Covid-19 :
la faible mortalité en Afrique pourrait s’expliquer par… l’homme de
Néandertal
Un
fragment d’ADN triplerait le risque de contracter une forme grave de détresse
respiratoire, selon « Nature ». Or ce fragment est moins présent dans
la population africaine. Cela expliquerait aussi que le taux de mortalité soit
plus élevé chez les Bengalis.
Par
L'Obs - Publié le 01 octobre 2020 à 14h39
Prehistoire
: representation d’un homme de Neandertal ou Neandertalien au paleolithique
moyen. Dessin d’Alessandro Lonati. (leemage via AFP)
Les
scientifiques du monde entier travaillent depuis des mois pour comprendre le
nouveau coronavirus, ses modes de transmission mais aussi les facteurs
d’aggravation de la maladie Covid-19. Deux d’entre eux ont soulevé, mercredi
30 septembre dans
la revue « Nature », l’hypothèse de l’impact de notre
héritage génétique venant de l’homme de Néandertal sur les formes les plus
graves.
Celui
que « le
Monde », qui rapporte l’information, décrit comme le
« pape » des génomes anciens, Svante Pääbo (Institut Max-Planck
d’anthropologie évolutionniste, Leipzig) ainsi que son collègue Hugo Zeberg
(Institut Karolinska, Stockholm), se sont intéressés à des fragments
chromosomiques retrouvés sur des fossiles néandertaliens et présents chez
certaines populations aujourd’hui. Selon eux, ils multiplient par trois le
risque de faire une forme grave de détresse respiratoire.
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En
s’appuyant sur deux études portant sur l’identification des facteurs de risques
génétiques associés aux formes sévères, l’une publiée
le 19 juin dans le « New England Journal of
Medicine », l’autre de
la Covid-19 Host Genetics Initiative, Svante Pääbo et Hugo Zeberg se
sont penchés sur le rôle d’une région du chromosome trois englobant six
gènes.
Comme
le rapporte « le Monde », ce variant « aggravant » était
présent en deux exemplaires dans le génome du fossile néandertalien Vindija
33.19, qui a vécu dans l’actuelle Croatie il y a
50 000 ans.
Un
variant aggravant presque absent chez les populations
africaines
Cet
héritage génétique, qui a traversé des dizaines de milliers d’années, n’est pas
présent dans les mêmes proportions partout dans le monde : ce que l’on appelle
le « variant aggravant » est ainsi presque complètement absent en
Afrique mais peut se trouver chez un Européen sur six (16 %) et sur une
personne venant d’Asie du Sud sur deux. La proportion de porteurs la plus forte
se trouve au Bengladesh, avec 63 % de la population possédant au moins une
copie du variant à risque, et 13 % deux exemplaires, sur la paire de
chromosomes 3.
Or,
comme le rappelle le quotidien, une
récente étude de l’agence Public Health England a affirmé que
les personnes originaires du Bangladesh hospitalisées en Grande-Bretagne pour
Covid-19 avaient deux fois plus de risque d’en mourir que la population
générale. L’hypothèse de Svante Pääbo et Hugo Zeberg pourrait également
expliquer la faible mortalité en Afrique.
« L’âge
reste le facteur de risque principal de gravité du Covid-19,
précise Svante Pääbo, cité par “le Monde”. Pour mettre les risques en
perspective, si vous êtes porteur d’une copie du variant néandertalien, c’est un
peu comme si vous aviez dix ans de plus que votre âge réel, et vingt ans de plus
avec deux copies. »
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Lui
et son collègue l’assurent : si d’autres recherches doivent être effectuées
sur cette région du génome, « en ce qui concerne la pandémie
actuelle, il est clair que le flux de gène provenant des
Néandertaliens a des conséquences tragiques ».
Lluis
Quintana Murci, du Collège de France et de l’Institut Pasteur, a déjà travaillé
sur l’impact de l’héritage néandertalien sur la santé humaine. Auprès du
quotidien, il avance que « ce système immunitaire extrêmement
réactif par le passé se retourne aujourd’hui contre nous ». Et
d’ajouter que « dès demain, nous allons néandertaliser des cellules
humaines pour étudier les effets fonctionnels de ce
variant ».