Le
chaos et la descente de la République centrafricaine dans la profondeur abyssale
dans l’indifférence totale. L’urgence de se mobiliser
1. République centrafricaine :
L’urgence de se mobiliser !
2. La Centrafrique plongée dans le
chaos et abandonnée, selon MSF
3. La Centrafrique en proie au
"chaos"
4.
REPORTAGE. Bangui, ville de la peur
5. Centrafrique: les
ONG lancent un cri d'alarme
6.
"Les Centrafricains ne doivent pas rester les grands oubliés"
7.
Centrafrique: des discussions à Addis-Abeba pour sortir le pays de la
crise
8.
CENTRAFRIQUE. "Pour les Nations unies, c'est wait and see"
6. La voix
centrafricaine des sans voix
10.
En Centrafrique, instabilité et crise humanitaire sous le nouveau
régime
Nout Zournal On
Ze Wéb |
Cinq ONG françaises appellent les
agences des Nations Unies et les bailleurs de fonds à s’investir dans un pays à
l’abandon
mercredi 10 juillet
2013
MSF, ACF, MDM, PU-AMI et S.I
s’inquiètent de la situation d’abandon humanitaire et sanitaire dans laquelle
périclite la RCA. Alors que le pays est plongé dans le chaos et l’instabilité
politique et que les besoins des populations sont criants, cinq ONG françaises
présentes en RCA dénoncent l’insuffisance de la présence des Nations Unies sur
le terrain et le manque de financement par la grande majorité des bailleurs de
fonds. Au moment où se profilent une dégradation nutritionnelle et un important
pic de paludisme, ce désintérêt aggrave encore une crise humanitaire
particulièrement alarmante.
Confrontée depuis des décennies au
chaos politico-militaire, la République Centrafricaine (RCA) est devenue un
contexte d’urgence humanitaire et médicale chronique. Selon l’OMS, ce pays
détient la deuxième espérance de vie la plus faible du monde - 48 ans - et des
taux de mortalité trois fois plus élevés [1] que le « seuil
d’urgence » qui définit une crise humanitaire.
Près de trois mois après le coup
d’Etat et la prise de Bangui, la capitale centrafricaine, par la coalition
rebelle de la Séléka, la situation humanitaire et sanitaire s’est encore
gravement détériorée. Une crise aiguë s’est superposée à une urgence chronique.
Au plus fort de l’offensive rebelle, les populations ont fui les affrontements
et exactions pour se cacher en brousse. Certaines y vivent toujours sans accès
aux soins, abri, eau ou nourriture. Nombre de structures de santé ont été
pillées ou détruites et ont été désertées par le personnel médical. La
vaccination de routine et l’approvisionnement en médicaments et matériel médical
ont été interrompus. Les patients tuberculeux ou vivant avec le VIH-Sida n’ont
plus accès à leurs médicaments, ce qui présente un risque majeur pour leur santé
mais aussi un risque épidémique et d’émergence de résistances aux traitements.
L’accès aux soins de base est sérieusement entravé.
Du fait de l’insécurité, les champs
ont été abandonnés, les stocks de céréales ont été pillés et la prochaine
récolte s’annonce déjà déficitaire. Ainsi, à Kabo, dans le nord du pays, S.I
estime que les récoltes à venir ne couvriront qu’un mois des besoins de la
population. Selon ACF, le risque de dégradation de la sécurité alimentaire et
nutritionnelle est réel. Ainsi, dans les centres appuyés par l’organisation à
Bangui, le nombre d’enfants malnutris a doublé [2] en mai 2013 par rapport à la
même période en 2012. Par ailleurs, une recrudescence du nombre de cas de
paludisme est elle aussi signalée. Au cours du premier trimestre 2013, les
structures de santé soutenues par MSF ont déjà pris en charge plus de 60 000
patients souffrant du paludisme (soit 38% de plus que sur la même période en
2012). Ces chiffres particulièrement alarmants laissent présager l’un des pires
pics annuels de paludisme de ces dernières années.
Dans ce contexte, alors que les
autorités sanitaires, très affaiblies par des années de crise chronique, sont
dans l’incapacité de répondre à des besoins humanitaires et sanitaires de plus
en plus importants et pressants, nous appelons les agences onusiennes, les
bailleurs et toutes les organisations internationales à s’investir en RCA et
auprès de sa population.
Avec les évènements, certaines
organisations internationales ont réduit leurs équipes sur le terrain ou ont
quitté le pays. Alors que la présence humanitaire en RCA atteint aujourd’hui son
minimum historique, les organisations présentes ne parviennent pas, à elles
seules, à répondre aux besoins. « Nous nous étonnons du manque de présence
et d’action, ainsi que du silence, des agences onusiennes qui, arguant du manque
de sécurité et de stabilité, n’ont actuellement aucune présence expatriée sur le
terrain » dénonce le Dr Mego TERZIAN, président de MSF. Si la venue, à
Bangui, de Valérie Amos (secrétaire générale adjointe des Nations Unies chargée
des affaires humanitaires) apparaît comme un signe de réinvestissement du champ
humanitaire en RCA, les acteurs humanitaires doivent cependant se mobiliser pour
intervenir en RCA. Mais, alors que les ONG manquent de financements pour initier
ou maintenir des activités, certains bailleurs conditionnent leurs financements
à venir à une réinstauration de la sécurité dans le pays. Ce statut quo, confus
et paradoxal, est aussi incompréhensible
qu’inacceptable !
En cette période de transition, il
faut aider la RCA à se relever et à sortir de la crise. C’est pourquoi, nous
appelons les Nations Unies à respecter leurs engagements et à réinvestir
rapidement l’espace humanitaire en RCA et les bailleurs de fonds à financer les
activités en place et à venir des ONG, ce qui permettrait à d’autres
organisations de venir renforcer les activités de secours et couvrir l’ensemble
des besoins. Enfin, nous appelons la communauté internationale à se mobiliser
pour ce pays resté à la marge des agendas politiques, français comme
international.
PARIS, France, 9 juillet
2013/African Press Organization (APO)
2. La Centrafrique plongée dans le
chaos et abandonnée, selon MSF
Reuters via Yahoo!
France Actualités - 09 juil 19h 28
Patrouille de rebelles du
Séléka en mars à Bangui, juste après qu'ils se sont emparés du pouvoir. Selon
Médecins sans Frontières, la situation humanitaire et sanitaire s'est gravement
détériorée en Centrafrique depuis cette date. /Photo prise le 26 mars
2013/REUTERS/Ange Aboa
BANGUI (Reuters) - La situation
humanitaire et sanitaire s'est gravement détériorée en Centrafrique depuis la
prise du pouvoir par les ex-rebelles du Séléka en mars, déclare Médecins sans
Frontières (MSF) mardi.
"Au plus fort de l'offensive
rebelle, les populations ont fui les affrontements et exactions pour se cacher
en brousse. Certaines y vivent toujours sans accès aux soins, abri, eau ou
nourriture", écrit l'organisation dans un appel lancé aux Nations unies et aux
bailleurs de fonds, en partenariat avec quatre autres ONG (Action Contre la
Faim, Médecins du Monde, Première Urgence-Aide Médicale Internationale et
Solidarités International).
Cet appel intervient avant la venue
jeudi à Bangui de Valerie Amos, responsable des opérations humanitaires de
l'Onu.
"Nombre de structures de santé ont
été pillées ou détruites et ont été désertées par le personnel médical", écrit
MSF dans son communiqué.
Selon Action Contre la Faim, le
risque de dégradation de la sécurité alimentaire est par ailleurs réel, de
nombreux champs ayant été abandonnés et des stocks de céréales
pillés.
"Une crise aiguë s'est superposée à
une urgence chronique", écrit MSF, qui ajoute que les services publics et
médicaux sont au bord de l'effondrement.
PAYS DANS
L'IMPASSE
"Les attaques et pillages sont
monnaie courante à Bangui, où le gouvernement intérimaire (...) a échoué à
maintenir l'ordre. Le pays est aux prises avec l'urgence humanitaire alors que
la communauté internationale reste indifférente", poursuit Médecins sans
Frontières.
Depuis son entrée en fonction en
avril, le président par intérim Michel Djotodia n'est pas parvenu à garder le
contrôle de ses combattants, accusés d'assassinats et d'atrocités à l'encontre
de leurs adversaires.
"Les agences onusiennes et beaucoup
d'organisations non gouvernementales se sont retirées dans la capitale, laissant
la majeure partie du pays sans aucune aide (...) Les gens ont effectivement été
abandonnés au moment même où ils ont le plus besoin d'aide", ajoute
MSF.
La directrice de mission de MSF,
Ellen van der Velden, a précisé que le nombre de cas de paludisme avait augmenté
d'un tiers par rapport à l'année dernière.
Le gouvernement centrafricain par
intérim n'a pas souhaité commenter l'appel lancé par MSF.
Dans ce contexte, les ONG appellent
les Nations Unies à "respecter leurs engagements et à réinvestir rapidement
l'espace humanitaire en RCA" et "les bailleurs de fonds à financer les activités
en place et à venir des ONG".
Selon l'OMS, la Centrafrique détient la deuxième espérance de vie la plus faible du monde -48 ans- et des taux de mortalité trois fois plus élevés que le "seuil d'urgence" qui définit une crise humanitaire.
Bate Felix; Hélène Duvigneau pour le service français
http://fr.news.yahoo.com/la-centrafrique-plong%C3%A9e-dans-le-chaos-et-abandonn%C3%A9e-172812132.html
3. La Centrafrique en proie au
"chaos"
Le Monde.fr avec AFP | 09.07.2013 à
18h51 • Mis à jour le 09.07.2013 à 19h23
Cinq ONG françaises lancent un cri
d'alarme devant "l'abandon" du pays par la communauté internationale. |
AFP/JORDI MATAS
Médecins sans frontières (MSF),
Action contre la faim (ACF), Médecins du monde (MDM), Première Urgence-Aide
médicale internationale (PU-AMI) et Solidarités international (SI) fustigent "l'insuffisance de la présence des Nations unies sur
le terrain et le manque de financement par la grande majorité des bailleurs de
fonds", dont certains "conditionnent leurs financements à venir à une réinstauration de la
sécurité", un statu quo "aussi
incompréhensible qu'inacceptable".
TOUTE LA POPULATION MENACÉE PAR LA FAIM
D'autant que la pénurie alimentaire
menace, préviennent les ONG. "En 2012, les
récoltes n'ont pas été bonnes" et "les réserves sont peu importantes", a
expliqué Bérengère Tripon, de SI.
Ces réserves ont ensuite souvent été
pillées, soit par des nomades, soit par la rébellion Séléka qui a pris le pouvoir en mars et multiplie depuis
les exactions ."On estime que la récolte
2013 couvrira un mois de besoins alimentaires alors qu'elle devrait en couvrir au moins six",
selon Mme Tripon.
Lire : L'Armée de résistance du Seigneur tue en
Centrafrique
Toute la population est menacée par
la faim. Thierry Mauricet, directeur général de PU-AMI, estime que "147 000 personnes sont déjà en restriction
alimentaire sévère", sur 4,5 millions d'habitants. Et depuis début
2013, indique Alain Coutand d'ACF, "le nombre d'enfants admis dans nos centres
nutritionnels a doublé" par rapport à 2012.
"LA SITUATION EST PIRE QU'ELLE N'A
JAMAIS ÉTÉ"
Quant au système de santé, il
agonise, l'approvisionnement en médicaments et fournitures médicales étant
interrompu, l'accès aux soins impossible par endroits. Or une flambée
de paludisme a déjà occasionné 60 000 consultations au premier trimestre dans
les structures soutenues par MSF (une hausse de 38 % par rapport à 2012) tandis
que rougeole et pneumonie sont en augmentation. Selon un rapport de de MSF
:
"La communauté internationale doit
considérer la Centrafrique comme une de ses priorités. La situation est pire
qu'elle n'a jamais été (...) le coup d'Etat a plongé la RCA dans le chaos. Des
pillages et attaques se produisent encore aujourd'hui dans la capitale. Les
bâtiments publics, les ministères, les écoles, les hôpitaux ainsi que des
maisons particulières ont été pillés et saccagés. Toutes les organisations
humanitaires travaillant dans le pays ont également été touchées . Les
résidences des agences des Nations unies et des ONG internationales ont été
pillées à de multiples reprises [à Bangui].
Cette situation laisse présager
"une aggravation des taux de mortalité dans
les prochains mois", y compris pour des pathologies "courantes et soignables", comme le
paludisme, avec "potentiellement une des
plus graves pandémies de ces dernières
années".
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/07/09/la-penurie-alimentaire-menace-la-centrafrique_3445128_3212.html
4. REPORTAGE.
Bangui, ville de la peur
Créé le 09-07-2013 à
18h22 - Mis à jour à 19h18
Un rebelle de la Séleka
(AFP)
Papier paru dans "Le
Nouvel Observateur" du 16 mai 2013
Portes détruites à
coups de crosse, rideaux, plafonniers, climatiseurs arrachés, tiroirs vidés par
terre, lits d'enfant disloqués, valises éventrées, vitres brisées. Le marchand a
tout perdu : son mobilier, ses stocks de marchandises entreposés dans un hangar,
sa machine à purifier l'eau, ses économies. Une vie réduite en miettes. "Ils ont
tout emmené dans un camion, ils étaient nombreux, ils tiraient partout", raconte
son fils en parcourant les salles jonchées de morceaux de papier, de vêtements
en lambeaux, d'éclats de verre. Le coffre-fort a été traîné dans le jardin,
mitraillé, puis forcé à la barre de fer. Il contenait, selon le jeune homme, "30
millions de francs CFA", l'équivalent de 46.000 euros. Furieux de ne pas pouvoir
emporter la Nissan blanche garée dans la cour, les pillards l'ont criblée de
balles. Anticipant leur venue, le père avait démonté et dissimulé les quatre
roues de la voiture.
Un mois et demi après
la prise de Bangui par les rebelles, presque tout le monde a été dévalisé,
riches et pauvres confondus, les villas protégées par de hauts murs comme les
huttes en pisé, les administrations de même que les usines et les lieux de
culte. "Ils ont volé mon congélateur, mes deux postes de télévision, un lecteur
de DVD, des draps, deux matelas mousse, une valise de vêtements, la moto de mon
fils", énumère Marianne, assise sur la seule paillasse qui lui reste. Dehors,
l'orage vient d'éclater. Une pluie battante s'infiltre à travers la toiture en
chaume. Pour remplacer sa cabane par un logement en dur, cette veuve, mère de
huit enfants, avait acheté une trentaine de sacs de ciment et de la tôle
ondulée. "Ils sont partis avec, se lamente-t-elle. Quand on fait un coup d'Etat,
on s'en prend au fauteuil du président, pas à la population. Ce n'est pas un
coup d'Etat. C'est du n'importe quoi !"
Putschs, dictatures et
mutineries depuis l'indépendance
Marianne parle
d'expérience. La Centrafrique enchaîne putschs, dictatures et mutineries depuis
l'indépendance, en 1960. Arrivé lui-même au pouvoir par les armes en
"N'importe qui peut se
revendiquer de la Séléka, dès lors qu'il porte une arme. Vous trouvez parmi eux
des braconniers, des coupeurs de route, des mercenaires tchadiens ou soudanais.
Chacun n'obéit qu'à son propre chef", explique le responsable d'une organisation
humanitaire qui vient de repousser trois tentatives de cambriolage au cours des
nuits précédentes. Des artères défoncées qui se vident dès le coucher du soleil,
des écoles fermées, une police invisible. La ville, qui ne mérite plus depuis
bien longtemps son surnom de "Bangui la Coquette", agonise. Seule la présence
d'une petite Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac) et de 450 soldats
français permet d'éviter un chaos généralisé. "Dix-huit types de la Séléka ont
occupé ma maison. Les plus jeunes avaient 16 ans à peine, raconte un directeur
de société. J'ai dû négocier avec leur colonel pour qu'ils épargnent le
mobilier. En échange, je leur ai filé 500 000 francs CFA [760 euros, NDLR] et le
4×4 de mon beau-père. Ils n'ont emporté que la télé." En attendant des jours
meilleurs, il réside au Ledger Plaza, l'unique palace, épargné par les
guérilleros, leurs chefs ayant décidé de s'y installer.
Scène de pillage au
Palais présidentiel centrafricain (AFP)
Chargé, au sein du
nouveau gouvernement, de la "sécurité", le général Noureddine Adam quitte
l'hôtel chaque matin pour rejoindre son ministère vandalisé comme les autres
bâtiments publics. "J'essaie de faire revenir les policiers, mais c'est très
difficile. Documents, chaises, tables, tout a disparu !" Ses guerriers n'ont
rien fait, jure-t-il devant l'un de ses aides de camp curieusement pourvu d'un
sac d'ordinateur portant l'estampille du Pnud, une agence des Nations unies. Il
fait entrer une commerçante détroussée pendant la nuit et la confronte à son
voleur menotté. Il attribue les exactions aux partisans de l'ancien régime, à
des "infiltrés", à des "bandits de Bozizé qui ont revêtu l'uniforme pour
commettre de mauvaises choses" et promet de rétablir l'ordre d'ici à un mois.
"Si on tuait, disons, 100 personnes, cela dissuaderait les autres, ajoute-t-il,
mais on respecte les droits de l'homme."
Visage anguleux, crâne
rasé, lunettes noires et complet gris de coupe saharienne, le général arbore,
tel un sceptre, une canne en ivoire coiffée d'argent. Tour à tour élève à
l'académie de police du Caire et membre, "durant huit ans", précise-t-il, de la
garde rapprochée du cheikh Zayed aux Emirats arabes unis, il présente le
parcours d'un soldat de fortune. Il aurait même été formé par les forces
spéciales israéliennes. Il se défend d'être, comme le prétend la rumeur,
originaire du Tchad, un Etat avec lequel il entretient des liens étroits, à
l'instar de nombreux rebelles. "On a la même langue, le même accent de part et
d'autre de la frontière, alors on nous confond." Fils d'un imam, il vient de ce
Nord méprisé, laissé en friche par les régimes successifs. "Bozizé a fait
beaucoup de mal aux musulmans. Il les a torturés, tués. Vous ne pouvez pas
imaginer. Mais nous ne ferons pas la même chose, assure-t-il. Nous ne tolérerons
aucun acte hostile commis au nom de la religion."
Les risques d'un
conflit confessionnel
L'arrivée de musulmans
à la tête d'une Centrafrique au trois quarts chrétienne laisse planer le risque
d'un confit confessionnel. Une peur attisée par l'ex-président pour sauver son
trône et ravivée par les abus de la Séléka. "L'Eglise catholique a payé un très
lourd tribut !" s'écrie Mgr Dieudonné Nzapalainga. L'archevêque de Bangui
déplore le vol d'une centaine de véhicules à travers le pays, le mitraillage de
la Fraternité des Capucins, la profanation de l'oratoire des soeurs à Markounda,
le sac de l'orphelinat voisin... "Ils ont même enlevé les câbles et les néons."
Jugé plus sûr, son archevêché, situé à la sortie de la ville, sur les bords de
l'Oubangui, abrite une soixantaine de voitures appartenant à ses
ecclésiastiques. A Bossangoa, des séminaristes ont été contraints, sous la
menace des armes, de porter leurs lits jusqu'à une base rebelle. Ailleurs, un
prêtre lazariste a dû céder sa bourse, le couteau sous la gorge... "C'est de
l'humiliation ! s'indigne le prélat. Pourquoi ces attaques contre les pères et
les soeurs ? Pour qu'ils partent ? Pour installer l'islam à leur place ? Si ce
n'est pas le cas, qu'on le dise."
Une accusation
récurrente à Bangui. Les musulmans n'ont-ils pas échappé pour la plupart aux
pillages ? Les objets volés ne finissent-ils pas sur les étals de leur quartier,
appelé Kilomètre Cinq ? Redoutant d'être vus en compagnie d'un journaliste, deux
défenseurs des droits de l'homme s'installent à l'écart, dans un bar désert
ouvert à leur demande. Ils affirment que les insurgés obéissent à un plan :
"Partout où ils arrivent, ils s'attaquent systématiquement aux registres d'état
civil", dit l'un. "Ils veulent changer la démographie en leur faveur", ajoute
son compagnon. La preuve ? Des miliciens de la Séléka viennent encore de
saccager les locaux de la police judiciaire. "Ils ont détruit la base de données
qui sert à établir les cartes d'identité, puis ont crié : "Maintenant, on est
centrafricains.""
Règlements de
compte
Certains profitent des troubles pour régler des comptes. Le 14 avril, des centaines de rebelles ont investi Boy-Rabe, un faubourg de Bangui adossé à une colline, connu pour être un fief de l'ancien président. "Quand ils trouvaient un militaire ou un policier, ils l'abattaient froidement, raconte un chef de quartier. Ils disaient qu'ils cherchaient des armes, mais ils nous ont tout pris. Une fois la benne remplie, ils ont obligé le chauffeur à la conduire. Pour le forcer, ils ont tiré sur sa femme, assise devant sa porte avec son bébé." Bilan : au moins une vingtaine de morts, probablement le double.
A Bangui en mai dernier (AFP)
A Bimbo, une bourgade
à
Claquemuré dans une
villa audessus de la ville, le nouveau chef de l'Etat, Michel Djotodia, a
délaissé l'édifice très décati, à l'architecture tubulaire, légué par Bokassa
Ier, son lointain prédécesseur. "Je me suis installé ici parce qu'au palais de
la Renaissance on a trouvé des choses diaboliques, explique-t-il. Des bocaux
remplis de miel et de sang, des ossements, des ongles de bébé. Bozizé y avait
aménagé une chambre secrète pour ses cérémonies vaudoues." A la veille d'un
sommet avec les bailleurs de fonds, l'ancien chef rebelle promet de cantonner
ses troupes et de ramener l'ordre. Il doit à tout prix trouver de l'argent pour
payer les salaires des fonctionnaires qui refusent de reprendre le travail et,
surtout, récompenser ses guérilleros. "Nous allons envoyer nos hommes hors de
Bangui, dit-il, mais pour cela nous avons besoin de moyens financiers." L'un de
ses gardes postés à l'entrée se plaint de ne pas avoir "à
manger".
Qui tient les
commandes ? "Les généraux !"
Michel Djotodia
demeure un mystère. Réputé proche du Soudan, pays où il a exercé les fonctions
de consul, il réfute l'étiquette d'islamiste que ses adversaires tentent de lui
accoler, tout en entre tenant le fou sur ses projets. Les élections ? "Elles
auront lieu en 2014 ou en
Cette fois, la France
refuse d'intervenir dans son ex-colonie, qui fut pendant des décennies l'une de
ses principales chasses gardées. Elle préfère laisser les pays de la région
gérer la crise, Tchad en tête, son grand allié dans la lutte contre les
djihadistes maliens. Ses soldats se bornent à défendre une communauté réduite à
quelque 800 ressortissants et qui rapetisse un peu plus après chaque vol
hebdomadaire d'Air France, la seule grande compagnie à desservir encore Bangui.
Son ambassade, bardée de sacs de sable, est l'une des dernières représentations
étrangères présentes. Même les organisations humanitaires commencent à plier
bagage. La Centrafrique, classée parmi les pays les plus pauvres de la planète,
malgré la richesse de son sous-sol, qualifiée déjà d'Etat fantôme dans un
rapport d'International Crisis Group de 2010, va-t-elle voler en éclats ? "Si
rien n'est fait, nous risquons une dérive à la somalienne", prévient Margaret
Vogt, représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU. Elle a fait partir
les deux tiers de son personnel. "Nous sommes encore là, mais j'ignore pour
combien de temps, dit-elle. Vous avez vu à l'extérieur de notre campement ? Il
n'y a personne pour nous protéger !"
Christophe Boltanski -
Le Nouvel Observateur
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130709.OBS8716/reportage-bangui-ville-de-la-peur.html?xtor=RSS-17
5. Centrafrique: les
ONG lancent un cri d'alarme
Des combattants du
groupe rebelle Seleka dans les rues de Bangui, en mars, après le renversement du
président Francois Bozize. (Photo Reuters)
Par THOMAS HOFNUNG
Libération
Au beau milieu
du bain de sang en Syrie, des relents de guerre civile en Egypte et de la
délicate stabilisation du Mali, comment faire pour mobiliser l'attention sur le
drame silencieux que subit la République centrafricaine? Ce mardi, cinq ONG
françaises ont uni leurs voix pour tenter de tirer de l'oubli général cette
ex-colonie française en proie au chaos. Lors d'une conférence de presse
organisée dans les locaux de Médecins sans frontières (MSF), à Paris, les
humanitaires ont sonné l'alarme, assurant que ce pays en plein centre du
continent était sous la menace d'une crise sanitaire et alimentaire
majeure.
«Sur une population
estimée à environ 5 millions d'habitants, 500 000 sont en grande
difficulté, a indiqué Thierry
Mauricet, de l'ONG Première Urgence. Parmi
eux, 147 000 vivent dans une situation d'insécurité
alimentaire.» Dans ce pays enclavé, en proie à une instabilité
politique chronique depuis trois décennies, la situation s'est encore aggravée
avec la chute, en mars, du président François Bozizé, chassé du pouvoir par les
rebelles du mouvement Séléka. «Depuis trois
mois, tout est bloqué, les bailleurs de fonds ont gelé leur aide,
s'alarme un humanitaire. Il ne se passe
plus rien, sauf la lente désagrégation de ce qui restait
d'administration.»
Sur des besoins
estimés par les ONG à quelque 90 millions de dollars, seuls 10% de ces fonds
sont disponibles, ont relevé les associations. Dans un tel contexte, la crise
humanitaire prend de l'ampleur jour après jour. «D'après nos estimations, 60% de nos patients
séropositifs ont interrompu leurs traitement, affirme le nouveau
président de MSF France, Mégo Terzian. Il
en va de même pour les patients atteints de tuberculose. Car même à Bangui, la
capitale, il est difficile de s'approvisionner en
médicaments.»
«Dans nos centres
nutritionnels, nous enregistrons sur la première moitié de l'année deux fois
plus d'admissions d'enfants qu'en 2012», s'inquiète Alain
Coutand, d'Action contre la faim (ACF). Et ce constat est très partiel, de
nombreuses zones du pays étant inaccessibles, essentiellement pour des raisons
de sécurité. «Les champs ne sont pas
préparés, il va falloir couvrir les besoins alimentaires d'une large partie de
la population d'ici à l'an prochain», renchérit Bérangère Tripon, de
Solidarité International.
Avec la corruption,
qui gangrène la Centrafrique, la sécurité est le problème numéro 1 auquel font
face les ONG. «Un appui sécuritaire de la
communauté internationale est nécessaire», assure Alain Coutand,
d'ACF. Les 1 200 hommes de la Fomac, la force multinationale africaine déployée
dans le pays, sont incapables de faire face à la multiplication des
groupes armés. Bien loin de rassurer la population, ils aggravent le sentiment
d'insécurité générale: «La Fomac est
composée pour un quart de soldats tchadiens, de même nationalité qu'une partie
des ex-rebelles de la Séléka», remarque un humanitaire. «A quand une force
d'interposition?», a lancé le représentant de Première Urgence. Mais
cette demande ne fait pas l'unanimité parmi les humanitaires, notamment chez
MSF, traditionnellement très réticent vis-à-vis du risque de mélange des genres.
«L'ONU, qui démarre une opération de
maintien de la paix au Mali, n'est pas prête à s'investir en
Centrafrique, confie un humanitaire. La solution ne peut venir que des Africains
eux-mêmes.»
Les ONG sont en
revanche unanimes pour demander aux bailleurs de fonds de prendre leurs
responsabilités. «Exiger comme condition
préalable la bonne gouvernance en Centrafrique avant de débloquer des fonds,
c'est se condamner à ne rien faire, observe un autre responsable
d'ONG. Il faut absolument trouver un modus
operandi permettant d'agir dans un pays où l'administration s'est totalement
effondrée.» Sous-entendu en limitant l'évaporation d'une partie de
ces fonds.
http://www.liberation.fr/monde/2013/07/09/centrafrique-les-ong-lancent-un-cri-d-alarme_917085?xtor=rss-450
6. "Les
Centrafricains ne doivent pas rester les grands
oubliés"
Dans un centre de
nutrition de MSF à Paoua (LIONEL HEALING / AFP)
Bernard Leménager est
chirurgien. Il revient tout juste de République centrafricaine où il était parti
pour MSF.
Quelle est la
situation en ce moment dans le pays ?
- J'étais à Paoua qui
se trouve dans le Nord-Ouest de la Centrafrique, pas très loin de la frontière
avec le Tchad, dans un hôpital que MSF a repris il y a 5 ou 6 ans, un endroit
qui avait été sinistré par la rébellion locale en 2008 mais n'a pas été
tellement touché par les événements fin mars. On peut donc dire qu'il reflète
l'état général du pays où tout est désorganisé : il n'y a plus d'Etat, plus
d'administration, une insécurité permanente… Notre hôpital fonctionne parce
qu'il s'agit d'un hôpital MSF avec du personnel local payé par MSF, du
ravitaillement MSF, de la logistique MSF… Mais j'ai reçu un gamin hospitalisé 15
jours avant à Bozoum, la grande ville du Nord-Ouest, après avoir été pris dans
un éboulement. Il avait une luxation de hanche, donc un problème qui se voit à
l'œil nu, et il n'avait pas eu de radio parce qu'à Bozoum il n'y a pas de radio
possible ! Le système de santé est inexistant.
Et puis, on commence
aussi à ressentir la malnutrition, même si le pire reste à venir. Et avec
l'arrivée de la saison des pluies ces jours-ci, le paludisme connaît une
recrudescence.
Le paludisme se soigne
assez bien en principe maintenant…
- Oui, ça se soigne.
Mais à condition d'avoir accès à un système de santé. Si on considère les
infrastructures de MSF par exemple : nous avons l'hôpital central à Paoua où les
gens de la ville peuvent venir facilement. Nous avons ensuite les centres de
santé à
Malgré le manque de
financement international, il est possible de travailler en
RCA?
- La situation
est un peu biaisée parce que MSF fonctionne avec des fonds propres, ceux de nos
donateurs. Nos programmes continuent, avec les difficultés liées au pays – nous
nous sommes fait piquer tous notre matériel à Bangui au moment des derniers
événements par exemple, mais nous parvenons à joindre les deux bouts. En
revanche, les autres ONG, qui fonctionnent sur fonds institutionnels n'ont pas
cette liberté de continuer à exercer depuis que les institutionnels se sont
désengagés. Et nous avons beaucoup de mal à mobiliser pour ce pays où vivent 4,5
millions de personnes étalées sur un pays aussi grand que la France. Pourtant,
ces gens magnifiques sont dans une détresse folle. Il ne faut pas qu'ils restent
les grands oubliés.
Propos recueillis par
Céline Lussato – Le Nouvel Observateur
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130709.OBS8661/les-centrafricains-ne-doivent-pas-rester-les-grands-oublies.html?xtor=RSS-17
7. Centrafrique: des discussions à Addis-Abeba
pour sortir le pays de la crise
RCA -
- Article
publié le : mardi 09 juillet 2013 à 11:47
Par Céline
Lussato
L'association Action Contre la Faim
eu République Centrafricaine. (JDD/SIPA)
Alain Coutand,
directeur régional à Action contre la Faim, en appelle avec quatre autres ONG
(1) aux Nations unies : une mobilisation est urgente "au risque, sinon, de
se retrouver avec une crise humanitaire sans précédent au centre de
l'Afrique."
Pourquoi lancer un
appel pour la République Centrafricaine ce mardi 9 juillet
?
- Cela fait, tout
d'abord, plus de quatre mois que la crise humanitaire a éclaté avec le coup
d'Etat de la Seleka et nous sommes plus qu'étonnés du silence de beaucoup
d'acteurs. Ensuite, il y a, ces jours-ci, la visite en République centrafricaine
de Valérie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations unies. Et nous
souhaitons l'interpeller pour lui demander de réinvestir le champ humanitaire
dans la région. Il y a urgence.
La situation
humanitaire se détériore dans un pays où les crises se succèdent depuis des
décennies. Comment se manifeste cette aggravation ?
- Sur un terreau
chronique, faire ressortir une crise est effectivement souvent difficile. On le
fait donc, aussi, au moment où il y a de vrais chiffres le démontrant.
Concrètement, pour ACF, cette crise se manifeste notamment par le doublement en
mai du nombre d'enfants malnutris dans les centres que nous appuyons, doublement
par rapport à l'année passée et donc à une époque déjà compliquée. Autre
indicateur : on a l'habitude de villageois qui vivent de l'agriculture avec
trois ou quatre mois de réserve. Or, aujourd'hui, ils ont à peine un à deux mois
de réserve alimentaire. On est donc dans l'anticipation d'une crise encore plus
grave.
Vous soulignez
l'insuffisance de l'action des Nations unies. Comment l'expliquez-vous
?
- Les conditions
sécuritaires expliquent pour beaucoup le manque d'action des Nations unies qui
sont présentes à Bangui et, en dehors du pays, à Yaoundé puisque pour ces
raisons sécuritaires ils effectuent des rotations avec le Cameroun. Cela nous
paraît bien insuffisant par rapport aux enjeux actuels. Certes, il est difficile
de travailler en RCA mais on peut le faire. Beaucoup d'ONG sont présentes et
travaillent sur place. Les Nations unies doivent réinvestir d'urgence ce champ
là.
Quelles sont les
mesures d'urgence nécessaires ?
- Il est possible de
travailler sur le terrain même, en dehors de Bangui, de travailler avec les
communautés en direct, d'interagir avec les départements malgré les difficultés
administratives. Il y a aussi des possibilités d'appuyer financièrement les
organisations de solidarité sur le terrain, qu'elles soient religieuses ou
non... Il y a une myriade d'actions possibles ! Mais il faut être sur place
pour les mettre en place, pour comprendre la meilleure façon de procéder,
comprendre qu'il y a un impact de ces actions malgré le panorama extrêmement
noir qui pèse sur le pays.
L'appel lancé vise à
une amélioration de la situation humanitaire. Une stabilisation politique dans
le pays ne permettrait-elle pas de faciliter une sortie de crise humanitaire
?
- Nous en appelons
aussi les instances politiques, tant au niveau de l'Union africaine que de la
Communauté des Etats d'Afrique centrale pour trouver une solution politique.
L'un des préalables à la sortie de crise étant le retour à une situation
sécuritaire normale et à une structure gouvernementale au moins reconnue
partiellement. Il faut que la communauté internationale – la France, l'Union
européenne, l'Union africaine – déploie une force internationale de maintien de
la paix, quelle que soit sa forme. La population doit reprendre confiance dans
le gouvernement actuel pour que les ONG puissent travailler
mieux.
La grille géopolitique
est complexe, le panorama assez noir, mais, avec des moyens, on peut travailler.
La communauté internationale doit donc se mobiliser sur les questions
humanitaires et sécuritaires au risque, sinon, de se retrouver avec une crise
humanitaire sans précédent au centre de l'Afrique.
Propos recueillis par
Céline Lussato - Le Nouvel Observateur
(1) Médecins sans
frontières, Médecins du monde, Première urgence et solidarités
international.
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130708.OBS8571/centrafrique-le-panorama-est-noir.html?xtor=RSS-19
8.
CENTRAFRIQUE. "Pour les Nations unies, c'est wait and see"
Créé le 09-07-2013 à
01h02 - Mis à jour à 12h02
Par Céline
Lussato
Médecins Sans Frontières participent
aux aides locales en République Centrafricaine. (CHIP EAST/SIPA)
Mégo Terzian est
président de Médecins sans frontières. Avec quatre autres ONG (1), il appelle à
lever le voile sur la très grave crise qui secoue le pays, et l'inaction des
Nations unies et autres bailleurs de fonds.
En quoi la situation
humanitaire s'aggrave encore en République centrafricaine (RCA)
?
- La situation est
encore pire. C'est une crise sous une autre crise. L'approche des Nations unies
et des autres bailleurs de fonds c'est : wait and see – on attend et on
verra bien. Ce système attentiste n'est pas en adéquation avec la réalité
d'aujourd'hui. Certains disent attendre le retour d'une stabilité sécuritaire et
politique pour agir. Le Conseil de sécurité attendait une réponse africaine pour
agir et n'a pas bougé. Tous les autres acteurs se sont également renvoyés la
balle...
A cet attentisme
s'ajoute un autre problème : lorsqu'il y aura un gouvernement stable, les
acteurs du développement risquent de dire que ce dernier ne sera pas en capacité
d'utiliser des fonds pour la santé. L'UE qui est en train d'établir son
programme de développement 2014-2020 n'a, par exemple, pas inscrit la santé en
priorité pour la Centrafrique. L'UE reconnaît qu'il y a un énorme problème de
santé dans le pays et il y aura sans doute des fonds débloqués, mais pas en
priorité !
Le manque de
financement de ce secteur est criant. 21 millions de dollars d'aide
internationale consacrée à la santé étaient programmés pour 2013. Pourtant, fin
juin, seulement 2,8 millions avaient été déboursés, soit 13% du montant
global.
Comment expliquer le
silence qui pèse sur la RCA et l'inaction
internationale ?
- Je ne connais pas
les vraies raisons de cette situation. Il me semble que la majorité de la
communauté internationale n'y voit pas d'intérêt politique ou économique.
Mais aujourd'hui, on ne peut plus réduire les aides financières consacrées pour
ce pays, étant donnée la situation sanitaire. A MSF, nous enregistrons dans nos
centres de santé des chiffres alarmants : il y a par exemple en ce moment
40% de cas de paludisme en plus que l'année dernière, une maladie facilement
traitable mais qui reste la première cause de décès.
Que
pronostiquez-vous en cas de poursuite de l'inaction internationale en
Centrafrique ?
- Les risques sont
majeurs en terme de santé. S'il n'y a pas plus de fonds et plus d'actions en
dehors de Bangui, dans les régions, les problèmes sanitaires vont s’accroître.
Déjà, 70% au moins des patients séropositifs ont rompu leurs médicaments en
raison des ruptures d'approvisionnement. De même pour 50% des tuberculeux qui ne
trouvent plus leurs médicaments. Les centres de santé en périphérie n'ont plus
de médicaments pour prendre en charge les diarrhées ou le paludisme, et le
nombre de décès évitables va se démultiplier. Sans compter la malnutrition
infantile qui se profile. Or, les quelques rares acteurs qui restent sur le
terrain, dont nous sommes, MSF, ne pourront pas assurer les fonctions d'un
véritable ministère de la Santé.
La venue à
Bangui de Valérie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations unies
chargée des affaires humanitaires, est-elle de bon augure pour un
accroissement de l'aide onusienne ?
- Si elle se décide
à venir à Bangui, c'est sans doute qu'elle est consciente des difficultés de ce
pay. Je veux être optimiste sur sa décision d'augmenter les aides destinées à la
République centrafricaine.
Propos recueillis
par Céline Lussato – Le Nouvel Observateur
(1) Action contre la
faim (ACF), Médecins du monde, Première urgence et solidarités
international
9.
La voix
centrafricaine des sans voix
Une journaliste
courageuse, Sylvie Panika, dirige la Radio Ndeke Luka, seule « radio locale
à dire la vérité » selon les auditeurs centrafricains.
9/7/13
Au micro de Radio Ndeke Luka, Sylvie
Panika donne la parole aux victimes d’exactions commises à Bangui, depuis le
coup d’état du 24 mars 2013 (OLIVIER TALLES).
La journée commence
par un défilé de plaignants. Hommes ou femmes, paysans ou professeurs, anonymes
ou VIP : les victimes d’exactions commises à Bangui, la capitale de la
Centrafrique, sont accueillies chaque matin par la directrice de Radio Ndeke
Luka, Sylvie Panika, et ses
journalistes.
Une mère détaille à
l’antenne le vol de sa voiture. Un homme au visage maculé de sang témoigne des
circonstances de son agression. Les coupables ? Tous pointent du doigt les
anciens rebelles de la Séléka qui ont pris le pouvoir le 24 mars
dernier.
Les journalistes
écoutent, notent, enregistrent puis recoupent les témoignages. « Les
gens viennent se plaindre à la radio comme ils vont à la clinique ou au
commissariat, explique Sylvie Panika. Nous relayons sur les ondes le
ras-le-bol de la population et l’incapacité des autorités à rétablir la
sécurité. Mais nous devons redoubler de vigilance. » En ces heures
où la plupart des auditeurs sont prêts à croire n’importe quelle rumeur contre
les auteurs du coup d’État, la crédibilité de la rédaction est en
jeu.
Dans le paysage
médiatique centrafricain dévasté par les crises politiques à répétition, Radio
Ndeke Luka (« l’oiseau de la chance en Sango ») a valeur
d’institution que l’on vive à Bangui ou dans un village de brousse isolé à la
frontière du Congo Brazzaville. « D’après un sondage mené par la radio
Voice of America, nous concentrons 80 % des auditeurs de la
Centrafrique », se félicite sa directrice. Le public reconnaît le
sérieux de ses journalistes et loue l’impartialité des
émissions.
Son indépendance,
Radio Ndeke Luka la doit à son histoire singulière. C’est une enfant du programme
Hirondelle, une fondation suisse qui soutient des médias
d’information dans les pays en crise.
Aujourd’hui, des
fonds de l’Union européenne, de la coopération suisse et de l’ambassade
américaine assurent 80 % du budget, le reste provenant de la régie
publicitaire. « Nous conservons un statut
d’association, précise la directrice, ce qui nous donne une liberté
de ton unique dans ce pays. »
Du haut de ses
45 ans, la journaliste parle d’expérience. Après des études en
communication au Caire, puis une formation en France, Sylvie Panika a passé dix
années à la Radio nationale, subissant la censure et les pressions en tout
genre. Quand Radio Ndeke Luka part à la conquête des ondes en 2000, elle se
lance dans l’aventure. « Dès lors, j’ai pu mettre en pratique les règles
du journalisme sérieux et exigeant », se félicite-t-elle. Les
reportages s’enchaînent, au rythme des coups d’État et des violences qui
émaillent l’histoire de la Centrafrique.
En treize ans,
Sylvie Panika a perdu le compte des menaces proférées contre la station et ses
passeurs d’informations. « Les derniers temps du régime du président
Bozizé ont été très dur, confie-t-elle. Des correspondants ont été
obligés de fuir en brousse. On n’a pas eu de nouvelles d’eux pendant des
mois. »
Au lendemain du coup
d’État du 24 mars, la radio est pillée par les rebelles comme presque tout
ce qui brille à Bangui. Les soudards volent la voiture, les quatre motos des
reporters, les ordinateurs, tout l’argent.
Le personnel n’est
pas épargné. Un fusil braqué contre son torse, la directrice doit donner son
passeport, son téléphone et son portefeuille à des soldats en traversant un
barrage. « Depuis la prise de pouvoir de la rébellion Séléka, nous
n’avons jamais subi autant de pression de la part des
autorités, observe-t-elle. Le ministre de la communication nous a
avertis à maintes reprises qu’il n’avait pas les moyens de garantir notre
sécurité. Des membres de la Séléka appellent, insultent,
menacent. »
Mais cette mère de
cinq enfants a appris à vivre avec la peur. Son mari, journaliste comme elle,
comprend et soutient son combat. « Je n’ai jamais eu envie de
partir, affirme Sylvie Panika. Si cette radio disparaît, la
population perdra l’un des rares outils pour se faire entendre. Nous sommes
la voix des sans-voix. »
-----------------------------------------------------------
La passion de Sylvie
Panika pour les médias a été attisée par deux hommes : son père et son mari. Le
premier éprouvait de la fascination pour les voix féminines de la radio, au
point de donner à sa fille le deuxième prénom de Jacqueline, en hommage à une
animatrice célèbre de la radio nationale. « Mon mari m’a aussi beaucoup
aidé à devenir ce que je suis », précise Sylvie Panika. Présentateur du
journal du matin à la Radio nationale, correspondant de Radio France
International puis de l’Agence France-Presse, Christian Panika est un des
journalistes les plus chevronnés de la Centrafrique.
OLIVIER TALLÈS (à
Bangui, envoyé spécial)
http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/La-voix-centrafricaine-des-sans-voix-2013-07-09-984162
10. En
Centrafrique, instabilité et crise humanitaire sous le nouveau
régime
Créé le 30-06-2013 à
13h42 - Mis à jour à 13h42
Plus de trois mois
après la prise du pouvoir par la rébellion Séléka, accusée de multiplier
pillages et exactions sur les civils, l'instabilité perdure en Centrafrique, où
de nombreuses ONG pointent du doigt une grave crise humanitaire. (c)
Afp
Libreville (AFP) - Plus de trois
mois après la prise du pouvoir par la rébellion Séléka, accusée de multiplier
pillages et exactions sur les civils, l'instabilité perdure en Centrafrique, où
de nombreuses ONG pointent du doigt une grave crise
humanitaire.
Le dernier incident à Bangui date de
vendredi soir, où des heurts ont éclaté entre civils et hommes du Séléka dans le
nord de la capitale, faisant six morts et 25 blessées, selon une source
policière.
Ces violences faisaient suite à une
manifestation qui a dégénéré après la mort d'un étudiant enlevé jeudi par des
membres de l'ancienne rébellion arrivée au pouvoir en mars après dix ans du
régime de François Bozizé.
Les tensions se sont ensuite
propagées dans plusieurs quartiers de la capitale, où des coups de feu ont été
entendus jusqu'en milieu de soirée.
"Il semble qu'il y ait eu une
augmentation des incidents ces dernières semaines à Bangui, relève Isabelle Le
Gall, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) en Centrafrique.
Cependant, la situation sécuritaire n'a jamais été réglée. Même s'il y a eu un
semblant d'accalmie, les exactions ont continué à Bangui et dans l'intérieur du
pays".
"Bangui connait des éclats de
violences ponctuels depuis plusieurs mois: il y a des quartiers qui se vident de
leurs habitants terrorisés, qui se réfugient dans les hôpitaux, et puis ça se
calme", explique Vincent Pouget, délégué communication du Comité international
de la Croix-Rouge (CICR) à Bangui.
Depuis plusieurs semaines, les ONG
présentes en Centrafrique ne cessent de dénoncer les problèmes d'insécurité, de
pillages ou de meurtres, mais aussi de nombreux cas de viols et abus sexuels sur
les populations.
Human Rights Watch (HRW) a affirmé
jeudi dans un communiqué que les hommes du Séléka "ont pris pour cible et tué au
moins 40 civils et ont intentionnellement détruit 34 villages ou villes depuis
février".
Les habitants exaspérés continuent
eux aussi à pointer du doigt les anciens rebelles comme responsables des
incidents.
"Ils défient toute hiérarchie et
donnent uniquement allégeance à leur chef militaire (...) ils refusent de se
faire désarmer", ont déclaré les évêques dans un message lu le 23 juin lors
d'une messe solennelle à la Cathédrale Notre Dame de
Bangui.
Les critiques se font entendre
jusque dans les rangs des Séléka, un regroupement de plusieurs ex rébellions de
cette ancienne colonie française.
Plusieurs cadres du mouvement, parmi
lesquels une importante figure, le général Mohamed Dhaffane, ont demandé jeudi
l'ouverture d'un "dialogue inter-Séléka".
Ils fustigent "la marginalisation de
la plus importante frange des combattants et militaires de Séléka", ainsi que la
poursuite "des braquages, de pillages et autres graves
exactions".
Sévère pénurie
alimentaire
"Il faut dire que les choses
s'accumulent", souligne Vincent Pouget: "Les fonctionnaires ne sont pas payés,
les porteurs d'armes ne sont pas payés, et ça fait plus de trois mois que ça
dure. Tant que des fonds ne seront pas débloqués, cela ne pourra pas
s'arranger".
Depuis la prise de Bangui par le
Séléka le 24 mars, et la fuite du président Bozizé, le nouveau pouvoir peine à
remettre en route une économie exsangue.
Le coup de force n'a fait
qu'aggraver la situation car la Centrafrique, qui a connu depuis son
indépendance en 1960 une longue série de coups d'Etat, rébellions et mutineries,
était déjà l'un des pays plus pauvres de la planète malgré la richesse de son
sous-sol (uranium, diamants, or, pétrole...) encore
inexploitée.
En attendant, une grave crise
humanitaire sévit sur l'ensemble du territoire, disent les ONG. Selon un
communiqué signé par plusieurs ONG dont Action contre la faim, Save the Children
ou encore le Secours catholique, elle affecte "toute la population de
Centrafrique, 4,6 millions de personnes".
Selon elles, "plus de 60.000 enfants
et familles souffrent d'une sévère pénurie alimentaire", et "plus de 200.000
enfants et familles ont été forcés de fuir leurs habitations ces six derniers
mois et ont besoin de logements d'urgence, de nourriture et de soins
médicaux".
"L'ONU estime que la RCA (la
République centrafricaine) a besoin d'environ 97 millions d'euros d'aide, mais
les dons reçus ne couvrent pour l'instant que 43 % de ces besoins", rappelle le
communiqué.
"La situation a beau être
catastrophique, la communauté internationale porte très peu d'attention à ce
pays", résume Isabelle Le Gall.
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130630.AFP8021/en-centrafrique-instabilite-et-crise-humanitaire-sous-le-nouveau-regime.html?utm_source=outbrain&utm_medium=widget&utm_campaign=obclick&obref=obinsource
Dossier spécial sangonet : Le chaos et la descente de la République centrafricaine dans la profondeur abyssale dans l’indifférence totale. L’urgence de se mobiliser (Juillet 2013)