Jongler avec l'aide d'urgence et le
développement à long terme
NEW YORK, 20
novembre 2008 (IRIN) - A l'heure où la
récession s'abat sur le monde, les analystes se demandent si les urgences,
notamment les catastrophes naturelles, continueront de se voir allouer des fonds
(le 19 novembre, un appel de fonds a été lancé pour obtenir la somme record de
sept milliards de dollars, qui servira à faire face aux crises) tandis que
l'aide au développement, notamment les investissements agricoles en Afrique, est
négligée alors même qu'elle permettrait à long terme de sauver bien plus de
vies.
La question a été
abordée le 15 novembre, au sommet du G20, à Washington. Les participants ont
reconnu « l'impact de la crise actuelle sur les pays en voie de développement,
en particulier les plus vulnérables », et réaffirmé l'importance des Objectifs
du millénaire pour le développement, pressant les économies à la fois
développées et émergentes à « prendre des engagements en adéquation avec leurs
capacités et leurs rôles au sein de l'économie mondiale ».
Mais comme l'a
déclaré à IRIN Lurma Rackley, directrice des relations publiques de CARE : «
Répondre aux besoins de l'urgence implique souvent de détourner des fonds, du
temps et des ressources humaines qui pourraient être consacrés à des programmes
de développement durable à long terme »
« Or, ces
programmes, dans les secteurs de l'agriculture, du développement économique, de
la société civile, de l'émancipation des sexes, de la santé et autres, peuvent
permettre de sortir les communautés de la pauvreté », a-t-elle ajouté. « Ce sont
ces mêmes programmes qui pourraient aider à éviter le cercle vicieux de la
dépendance ».
Le Bureau des
Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) s'intéresse
principalement aux urgences complexes et aux catastrophes naturelles, et les
fonds accordés pour financer les interventions immédiates sont une source de
préoccupation majeure. « J'espère seulement qu'ils [les bailleurs] seront
capables de distinguer l'aide urgente et vitale, et d'assurer qu'elle soit
préservée », a déclaré à IRIN Stephanie Bunker, porte-parole d'OCHA.
« Nous nous
préoccupons à l'idée qu'un effondrement économique mondial puisse se répercuter
à la fois sur l'aide au développement, ce qui serait vraiment grave, et sur les
investissements agricoles, qui, compte tenu de la nature de la crise alimentaire
mondiale, sont un élément de la solution », a-t-elle néanmoins ajouté. A mesure
que la crise s'aggrave, a-t-elle noté, Ban Ki-moon, le Secrétaire général des
Nations Unies, ne cesse de souligner la nécessité primordiale d'atteindre les
OMD fixés dans les domaines de la réduction de la faim, de la pauvreté, des taux
de mortalité maternelle et infantile, et du manque d'accès à la santé et à
l'éducation, d'ici à 2015.
Pour atteindre ces
objectifs à long terme, il faut investir plusieurs milliards de dollars chaque
année. « En des temps de difficultés économiques, tandis que nous nous trouvons
confrontés à des réductions budgétaires, les programmes de développement visant
à renforcer la capacité des populations marginalisées à générer des revenus ou à
améliorer leur accès à des soins de santé de base de qualité ne sont pas
considérés comme des questions "de vie ou de mort", et sont dès lors perçus
comme moins prioritaires », selon Dominic MacSorley, directeur opérationnel à
Concern Worldwide.
« [Pourtant] 40
années d'expérience passées à intervenir pour faire face aux catastrophes
humanitaires les plus graves dans les pays les plus pauvres du monde nous ont
appris que nous devions investir dans le développement à long terme pour avoir
la moindre chance de pouvoir prévenir les urgences et les catastrophes à
l'avenir ».
Les répercussions
sur le secteur agricole
David Roodman,
chercheur au Center for Global Development (CGD), une cellule de réflexion de
Washington, prévoit également que la crise aura des conséquences plus lourdes
sur les investissements à long terme dans les domaines de la science agricole,
des infrastructures, de la santé et de l'éducation, particulièrement en Afrique.
« [Ces domaines] en
souffriront plus que l'aide d'urgence », a-t-il expliqué à IRIN. « Je pense que
les premiers bénéficiaires d'Afrique (l'Ouganda, le Ghana,
Le Fonds
international de développement agricole (FIDA) des Nations Unies, créé en 1977 à
l'issue du Sommet mondial de l'alimentation de 1974 pour aider les populations
rurales pauvres, est conscient du danger. « Cette crise de liquidité risque de
limiter le flux de capitaux liés aux investissements à long terme dans des
secteurs tels que l'agriculture, alors même que ces investissements sont
nécessaires d'urgence », a indiqué une source du FIDA, qui a souhaité conserver
l'anonymat.
Episcopal Relief and
Development est en revanche plus optimiste. « En des temps de difficultés
économiques comme ceux-là, ceux qui ont le moins souffrent toujours le plus. Nos
bailleurs sont conscients de cela et continuent de nous soutenir malgré les
difficultés économiques. Nous prévoyons de recevoir un soutien continu en faveur
de notre Fonds d'inspiration pour les OMD et d'autres programmes semblables, à
l'avenir », a indiqué à IRIN Robert Radtke, président de l'organisation
humanitaire internationale de l'Eglise épiscopale américaine. L'organisme a
alloué 16 millions de dollars à diverses causes, l'année dernière.
Actualité
internationale et africaine de sangonet