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Compte
rendu séjour de juin à septembre 2012 à Sibut (Centrafrique).
En
accord avec le Conseil d’Administration, nous avions organisé un séjour à sibut
pour les mois de juillet, d’août et de septembre 2012, afin de poursuivre le
projet de construction d’une Maison Des Femmes dont on avait démarré la
fondation en février 2012 grâce à la participation de deux partenaires :
« La guilde Européenne du raid » et le Conseil régional.
Je
dormais dans une maison en paille qui
ayant été inhabitée pendant une longue période, était envahie par les
mauvaises herbes, mais heureusement les femmes du village sont venues
régulièrement me prêter main forte pour le désherbage.
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Nous désherbons
ensemble ! |
La solidarité féminine
! |
Ma
maison étant situé à un carrefour , cela me permettait de voir passer
du monde , et surtout de recevoir beaucoup de visites, malgré une clôture en briques cuites, faite plus
pour limiter les visites que pour éviter les animaux domestiques errants,
notamment les cochons qui sont élevés en liberté ;dévorant tout sur leur
passage : savon, plastique, maïs , nourriture en tout genre etc. …
1)
Le projet construction de « la Maison Des Femmes »:
Les
mois de juillet, et d’août sont les mois
les plus pluvieux en Centrafrique. Il était difficile de monter les murs
de la Maison des Femmes , après que les militaires français étaient allés nous
renforcer la fondation le weekend du 26 mai 12 .
En attendant la saison sèche, j’ai demandé aux
responsables des organismes qui interviennent auprès de la population de Sibut
de nous réunir afin de définir ensemble les vrais besoins de la population .
Nous nous sommes réunis deux fois chez moi
, en compagnie de 2 responsables de groupements paysans. On a
mis sur papier toutes les suggestions, à revoir avec notre Conseil d’administration
de Besançon.
Nous avons finalement retenue ensemble une liste de tout ce qui pourrait être fait pour améliorer les conditions de vie des femmes
rurales.
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Les membres des
différents organismes et groupements de Sibut |
En compagnie de 4
femmes de l’association |
Je
décidai de consacrer le reste du séjour à la vie quotidienne de la population.
Bref, à apprendre à redevenir une femme rurale comme durant mon enfance.
Sibut
et sa population :
Sibut
est une ville très agricole où l’argent circule difficilement. La population
vit beaucoup de « troc »( manioc contre maïs ; ou pour les soins on met en gage sa récolte
et on se fait faire une avance pour se
soigner).
L’avantage de travailler avec les femmes, c’est de pouvoir parler librement
de tous les sujets ; sans
contraintes ; ce qui est un avantage certain pour moi et me permet de
mieux comprendre les difficultés qu’elles rencontrent au quotidien. C’est ainsi
que je pus constater qu’elles participaient
plus aux charges de leurs
ménages que leurs maris tout
en assumant la responsabilité de l’éducation des enfants.
Un
exemple : le mari de l’une d’elle
a choisit le métier de pêcheur et selon la logique du partage des tâches
ou corvées, ne participe pas aux travaux des champs qui incombe donc à sa
femme. Seulement, depuis 4 ans , monsieur
tombe toujours malade pendant la saison de pêche
, et se rétablit
miraculeusement dès que la saison de
pêche est passée ! Ils ont 9 enfants à nourrir , et pour lui le
responsable de son problème de santé sont les sorciers du coin !
Je
vais classer la vie de la
population en 2 parties.
A-
Première partie : Travaux champêtres,
travaux ménagers et le chef !
Comme
je le disais plus haut, vu qu’en juillet et août c’est la pleine saison des
pluies et qu’il faut suivre les récoltes de très près, les habitants dorment
souvent dans les champs et ne rentrent
que de temps en temps, surtout en cas de maladie. De mi-août à mi- septembre,
c’est la récolte de l’arachide pour presque tout le monde. La viande est rare,
même le poisson car il y a trop de
pêcheurs pour la seule petite rivière « Tomi », au point que les
pêcheurs ne ramènent plus qu’un seul genre de poissons appelés
« Raou » qui est loin d’être gouteux.
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Zara et Rebeca en train
de récolter l’arachide |
J’arrache l’arachide |
Une
fois l’arachide récoltée, les paysans, qui se sont endettés toute l’année en
attendant la récolte, vendent en général 95% de leur production pour pouvoir
avoir de l’argent liquide qui ne dure
cependant guère longtemps
.
Les femmes commerçantes de Bangui arrivent par mini bus pleins tous les
jours, pour acheter le maximum de
produits et pouvoir ensuite les revendre
plus cher à Bangui. L’argent disparait vite (une partie de l’argent part en
boissons pour certains hommes, une autre pour rembourser les dettes, et enfin un peu de viande. A la fin, il ne reste
presque plus d’argent).
1)
L’alimentation
en saison des pluies
L’aliment de base de la population est « le manioc ». On mange ses feuilles
et son tubercule. Par contre, beaucoup de « consommateurs lambda
» ne savent pas que mal préparé , le manioc peut représenter un danger pour la santé.
Or
durant la saison des pluies, il est difficile de sécher le manioc, et comme la
demande en cossette est très élevée et que le soleil est rare, les productrices raccourcissent le temps de rouissage
(trempage du manioc dans l’eau pour éliminer les risques de toxicité dû à des
résidus de cyanure). Ils consomment le manioc sous forme de pâte cuite préparée
à partir de la farine de cossette, donc séchée.
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Les femmes pilent les feuilles de manioc ! |
Georgette et
Joséphate font la boule de manioc |
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Conclusion : les gens mangent mal ;
ont du mal pour se soigner ; beaucoup d’enfants souffrent d’anémie ;
de paludisme non ou mal soigné et le taux de décès est trop élevé.
2) Quelques Moments de distraction !!!
Nous avons quelques moments de
distraction : je n’étais pas la
seule représentante de la « diaspora » à suivre un projet
à Sibut. Un ami et compatriote artiste « Malepopo » qui vit à Metz
avec sa femme Corine a construit un « Centre culturel « la
Tomi » en plein quartier populaire, à peine à 500m de chez moi ! .
Il y était venu avec femme et enfant. Nous partagions tous les travaux quotidiens
avec la population : les travaux champêtres, la cuisine…et les jours de
repos, on se retrouvait autour d’un repas chez les uns et les autres avec
d’autres voisins ; ou encore devant un film qu’il nous projetait et qu’on
partageait avec les enfants. Parfois
avec d’autres visiteurs de Bangui, qui étaient passés nous voir
Sur la route des champs, on fait beaucoup de
rencontres intéressantes, surtout les enfants qui sont au courant de tous les
commérages du village et qui se font une joie de les raconter tout en adaptant leur rythme de
marche au mien et en me donnant du « mère Yvonne … ».
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Nous
attendons la projection du film « Le silence de la forêt » de
GOYEMIDE (De Centrafrique) |
Au retour
des champs, sous mon manguier , on attend le repas ! |
3) Le chef de « mon
quartier Ouga »!
Il y avait aussi le chef du quartier et les
séances de « jugement des litiges » de la vie courante.
En
Centrafrique, en cas de litiges entre
les personnes, on doit d’abord amener le problème devant le chef du village,
qui est secondé par 2 conseillers appelés « capita », avant de faire
appel à un juge. Et, devant des
badauds, voisins et curieux, chacun
expose son litige et le chef, en concertation avec ses « capita » ,
donnent les conseils nécessaires et tranche comme il le sent. Si les
belligérants sont d’accord avec la sentence, on en reste là et tout le monde se
disperse. Mais si l’une des deux parties n’est pas satisfaite voir les deux, le
chef rajoute un commentaire à leur plainte et les renvoi devant le juge.
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Le chef du quartier et sa famille |
Des
voisines rencontrées en allant au champ ! |
J’ai pu assister à un seul jugement à
l’invitation du chef du village « George », car il s’agissait d’un
problème de couple entre un monsieur que j’avais déjà rencontré chez lui la
veille qui se dit « marabout, prédit l’avenir, peut ramener vivant un noyé
depuis plus de 24H, bref, et qui a porté
plainte contre sa femme.
Il l’accuse : « de ne pas savoir
prendre soin de lui ; de mal le
servir ; d’être incapable de s’occuper de la maison ;, d’être trop
souvent malade ; d’oser lui faire des reproches ; de sentir le lait
maternel car elle allaite encore ; d’avoir caché son pantalon
préféré ». Bref, Il propose :
soit de la répudier , soit de prendre une deuxième épouse afin qu’il y ait concurrence entre elles pour
son bien être à lui !!!
La majeur partie du temps, on rigole bien durant
ces séances et ce fut le cas ce jour-là !
B- Deuxième partie : Soins, Paludisme, et
décès
J’ignorais aussi beaucoup de choses sur le
paludisme et son impact sur la population
avant mon séjour. En remarquant que dans presque toutes les familles
auxquelles je rendais visite, il y avait au moins un enfant, sinon plusieurs,
qui souffraient d’anémie sévère, et que beaucoup de ces enfants mourraient trop
rapidement. Je m’étais mise à me
renseigner auprès des professionnels de la santé à Bangui ou ailleurs
pour tenter de comprendre.
1) Selon
« Médecin Sans Frontières »
(source internet) : La R.C.A
« Une
capitale, Bangui, qui concentre l’essentiel des structures de santé du pays. Hors
de la capitale, il n’y pas ou très peu d’accès aux soins. Les rares structures
éparpillées à travers le pays manquent souvent de médicaments et de personnel
médical qualifié. Le budget du ministère de la Santé est dérisoire, et les
organisations internationales réticentes à agir. Un état faible, sans argent...
et une centaine de médecins pour tout le pays. »
Le paludisme est de loin la première
cause de morbidité constatée dans les installations de soins externes de MSF.
Les données de MSF indiquent un nombre de cas élevé pendant toute l’année, avec
un pic important pendant les mois de juillet et août chaque année (appelé « pic
palu »).
La
proportion est encore plus élevée chez les enfants de moins de 5 ans. Sur 1375
décès à l’hôpital, 59% est dus au paludisme
« Pourtant, la RCA n’est pas frappée
par une catastrophe aiguë, ponctuelle. C’est une crise chronique, sans coup
d’éclat. Les problématiques sanitaires communes à de nombreux pays d’Afrique
prennent ici des proportions catastrophiques : épidémie de VIH et de
tuberculose, paludisme, infections respiratoires, diarrhées, malnutrition... »
Je découvris avec consternation que Sibut
vivait cette situation tout au long de
l’année. Qu’est devenue cette ville
autrefois si prospère dans laquelle il faisait si bon vivre ? Les gens sont travailleurs, accueillants,
même les élèves cultivent leurs champs ou font des jardins pour pouvoir
financer leurs études.
Les
enfants les plus petits encadrés par ceux de 4 à 6 ans sont seuls à la maison,
pendant que les parents passent leurs journées dans les champs, ne rentrant que
le soir pour la plupart.
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Il amène sa natte au
champ |
Les enfants suivent les
parents au champ |
Les
enfants les plus robustes partent au champ tous les jours pour aider leurs parents surtout pendant les vacances comme on
le faisait durant mon enfance.
Les
traitements contre le paludisme sont hors de prix. Les gens se tournent vers
des nouveaux médicaments moins chers, produits par la chine d’après
eux. Portés sur les têtes dans des
plateaux, par des revendeurs ambulants
qui n’ont aucune formation médicale,
sous le soleil ou la pluie ! Ils font leur prescription selon ce qu’on
leur a expliqué.
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Blandine et sa fille qui souffre d’anémie et qui a le palu ! |
Sans solution ; on m’amène des enfants |
Rien
que dans mon quartier, on enterrait trop d’enfants à mon avis. L’un des
derniers que nous avons enterré avant mon départ était le dernier d’une fratrie de 5 enfants
tous morts dans les mêmes conditions et les 3 derniers ont été emportés en
quatre mois seulement. On justifie ces morts par « la
sorcellerie » faute de trouver un autre responsable.
2)
Les transports publics
Parmi
les autres causes de décès les plus fréquents figurent les accidents de
transports en commun dus à l’état des
routes et à la faiblesse de soins.
Un minibus construit pour transporter 9 ou au
plus 12 passagers , va transporter le triple et avec les bagages !. Les
propriétaires modifient les sièges afin de pouvoir y mettre un maximum de
clients, ensuite ils font installés des
portes bagages sur les toits et par-dessus les bagages
encore de passagers.
Comme lors du voyage effectué de Bangui à Sibut le 28 Aout dernier
et qui m’a marqué à vie. J’avais ce jour là réussit à obtenir une place à la
cabine qui prend en général 2 personnes en plus du chauffeur.
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Notre bus est en panne
, on répare ! |
On se fait plaisir en
se faisant prendre en photo ! |
Malheureusement, arrivé à 40km de Sibut, un
couple avec un bébé malade montèrent dans le minibus afin de se rendre à
l’hôpital de Sibut et faire soigner le bébé qui souffrait d’anémie assez grave.
On avait fait à peine 10km que l’homme qu’ils avaient fait monter sur le toit
du bus, tomba la tête la première sur le goudron. Inutile de vous raconter
l’horrible vision de ce corps recroquevillé que le chauffeur essayait de
réanimer avant de le transporter à Sibut dans le même bus ! le désespoir de tous ces passagers qui devaient se dire
qu’ils auraient pu être à sa place.
Arrivés à l’hôpital de Sibut,
nous avons beau courir dans tous les sens , faire des pieds et des mains :
il n’y avait ni médecin (ils assistaient tous à un séminaire rémunéré ) et
presque pas de médicaments. L’infirmier de garde après plusieurs minutes de
tractation avec le major de l’hôpital, a installé un matelas troué sur un lit
en fer nu , sans aucun drap . Ils
lui posèrent une transfusion de je ne sais quoi et après plusieurs heures d’agonie l’homme
mourut dans la nuit, et son bébé le lendemain.
Quelle vie !!!
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Le vice-président et 3 membres du Conseil
d’Administration |
Des femmes qui
s’organisent ! |
Notre
association, avec ses partenaires,
réfléchissent sur des solutions simples, à portée de tous afin
d’améliorer la vie de tous les jours.
Yvonne
METE NGUEMEU