Le chaos et la descente de la République centrafricaine dans la profondeur abyssale dans l’indifférence totale. L’urgence de se mobiliser

 

 

1. République centrafricaine : L’urgence de se mobiliser !

2. La Centrafrique plongée dans le chaos et abandonnée, selon MSF

3. La Centrafrique en proie au "chaos"

4. REPORTAGE. Bangui, ville de la peur

5. Centrafrique: les ONG lancent un cri d'alarme

6. "Les Centrafricains ne doivent pas rester les grands oubliés"

7. Centrafrique: des discussions à Addis-Abeba pour sortir le pays de la crise

8. CENTRAFRIQUE. "Pour les Nations unies, c'est wait and see"

6. La voix centrafricaine des sans voix 

10. En Centrafrique, instabilité et crise humanitaire sous le nouveau régime

 


 

Nout Zournal On Ze Wéb
Larényon - La Réunion

Cinq ONG françaises appellent les agences des Nations Unies et les bailleurs de fonds à s’investir dans un pays à l’abandon

1. République centrafricaine : L’urgence de se mobiliser !

mercredi 10 juillet 2013

MSF, ACF, MDM, PU-AMI et S.I s’inquiètent de la situation d’abandon humanitaire et sanitaire dans laquelle périclite la RCA. Alors que le pays est plongé dans le chaos et l’instabilité politique et que les besoins des populations sont criants, cinq ONG françaises présentes en RCA dénoncent l’insuffisance de la présence des Nations Unies sur le terrain et le manque de financement par la grande majorité des bailleurs de fonds. Au moment où se profilent une dégradation nutritionnelle et un important pic de paludisme, ce désintérêt aggrave encore une crise humanitaire particulièrement alarmante.

Confrontée depuis des décennies au chaos politico-militaire, la République Centrafricaine (RCA) est devenue un contexte d’urgence humanitaire et médicale chronique. Selon l’OMS, ce pays détient la deuxième espérance de vie la plus faible du monde - 48 ans - et des taux de mortalité trois fois plus élevés [1] que le « seuil d’urgence » qui définit une crise humanitaire.

Près de trois mois après le coup d’Etat et la prise de Bangui, la capitale centrafricaine, par la coalition rebelle de la Séléka, la situation humanitaire et sanitaire s’est encore gravement détériorée. Une crise aiguë s’est superposée à une urgence chronique. Au plus fort de l’offensive rebelle, les populations ont fui les affrontements et exactions pour se cacher en brousse. Certaines y vivent toujours sans accès aux soins, abri, eau ou nourriture. Nombre de structures de santé ont été pillées ou détruites et ont été désertées par le personnel médical. La vaccination de routine et l’approvisionnement en médicaments et matériel médical ont été interrompus. Les patients tuberculeux ou vivant avec le VIH-Sida n’ont plus accès à leurs médicaments, ce qui présente un risque majeur pour leur santé mais aussi un risque épidémique et d’émergence de résistances aux traitements. L’accès aux soins de base est sérieusement entravé.

Du fait de l’insécurité, les champs ont été abandonnés, les stocks de céréales ont été pillés et la prochaine récolte s’annonce déjà déficitaire. Ainsi, à Kabo, dans le nord du pays, S.I estime que les récoltes à venir ne couvriront qu’un mois des besoins de la population. Selon ACF, le risque de dégradation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle est réel. Ainsi, dans les centres appuyés par l’organisation à Bangui, le nombre d’enfants malnutris a doublé [2] en mai 2013 par rapport à la même période en 2012. Par ailleurs, une recrudescence du nombre de cas de paludisme est elle aussi signalée. Au cours du premier trimestre 2013, les structures de santé soutenues par MSF ont déjà pris en charge plus de 60 000 patients souffrant du paludisme (soit 38% de plus que sur la même période en 2012). Ces chiffres particulièrement alarmants laissent présager l’un des pires pics annuels de paludisme de ces dernières années.

Dans ce contexte, alors que les autorités sanitaires, très affaiblies par des années de crise chronique, sont dans l’incapacité de répondre à des besoins humanitaires et sanitaires de plus en plus importants et pressants, nous appelons les agences onusiennes, les bailleurs et toutes les organisations internationales à s’investir en RCA et auprès de sa population.

Avec les évènements, certaines organisations internationales ont réduit leurs équipes sur le terrain ou ont quitté le pays. Alors que la présence humanitaire en RCA atteint aujourd’hui son minimum historique, les organisations présentes ne parviennent pas, à elles seules, à répondre aux besoins. « Nous nous étonnons du manque de présence et d’action, ainsi que du silence, des agences onusiennes qui, arguant du manque de sécurité et de stabilité, n’ont actuellement aucune présence expatriée sur le terrain » dénonce le Dr Mego TERZIAN, président de MSF. Si la venue, à Bangui, de Valérie Amos (secrétaire générale adjointe des Nations Unies chargée des affaires humanitaires) apparaît comme un signe de réinvestissement du champ humanitaire en RCA, les acteurs humanitaires doivent cependant se mobiliser pour intervenir en RCA. Mais, alors que les ONG manquent de financements pour initier ou maintenir des activités, certains bailleurs conditionnent leurs financements à venir à une réinstauration de la sécurité dans le pays. Ce statut quo, confus et paradoxal, est aussi incompréhensible qu’inacceptable !

En cette période de transition, il faut aider la RCA à se relever et à sortir de la crise. C’est pourquoi, nous appelons les Nations Unies à respecter leurs engagements et à réinvestir rapidement l’espace humanitaire en RCA et les bailleurs de fonds à financer les activités en place et à venir des ONG, ce qui permettrait à d’autres organisations de venir renforcer les activités de secours et couvrir l’ensemble des besoins. Enfin, nous appelons la communauté internationale à se mobiliser pour ce pays resté à la marge des agendas politiques, français comme international.

 

PARIS, France, 9 juillet 2013/African Press Organization (APO)

 

 


 

2. La Centrafrique plongée dans le chaos et abandonnée, selon MSF

Reuters via Yahoo! France Actualités - 09 juil 19h 28


Patrouille de rebelles du Séléka en mars à Bangui, juste après qu'ils se sont emparés du pouvoir. Selon Médecins sans Frontières, la situation humanitaire et sanitaire s'est gravement détériorée en Centrafrique depuis cette date. /Photo prise le 26 mars 2013/REUTERS/Ange Aboa

BANGUI (Reuters) - La situation humanitaire et sanitaire s'est gravement détériorée en Centrafrique depuis la prise du pouvoir par les ex-rebelles du Séléka en mars, déclare Médecins sans Frontières (MSF) mardi.

"Au plus fort de l'offensive rebelle, les populations ont fui les affrontements et exactions pour se cacher en brousse. Certaines y vivent toujours sans accès aux soins, abri, eau ou nourriture", écrit l'organisation dans un appel lancé aux Nations unies et aux bailleurs de fonds, en partenariat avec quatre autres ONG (Action Contre la Faim, Médecins du Monde, Première Urgence-Aide Médicale Internationale et Solidarités International).

Cet appel intervient avant la venue jeudi à Bangui de Valerie Amos, responsable des opérations humanitaires de l'Onu.

"Nombre de structures de santé ont été pillées ou détruites et ont été désertées par le personnel médical", écrit MSF dans son communiqué.

Selon Action Contre la Faim, le risque de dégradation de la sécurité alimentaire est par ailleurs réel, de nombreux champs ayant été abandonnés et des stocks de céréales pillés.

"Une crise aiguë s'est superposée à une urgence chronique", écrit MSF, qui ajoute que les services publics et médicaux sont au bord de l'effondrement.

PAYS DANS L'IMPASSE

"Les attaques et pillages sont monnaie courante à Bangui, où le gouvernement intérimaire (...) a échoué à maintenir l'ordre. Le pays est aux prises avec l'urgence humanitaire alors que la communauté internationale reste indifférente", poursuit Médecins sans Frontières.

Depuis son entrée en fonction en avril, le président par intérim Michel Djotodia n'est pas parvenu à garder le contrôle de ses combattants, accusés d'assassinats et d'atrocités à l'encontre de leurs adversaires.

"Les agences onusiennes et beaucoup d'organisations non gouvernementales se sont retirées dans la capitale, laissant la majeure partie du pays sans aucune aide (...) Les gens ont effectivement été abandonnés au moment même où ils ont le plus besoin d'aide", ajoute MSF.

La directrice de mission de MSF, Ellen van der Velden, a précisé que le nombre de cas de paludisme avait augmenté d'un tiers par rapport à l'année dernière.

Le gouvernement centrafricain par intérim n'a pas souhaité commenter l'appel lancé par MSF.

Dans ce contexte, les ONG appellent les Nations Unies à "respecter leurs engagements et à réinvestir rapidement l'espace humanitaire en RCA" et "les bailleurs de fonds à financer les activités en place et à venir des ONG".

Selon l'OMS, la Centrafrique détient la deuxième espérance de vie la plus faible du monde -48 ans- et des taux de mortalité trois fois plus élevés que le "seuil d'urgence" qui définit une crise humanitaire.

Bate Felix; Hélène Duvigneau pour le service français

http://fr.news.yahoo.com/la-centrafrique-plong%C3%A9e-dans-le-chaos-et-abandonn%C3%A9e-172812132.html

 



 

3. La Centrafrique en proie au "chaos"

 

Le Monde.fr avec AFP | 09.07.2013 à 18h51 • Mis à jour le 09.07.2013 à 19h23

 

Cinq ONG françaises lancent un cri d'alarme devant "l'abandon" du pays par la communauté internationale. | AFP/JORDI MATAS

Cinq ONG françaises dénoncent mardi 9 juillet l'"abandon" de la Centrafrique, où "l'Etat n'existe plus" et la pénurie alimentaire menace, par une communauté internationale qui conditionne son aide à un improbable retour de la sécurité dans un pays aujourd'hui livré au chaos.

Médecins sans frontières (MSF), Action contre la faim (ACF), Médecins du monde (MDM), Première Urgence-Aide médicale internationale (PU-AMI) et Solidarités international (SI) fustigent "l'insuffisance de la présence des Nations unies sur le terrain et le manque de financement par la grande majorité des bailleurs de fonds", dont certains "conditionnent leurs financements à venir à une réinstauration de la sécurité", un statu quo "aussi incompréhensible qu'inacceptable".

TOUTE LA POPULATION MENACÉE PAR LA FAIM

D'autant que la pénurie alimentaire menace, préviennent les ONG. "En 2012, les récoltes n'ont pas été bonnes" et "les réserves sont peu importantes", a expliqué Bérengère Tripon, de SI.

Ces réserves ont ensuite souvent été pillées, soit par des nomades, soit par la rébellion Séléka qui a pris le pouvoir en mars et multiplie depuis les exactions ."On estime que la récolte 2013 couvrira un mois de besoins alimentaires alors qu'elle devrait en couvrir au moins six", selon Mme Tripon.

Lire : L'Armée de résistance du Seigneur tue en Centrafrique

Toute la population est menacée par la faim. Thierry Mauricet, directeur général de PU-AMI, estime que "147 000 personnes sont déjà en restriction alimentaire sévère", sur 4,5 millions d'habitants. Et depuis début 2013, indique Alain Coutand d'ACF, "le nombre d'enfants admis dans nos centres nutritionnels a doublé" par rapport à 2012.

"LA SITUATION EST PIRE QU'ELLE N'A JAMAIS ÉTÉ"

Quant au système de santé, il agonise, l'approvisionnement en médicaments et fournitures médicales étant interrompu, l'accès aux soins impossible par endroits. Or une flambée de paludisme a déjà occasionné 60 000 consultations au premier trimestre dans les structures soutenues par MSF (une hausse de 38 % par rapport à 2012) tandis que rougeole et pneumonie sont en augmentation. Selon un rapport de de MSF :

"La communauté internationale doit considérer la Centrafrique comme une de ses priorités. La situation est pire qu'elle n'a jamais été (...) le coup d'Etat a plongé la RCA dans le chaos. Des pillages et attaques se produisent encore aujourd'hui dans la capitale. Les bâtiments publics, les ministères, les écoles, les hôpitaux ainsi que des maisons particulières ont été pillés et saccagés. Toutes les organisations humanitaires travaillant dans le pays ont également été touchées . Les résidences des agences des Nations unies et des ONG internationales ont été pillées à de multiples reprises [à Bangui].

Cette situation laisse présager "une aggravation des taux de mortalité dans les prochains mois", y compris pour des pathologies "courantes et soignables", comme le paludisme, avec "potentiellement une des plus graves pandémies de ces dernières années".

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/07/09/la-penurie-alimentaire-menace-la-centrafrique_3445128_3212.html

 

 


4. REPORTAGE. Bangui, ville de la peur

 

Créé le 09-07-2013 à 18h22 - Mis à jour à 19h18

Par Christophe Boltanski

Peu après la prise du pouvoir par la Séléka, Christophe Boltanski était à Bangui. Reportage dans la Centrafrique une nouvelle fois bouleversée, alors que cinq ONG appellent à l'aide pour le pays ce mardi.


Un rebelle de la Séleka (AFP)


Papier paru dans "Le Nouvel Observateur" du 16 mai 2013

Portes détruites à coups de crosse, rideaux, plafonniers, climatiseurs arrachés, tiroirs vidés par terre, lits d'enfant disloqués, valises éventrées, vitres brisées. Le marchand a tout perdu : son mobilier, ses stocks de marchandises entreposés dans un hangar, sa machine à purifier l'eau, ses économies. Une vie réduite en miettes. "Ils ont tout emmené dans un camion, ils étaient nombreux, ils tiraient partout", raconte son fils en parcourant les salles jonchées de morceaux de papier, de vêtements en lambeaux, d'éclats de verre. Le coffre-fort a été traîné dans le jardin, mitraillé, puis forcé à la barre de fer. Il contenait, selon le jeune homme, "30 millions de francs CFA", l'équivalent de 46.000 euros. Furieux de ne pas pouvoir emporter la Nissan blanche garée dans la cour, les pillards l'ont criblée de balles. Anticipant leur venue, le père avait démonté et dissimulé les quatre roues de la voiture.

Un mois et demi après la prise de Bangui par les rebelles, presque tout le monde a été dévalisé, riches et pauvres confondus, les villas protégées par de hauts murs comme les huttes en pisé, les administrations de même que les usines et les lieux de culte. "Ils ont volé mon congélateur, mes deux postes de télévision, un lecteur de DVD, des draps, deux matelas mousse, une valise de vêtements, la moto de mon fils", énumère Marianne, assise sur la seule paillasse qui lui reste. Dehors, l'orage vient d'éclater. Une pluie battante s'infiltre à travers la toiture en chaume. Pour remplacer sa cabane par un logement en dur, cette veuve, mère de huit enfants, avait acheté une trentaine de sacs de ciment et de la tôle ondulée. "Ils sont partis avec, se lamente-t-elle. Quand on fait un coup d'Etat, on s'en prend au fauteuil du président, pas à la population. Ce n'est pas un coup d'Etat. C'est du n'importe quoi !"

Putschs, dictatures et mutineries depuis l'indépendance

Marianne parle d'expérience. La Centrafrique enchaîne putschs, dictatures et mutineries depuis l'indépendance, en 1960. Arrivé lui-même au pouvoir par les armes en 2003, l'ancien président, le général François Bozizé, ne régnait avec son clan que sur un petit tiers du pays. De peur d'être renversé par ses troupes, il ne leur distribuait des munitions qu'au compte-gouttes. Le 24 mars dernier, il a fallu une heure et demie aux insurgés pour le contraindre à prendre la fuite et s'emparer de la capitale. Les nouveaux maîtres parcourent les rues en trombe, entassés jusque sur le toit de leurs pick-up, en brandissant leurs fusils-mitrailleurs. La tête enveloppée de chèches mauves ou beiges, les yeux cachés par de fausses Ray-Ban, des grigris autour des bras, ils appartiennent à différents groupes armés, issus des populations du Nord musulman et rassemblés dans une coalition hétéroclite, la Séléka, "alliance" en langue sango. Les rares automobilistes à oser prendre le volant s'écartent sur leur passage, terrifiés.

"N'importe qui peut se revendiquer de la Séléka, dès lors qu'il porte une arme. Vous trouvez parmi eux des braconniers, des coupeurs de route, des mercenaires tchadiens ou soudanais. Chacun n'obéit qu'à son propre chef", explique le responsable d'une organisation humanitaire qui vient de repousser trois tentatives de cambriolage au cours des nuits précédentes. Des artères défoncées qui se vident dès le coucher du soleil, des écoles fermées, une police invisible. La ville, qui ne mérite plus depuis bien longtemps son surnom de "Bangui la Coquette", agonise. Seule la présence d'une petite Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac) et de 450 soldats français permet d'éviter un chaos généralisé. "Dix-huit types de la Séléka ont occupé ma maison. Les plus jeunes avaient 16 ans à peine, raconte un directeur de société. J'ai dû négocier avec leur colonel pour qu'ils épargnent le mobilier. En échange, je leur ai filé 500 000 francs CFA [760 euros, NDLR] et le 4×4 de mon beau-père. Ils n'ont emporté que la télé." En attendant des jours meilleurs, il réside au Ledger Plaza, l'unique palace, épargné par les guérilleros, leurs chefs ayant décidé de s'y installer.


Scène de pillage au Palais présidentiel centrafricain (AFP)

 

Chargé, au sein du nouveau gouvernement, de la "sécurité", le général Noureddine Adam quitte l'hôtel chaque matin pour rejoindre son ministère vandalisé comme les autres bâtiments publics. "J'essaie de faire revenir les policiers, mais c'est très difficile. Documents, chaises, tables, tout a disparu !" Ses guerriers n'ont rien fait, jure-t-il devant l'un de ses aides de camp curieusement pourvu d'un sac d'ordinateur portant l'estampille du Pnud, une agence des Nations unies. Il fait entrer une commerçante détroussée pendant la nuit et la confronte à son voleur menotté. Il attribue les exactions aux partisans de l'ancien régime, à des "infiltrés", à des "bandits de Bozizé qui ont revêtu l'uniforme pour commettre de mauvaises choses" et promet de rétablir l'ordre d'ici à un mois. "Si on tuait, disons, 100 personnes, cela dissuaderait les autres, ajoute-t-il, mais on respecte les droits de l'homme."

Visage anguleux, crâne rasé, lunettes noires et complet gris de coupe saharienne, le général arbore, tel un sceptre, une canne en ivoire coiffée d'argent. Tour à tour élève à l'académie de police du Caire et membre, "durant huit ans", précise-t-il, de la garde rapprochée du cheikh Zayed aux Emirats arabes unis, il présente le parcours d'un soldat de fortune. Il aurait même été formé par les forces spéciales israéliennes. Il se défend d'être, comme le prétend la rumeur, originaire du Tchad, un Etat avec lequel il entretient des liens étroits, à l'instar de nombreux rebelles. "On a la même langue, le même accent de part et d'autre de la frontière, alors on nous confond." Fils d'un imam, il vient de ce Nord méprisé, laissé en friche par les régimes successifs. "Bozizé a fait beaucoup de mal aux musulmans. Il les a torturés, tués. Vous ne pouvez pas imaginer. Mais nous ne ferons pas la même chose, assure-t-il. Nous ne tolérerons aucun acte hostile commis au nom de la religion."

Les risques d'un conflit confessionnel

L'arrivée de musulmans à la tête d'une Centrafrique au trois quarts chrétienne laisse planer le risque d'un confit confessionnel. Une peur attisée par l'ex-président pour sauver son trône et ravivée par les abus de la Séléka. "L'Eglise catholique a payé un très lourd tribut !" s'écrie Mgr Dieudonné Nzapalainga. L'archevêque de Bangui déplore le vol d'une centaine de véhicules à travers le pays, le mitraillage de la Fraternité des Capucins, la profanation de l'oratoire des soeurs à Markounda, le sac de l'orphelinat voisin... "Ils ont même enlevé les câbles et les néons." Jugé plus sûr, son archevêché, situé à la sortie de la ville, sur les bords de l'Oubangui, abrite une soixantaine de voitures appartenant à ses ecclésiastiques. A Bossangoa, des séminaristes ont été contraints, sous la menace des armes, de porter leurs lits jusqu'à une base rebelle. Ailleurs, un prêtre lazariste a dû céder sa bourse, le couteau sous la gorge... "C'est de l'humiliation ! s'indigne le prélat. Pourquoi ces attaques contre les pères et les soeurs ? Pour qu'ils partent ? Pour installer l'islam à leur place ? Si ce n'est pas le cas, qu'on le dise."

Une accusation récurrente à Bangui. Les musulmans n'ont-ils pas échappé pour la plupart aux pillages ? Les objets volés ne finissent-ils pas sur les étals de leur quartier, appelé Kilomètre Cinq ? Redoutant d'être vus en compagnie d'un journaliste, deux défenseurs des droits de l'homme s'installent à l'écart, dans un bar désert ouvert à leur demande. Ils affirment que les insurgés obéissent à un plan : "Partout où ils arrivent, ils s'attaquent systématiquement aux registres d'état civil", dit l'un. "Ils veulent changer la démographie en leur faveur", ajoute son compagnon. La preuve ? Des miliciens de la Séléka viennent encore de saccager les locaux de la police judiciaire. "Ils ont détruit la base de données qui sert à établir les cartes d'identité, puis ont crié : "Maintenant, on est centrafricains.""

Règlements de compte

Certains profitent des troubles pour régler des comptes. Le 14 avril, des centaines de rebelles ont investi Boy-Rabe, un faubourg de Bangui adossé à une colline, connu pour être un fief de l'ancien président. "Quand ils trouvaient un militaire ou un policier, ils l'abattaient froidement, raconte un chef de quartier. Ils disaient qu'ils cherchaient des armes, mais ils nous ont tout pris. Une fois la benne remplie, ils ont obligé le chauffeur à la conduire. Pour le forcer, ils ont tiré sur sa femme, assise devant sa porte avec son bébé." Bilan : au moins une vingtaine de morts, probablement le double.

A Bangui en mai dernier (AFP)

 

A Bimbo, une bourgade à 9 kilomètres au sud-ouest de la ville, des combattants de la Séléka, allongés sous un manguier, taxent des pousse-pousse remplis de bois mort : 1 000 francs CFA pour franchir la barrière. La rivière Mpoko qui court en contrebas charrie régulièrement des cadavres. Une habitante affirme en avoir dénombré vingt-sept. "Des civils, tués d'une balle dans la tête ou dans la poitrine." Elle a aussi assisté à l'exécution de deux soldats de l'ex-garde présidentielle : "Ils les ont ligotés et jetés dans l'eau, après leur avoir coupé les oreilles." La Cour pénale internationale a d'ores et déjà dénoncé des crimes graves et menacé ses auteurs de poursuites.

Claquemuré dans une villa audessus de la ville, le nouveau chef de l'Etat, Michel Djotodia, a délaissé l'édifice très décati, à l'architecture tubulaire, légué par Bokassa Ier, son lointain prédécesseur. "Je me suis installé ici parce qu'au palais de la Renaissance on a trouvé des choses diaboliques, explique-t-il. Des bocaux remplis de miel et de sang, des ossements, des ongles de bébé. Bozizé y avait aménagé une chambre secrète pour ses cérémonies vaudoues." A la veille d'un sommet avec les bailleurs de fonds, l'ancien chef rebelle promet de cantonner ses troupes et de ramener l'ordre. Il doit à tout prix trouver de l'argent pour payer les salaires des fonctionnaires qui refusent de reprendre le travail et, surtout, récompenser ses guérilleros. "Nous allons envoyer nos hommes hors de Bangui, dit-il, mais pour cela nous avons besoin de moyens financiers." L'un de ses gardes postés à l'entrée se plaint de ne pas avoir "à manger".

Qui tient les commandes ? "Les généraux !"

Michel Djotodia demeure un mystère. Réputé proche du Soudan, pays où il a exercé les fonctions de consul, il réfute l'étiquette d'islamiste que ses adversaires tentent de lui accoler, tout en entre tenant le fou sur ses projets. Les élections ? "Elles auront lieu en 2014 ou en 2015. C'est à la communauté internationale de décider." Trois membres de sa famille occupent des postes clés au sein du pouvoir. Mais qui tient les commandes ? "Les généraux !" assure un diplomate. Des tensions très vives apparaissent entre les multiples seigneurs de la guerre. Le Ledger Plaza tremble encore d'une séance houleuse entre le président et le tombeur de Bangui, Arda Hakouma, qui convoitait le poste de la Défense. "Ce n'est pas parce qu'on a libéré une ville que l'on doit prendre ses dirigeants en otage", s'énerve le ministre de la Communication, Christophe Gazam Betty. Pendu au téléphone, il réclame l'aide de la Fomac pour sécuriser la radio nationale. "Les bureaux ont été pillés par ceux-là même qui en avaient la garde", lâche-t-il.

Cette fois, la France refuse d'intervenir dans son ex-colonie, qui fut pendant des décennies l'une de ses principales chasses gardées. Elle préfère laisser les pays de la région gérer la crise, Tchad en tête, son grand allié dans la lutte contre les djihadistes maliens. Ses soldats se bornent à défendre une communauté réduite à quelque 800 ressortissants et qui rapetisse un peu plus après chaque vol hebdomadaire d'Air France, la seule grande compagnie à desservir encore Bangui. Son ambassade, bardée de sacs de sable, est l'une des dernières représentations étrangères présentes. Même les organisations humanitaires commencent à plier bagage. La Centrafrique, classée parmi les pays les plus pauvres de la planète, malgré la richesse de son sous-sol, qualifiée déjà d'Etat fantôme dans un rapport d'International Crisis Group de 2010, va-t-elle voler en éclats ? "Si rien n'est fait, nous risquons une dérive à la somalienne", prévient Margaret Vogt, représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU. Elle a fait partir les deux tiers de son personnel. "Nous sommes encore là, mais j'ignore pour combien de temps, dit-elle. Vous avez vu à l'extérieur de notre campement ? Il n'y a personne pour nous protéger !"

Christophe Boltanski - Le Nouvel Observateur

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130709.OBS8716/reportage-bangui-ville-de-la-peur.html?xtor=RSS-17

 



 

5. Centrafrique: les ONG lancent un cri d'alarme

9 juillet 2013 à 18:58

Des combattants du groupe rebelle Seleka dans les rues de Bangui, en mars, après le renversement du président Francois Bozize. (Photo Reuters)

Réunies à Paris, cinq associations appellent la communauté internationale à se mobiliser pour secourir une population sous la menace d'une grave crise sanitaire et alimentaire

Par THOMAS HOFNUNG

Libération

 Au beau milieu du bain de sang en Syrie, des relents de guerre civile en Egypte et de la délicate stabilisation du Mali, comment faire pour mobiliser l'attention sur le drame silencieux que subit la République centrafricaine? Ce mardi, cinq ONG françaises ont uni leurs voix pour tenter de tirer de l'oubli général cette ex-colonie française en proie au chaos. Lors d'une conférence de presse organisée dans les locaux de Médecins sans frontières (MSF), à Paris, les humanitaires ont sonné l'alarme, assurant que ce pays en plein centre du continent était sous la menace d'une crise sanitaire et alimentaire majeure.

«Sur une population estimée à environ 5 millions d'habitants, 500 000 sont en grande difficulté, a indiqué Thierry Mauricet, de l'ONG Première Urgence. Parmi eux, 147 000 vivent dans une situation d'insécurité alimentaire.»  Dans ce pays enclavé, en proie à une instabilité politique chronique depuis trois décennies, la situation s'est encore aggravée avec la chute, en mars, du président François Bozizé, chassé du pouvoir par les rebelles du mouvement Séléka. «Depuis trois mois, tout est bloqué, les bailleurs de fonds ont gelé leur aide, s'alarme un humanitaire. Il ne se passe plus rien, sauf la lente désagrégation de ce qui restait d'administration.»

Sur des besoins estimés par les ONG à quelque 90 millions de dollars, seuls 10% de ces fonds sont disponibles, ont relevé les associations. Dans un tel contexte, la crise humanitaire prend de l'ampleur jour après jour. «D'après nos estimations, 60% de nos patients séropositifs ont interrompu leurs traitement, affirme le nouveau président de MSF France, Mégo Terzian. Il en va de même pour les patients atteints de tuberculose. Car même à Bangui, la capitale, il est difficile de s'approvisionner en médicaments.»

«Dans nos centres nutritionnels, nous enregistrons sur la première moitié de l'année deux fois plus d'admissions d'enfants qu'en 2012», s'inquiète Alain Coutand, d'Action contre la faim (ACF). Et ce constat est très partiel, de nombreuses zones du pays étant inaccessibles, essentiellement pour des raisons de sécurité. «Les champs ne sont pas préparés, il va falloir couvrir les besoins alimentaires d'une large partie de la population d'ici à l'an prochain», renchérit Bérangère Tripon, de Solidarité International.

Avec la corruption, qui gangrène la Centrafrique, la sécurité est le problème numéro 1 auquel font face les ONG. «Un appui sécuritaire de la communauté internationale est nécessaire», assure Alain Coutand, d'ACF. Les 1 200 hommes de la Fomac, la force multinationale africaine déployée dans le pays, sont  incapables de faire face à la multiplication des groupes armés. Bien loin de rassurer la population, ils aggravent le sentiment d'insécurité générale: «La Fomac est composée pour un quart de soldats tchadiens, de même nationalité qu'une partie des ex-rebelles de la Séléka», remarque un humanitaire. «A quand une force d'interposition?», a lancé le représentant de Première Urgence. Mais cette demande ne fait pas l'unanimité parmi les humanitaires, notamment chez MSF, traditionnellement très réticent vis-à-vis du risque de mélange des genres. «L'ONU, qui démarre une opération de maintien de la paix au Mali, n'est pas prête à s'investir en Centrafrique, confie un humanitaire. La solution ne peut venir que des Africains eux-mêmes.»

Les ONG sont en revanche unanimes pour demander aux bailleurs de fonds de prendre leurs responsabilités. «Exiger comme condition préalable la bonne gouvernance en Centrafrique avant de débloquer des fonds, c'est se condamner à ne rien faire, observe un autre responsable d'ONG. Il faut absolument trouver un modus operandi permettant d'agir dans un pays où l'administration s'est totalement effondrée.» Sous-entendu en limitant l'évaporation d'une partie de ces fonds.

http://www.liberation.fr/monde/2013/07/09/centrafrique-les-ong-lancent-un-cri-d-alarme_917085?xtor=rss-450

 

 



6. "Les Centrafricains ne doivent pas rester les grands oubliés"

 

Créé le 09-07-2013 à 14h31 - Mis à jour à 15h01

 

Céline Lussato

Alors que cinq ONG appellent à l'aide pour la Centrafrique, le chirurgien Bernard Leménager, qui revient de Paoua, décrit la situation sanitaire dans le pays.

Dans un centre de nutrition de MSF à Paoua (LIONEL HEALING / AFP)

 

Bernard Leménager est chirurgien. Il revient tout juste de République centrafricaine où il était parti pour MSF.

 

Quelle est la situation en ce moment dans le pays ?

- J'étais à Paoua qui se trouve dans le Nord-Ouest de la Centrafrique, pas très loin de la frontière avec le Tchad, dans un hôpital que MSF a repris il y a 5 ou 6 ans, un endroit qui avait été sinistré par la rébellion locale en 2008 mais n'a pas été tellement touché par les événements fin mars. On peut donc dire qu'il reflète l'état général du pays où tout est désorganisé : il n'y a plus d'Etat, plus d'administration, une insécurité permanente… Notre hôpital fonctionne parce qu'il s'agit d'un hôpital MSF avec du personnel local payé par MSF, du ravitaillement MSF, de la logistique MSF… Mais j'ai reçu un gamin hospitalisé 15 jours avant à Bozoum, la grande ville du Nord-Ouest, après avoir été pris dans un éboulement. Il avait une luxation de hanche, donc un problème qui se voit à l'œil nu, et il n'avait pas eu de radio parce qu'à Bozoum il n'y a pas de radio possible ! Le système de santé est inexistant.

Et puis, on commence aussi à ressentir la malnutrition, même si le pire reste à venir. Et avec l'arrivée de la saison des pluies ces jours-ci, le paludisme connaît une recrudescence.

 

Le paludisme se soigne assez bien en principe maintenant…

- Oui, ça se soigne. Mais à condition d'avoir accès à un système de santé. Si on considère les infrastructures de MSF par exemple : nous avons l'hôpital central à Paoua où les gens de la ville peuvent venir facilement. Nous avons ensuite les centres de santé à 50 km. Mais entre les centres, il y a aussi 50 km. Les gens dans la campagne ont donc un accès difficile aux centres de soin. Les gens qui viennent en catastrophe chez nous arrivent en moto, il n'y a pas d'ambulance… y compris des femmes enceintes dont le travail a commencé depuis des heures, qui constatent qu'il y a un problème et qu'on installe sur une moto. Vous imaginez l'état dans lequel les patients nous arrivent…

 

Malgré le manque de financement international, il est possible de travailler en RCA?

- La situation est un peu biaisée parce que MSF fonctionne avec des fonds propres, ceux de nos donateurs. Nos programmes continuent, avec les difficultés liées au pays – nous nous sommes fait piquer tous notre matériel à Bangui au moment des derniers événements par exemple, mais nous parvenons à joindre les deux bouts. En revanche, les autres ONG, qui fonctionnent sur fonds institutionnels n'ont pas cette liberté de continuer à exercer depuis que les institutionnels se sont désengagés. Et nous avons beaucoup de mal à mobiliser pour ce pays où vivent 4,5 millions de personnes étalées sur un pays aussi grand que la France. Pourtant, ces gens magnifiques sont dans une détresse folle. Il ne faut pas qu'ils restent les grands oubliés.

 

Propos recueillis par Céline Lussato – Le Nouvel Observateur

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130709.OBS8661/les-centrafricains-ne-doivent-pas-rester-les-grands-oublies.html?xtor=RSS-17

 


 



 

7. Centrafrique: des discussions à Addis-Abeba pour sortir le pays de la crise

 

RCA -  - Article publié le : mardi 09 juillet 2013 à 11:47

Par Céline Lussato

Pour Action contre la faim, il est urgent d'agir pour faire sortir du silence la grave crise humanitaire qui parcourt le pays. Interview.

L'association Action Contre la Faim eu République Centrafricaine. (JDD/SIPA)

Alain Coutand, directeur régional à Action contre la Faim, en appelle avec quatre autres ONG (1) aux Nations unies : une mobilisation est urgente "au risque, sinon, de se retrouver avec une crise humanitaire sans précédent au centre de l'Afrique."

Pourquoi lancer un appel pour la République Centrafricaine ce mardi 9 juillet ?

- Cela fait, tout d'abord, plus de quatre mois que la crise humanitaire a éclaté avec le coup d'Etat de la Seleka et nous sommes plus qu'étonnés du silence de beaucoup d'acteurs. Ensuite, il y a, ces jours-ci, la visite en République centrafricaine de Valérie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations unies. Et nous souhaitons l'interpeller pour lui demander de réinvestir le champ humanitaire dans la région. Il y a urgence.

La situation humanitaire se détériore dans un pays où les crises se succèdent depuis des décennies. Comment se manifeste cette aggravation ?

- Sur un terreau chronique, faire ressortir une crise est effectivement souvent difficile. On le fait donc, aussi, au moment où il y a de vrais chiffres le démontrant. Concrètement, pour ACF, cette crise se manifeste notamment par le doublement en mai du nombre d'enfants malnutris dans les centres que nous appuyons, doublement par rapport à l'année passée et donc à une époque déjà compliquée. Autre indicateur : on a l'habitude de villageois qui vivent de l'agriculture avec trois ou quatre mois de réserve. Or, aujourd'hui, ils ont à peine un à deux mois de réserve alimentaire. On est donc dans l'anticipation d'une crise encore plus grave.

Vous soulignez l'insuffisance de l'action des Nations unies. Comment l'expliquez-vous ?

- Les conditions sécuritaires expliquent pour beaucoup le manque d'action des Nations unies qui sont présentes à Bangui et, en dehors du pays, à Yaoundé puisque pour ces raisons sécuritaires ils effectuent des rotations avec le Cameroun. Cela nous paraît bien insuffisant par rapport aux enjeux actuels. Certes, il est difficile de travailler en RCA mais on peut le faire. Beaucoup d'ONG sont présentes et travaillent sur place. Les Nations unies doivent réinvestir d'urgence ce champ là.

Quelles sont les mesures d'urgence nécessaires ?

- Il est possible de travailler sur le terrain même, en dehors de Bangui, de travailler avec les communautés en direct, d'interagir avec les départements malgré les difficultés administratives. Il y a aussi des possibilités d'appuyer financièrement les organisations de solidarité sur le terrain, qu'elles soient religieuses ou non... Il y a une myriade d'actions possibles ! Mais il faut être sur place pour les mettre en place, pour comprendre la meilleure façon de procéder, comprendre qu'il y a un impact de ces actions malgré le panorama extrêmement noir qui pèse sur le pays.

L'appel lancé vise à une amélioration de la situation humanitaire. Une stabilisation politique dans le pays ne permettrait-elle pas de faciliter une sortie de crise humanitaire ?

- Nous en appelons aussi les instances politiques, tant au niveau de l'Union africaine que de la Communauté des Etats d'Afrique centrale pour trouver une solution politique. L'un des préalables à la sortie de crise étant le retour à une situation sécuritaire normale et à une structure gouvernementale au moins reconnue partiellement. Il faut que la communauté internationale – la France, l'Union européenne, l'Union africaine – déploie une force internationale de maintien de la paix, quelle que soit sa forme. La population doit reprendre confiance dans le gouvernement actuel pour que les ONG puissent travailler mieux.

La grille géopolitique est complexe, le panorama assez noir, mais, avec des moyens, on peut travailler. La communauté internationale doit donc se mobiliser sur les questions humanitaires et sécuritaires au risque, sinon, de se retrouver avec une crise humanitaire sans précédent au centre de l'Afrique.

Propos recueillis par Céline Lussato - Le Nouvel Observateur

(1) Médecins sans frontières, Médecins du monde, Première urgence et solidarités international.

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130708.OBS8571/centrafrique-le-panorama-est-noir.html?xtor=RSS-19

 

 


 

8. CENTRAFRIQUE. "Pour les Nations unies, c'est wait and see"

 

Créé le 09-07-2013 à 01h02 - Mis à jour à 12h02

 

Par Céline Lussato

Le président de Médecins sans frontières ne décolère pas : "Ce système attentiste n'est pas en adéquation avec la réalité du pays".

Médecins Sans Frontières participent aux aides locales en République Centrafricaine. (CHIP EAST/SIPA)


Mégo Terzian est président de Médecins sans frontières. Avec quatre autres ONG (1), il appelle à lever le voile sur la très grave crise qui secoue le pays, et l'inaction des Nations unies et autres bailleurs de fonds.

 

En quoi la situation humanitaire s'aggrave encore en République centrafricaine (RCA) ?

- La situation est encore pire. C'est une crise sous une autre crise. L'approche des Nations unies et des autres bailleurs de fonds c'est : wait and see – on attend et on verra bien. Ce système attentiste n'est pas en adéquation avec la réalité d'aujourd'hui. Certains disent attendre le retour d'une stabilité sécuritaire et politique pour agir. Le Conseil de sécurité attendait une réponse africaine pour agir et n'a pas bougé. Tous les autres acteurs se sont également renvoyés la balle...

A cet attentisme s'ajoute un autre problème : lorsqu'il y aura un gouvernement stable, les acteurs du développement risquent de dire que ce dernier ne sera pas en capacité d'utiliser des fonds pour la santé. L'UE qui est en train d'établir son programme de développement 2014-2020 n'a, par exemple, pas inscrit la santé en priorité pour la Centrafrique. L'UE reconnaît qu'il y a un énorme problème de santé dans le pays et il y aura sans doute des fonds débloqués, mais pas en priorité !

Le manque de financement de ce secteur est criant. 21 millions de dollars d'aide internationale consacrée à la santé étaient programmés pour 2013. Pourtant, fin juin, seulement 2,8 millions avaient été déboursés, soit 13% du montant global.

Comment expliquer le silence qui pèse sur la RCA et l'inaction internationale ?

- Je ne connais pas les vraies raisons de cette situation. Il me semble que la majorité de la communauté internationale n'y voit pas d'intérêt politique ou économique. Mais aujourd'hui, on ne peut plus réduire les aides financières consacrées pour ce pays, étant donnée la situation sanitaire. A MSF, nous enregistrons dans nos centres de santé des chiffres alarmants : il y a par exemple en ce moment 40% de cas de paludisme en plus que l'année dernière, une maladie facilement traitable mais qui reste la première cause de décès.

Que pronostiquez-vous en cas de poursuite de l'inaction internationale en Centrafrique ?

- Les risques sont majeurs en terme de santé. S'il n'y a pas plus de fonds et plus d'actions en dehors de Bangui, dans les régions, les problèmes sanitaires vont s’accroître. Déjà, 70% au moins des patients séropositifs ont rompu leurs médicaments en raison des ruptures d'approvisionnement. De même pour 50% des tuberculeux qui ne trouvent plus leurs médicaments. Les centres de santé en périphérie n'ont plus de médicaments pour prendre en charge les diarrhées ou le paludisme, et le nombre de décès évitables va se démultiplier. Sans compter la malnutrition infantile qui se profile. Or, les quelques rares acteurs qui restent sur le terrain, dont nous sommes, MSF, ne pourront pas assurer les fonctions d'un véritable ministère de la Santé.

La venue à Bangui de Valérie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations unies chargée des affaires humanitaires, est-elle de bon augure pour un accroissement de l'aide onusienne ?

- Si elle se décide à venir à Bangui, c'est sans doute qu'elle est consciente des difficultés de ce pay. Je veux être optimiste sur sa décision d'augmenter les aides destinées à la République centrafricaine.

Propos recueillis par Céline Lussato – Le Nouvel Observateur

(1) Action contre la faim (ACF), Médecins du monde, Première urgence et solidarités international

 



 

9. La voix centrafricaine des sans voix 

 

Une journaliste courageuse, Sylvie Panika, dirige la Radio Ndeke Luka, seule « radio locale à dire la vérité » selon les auditeurs centrafricains.

 

9/7/13

 

Au micro de Radio Ndeke Luka, Sylvie Panika donne la parole aux victimes d’exactions commises à Bangui, depuis le coup d’état du 24 mars 2013 (OLIVIER TALLES).

 

La journée commence par un défilé de plaignants. Hommes ou femmes, paysans ou professeurs, anonymes ou VIP : les victimes d’exactions commises à Bangui, la capitale de la Centrafrique, sont accueillies chaque matin par la directrice de Radio Ndeke Luka, Sylvie Panika, et ses journalistes. 

Une mère détaille à l’antenne le vol de sa voiture. Un homme au visage maculé de sang témoigne des circonstances de son agression. Les coupables ? Tous pointent du doigt les anciens rebelles de la Séléka qui ont pris le pouvoir le 24 mars dernier.

« Nous relayons le ras-le-bol »

Les journalistes écoutent, notent, enregistrent puis recoupent les témoignages. « Les gens viennent se plaindre à la radio comme ils vont à la clinique ou au commissariat, explique Sylvie Panika. Nous relayons sur les ondes le ras-le-bol de la population et l’incapacité des autorités à rétablir la sécurité. Mais nous devons redoubler de vigilance. » En ces heures où la plupart des auditeurs sont prêts à croire n’importe quelle rumeur contre les auteurs du coup d’État, la crédibilité de la rédaction est en jeu.

Dans le paysage médiatique centrafricain dévasté par les crises politiques à répétition, Radio Ndeke Luka (« l’oiseau de la chance en Sango ») a valeur d’institution que l’on vive à Bangui ou dans un village de brousse isolé à la frontière du Congo Brazzaville. « D’après un sondage mené par la radio Voice of America, nous concentrons 80 % des auditeurs de la Centrafrique », se félicite sa directrice. Le public reconnaît le sérieux de ses journalistes et loue l’impartialité des émissions.

Une radio à l’histoire singulière

Son indépendance, Radio Ndeke Luka la doit à son histoire singulière. C’est une enfant du programme Hirondelle, une fondation suisse qui soutient des médias d’information dans les pays en crise.

Aujourd’hui, des fonds de l’Union européenne, de la coopération suisse et de l’ambassade américaine assurent 80 % du budget, le reste provenant de la régie publicitaire. « Nous conservons un statut d’association, précise la directrice, ce qui nous donne une liberté de ton unique dans ce pays. » 

Un journalisme sérieux et exigeant

Du haut de ses 45 ans, la journaliste parle d’expérience. Après des études en communication au Caire, puis une formation en France, Sylvie Panika a passé dix années à la Radio nationale, subissant la censure et les pressions en tout genre. Quand Radio Ndeke Luka part à la conquête des ondes en 2000, elle se lance dans l’aventure. « Dès lors, j’ai pu mettre en pratique les règles du journalisme sérieux et exigeant », se félicite-t-elle. Les reportages s’enchaînent, au rythme des coups d’État et des violences qui émaillent l’histoire de la Centrafrique.

En treize ans, Sylvie Panika a perdu le compte des menaces proférées contre la station et ses passeurs d’informations. « Les derniers temps du régime du président Bozizé ont été très dur, confie-t-elle. Des correspondants ont été obligés de fuir en brousse. On n’a pas eu de nouvelles d’eux pendant des mois. » 

Vivre avec la peur

Au lendemain du coup d’État du 24 mars, la radio est pillée par les rebelles comme presque tout ce qui brille à Bangui. Les soudards volent la voiture, les quatre motos des reporters, les ordinateurs, tout l’argent.

Le personnel n’est pas épargné. Un fusil braqué contre son torse, la directrice doit donner son passeport, son téléphone et son portefeuille à des soldats en traversant un barrage. « Depuis la prise de pouvoir de la rébellion Séléka, nous n’avons jamais subi autant de pression de la part des autorités, observe-t-elle. Le ministre de la communication nous a avertis à maintes reprises qu’il n’avait pas les moyens de garantir notre sécurité. Des membres de la Séléka appellent, insultent, menacent. » 

Mais cette mère de cinq enfants a appris à vivre avec la peur. Son mari, journaliste comme elle, comprend et soutient son combat. « Je n’ai jamais eu envie de partir, affirme Sylvie Panika. Si cette radio disparaît, la population perdra l’un des rares outils pour se faire entendre. Nous sommes la voix des sans-voix. » 

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Son inspiration : un mari et un mentor

La passion de Sylvie Panika pour les médias a été attisée par deux hommes : son père et son mari. Le premier éprouvait de la fascination pour les voix féminines de la radio, au point de donner à sa fille le deuxième prénom de Jacqueline, en hommage à une animatrice célèbre de la radio nationale. « Mon mari m’a aussi beaucoup aidé à devenir ce que je suis », précise Sylvie Panika. Présentateur du journal du matin à la Radio nationale, correspondant de Radio France International puis de l’Agence France-Presse, Christian Panika est un des journalistes les plus chevronnés de la Centrafrique.

OLIVIER TALLÈS (à Bangui, envoyé spécial)

 

http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/La-voix-centrafricaine-des-sans-voix-2013-07-09-984162

 


 

10. En Centrafrique, instabilité et crise humanitaire sous le nouveau régime

 

Créé le 30-06-2013 à 13h42 - Mis à jour à 13h42

 

Plus de trois mois après la prise du pouvoir par la rébellion Séléka, accusée de multiplier pillages et exactions sur les civils, l'instabilité perdure en Centrafrique, où de nombreuses ONG pointent du doigt une grave crise humanitaire. (c) Afp

Libreville (AFP) - Plus de trois mois après la prise du pouvoir par la rébellion Séléka, accusée de multiplier pillages et exactions sur les civils, l'instabilité perdure en Centrafrique, où de nombreuses ONG pointent du doigt une grave crise humanitaire.

 

Le dernier incident à Bangui date de vendredi soir, où des heurts ont éclaté entre civils et hommes du Séléka dans le nord de la capitale, faisant six morts et 25 blessées, selon une source policière.

 

Ces violences faisaient suite à une manifestation qui a dégénéré après la mort d'un étudiant enlevé jeudi par des membres de l'ancienne rébellion arrivée au pouvoir en mars après dix ans du régime de François Bozizé.

 

Les tensions se sont ensuite propagées dans plusieurs quartiers de la capitale, où des coups de feu ont été entendus jusqu'en milieu de soirée.

 

"Il semble qu'il y ait eu une augmentation des incidents ces dernières semaines à Bangui, relève Isabelle Le Gall, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) en Centrafrique. Cependant, la situation sécuritaire n'a jamais été réglée. Même s'il y a eu un semblant d'accalmie, les exactions ont continué à Bangui et dans l'intérieur du pays".

 

"Bangui connait des éclats de violences ponctuels depuis plusieurs mois: il y a des quartiers qui se vident de leurs habitants terrorisés, qui se réfugient dans les hôpitaux, et puis ça se calme", explique Vincent Pouget, délégué communication du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Bangui.

 

Depuis plusieurs semaines, les ONG présentes en Centrafrique ne cessent de dénoncer les problèmes d'insécurité, de pillages ou de meurtres, mais aussi de nombreux cas de viols et abus sexuels sur les populations.

 

Human Rights Watch (HRW) a affirmé jeudi dans un communiqué que les hommes du Séléka "ont pris pour cible et tué au moins 40 civils et ont intentionnellement détruit 34 villages ou villes depuis février".

 

Les habitants exaspérés continuent eux aussi à pointer du doigt les anciens rebelles comme responsables des incidents.

 

"Ils défient toute hiérarchie et donnent uniquement allégeance à leur chef militaire (...) ils refusent de se faire désarmer", ont déclaré les évêques dans un message lu le 23 juin lors d'une messe solennelle à la Cathédrale Notre Dame de Bangui.

 

Les critiques se font entendre jusque dans les rangs des Séléka, un regroupement de plusieurs ex rébellions de cette ancienne colonie française.

 

Plusieurs cadres du mouvement, parmi lesquels une importante figure, le général Mohamed Dhaffane, ont demandé jeudi l'ouverture d'un "dialogue inter-Séléka".

 

Ils fustigent "la marginalisation de la plus importante frange des combattants et militaires de Séléka", ainsi que la poursuite "des braquages, de pillages et autres graves exactions".

 

Sévère pénurie alimentaire

 

"Il faut dire que les choses s'accumulent", souligne Vincent Pouget: "Les fonctionnaires ne sont pas payés, les porteurs d'armes ne sont pas payés, et ça fait plus de trois mois que ça dure. Tant que des fonds ne seront pas débloqués, cela ne pourra pas s'arranger".

 

Depuis la prise de Bangui par le Séléka le 24 mars, et la fuite du président Bozizé, le nouveau pouvoir peine à remettre en route une économie exsangue.

 

Le coup de force n'a fait qu'aggraver la situation car la Centrafrique, qui a connu depuis son indépendance en 1960 une longue série de coups d'Etat, rébellions et mutineries, était déjà l'un des pays plus pauvres de la planète malgré la richesse de son sous-sol (uranium, diamants, or, pétrole...) encore inexploitée.

 

En attendant, une grave crise humanitaire sévit sur l'ensemble du territoire, disent les ONG. Selon un communiqué signé par plusieurs ONG dont Action contre la faim, Save the Children ou encore le Secours catholique, elle affecte "toute la population de Centrafrique, 4,6 millions de personnes".

 

Selon elles, "plus de 60.000 enfants et familles souffrent d'une sévère pénurie alimentaire", et "plus de 200.000 enfants et familles ont été forcés de fuir leurs habitations ces six derniers mois et ont besoin de logements d'urgence, de nourriture et de soins médicaux".

 

"L'ONU estime que la RCA (la République centrafricaine) a besoin d'environ 97 millions d'euros d'aide, mais les dons reçus ne couvrent pour l'instant que 43 % de ces besoins", rappelle le communiqué.

 

"La situation a beau être catastrophique, la communauté internationale porte très peu d'attention à ce pays", résume Isabelle Le Gall.

 

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130630.AFP8021/en-centrafrique-instabilite-et-crise-humanitaire-sous-le-nouveau-regime.html?utm_source=outbrain&utm_medium=widget&utm_campaign=obclick&obref=obinsource

 


Dossier spécial sangonet : Le chaos et la descente de la République centrafricaine dans la profondeur abyssale dans l’indifférence totale. L’urgence de se mobiliser (Juillet 2013)