État
d’anarchie. Rébellions et exactions
contre la population civile.
Compte rendu du Rapport de Human Rights Watch (HRW), publié le
14 septembre 2007
Bangui proteste contre les « allégations » de Human Rights Watch
« Le fait est malheureusement que les auteurs de violences et d’exactions, dont la
majorité sont des soldats gouvernementaux, ont à ce jour joui d’une impunité
totale pour des actes des crimes de guerre. »"
Directeur
à la Division Afrique de Human Rights Watch
Le rapport de HRW :
http://hrw.org/french/reports/2007/car0907/
Communiqués de presse
République centrafricaine :
Les forces gouvernementales tuent des centaines de
personnes
L’armée et la Garde présidentielle mettent également le
feu à des milliers d’habitations civiles
Human Rights Watch (HRW) - http://hrw.org/french/docs/2007/09/14/carepu16846.htm
(Paris, le 14 septembre 2007) – Les troupes gouvernementales, notamment la Garde présidentielle d’élite, ont tué illégalement des centaines de personnes et incendié des milliers d’habitations civiles depuis la mi-2005 dans le cadre de leur campagne de contre-insurrection dans le nord de la République centrafricaine (RCA), a dénoncé Human Rights Watch dans un nouveau rapport.
Le
nouveau rapport de 116 pages, publié aujourd’hui et intitulé « État
d’anarchie : Rébellion et exactions contre la population civile », est basé sur
le résultat de trois semaines de recherches effectuées sur le terrain. Il expose
en détail les atteintes aux droits humains et les violations des lois de la
guerre perpétrées dans le nord de la RCA par les groupes rebelles et les forces
gouvernementales. Il décrit également les attaques commises dans le nord-ouest
par des groupes de bandits connus sous le nom de zaraguinas, lesquels enlèvent
souvent des enfants pour les échanger contre une rançon.
« Juste de
l’autre côté de la frontière avec le Darfour, l’armée de la République
centrafricaine a tué des centaines de civils innocents et en a forcé des
dizaines de milliers d’autres à fuir leurs villages », a déclaré Peter
Takirambudde, directeur à la Division Afrique de Human Rights Watch. « Les
incendies d’habitations auxquels se livrent massivement les forces de sécurité
gouvernementales constituent l’exaction la plus marquante du conflit. »
Depuis le début du conflit à la mi-2005, les forces de sécurité
centrafricaines se sont rendues responsables des violations les plus graves
commises pendant le conflit, dont de multiples exécutions sommaires et tueries,
des incendies d’habitations civiles à grande échelle, et le déplacement forcé de
centaines de milliers de civils. Les recherches de Human Rights Watch ont révélé
qu’une grande partie des morts et des incendies de villages sont à imputer à une
seule unité de la Garde présidentielle d’élite, basée dans la ville de
Bossangoa. Les forces de sécurité ont souvent tué des dizaines de civils en une
seule journée, et certaines des personnes ont été massacrées avec une brutalité
inouïe. Le 11 février 2006, par exemple, une unité de la Garde présidentielle a
tué au moins 30 civils. La même unité a décapité un enseignant le 22 mars 2006 à
Bémal. Les tueries n’avaient toujours pas cessé le mois dernier, des soldats
dévalisant et tuant quatre civils tchadiens et en blessant quatre autres, dont
deux femmes, dans la ville frontière de Kabo en août 2007.
Les forces
armées centrafricaines ont également attaqué et réduit en cendres des centaines
de villages civils dans le nord de la RCA, détruisant quelque 10 000 habitations
et provoquant une catastrophe humanitaire de grande ampleur. Dans une seule
petite zone affectée par les incendies de villages – la zone
Batangafo-Kabo-Ouandago-Kaga Bandoro –, les chercheurs de Human Rights Watch ont
dénombré un total de 2 923 habitations incendiées, dont plus de 1 000 uniquement
dans le gros bourg de Ouandago. Des destructions similaires peuvent être
constatées à travers tout le territoire nord-ouest de la RCA, région qui s’étend
sur des centaines de kilomètres carrés.
Selon le Bureau de la
coordination des affaires humanitaires de l’ONU, au moins 102 000 civils ont été
forcés de quitter leurs domiciles en raison des attaques menées contre leurs
villages dans le cadre de la campagne de contre-insurrection.
Human
Rights Watch a déclaré que pas un seul soldat ni officier n’a dû répondre des
atrocités perpétrées en RCA, et a appelé les autorités centrafricaines à prendre
des mesures immédiates pour mettre fin à cette impunité et à mettre en place des
mécanismes efficaces de protection des civils dans le nord.
« Le fait
est malheureusement que les auteurs de violences et d’exactions, dont la
majorité sont des soldats gouvernementaux, ont à ce jour joui d’une impunité
totale pour des actes qui incluent des crimes de guerre », a souligné
Takirambudde.
Les forces rebelles ont également commis de graves
exactions, mais pas de l’ampleur de celles perpétrées par les forces
gouvernementales. Les rebelles de l’Armée populaire pour la restauration de la
République et la démocratie (APRD), composée principalement de fidèles du
président destitué Félix Patassé et de formations locales d’autodéfense, se sont
livrés massivement à des extorsions et à la perception forcée d’impôts, à des
pillages de bétail, des enlèvements en vue de réclamer une rançon, des passages
à tabac de civils, et le meurtre d’un civil et d’une travailleuse humanitaire
internationale leur a également été imputée.
Les rebelles de l’Union des
forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), une coalition de membres de
l’ethnie locale gula et de rebelles autrefois associés au Président actuel
Bozizé mais déçus par son régime, ont également perpétrés de graves exactions,
notamment des attaques aveugles contre les civils, des tueries et exécutions
sommaires, ainsi que de vastes pillages de la population civile. Des allégations
de viol ont visé des rebelles de l’UFDR, mais Human Rights Watch n’a été en
mesure de corroborer qu’un seul de ces cas. Tant l’APRD que l’UFDR comptent dans
leurs rangs un grand nombre d’enfants soldats mais les deux groupes sont en
discussion avec l’UNICEF au sujet de la démobilisation de ces enfants.
Human Rights Watch a par ailleurs appelé les Nations Unies et l’Union
européenne, qui envisagent actuellement de déployer une force de protection des
civils en RCA et au Tchad, de veiller à ce que ladite force ait le mandat et la
capacité de procurer une réelle protection aux civils en RCA.
Human
Rights Watch a appelé la France, l’ancienne puissance coloniale qui continue de
fournir une assistance militaire à la RCA et a déployé des soldats afin d’aider
le gouvernement à combattre les forces rebelles, à dénoncer les exactions de
l’armée et à exiger que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes.
« La France, qui est le principal soutien du gouvernement centrafricain
et dispose de troupes sur le terrain, pourrait en faire bien davantage pour
inciter les autorités de la RCA à mettre un terme aux exécutions et aux
incendies », a ajouté Takirambudde.
Le rapport (Human Rights
Watch): "État d’anarchie : Rébellion
et exactions contre la population civile"
http://hrw.org/french/reports/2007/car0907/
Lu dans la presse : Le
Monde.fr, Afrik.com
1. Le
Monde
Compte
rendu
HRW dénonce la passivité de l'armée française face aux crimes du pouvoir en Centrafrique
LE MONDE | 14.09.07 | 14h42 • Mis à jour le 14.09.07 | 14h42
La crise qui secoue le nord de la République centrafricaine (RCA) n'apparaît pas sur les écrans radar de la communauté internationale. Pire qu'"oubliée", tout simplement "inconnue", dénonce le rapport que Human Rights Watch (HRW) a rendu public, vendredi 14 septembre. L'organisation de défense des droits de l'homme américaine a choisi, à la veille de l'ouverture d'un bureau à Paris, de dénoncer les crimes et graves atteintes aux droits de l'homme commis dans ce pays, parfois sous l'oeil de soldats français, selon elle.
"Depuis la mi-2005, des centaines de civils ont été tués, plus de dix mille maisons ont été incendiées et environ 212 000 personnes terrorisées ont fui de chez elles pour aller vivre dans de terribles conditions au plus profond de la brousse", résume le document. Limitrophe du Tchad et du Soudan, le nord de la RCA souffre des retombées des deux crises qui sévissent à ses portes : la région jouxte le sud du Darfour ; en outre, elle sert au repli des rebelles soutenus par Khartoum dans leur lutte contre le régime du président tchadien Idriss Déby. Pourtant, ne considérer les violences en RCA que comme un " débordement" de la guerre au Darfour est "inexact et erroné", assène HRW.
La crise centrafricaine n'est pas importée du Tchad ou du Soudan, mais résulte de facteurs internes - incapacité à assurer la sécurité, marginalisation, pauvreté, tension avec les nomades soudanais -, estime le document après enquête.
Sous prétexte de combattre les deux rébellions qui menacent le pouvoir du président François Bozizé, accuse HRW, l'armée centrafricaine - et singulièrement la garde présidentielle - s'est livrée à de nombreuses exécutions sommaires et incendies de villages. De leur côté, les rebelles ont enlevé des enfants pour les transformer en soldats et ont rançonné la population.
Jouissant d'une "impunité totale pour des actes qui incluent des crimes de guerre", certains des auteurs de ces exactions auraient agi en présence de soldats français. "Bien que quelques soldats (...) aient tenté d'agir afin de prévenir les exactions, d'autres incidents semblent être passés inaperçus et tenus sous silence", estime le rapport, à propos des interventions françaises qui, à la fin de 2006 et au début de 2007, ont permis au gouvernement centrafricain de reprendre les villes conquises par les rebelles.
L'organisation de défense des droits de l'homme estime que "la France peut user de l'ascendant extraordinaire dont elle jouit" pour prévenir les exactions et exiger que leurs auteurs soient sanctionnés. HRW souhaite que l'assistance française soit "subordonnée" au respect des droits humains. L'intervention militaire en RCA procède d'un accord de défense entre Paris et Bangui datant de 1960 dont le contenu reste secret. Elle n'a fait l'objet d'aucun débat public en France.
Philippe Bernard
Article paru dans l'édition du 15.09.07
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2.
Afrik.com
Centrafrique : Human Rights Watch dénonce une situation
humanitaire catastrophique
212 000 personnes déplacées, plus de 10
000 habitations rasées en toute impunité
Ce n’est pas le Darfour.
Elle ne fait pas la une au journal de 20h. Mais c’est une situation tout aussi
inquiétante que décrit Human Rights Watch dans son rapport sur la crise dans le
Nord de la Centrafrique. Ce rapport intitulé « État d’anarchie : Rébellions et
exactions contre la population civile », paru ce vendredi, fait état d’une
situation humanitaire alarmante. Il n’élude pas les complicités françaises.
http://www.afrik.com/article12476.html - Samedi 15 septembre 2007, par Maral Amiri
Plus de 10 000 habitations rasées, 212 000 personnes déplacées, pillages et violences contre la population.Voici le triste rapport que l’association de défense des Droits de l’Homme, Human Rights Watch (RHW), a publié vendredi sur la situation dans le Nord de la République Centrafricaine. En plus d’une situation humanitaire catastrophique et d’une répression gouvernementale féroce, HRW décrit la passivité de l’armée française déployée sur place.
L’impunité,
mot d’ordre dans le nord de la RCA
La République centrafricaine, voisine du Tchad et du Soudan, voit le Nord de son pays évoluer dans une insécurité préoccupante. Deux mouvements rebelles, l’UFDR, dans le Nord Est et l’APRD, dans le Nord Ouest du pays sont en conflit avec le gouvernement du Président Bozizé. « Le gouvernement centrafricain, au lieu de comprendre l’origine de ces mouvements a répondu par une répression bête et féroce (…). Dès qu’il y a un soupçon que certains rebelles sont vus dans certains villages, l’armée centrafricaine envoie des unités spéciales qui développent une violence assez inouïe et tirent sur les civils, terrorisés, qui quittent les villages. Il y a des zones, dans le Nord Ouest surtout, où sur des kilomètres de routes, les villages ont été brûlés », a indiqué à Libération Olivier Bercault, enquêteur sur place et auteur du rapport.
Le rapport révèle que la situation en République Centrafricaine n’est pas « oubliée » par la communauté internationale, mais occultée, voire inconnue. La crise dans le nord du pays n’est pas qu’un simple débordement de la crise voisine du Darfour, mais bien un conflit interne dont la responsabilité des troupes gouvernementales centrafricaine est clairement mis en avant par le rapport de l’ONG. « C’est une dynamique tout à fait locale. C’est vrai que la situation au Darfour et à l’est du Tchad exacerbe les tensions en Centre Afrique mais on n’est pas dans une situation comme à l’Est du Tchad. C’est une situation différente où ce sont deux foyers insurrectionnels qui sont locaux avec des revendications locales. Et l’armée envoie ses troupes pour les réprimer, mais répriment surtout les civils. », a expliqué Olivier Bercault. L’armée agit en toute impunité et est responsable de la majorité des exactions. Ainsi, le rapport fait état « de la vaste majorité des violations graves des droits humains perpétrées dans le nord du pays. » dont la charge impute en grande partie aux soldats des forces armées centres africaines (FACA) et de la garde présidentielle (GP).
L’armée
française complice
Le rapport n’est pas tendre avec l’armée française. La France a signé un Accord de Défense avec la Centrafrique, qui signifie que si cette dernière est attaquée elle se doit de la défendre. Cet accord prévoit un type de soutien militaire plus poussé que celui figurant dans l’accord de coopération militaire conclu avec le Tchad. L’armée française n’est pas aveugle mais préfèrerait fermer les yeux sur les violations des droits de l’Homme et autres crimes commis.
Il n’y pas de preuves concrètes que les forces françaises assistent aux exactions mais « on a plusieurs cas qui sont très clairs, qui établissent que l’armée française était là cinq ou dix minutes avant. Elle se retire et ensuite des exactions sont commises, comme des incendies de villages, des destructions systématiques d’habitations civiles qui sont des crimes de guerre », raconte Olivier Bercault. A ce jour, Paris, qui s’impose comme un soutien clair au président Bozizé, jouerait la non-voyante. « C’est très gênant car il y a eu des meurtres commis et des violations du droit international humanitaire » a ajouté M. Bercault.
Une situation embarrassante et surtout urgente. Depuis 2005, tous les crimes perpétrés l’ont été en tout impunité. Aucun soldat ou rebelle n’a eu à se justifier des viols, incendies ou autres violations des droits de l’Homme. L’association HRW préconise un engagement clair et franc de la part des Français et précise qu’il est peu probable que l’armée centrafricaine puisse garder le contrôle du Nord du pays sans leur soutien.
Lire le rapport : « État d’anarchie : Rébellions et exactions contre la population civile »
http://hrw.org/french/reports/2007/car0907/
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