Réactions des
classes politiques après la libération des infirmière et du médecin bulgares
emprisonnés en Libye
L'UE veut normaliser ses relations avec la Libye,
selon Barroso
Par Constant Brand - AP
BRUXELLES, mardi 24 juillet 2007 -
L'Union européenne va prendre des mesures pour améliorer ses relations
politiques et commerciales avec la Libye après la libération des infirmières
bulgares et du médecin d'origine palestinienne, a déclaré mardi le président de
la Commission européenne José Manuel Barroso.
"Nous espérons aller plus loin dans
la normalisation de nos relations avec la Libye, qui étaient dans une large
mesure bloquées par l'absence de règlement de la question des soignants", a-t-il
expliqué lors d'une conférence de presse à Bruxelles.
M. Barroso a ajouté que les
Vingt-sept pourraient notamment étendre à la Libye les accords commerciaux et de
développement conclus avec d'autres pays méditerranéens, et que l'UE était
favorable à une coopération étroite avec Tripoli en matière d'immigration. Il a
aussi mentionné des "progrès possibles" dans différents domaines de la
coopération, comme l'énergie et la pêche. Il a précisé s'être "très longuement"
entretenu au téléphone avec le dirigeant Moammar Kadhafi
lundi.
Le resserrement des liens fait
l'objet d'un mémorandum dans le cadre de l'accord sur la libération des huit
soignants.
A Tripoli, le ministre libyen des
Affaires étrangères Abdul-Rahman Chalkam a affirmé que l'UE et la Libye avaient
convenu de former un "partenariat entier", les 27 s'étant engagés à prodiguer
"des soins à vie" aux enfants soi-disant infectés par les infirmières et le
médecin, ainsi qu'à "améliorer l'hopital de Benghazi" où se produites les
contaminations par le virus du SIDA. L'UE fournira également une aide dans les
domaines de l'éducation, des antiquités et de la lutte contre l'immigration aux
frontières nord et sud de la Libye, a-t-il ajouté.
"Nous avons travaillé très dur pour
trouver une solution à cette situation dramatique et nous sommes très heureux de
ce résultat", a précisé à l'Associated Press le représentant de la politique
étrangère de l'UE, Javier Solana.
C'est un nouveau chapitre des
relations entre l'Union européenne et Moammar Kadhafi qui semble s'être ouvert
mardi. L'UE a mis fin à 12 ans de sanctions prises contre la Libye après les
attentats de 1988 contre le vol 103 de la Pan Am et de 1989 contre celui d'UTA,
et a assoupli en 2004 son embargo sur les armes en échange de l'abandon par
Tripoli du développement d'armes nucléaires.
Les relations libyo-européennes
restaient toutefois tendues après la condamnation à mort des infirmières et du
médecin, accusés d'avoir sciemment inoculé le virus du SDA à des enfants
libyens. Les Européens sont intéressés par les réserves de pétrole de la Lybie
et souhaitent coopérer avec elle pour empêcher l'immigration clandestine sur
leur territoire. AP
Les cinq infirmières et le médecin sont libres à
Sofia
Par Anna Mudeva Reuters -
SOFIA (Reuters), Mardi 24 juillet,
12h02 - Les cinq infirmières bulgares et
le médecin d'origine palestinienne libérés par la Libye à l'issue de
négociations avec l'Union européenne et la France sont arrivés à Sofia et ont
été aussitôt graciés par le président bulgare.
Le Haut Conseil judiciaire libyen
avait commué la semaine dernière en prison à vie la condamnation à mort des six
accusés, décision qui a ouvert la voie à leur rapatriement en vertu d'un accord
de 1984 sur les échanges de prisonniers.
Ils sont arrivés à l'aéroport de
Sofia en compagnie de la commissaire européenne aux Affaires extérieures, Benita
Ferrero-Waldner, et de l'épouse du président français, Cécilia Sarkozy, qui
étaient depuis dimanche en Libye avec le secrétaire général de l'Elysée, Claude
Guéant, pour mener les discussions à leur terme.
Dès leur arrivée, les six condamnés
ont été graciés par un décret du président bulgare. Ils resteront pendant
quelques jours avec leurs proches dans la résidence du président, dans les
faubourgs de Sofia, où ils subiront des examens médicaux.
"Ce succès a été obtenu parce que
nous avons su transformer ce problème entre la Bulgarie et la Libye en un
problème entre l'Union européenne et la Libye. C'était là la clé", a dit le
Premier ministre bulgare, Sergueï Stanichev.
PAS D'ARGENT FRANÇAIS OU
EUROPEEN
Lors d'une conférence de presse à
Paris, Nicolas Sarkozy a déclaré que ni l'Europe, ni la France n'avaient versé
de fonds à la Libye.
"Je peux simplement vous confirmer
que ni l'Europe ni la France n'ont versé la moindre contribution financière à la
Libye", a dit le chef de l'Etat, qui a laissé entendre qu'un "geste humanitaire"
du Qatar avait joué un rôle important dans cette
libération.
"J'ai eu l'occasion de remercier
très chaleureusement les autorités qataries pour leur médiation et leur
intervention humanitaire, c'est à elles de dire si ont elles ont quelque chose à
dire sur le sujet", a-t-il ajouté.
Il a précisé qu'il se rendrait en
Libye mercredi en compagnie du ministre des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner, pour aider ce pays "à réintégrer le concert des
nations".
A Bruxelles, le président de la
Commission européenne, José Manuel Barroso, a jugé "essentiel" l'engagement du
président français et de son épouse dans ce dossier.
"Nous avions fait des efforts depuis
longtemps et la détermination de l'Union européenne, de la Commission et de Mme
Ferrero-Waldner était là, mais c'est vrai, aussi, c'est juste de dire que
l'engagement personnel du président de la France et de son épouse a été
essentiel pour que le dénouement puisse arriver maintenant", a-t-il
dit.
"Ces efforts qui ont été coordonnés
par la Commission européenne n'auraient pas pu aboutir maintenant sans
l'engagement personnel du président Sarkozy et de son épouse et je tiens à les
remercier très sincèrement", a-t-il ajouté.
Dans un communiqué commun annonçant
les libérations, Nicolas Sarkozy et José Manuel Barroso saluent "le geste
d'humanité de la Libye et de son plus haut dirigeant", Mouammar
Kadhafi.
RELATION NOUVELLE ENTRE L'UE ET
TRIPOLI
Ces libérations rendent possible une
amélioration des relations entre l'Union européenne et
Tripoli.
"Cette décision va ouvrir la voie à
une relation nouvelle et améliorée entre l'UE et la Libye et renforcera nos
liens avec la région méditerranéenne et l'Afrique tout entière", a estimé Benita
Ferrero-Waldner.
"Nous avons dit aux autorités
libyennes que nous étions prêts à normaliser les relations" à la suite du
règlement de ce dossier, a dit pour sa part José Manuel Barroso. "Nous pouvons
nous attendre à des progrès dans les différents secteurs de notre coopération",
a-t-il poursuivi.
De source européenne, on précise que
l'UE et la Libye ont signé un document de deux pages sur les moyens
d'intensifier leurs relations, qui confirme notamment l'octroi d'une aide de
l'Union en faveur des enfants libyens contaminés par le sida et de l'hôpital de
Benghazi.
Cet accord "couvre tout, le
commerce, l'archéologie, l'immigration illégale, les bourses aux étudiants et la
question des visas", a-t-on dit de même source.
Les cinq infirmières bulgares et le
médecin d'origine palestinienne, récemment naturalisé bulgare, ont été condamnés
à mort en décembre 2006 après avoir été reconnus coupables d'avoir inoculé
sciemment le virus du sida à 426 enfants libyens lorsqu'ils travaillaient dans
un hôpital pour enfants de la ville de Benghazi au début des années
1990.
Ils ont nié en bloc les accusations
portées contre eux, affirmant que les conditions d'hygiène déplorables à
l'hôpital de Benghazi étaient à l'origine de la contamination. Ils affirmaient
en outre que leurs supposés aveux leur avaient été extorqués sous la
torture.
Les familles des enfants contaminés
ont reçu des indemnités s'élevant à plusieurs centaines de millions de dollars
la semaine dernière, des sommes tirées d'un fonds mis en place par la Fondation
Kadhafi.
Nicolas Sarkozy défend le rôle de son épouse en
Libye
Par Emmanuel Jarry Reuters
PARIS (Reuters), 24 juillet 2007 -
Nicolas Sarkozy a défendu le rôle de son épouse Cécilia dans les tractations qui
ont abouti à la libération des cinq infirmières bulgares et du médecin
palestinien détenus depuis huit ans en Libye.
"Cécilia a fait un travail tout à
fait remarquable", a déclaré le président de la République lors d'une conférence
de presse improvisée à l'Elysée.
Cécilia Sarkozy, le secrétaire
général de l'Elysée, Claude Guéant, et la commissaire européenne aux Relations
extérieures, Benita Ferrero-Waldner, ont ramené mardi à Sofia les infirmières et
le médecin dans un avion de la République française.
La très discrète épouse du chef de
l'Etat et Claude Guéant étaient déjà allés en Libye le 12 juillet pour tenter de
faire avancer la cause de ces femmes et de cet homme, accusés par les autorités
libyennes d'avoir inoculé le virus du sida à plusieurs centaines d'enfants à
l'hôpital de Benghazi.
"La nuit a été courte pour nous
trois et, bien sûr, pour les négociateurs", a dit Nicolas Sarkozy, qui a exprimé
"toute (sa) reconnaissance" au secrétaire général de l'Elysée, qui fut son
directeur de cabinet au ministère de l'Intérieur.
En 46 heures de présence sur le sol
libyen, lors de ces deux voyages, Cécilia Sarkozy a rencontré "longuement" une
fois le numéro un libyen, Mouammar Kadhafi, et pu s'entretenir avec lui à
plusieurs autres reprises, a précisé le chef de l'Etat.
Lors de son premier voyage, elle
était également allée voir des enfants contaminés par le sida, à
Benghazi.
"Le détail des choses, elle-même ne
souhaite pas s'y attarder et elle ne fera sur le sujet aucune déclaration", a
cependant averti le chef de l'Etat.
"Ça a été très difficile", a
seulement confié à France 2, à l'aéroport de Sofia, Cécilia Sarkozy, qui a dit
ne pas avoir dormi "depuis 45 heures".
C'est la première fois qu'un
président français envoie ainsi son épouse en mission quasi diplomatique et
aussi délicate à l'étranger, ce qui a suscité des critiques dans
l'opposition.
L'ancien ministre socialiste Pierre
Moscovici a ainsi demandé la "transparence" sur la nature de cette
intervention.
"Si c'est une affaire humanitaire,
alors il n'est pas illogique que Mme Sarkozy soit là, parce que ce pourrait être
le rôle de la première dame de France", a-t-il dit sur France 2. "Mais si c'est
une affaire politique, alors là on entre dans une méthode diplomatique que je
réprouve totalement."
PAS UNE "AFFAIRE
CLASSIQUE"
Le PS s'est interrogé dans un
communiqué sur "la conduite et l'organisation de la diplomatie française" et a
souhaité, comme la secrétaire nationale du Parti communiste Marie-George Buffet,
que "soient précisés le rôle et la responsabilité de
chacun".
Le député Vert Noël Mamère a accusé
Nicolas Sarkozy d'avoir "profité" de cette affaire "pour faire une grande
opération de communication" et pour dire : "Voyez, je suis le meilleur (...) et
je suis même capable de transformer mon épouse en ministre des Affaires
étrangères de substitution."
"Dans une République, on ne doit sa
légitimité qu'au suffrage universel. Je ne sache pas que Mme Sarkozy se soit
présentée devant les électeurs", a ajouté Noël Mamère sur
LCI.
Nicolas Sarkozy, qui était entouré,
pour sa conférence de presse, du Premier ministre François Fillon, du ministre
des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et de la secrétaire d'Etat aux Droits
de l'Homme, Rama Yade, a justifié l'envoi à deux reprises en 10 jours de son
épouse en Libye.
"Il s'agissait de femmes, il
s'agissait d'un problème humanitaire et j'ai pensé que Cécilia pouvait mener une
action utile", a-t-il dit. "Ce qu'elle a fait avec beaucoup de courage et
beaucoup de sincérité, beaucoup d'humanité et beaucoup de brio, en comprenant
tout de suite qu'une des clefs était dans la capacité que nous pouvions avoir à
prendre toutes les douleurs en considération, celle des infirmières, bien sûr,
mais aussi celle des 50 familles qui avaient perdu un enfant. Avec la
sensibilité qui est la sienne, elle l'avait parfaitement
perçu."
"Un dossier qui durait depuis huit
ans et demi sans trouver de solution n'est pas exactement une affaire classique,
qu'on peut traiter de façon classique", a ajouté Nicolas
Sarkozy.
Il s'en est pris à ses détracteurs
qui étaient ministres au début de l'affaire en 1999, comme Pierre Moscovici :
"S'ils avaient tant de bonnes idées, il ne fallait surtout pas qu'il se gênent
pour la résoudre, cette affaire."
"On a résolu un problème, point. Il
n'y a pas à théoriser sur une nouvelle organisation de la diplomatie française,
le statut de l'épouse du chef de l'Etat", a-t-il souligné.
Il a cité le témoignage d'une des
infirmières bulgares, qu'il avait eue le matin au téléphone après sa libération
: "Elle m'a dit, je suis la femme la plus heureuse du monde. Elle ne m'a pas dit
quelle est le statut de votre épouse, comment ça se passe avec Bernard Kouchner,
est-ce que vous avez tenu informé François Fillon ?"
Réactions de députés à la libération des infirmières
et du médecin bulgares
PARIS (AFP), 24 juillet 2007
- Voici des
réactions de députés à l'Assemblée nationale à la libération des infirmières et
du médecin bulgares et à l'implication de la France et de Cécilia Sarkozy dans
ce dossier.
- André Vallini, porte-parole des
députés PS: "Chacun doit se réjouir de ce dénouement heureux. Aujourd'hui, on
doit être à la réjouissance collective. Il sera temps demain et dans les jours
qui viennent d'interroger le gouvernement sur qui a fait quoi, quel a été le
rôle de chacun et de chacune, quel a été le rôle de la diplomatie française, de
l'Union européenne. Il faudra s'interroger sur les contreparties éventuelles qui
auraient été accordées à la Libye et au colonel Kadhafi. Si Cécilia Sarkozy a
été utile dans ce dénouement heureux, tant mieux".
- Nicolas Perruchot, porte-parole
des députés NC: "C'est une démonstration de la volonté de (Nicolas Sarkozy)
d'agir sur la scène internationale et du rôle que, pour lui, la France doit
avoir. On ne peut qu'applaudir à cette issue".
- Christiane Taubira (PRG): "Si la
présidence de la République a pu aider, c'est tant mieux. Si Cécilia Sarkozy
(...) peut ajouter un plus à la présidence de la République, tant mieux. Je suis
toujours ravie quand une femme, quelle qu'elle soit et à quelque niveau que ce
soit, participe à la vie publique (...) Elle doit trouver sa place. Tant mieux
si elle a été utile. La France n'a pas été la locomotive dans le dénouement de
cette affaire, elle y a pris sa part. C'est surtout la diplomatie européenne qui
a été active et efficace".
- Noël Mamère (GDR-Verts): "La
France a capté le long travail réalisé par l'UE. Elle l'a fait à son profit.
C'est un mauvais coup de la France à l'Europe. Il faut se demander si M. Sarkozy
a décidé de faire de sa femme la nouvelle ministre des Affaires étrangères et à
quoi sert Bernard Kouchner. Le problème est de savoir si Mme Sarkozy a été élue
et a la légitimité du suffrage universel. La réponse est non. Elle est la femme
du président, point barre. Elle n'a pas à être associée à des opérations de
cette envergure qui peuvent avoir des conséquences très importantes du point de
vue géostratégique. Nous avons maintenant, non pas un président de la
République, mais un couple à la tête de l'Etat. Est-ce que c'est ça la
République?"
- Maxime Gremetz (GDR-PCF): "Je
crois que la France a joué un rôle, étroitement avec l'Union européenne, avec le
président de la Commission. C'est un rôle positif, je m'en réjouis. Je me
féliciterai toujours pour mon pays quand la France joue un bon rôle, y compris
humanitaire. Si Cécilia Sarkozy a joué un rôle humanitaire, tant mieux.
L'essentiel, c'est le résultat. Mais je ne voudrais pas que la diplomatie
française se modifie au point que ce ne sont plus les diplomates et les hommes
politiques qui règlent (les problèmes) mais la femme du
président".
- Maurice Leroy (NC): "Ce qui
compte, c'est l'efficacité. Point barre. C'est vrai que dans toutes ces affaires
d'otages, il arrive que l'épouse ou l'époux d'un chef d'Etat soit tout aussi
efficace. Cela n'efface pas le travail qu'a fait la diplomatie y compris
française".
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