Coup de projecteur sur les déplacés en
Afrique, Quarante ans après la signature d'une convention historique sur les
droits des réfugiés africains
NAIROBI, 19 octobre
2009 (IRIN) - Quarante ans après
la signature d'une convention historique sur les droits des réfugiés africains,
les dirigeants du continent sont appelés à marquer une nouvelle étape juridique
décisive, en adoptant un instrument de protection des personnes déplacées à
l'intérieur de leur propre pays.
« [Cette convention],
qui aura une portée continentale, constituera le premier instrument juridique
international contraignant sur les droits des déplacés, et l'UNHCR [Haut
commissariat des Nations Unies pour les réfugiés] espère qu'elle se traduira par
une amélioration des conditions de vie des déplacés africains », a dit à des
journalistes Andrej Mahecic, porte-parole de l'UNHCR, en septembre dernier à
Genève
Des groupes de
mobilisation, dont IDP Action, Amnesty International,
« Il y a trop de
déplacés en Afrique et leur situation est trop précaire pour que l'on puisse se
permettre de laisser traîner les choses plus longtemps », a déclaré Jeremy
Smith, de l'organisation IDP Action. « L'UA [l'Union africaine] doit faire en
sorte que cette convention soit rapidement ratifiée, puis investir suffisamment
de ressources et de volonté politique pour qu'elle soit appliquée de manière
effective. »
L'UA a déclaré, dans
un communiqué, que ce texte démontrait la position de leader de l'Afrique en
matière de réponse aux déplacements forcés de populations. Cependant, les
observateurs affirment que jusqu'à présent, les mesures prises pour remédier aux
problèmes des déplacés en Afrique ont été relativement lentes.
Au fil des années,
l'UA a mis en place différentes initiatives, dont le déploiement d'opérations de
soutien de la paix, le recours à des envoyés spéciaux ou des représentants
spéciaux, et la mobilisation de l'aide internationale pour soutenir la
reconstruction après un conflit.
Dans certains cas, des
alliances régionales sont intervenues pour empêcher ou résoudre des conflits, ou
encore pour favoriser la désescalade - ainsi
En outre, la
protection des personnes déplacées est garantie par divers instruments, tels que
« L'Afrique a fait des
progrès considérables en matière de transposition des principes directeurs des
Nations Unies en des instruments internationaux contraignants », a dit Walter
Kälin, Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits
humains des personnes déplacées, dans un rapport à l'Assemblée générale.
L'Afrique compte la
moitié des déplacés du monde
L'Afrique abrite au
moins 11 millions de déplacés, tandis que le nombre total de déplacés dans le
monde est estimé à 25 millions. D'après l'UA, les causes des déplacements sont
variées, mais elles sont la plupart du temps liées au contexte local et
exacerbées par la pauvreté extrême, le sous-développement et le manque
d'opportunités.
« Depuis les années
1990, les conflits africains se sont caractérisés par des violences extrêmes
envers les populations civiles », observe Bahame Tom Nyanduga, membre de
Appelant les Etats
africains à assumer la responsabilité de la réponse aux violations des droits
humains que subissent les déplacés, il a observé qu'en Somalie, au Liberia, en
Sierra Leone, dans le nord de l'Ouganda, au Darfour et dans l'est de
Les facteurs
climatiques
Par ailleurs, le
changement climatique a contribué à l'augmentation du nombre et de l'intensité
des catastrophes naturelles, d'après le Bureau des Nations Unies pour la
coordination des affaires humanitaires (OCHA) et le Centre de suivi des
déplacements internes (IDMC).
Une étude menée par
ces deux organisations a montré que les catastrophes naturelles avaient provoqué
284 000 déplacements en Mozambique en 2007, 150 000 au Bénin, 72 805 en Ethiopie
et 59 000 en Algérie.
Cependant, en Afrique,
les déplacements forcés sont pour la plupart imputables à des actions ou des
omissions de l'Etat, qui se traduisent souvent par des violations des droits
humains, des marginalisations politiques ou socio-économiques, des conflits au
sujet des ressources naturelles ou encore des problèmes de gouvernance, d'après
l'UA.
Faute de pouvoir
migrer vers un autre pays pour fuir l'insécurité, les personnes déplacées
cherchent à échapper aux violences sans franchir les frontières de leur Etat,
trouvant refuge dans des camps de fortune ou des bidonvilles, ou se dispersant
au sein des communautés locales.
« Le nombre des
déplacés en Afrique et les souffrances qu'ils endurent constituent un véritable
scandale », a déclaré M. Smith, d'IDP Action. « L'Union africaine a fait avancer
la théorie - en élaborant une convention présentant les protections qui
devraient être accordées aux déplacés - mais à présent, elle doit agir. »
Absence d'agence
mondiale
La situation est
compliquée par le fait qu'au niveau mondial, il n'existe aucune agence
spécifiquement chargée de protéger et d'aider les personnes déplacées - alors
que les questions concernant les réfugiés sont prises en charge par l'UNHCR.
Dans les conflits
armés, les droits des déplacés correspondent à ceux des civils, tels qu'ils sont
définis par le droit humanitaire international. Ils sont également protégés par
différentes sources de droit - bien que les déplacés ne soient jamais
explicitement mentionnés dans les textes - tels que les droits nationaux, les
droits humains et le droit humanitaire international, lorsqu'ils sont affectés
par un conflit armé.
« Malgré leur
situation particulière, les personnes déplacées ont droit à la même protection
contre les conséquences des hostilités, et aux mêmes aides que le reste de la
population civile », a observé le Comité international de
En outre, alors que
les déplacés représentent, au niveau mondial, les deux-tiers des populations qui
fuient l'insécurité liée à un conflit armé ou à des violences, ils bénéficient
de moins de droits que les réfugiés.
Au Soudan, par
exemple, pays où le nombre de déplacés est le plus élevé, on estime que 4,5
millions d'habitants sont affectés, dont 2,7 millions au Darfour - 317 000
personnes ayant été déplacées cette année.
« Etant donné qu'ils
vivent dans leur propre pays, les déplacés restent soumis à la juridiction des
autorités nationales de leur Etat, qui sont souvent impliquées dans les
violences auxquelles ils veulent échapper », a observé l'organisation
humanitaire d'aide médicale Médecins Sans Frontières.
Dans l'attente d'un
instrument contraignant
Le sommet de Kampala
avait été recommandé par
En 2007, des ONG
réunies à Brazzaville ont demandé à l'UA d'« adopter des instruments
juridiquement contraignants pour garantir la protection des droits des migrants
[.], la protection et l'assistance aux [déplacés] en Afrique, en se référant aux
principes directeurs [des Nations Unies] relatifs au déplacement de personnes à
l'intérieur de leur propre pays ».
L'avant-projet actuel
est fortement inspiré de ces principes, dont le contenu est essentiellement
dérivé des règles et normes internationales existantes. Cependant, il s'agit
pour l'instant d'un droit souple : ce texte n'a aucun caractère contraignant.
D'après IDP Action, il
« permet d'espérer que les Etats africains seront bientôt liés par des normes
contraignantes, qui les obligeront à prévenir les déplacements, à répondre aux
besoins immédiats des déplacés et à créer des conditions favorisant un retour et
une réinsertion durables. »
Approuvée par les
ministres africains en novembre 2008, la convention deviendra juridiquement
contraignante une fois ratifiée par le sommet de Kampala.
« Le thème de ce
sommet spécial », a observé Tarsis Kabwegyere, ministre ougandais de
Santé et actions humanitaires - sangonet