Le diabète - mortel, peu financé et pas dépisté en Afrique

 

DAKAR, 4 mars 2009 (IRIN) - Bien que le diabète soit tout aussi meurtrier que le VIH/SIDA et que sa prévalence en Afrique ait pratiquement doublé au cours des 15 dernières années pour atteindre plus de sept millions de cas, d'après la Fédération internationale du diabète (IDF), la maladie reçoit une attention limitée de la part des bailleurs de fonds ou des gouvernements d'Afrique.

Le diabète, qui selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est la cause de six pour cent environ des décès enregistrés chaque année dans le monde, est une maladie chronique qui résulte d'une production insuffisante d'insuline par le pancréas, ou d'une utilisation inefficace par l'organisme de l'insuline produite.

Stéphane Besançon, nutritionniste et directeur de Santé Diabète Mali, une association à but non lucratif, a expliqué à IRIN que l'urbanisation, la sédentarisation, l'accès à des moyens de transport motorisés, les importations de denrées alimentaires et l'industrialisation ont mis à rude épreuve la santé des Maliens.

« Les motos étant moins chères, les gens marchent tout simplement moins. L'huile artisanale, qui était autrefois fabriquée au goutte à goutte, est désormais produite et importée en masse, ce qui a des répercussions négatives sur les habitudes alimentaires ».

Au Mali, dans les services de médecine interne, le diabète est la seconde cause d'hospitalisation après le VIH/SIDA, et la cause de 40 pour cent de l'ensemble des consultations, d'après le ministère de la Santé, qui se base sur les données les plus récentes de 1996. M. Besançon a expliqué que le diabète était difficile à dépister et que le gouvernement menait actuellement une enquête nationale pour actualiser ces chiffres.

M. Besançon a par ailleurs indiqué que certains facteurs culturels aggravaient le risque, tels que le fait de partager un même plat pour les repas, qui ne permet pas de contrôler les portions, et la perception de l'obésité comme un signe de beauté et de prestige.

 

Un double fardeau

 

Alieu Gaye, directeur de l'IDF pour l'Afrique, a dit à IRIN que le continent se voyait contraint de lutter contre les maladies chroniques, alors même qu'il était aux prises avec le plus grand réservoir de maladies infectieuses au monde.

« Les pays africains ne sont pas encore venus à bout des maladies infectieuses que déjà des maladies chroniques font leur apparition », a dit à IRIN M. Gaye. « Mais ces maladies ne sont pas financées, ne reçoivent pas d'attention et sont rarement diagnostiquées ».

L'OMS estime qu'à l'horizon 2025, l'augmentation la plus significative de la prévalence du diabète sera enregistrée dans les pays en voie de développement, qui devraient abriter 75 pour cent des patients diabétiques du monde. Au minimum la moitié d'entre eux n'ont cependant pas été diagnostiqués, ce qui signifie que de nombreuses autres complications médicales ne seront pas non plus diagnostiquées, selon l'IDF.

D'après l'OMS, le diabète est à l'origine de 60 pour cent des amputations dans les pays en voie de développement. Outre les maladies du pied, le diabète peut entraîner une cécité, des maladies cardiaques (la première cause de décès au monde), une insuffisance rénale et une perte de sensations dans les membres.

Une étude de 2004 menée par l'association Santé Diabète Mali a révélé que les patients diabétiques présentant des complications payaient plus de 160 dollars par mois pour financer leur traitement, contre 60 dollars pour les patients sans complication. « Sans dons des bailleurs de fonds ni subventions gouvernementales, les patients paient de leur poche, ou interrompent simplement le traitement qui les maintient en vie », a expliqué M. Besançon.

En moyenne, les salariés maliens gagnaient à peine plus de 41 dollars par mois en 2007, d'après la Banque mondiale.

De récentes études menées au Mali et au Mozambique ont révélé qu'une personne ayant besoin d'insuline pour survivre décèderait en moins d'un an, selon l'IDF. En Zambie, cette moyenne est de 11 ans.

Selon M. Gaye, les maladies infectieuses monopolisent toute l'attention dans les pays en voie de développement, alors que les maladies chroniques telles que les maladies cardiaques, l'hypertension et le diabète sont considérées à tort comme des préoccupations de « pays riche ».

Sans l'aide des bailleurs de fonds, il est peu probable que les gouvernements pauvres accordent davantage d'attention au diabète, a regretté M. Besançon. « Il n'est de secret pour personne que les gouvernements soutiendront tous les programmes sanitaires, quels qu'ils soient, que les bailleurs de fonds sont prêts à financer. Les dons des bailleurs de fonds déterminent les priorités nationales ».

Depuis 2001, les bailleurs de fonds ont alloué près de 12 milliards de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

D'après une étude de 2004 publiée dans une revue médicale, le diabète et les autres maladies chroniques non transmissibles sont rarement favorisées par les bailleurs de fonds ou dans les politiques, bien qu'ils soient la première cause de mortalité à travers le monde, selon l'OMS.

 

Qui sauver ?

 

En 2006, l'Union africaine et l'OMS ont été le fer de lance de la déclaration et la stratégie africaines sur le diabète qui, selon M. Gaye, ont suscité une prise de conscience, mais n'ont pas donné lieu à une levée de fonds significative.

M. Besançon a remis en cause le fait de subventionner la prise en charge d'une maladie mais pas celle d'une autre. « Le traitement d'un patient atteint du VIH est pris en charge, mais pas celui d'un patient diabétique. Or le patient sauvé du VIH pourrait tout à fait décéder du diabète ».

M. Gaye a affirmé que les études préliminaires menées auprès de patients atteints du VIH/SIDA ont révélé que la malnutrition ainsi que d'autres effets secondaires pouvaient exposer les patients au risque de diabète.

Pour M. Besançon, injecter de l'argent pour éradiquer une maladie donnée permet de minimiser les interactions entre les maladies. « Cette situation crée un problème éthique pour les médecins, qui sont en mesure de sauver la vie d'un patient atteint d'une pathologie donnée, mais pas celle d'un autre ».

« La question n'est pas de déterminer comment lever davantage de fonds ou créer un Fonds mondial ambivalent, mais plutôt comment redistribuer ces fonds dans le système de santé global, afin que les complications mortelles sont traitées de façon égale ».

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