Les armées en Afrique montent au front contre le
VIH
KAMPALA, 12 juin 2008
(IRIN) - Après
avoir ignoré la menace du VIH/SIDA au sein de leurs rangs pendant des années,
les armées africaines prennent lentement des mesures visant à lutter contre la
propagation de l'épidémie, ont dit la semaine dernière de hauts officiers
militaires, lors de la 4ème Rencontre des décideurs sur le VIH (HIV
Implementer's meeting) organisée à Kampala, la capitale ougandaise.
Depuis leur formation au milieu des années 1980, et au cours des années
1990, les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF, en anglais) ont perdu des
milliers d'hommes à cause du VIH/SIDA.
Dès 1987, le président Yoweri
Museveni a déclaré le VIH comme une menace à la sécurité nationale.
Cependant, selon le lieutenant colonel des UPDF, Stephen Kusasira,
compte tenu des déploiements constants, du fait que les soldats soient
principalement des hommes sexuellement actifs d'une vingtaine d'années et de son
hétérogénéité, l'armée réunit les conditions propices à une propagation rapide
du virus.
« L'armée regroupait des hommes instruits et des hommes
n'ayant reçu aucune éducation. En outre, les soldats provenaient de différentes
communautés ethniques et parlaient différentes langues. En conséquence, il était
[difficile] de transmettre des messages de prévention contre le VIH, au moment
de l'apparition de l'épidémie », a-t-il expliqué.
« La réelle menace [du
virus], notamment à un niveau personnel, est éclipsée par la guerre », a-t-il
signalé. « En effet, il arrive qu'un soldat ne voie pas l'intérêt d'utiliser un
préservatif pour se protéger du VIH, qui à l'ère des ARV [traitement
antirétroviral qui protège l'espérance de vie] peut ne pas le tuer. En outre, il
sait qu'il a plus de risques de mourir au front. »
Le lieutenant-colonel
Stephen Kusasira a indiqué que les UPDF avaient travaillé sans relâche afin de
garantir une bonne gestion de la pandémie de VIH dans leurs rangs. Ainsi,
l'armée a mis en place huit centres de traitement ARV dans l'ensemble du pays et
dispose de deux unités de traitement mobiles destinées aux soldats déployés dans
les régions reculées du pays.
Au Lesotho, un pays d'Afrique australe qui
affiche un taux de prévalence de 23 pour cent, l'armée n'a pas été épargnée par
les ravages de l'épidémie.
« Il y a un roulement élevé au sein des rangs
et peu de morale. Le personnel des services de santé ne sont pas en mesure de
faire face à l'épidémie », a déploré le lieutenant Irene Mateboho Selailia.
En 1998, les Forces de défense du Lesotho (LFD) ont élaboré un programme
de traitement et de soins ARV. Depuis, elles ont conçu des programmes de soins à
domicile, de prévention de la transmission de la mère à l'enfant et de
distribution de préservatifs.
Elles disposent également d'une clinique
mobile et chaque année, elles proposent aux soldats de subir un test de
dépistage. En outre, l'hôpital militaire vient d'être équipé de chambres
d'isolement pour les patients atteints de tuberculose et d'une clinique «
bien-être » qui prodigue des soins aux malades porteurs du VIH.
Soldats
de maintien de la paix : mieux payés et plus exposés
Si les Forces armées
béninoises sont exposées à la menace du virus, c'est principalement en raison du
déploiement des soldats vers des pays à forte prévalence, dans le cadre de
missions de maintien de la paix. Le Bénin affiche un taux de prévalence
d'environ 1,9 pour cent.
« Le taux de prévalence au sein de l'armée est
de quelque 2,02 pour cent, mais les troupes sont déployées vers des pays qui
affichent des taux pouvant atteindre les huit pour cent », a expliqué le
lieutenant-colonel Alain Azondekon.
« Les soldats qui sont envoyés dans
des missions de maintien de la pays sont riches -ils sont beaucoup mieux payés
que le citoyen moyen ou les autres soldats. En conséquence, nombreux sont ceux
qui utilisent leur argent auprès des femmes, dans les pays où ils sont déployés
», a-t-il expliqué.
« En 2004, neuf soldats sur 10 rentrés au Bénin
avant la fin de la période de déploiement sont rentrés pour des raisons liées au
VIH », a-t-il poursuivi.
Par la suite, le Bénin a mis sur pied des
services de dépistage du VIH et ne déploie plus de soldats séropositifs dans des
missions de maintien de la paix. En outre, les soldats déployés doivent suivre
une séance de sensibilisation à la prévention du VIH avant leur départ en
mission, ainsi qu'à leur arrivée dans le nouveau pays.
Cette initiative
semble porter ses fruits : selon les résultats d'étude, les soldats béninois
déployés en mission de maintien de la paix seraient plus nombreux à avoir des
rapports sexuels protégés et à subir des tests de dépistage. En effet, 73 pour
cent des soldats subiraient actuellement des tests de dépistage, contre 55 pour
cent précédemment.
Dilemmes autour des droits humains
Alors
qu'elles tentent de combattre le VIH au sein de leurs troupes, les armées
africaines doivent également faire face à diverses questions liées aux droits
humaines, telles que la stigmatisation et la confidentialité, associées au VIH.
Le lieutenant-colonel Kusasira a indiqué que l'armée ougandaise
respectait le droit des soldats séropositifs à garder leur statut sérologique
confidentiel, mais qu'elle les encourageait toutefois à l'indiquer notamment aux
commandants, lors des déploiements dans des régions reculées.
Les UPDF
font subir un test de dépistage à toutes les nouvelles recrues et interdisent
aux hommes et femmes vivant avec le VIH d'intégrer leurs rangs, s'attirant les
foudres des organismes de défense des droits de l'homme, selon lesquels les ARV
permettent à un soldat séropositif d'être aussi performant qu'un soldat
séronégatif.
« Pour nous, il ne s'agit pas d'un problème de respect des
droits humains, mais un problème d'ordre économique. En effet, la prise en
charge de soldats séropositifs a d'importantes conséquences économiques sur nos
ressources et nous voulons limiter ces conséquences », a déclaré le
lieutenant-colonel Kusasira.
« Mais lorsque l'on apprend qu'un de nos
soldats est infecté au VIH, nous lui offrons le meilleur traitement et nous lui
prodiguons les meilleurs soins possibles », a-t-il ajouté. « En outre, les
soldats séropositifs dans les rangs des UPDF peuvent être promus ou suivre une
formation, même après avoir été dépistés au VIH ».
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