Le coup
d’État en RCA affecte la disponibilité des ARV (antirétroviral)
KAMPALA, 13 June 2013
(IRIN - humanitarian
news and analysis) - Plus de 15 000 personnes vivant
avec le VIH ont dû interrompre leur traitement antirétroviral (ARV), qui permet
de prolonger la vie, en raison de l’instabilité régnant avant, pendant et après
le coup d’État du 24 mars par les rebelles de la Séléka en République
centrafricaine (RCA). Les organisations non gouvernementales (ONG) tentent par
tous les moyens de s’assurer que ces personnes reprennent leur traitement afin
de réduire les risques de maladie, de résistance aux médicaments et de décès.
« Les soins médicaux, incluant
la thérapie antirétrovirale et la prophylaxie au cotrimoxazole [un antibiotique
utilisé pour prévenir les infections chez les patients séropositifs], ont été
interrompus et les patients n’ont pas eu accès à leurs médicaments depuis trois
mois », a dit à IRIN par téléphone Ellen Van Der Velden, chef de mission de
Médecins Sans Frontières (MSF) en RCA. « Il y a des ruptures de stocks de
médicaments. Les patients séropositifs sont en difficulté. L’ensemble du système
de santé a été perturbé. La prise de pouvoir par la Séléka a été précédée par
une période de pillage et de chaos. Dans de nombreux établissements de santé,
les ARV et les autres médicaments ont disparu. »
« Les traitements contre le VIH
ont été perturbés par la fuite des travailleurs de la santé et des habitants,
qui craignaient pour leur sécurité. Après le coup d’État, nombre de ces stations
[établissements de santé] n’ont pas reçu de nouvelles livraisons de médicaments.
Les patients qui avaient reçu leurs ARV juste avant le coup d’État... ont épuisé
leurs réserves », a-t-elle ajouté.
Les interruptions de traitement
peuvent avoir de graves conséquences. Elles peuvent notamment accélérer la
progression vers le SIDA et entraîner le développement d’une résistance au
médicament. Les patients doivent alors prendre des médicaments de deuxième et
troisième lignes, qui sont plus onéreux.
Dans
un article publié en mars 2013, des chercheurs de la Brown University, aux
États-Unis, ont déclaré que « les interruptions de traitement dues à des
conflits politiques, qui ne sont pas rares dans les pays où les ressources sont
limitées, entraînent des perturbations dans les soins de santé, les
infrastructures, les établissements de traitement et les déplacements de
patients ».
Selon une étude nationale, le
taux de prévalence chez les adultes de 15 à 49 ans était de 5,9 pour cent en
2010 ; il était considérablement plus élevé dans la capitale, Bangui, où il
atteignait 10,6 pour cent. Environ 130 000 personnes sont séropositives et
jusqu’à 13 000 meurent chaque année de complications associées au VIH, selon
des estimations publiées en 2011 par
ONUSIDA.
Les résultats du programme de
lutte contre le VIH étaient déjà insatisfaisants – en 2012, les taux d’échec des traitements contre le
VIH étaient de 30 pour cent chez les adultes et de 50 pour cent chez
les enfants –, mais le problème a été aggravé par le coup d’État.
« Nous savons que la RCA
affichait déjà, même avant la crise, l’un des taux de transmission [du VIH] de
la mère à l’enfant les plus élevés de la région, et que seulement 33 pour cent
des personnes vivant avec le VIH avaient accès à des ARV. Or, même cet
approvisionnement limité a cessé depuis le début des combats, en décembre 2012
», a dit à IRIN Linda Tom, responsable des communications externes en RCA pour
le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
« À Bangui et dans le reste du
pays, de nombreux hôpitaux et centres de santé ont été vidés du peu qu’ils
contenaient. Les pilleurs ont pris les médicaments, les lits, les matelas et les
équipements. De nombreux médecins sont partis et les fournitures et les
médicaments qui arrivent à destination sont en quantité insuffisante. Dans
l’ensemble du pays, les frigos sont très rares et les réserves d’essence,
limitées, ce qui compromet le maintien des services de santé essentiels, comme
la vaccination », a dit Mme Tom.
Un relèvement très
lent
« L’UNICEF travaille en
collaboration avec le Fonds mondial, le Comité national de lutte contre le SIDA
(CNLS) et d’autres partenaires afin d’acheminer des ARV dans les centres de
santé de Bangui et des régions environnantes au fur et à mesure que l’accès
s’améliore. L’UNICEF a fourni 11 kits PEP (prophylaxie post-exposition) à des
hôpitaux et à des partenaires à Bangui, dans la préfecture du Haut-Mbomou et
dans d’autres régions où les actes de violence sexuelle ont été particulièrement
nombreux », a dit Mme Tom.
« Les priorités sont de faire
circuler des messages de prévention du VIH dans les groupes à risque et de
rétablir les services de dépistage du VIH, en particulier pour les victimes de
violences liées au genre », a-t-elle ajouté.
Le 3 juin, MSF a lancé une
initiative d’urgence qui durera deux mois en vue de fournir des ARV aux patients
séropositifs qui ont dû interrompre leur traitement à cause de la crise. « Nous
nous attendons à recevoir une nouvelle livraison au cours des trois prochains
mois et nous espérons que le système d’approvisionnement du gouvernement sera de
nouveau fonctionnel par la suite », a dit Mme Van Der Velden, de MSF.
« La situation s’est améliorée
depuis le coup d’État, mais, vu l’insécurité persistante et la forte présence
des groupes armés, l’accès du personnel humanitaire aux populations vulnérables
demeure le principal défi en matière de fourniture de soins de santé », a dit
Mme Tom. « Les gens qui tombent malades ont peur d’aller dans les hôpitaux ou
les centres de santé et, lorsqu’ils y vont, il arrive que l’établissement ne
soit pas ouvert ou qu’il n’y ait pas de personnel de santé ou de médicaments
disponibles. »
Les partenaires du développement
appellent à la fourniture de garanties de sécurité afin de permettre aux
travailleurs de la santé de retourner à leur poste.
« Le plus important, pour le
moment, c’est d’acheminer les médicaments là où les besoins sont criants. Nous
exhortons les [autres] ONG et les bailleurs de fonds à venir nous aider pour
permettre aux habitants de reprendre leur traitement », a dit Mme Van Der
Velden.