DAKAR, 17 octobre 2008 (IRIN)
- Les gouvernements ouest-africains qui envisagent d’instaurer la gratuité
des frais de santé pour tous recevront bientôt un guide qui leur permettra
de maîtriser les conséquences financières de cette mesure.
Ce guide, que l’organisation
non-gouvernementale (ONG) Save the Children prévoit de publier en
novembre, expliquera aux décideurs des pays en voie de développement
comment estimer les besoins en ressources que la suppression des frais de
santé est susceptible d’engendrer. A en croire les organismes qui
font campagne en faveur de la gratuité des soins pour tous, des frais de
santé même minimes peuvent être mortels lorsqu’ils empêchent plusieurs
millions de personnes, parmi les plus pauvres du monde, d’accéder à des
soins élémentaires et vitaux, tout en ne représentant qu’une petite partie
des revenus du secteur de la santé. Mais il n’en est pas moins
compliqué de supprimer ces frais tout en maintenant à flot le système
sanitaire. Les pays « n’ont pas les outils nécessaires pour planifier un
tel changement de politique et le mettre en œuvre », a estimé Alice
Schmidt, conseillère en plaidoyer sanitaire à Save the Children.
Les cinq étapes du guide,
intitulé « Freeing up Healthcare » [Instaurer la gratuité de la santé],
sont les suivantes : analyser la situation de départ, estimer les
répercussions de la suppression des frais sur l’utilisation des services,
estimer les besoins supplémentaires en matière de ressources humaines et
de médicaments, mobiliser des fonds complémentaires et communiquer le
changement de politique. Dans de nombreux pays
d’Afrique de l’Ouest, dont certains se relèvent de plusieurs années de
conflit, les gouvernements, les organismes de la société civile et les ONG
locales et internationales étudient actuellement comment assurer
l’accès de tous aux soins les plus essentiels, malgré le peu de fonds et
l’insuffisance des infrastructures sanitaires. En Sierra Leone, un groupe de
travail sur le financement de la santé, composé de représentants du
gouvernement et des ONG, se penche sur cette question depuis plusieurs
mois. Le gouvernement envisage différentes options de financement de la
santé ; pour l’instant, les soins de santé publique ne sont gratuits que
pour certains groupes de population, dont les enfants de moins de cinq
ans, les femmes enceintes et les femmes allaitantes. Rien de moins
que la gratuité Le Département britannique
d’aide au développement international (DFID) soutient la suppression des
contributions financières aux frais médicaux. Mais d’après les ONG, les
bailleurs doivent aller plus loin, en assurant les gouvernements de leur
soutien dans le cadre de la suppression des frais de santé.
« Les preuves que la
suppression des frais médicaux améliore l’accès à la santé sont absolument
indéniables », a dit à IRIN Anna Marriott, conseillère en politiques
sanitaires auprès d’Oxfam-Grande-Bretagne. « Les frais médicaux bloquent
l’accès de millions de personnes aux soins de santé ». Gratuit, oui,
mais pas pour tous Tout en soutenant l’accès
universel aux soins de santé, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance
(UNICEF), cependant, ne pense pas que la simple suppression des frais de
santé partout en même temps soit une solution appropriée.
« Dans de nombreux pays où le
système de santé fonctionne relativement bien, les gens sont déjà habitués
à payer pour être soignés », a indiqué Celestino Costa, conseiller en
politiques sanitaires aux bureaux ouest-africains de l’UNICEF. « Arriver
en annonçant qu’on va tout simplement supprimer tous les frais médicaux
perturberait le système. Dans ces cas-là, cela vaut la peine de déterminer
quelle est la meilleure option pour assurer que les populations pauvres et
vulnérables ne soient pas laissées pour compte ». Mais pour certaines ONG
favorables à la suppression des frais, c’est là la seule option possible.
« La gratuité des soins de
santé est cruciale pour la santé des enfants », a affirmé Mme Marriott
d’Oxfam. « Plutôt que s’intéresser uniquement aux problèmes que pose la
suppression des frais médicaux pour les pays, l’UNICEF devrait soutenir
activement cette suppression ». M. Costa, de l’UNICEF, a
souligné que son agence était « prête à aider les gouvernements qui
souhaitent exempter certains groupes vulnérables du paiement des soins »,
précisant que la décision était du ressort des gouvernements. « Le plus
important est de voir quelles mesures peuvent être mises en place, en
travaillant avec le gouvernement, pour s’assurer que les populations les
plus pauvres aient accès à des soins appropriés ». « C’est une question complexe
», a-t-il conclu, « et cela dépend de la réalité sur le terrain, dans
chaque pays ». Selon les conclusions du
rapport sur le paludisme, publié en septembre 2008 par Médecins sans
frontières (MSF), le dépistage et le traitement gratuits du paludisme ont
considérablement augmenté le nombre de personnes venues se faire soigner
et le nombre de celles qui survivent à la maladie ; pour les experts de la
santé partisans de la gratuité des soins, il s’agit là d’une preuve
supplémentaire en faveur de la suppression des frais médicaux.
« Envoyer des médicaments
antipaludiques dans un pays ne suffit pas », a expliqué à IRIN Seco
Gerard, conseiller en analyse et plaidoyer chez MSF. « L’accès repose
principalement sur les coûts ». Les experts de la santé
soulignent que si les frais sont une barrière, il en existe encore bien
d’autres, notamment le manque d’équipement et de médicaments dans les
centres de santé publique, et le manque de structures sanitaires dans les
régions reculées. Conserver les
frais de santé En Côte d’Ivoire, le
gouvernement s’est penché sur la question en 2007 et a décidé de
continuer à faire payer les soins de santé. « Le gouvernement n’envisage
pas d’instaurer la gratuité des soins de santé », a indiqué à IRIN Siméon
N’da, chargé de communication au ministère de Certaines communautés de Côte
d’Ivoire bénéficient de soins de santé gratuits dans les hôpitaux MSF,
l’organisation s’étant implantée dans le pays au moment où la rébellion de
2002 avait provoqué des troubles et des déplacements de populations
généralisés. Mais aujourd'hui, MSF se retire progressivement et le
changement met à jour quelques-uns des défis à relever dans le
domaine de la santé publique, particulièrement dans les nombreux pays
d’Afrique de l’Ouest en période d’après-guerre. |
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