut décerné le premier prix Goncourt, c'est la
première fois que les Noirs jouent et gagnent. (…) sa qualité de nègre (…) a
séduit les dix de l'Académie Goncourt épris de couleur et
d'étrangeté. »
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D'autant
que René Maran, administrateur
colonial d'outre-mer
en Oubangui-Chari (aujourd'hui
la Centrafrique), a été le témoin des conditions de vie déplorables des peuples
colonisés, de la famine, de la vente des femmes et du comportement indécent des
colons. René Maran dénonce, dans la préface de Batouala, les
rapports conflictuels entre les Noirs et les Blancs, qu'il interpelle
ainsi : « Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur
charnier d'innocents. Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. (…) Tu es la force
qui prime sur le droit. Tu n'es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce que
tu touches, tu le consumes. » Il devra démissionner, sans trop de peine, de
l'administration coloniale et son livre sera interdit de publication en
Afrique.
« Quelle
que soit sa couleur, l'homme est toujours homme »
Batouala raconte
la vie d'un grand chef du pays des Bandas, en Centrafrique, qui s'inquiète
notamment de l'enrôlement de soldats noirs au sein de l'armée française, dans un
conflit absurde entre Européens, entre « Blancs frandjés » et
« Blancs zalémans ». René Maran décrit sans manichéisme la cruauté et
la méchanceté des colons, comme les vices des tribus africaines, car, pour lui,
nous rappelle L'Express,
« l'homme, quelle que soit sa couleur, est toujours
homme ».
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aussi Centrafrique –
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s'imposer »
Journaliste
à la radio, René Maran explique
un jour à l'antenne :
« Quand j'ai écrit Batouala, j'ai voulu montrer l'Afrique telle
que je la voyais. On a contesté avec âpreté et méchanceté tout ce que j'avais
dit et, pour démontrer que je m'étais trompé, on a étudié ce que j'avais vu. On
a été obligé de dire que je disais la vérité. Batouala montre
l'Afrique du temps des Européens. » Acteur dès ses débuts du combat contre
le colonialisme, René Maran est rapidement considéré comme un auteur de
référence par ses confrères Aimé Cézaire, Léopold Sédar Senghor ou Birago Diop,
qui font de lui la source de la négritude, vis-à-vis de laquelle René Maran a
pourtant toujours émis des réserves.
Pour
le journaliste Christian Éboulé, interrogé par France
Inter,
ces auteurs « doivent tout à René Maran du point de vue de la négritude.
D'ailleurs, ils n'ont cessé de le citer comme référence, tous sans exception.
René Maran était pour eux une référence et, surtout, un précurseur de la
négritude ». René Maran avouait pourtant « qu'il comprenait mal la
notion de négritude », explique
la critique belge Lilyan Kesteloot, il
avait tendance à y voir un racisme plus qu'une nouvelle forme d'humanisme. Il se
voulait, par-dessus tout et avec obstination « un homme pareil aux
autres' ». René Maran meurt à Paris en 1960, dans un relatif anonymat, son
premier roman, couronné du prix Goncourt, ayant, après le scandale, éclairé de
nombreuses pensées du XXe siècle.
Source:
https://www.lepoint.fr/livres/rene-maran-premier-ecrivain-noir-a-obtenir-le-prix-goncourt-05-11-2019-2345238_37.php