Un
Darfour pacifié possible facteur d’apaisement en Centrafrique
A
la tête d’une importante délégation, le président Touadera a été reçu à Khartoum
par Omar el-Bechir, le 11 décembre 2017.
Même
si la paix n’est pas encore au rendez-vous, le conflit sanglant au Darfour
connaît une certaine accalmie. Omar el-Bechir annonce même une pacification dans
ce territoire, grand comme la France et composé de trois États
fédérés.
Du
coup, la Minuad, opération hybride Onu/ Ua du maintien de la paix au Darfour,
certes impactée par la diminution des contributions américaines, va perdre près
de 30 % de ses effectifs. La baisse d’intensité d’un conflit, qui dure depuis
2005 permet d’envisager une telle éventualité avec sérénité. En
effet l’apaisement au Darfour n’est pas sans conséquence positive pour la
crise centrafricaine.
Razzias
et saccages
Les
Centrafricains n’ont pas oublié les razzias des milices arabes, notamment des
Djanjanwid venant du Darfour. Ces hordes sanguinaires ont contribué au succès de
la Seleka contre le régime de Bozizé. Les Banguissois ont encore en mémoire le
fameux “général” Moussa Assimeh qui mit à sac la capitale en
2013.
Omar
el-Bechir évoque désormais publiquement la paix dans les trois Etats fédérés du
Darfour, ce qui peut expliquer son revirement vis-à-vis des Djanjanwid qui ne
lui sont plus indispensables pour lutter contre les tribus darfouriennes
rebelles. Il a même fait arrêter le chef historique Djanjanwid, Moussa
Hilal, éphémère beau-père d’Idriss Deby Itno qui fut tour à tour son allié puis
son ennemi.
Le
rapprochement Bechir-Touadera
A
la tête d’une importante délégation, le président Touadera a effectué sa
deuxième visite de chef d’ Etat à Khartoum, le 11 décembre 2017. L’ancien
Premier ministre de Bozizé (2008-2013) était déjà un visiteur régulier d’Omar
el-Bechir, le proscrit. Cette dernière visite, consacrée à la coopération
bilatérale, est loin d’être anodine.
L’apaisement
du conflit au Darfour et la dégradation de la situation dans la Ouaka
centrafricaine, notamment autour de Bambari, a encouragé les 1700
Soudanais réfugiés, depuis 2007, dans le camp de Pladama Ouaka à demander leur
retour au Darfour. La même opération avait eu lieu en juin dernier pour les
réfugiés soudanais au Tchad. De ce fait, le Haut Commissariat aux Réfugiés de
l’ONU pourra davantage se consacrer aux déplacés centrafricains, nombreux dans
la région, et les connexions avec certains seigneurs de la guerre de la région
de Bambari seront mises à mal.
De
même, les Forces de répression spéciales soudanaises vont être en mesure de
mettre fin aux sanctuaires darfouriens des rebelles centrafricains et tchadiens
et de s’attaquer aux trafics d’armes qui s’y étaient considérablement
développés.
Vers
une solution régionale
Avec
cette visite à Khartoum, le président Touadera remet à l’ordre du jour l’Accord
tripartite Centrafrique- Soudan-Tchad réaffirmé, à El Fasher au nord Darfour, en
septembre 2016, par les trois chefs de l’Etat. Une Force régionale pourrait
enfin contrôler cette région des trois frontières, source de la plupart des maux
centrafricains. La prochaine militarisation des Forces armées centrafricaines,
avec ou sans l’armement russe, permettra la participation centrafricaine qui
faisait défaut jusqu’à présent. Bien plus que Sassou Nguesso, Paul Biya ou
Joseph Kabila, Omar el-Bechir, trop longtemps ignoré, est au même titre
qu’Idriss Deby Itno, un interlocuteur essentiel pour trouver une sortie à la
crise centrafricaine. L’Union africaine devrait en convaincre l’Onu et inciter
au rapprochement de la Minusca en Centrafrique avec la Minuad au Darfour, dans
laquelle elle est partie prenante.
Les
solutions à la crise centrafricaine se trouvent plus à l’est qu’à
l’ouest
Mondafrique, 14 décembre
2017.