Nourriture ou transfert d'argent, le PAM reste ouvert au débat
JOHANNESBURG, 9 mars 2007 (IRIN)
- Le Programme alimentaire mondial vient de publier un document
sur le débat actuel « nourriture ou argent » comme meilleur
moyen de venir en aide aux populations, document dans lequel l'auteur,
Ugo Gentilini, plaide en faveur d'une « ouverture d'esprit »
face aux deux solutions.
Le document, 'Cash and Food Transfers: A Primer' (Transferts d'argent
et de nourriture : lequel choisir ?) est consacré en bonne
partie aux transferts d'argent, mais il explique que les
différentes conditions dans lesquelles l'argent ou la nourriture
pourrait assurer de manière efficace la sécurité alimentaire
montrent que les deux options doivent être perçues comme des «
transferts complémentaires qui se renforcement mutuellement ».
L'argent ou les coupons de rations alimentaires pourraient-ils
remplacer valablement les livraisons de sacs de nourriture
destinées à l'aide alimentaire aux personnes vulnérables ?
Dans une étude réalisée par le PAM, qui gère 40 à 50 pour
cent de l'aide alimentaire mondiale, l'agence se dit favorable à
« toute initiative créative visant à mieux faire comprendre
les conditions dans lesquelles l'argent, la nourriture, ou les
deux peuvent être la solution la plus appropriée pour venir en
aide aux personnes vulnérables », a indiqué M. Gentilini du
service de la protection sociale et des moyens de subsistance du
PAM.
Selon l'agence onusienne, des transferts d'argent bien ciblés et
contrôlés pourraient être efficaces lorsque les marchés
alimentaires sont régulés et que les prix sont stables. En
revanche, lorsqu'ils ne le sont pas, comme c'est souvent le cas
dans les situations d'urgence, l'aide alimentaire reste le moyen
le plus efficace pour sauver des vies humaines.
« Le fait que les personnes puissent à tout moment choisir ce
qu'elles veulent acheter est un puissant argument qui plaide en
faveur de l'argent. La question alors est de savoir si les
conditions sont réunies pour permettre à ces personnes de faire
ce choix, ou si certaines contraintes les en empêchent », a
souligné M. Gentilini.
« Par exemple, lorsque les marchés ne sont pas régulés, les
bénéficiaires des transferts d'argent ne peuvent pas acheter de
la nourriture. En conséquence, donner de l'argent à ces
personnes dans de telles conditions ne ferait que les exposer à
des risques de rupture d'approvisionnement ».
En janvier 2007, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture
(FAO), autre agence des Nations Unies, recommandait dans son
rapport annuel 2006 'La situation mondiale de l'alimentation et l'agriculture
(SOFA) ' que l'aide soit distribuée sous la forme de
contribution financière ou de coupons de rations, au lieu des
livraisons d'aide alimentaire habituelles qui peuvent affecter
les producteurs et les marchés des pays bénéficiaires et
déstabiliser le commerce international.
L'aide alimentaire ne doit, de manière explicite ou implicite,
être liée à aucune transaction commerciale ou service dans le
pays donateur, souligne le rapport de la FAO qui se fait l'écho
de ce que disent depuis plusieurs années la plupart des agences
de développement telles qu'Oxfam.
Pour Paul Harvey, analyste à la cellule de réflexion
britannique, Overseas Development Institute (ODI), et auteur de
nombreux articles sur ce sujet, les agences humanitaires « qui
disposent des plus gros moyens pour fournir une aide sous la
forme de contribution financière ou de nourriture ne pensent
même pas que l'argent peut constituer une alternative ou un
complément à l'aide alimentaire, parce leurs ressources sont
étroitement liées aux excédents alimentaires des donateurs ».
La quasi-totalité de l'aide alimentaire fournie par les Etats-Unis
est liée à leur système nationale d'approvisionnement, de
traitement et de livraison et beaucoup d'autres donateurs sont
ont les mêmes exigences, souligne le rapport SOFA.
Les deux solutions sont bonnes
Selon M. Gentilini, les réponses souvent faites dans le débat 'nourriture
ou argent', et qui associent la « nourriture aux cas d'urgence,
et l'argent aux projets de développement », sont des «
distinctions dépassées ».
« Transferts d'argent et de nourriture peuvent être associés
dans des contextes d'urgence et de développement humanitaires.
Toutefois,
l'argent seul ne semble pas être une solution appropriée lorsqu'il
est distribué immédiatement après une situation de crise ».
M. Gentilini note également que jusqu'à présent, la plupart
des transferts d'argent ont été réalisés pour financer des
projets pilotes, ce qui explique qu'il est difficile de
déterminer leurs effets à plus long terme ou sur une plus
grande échelle.
« Les études dont nous disposons n'ont pas encore atteint une
« ampleur suffisante » pour nous permettre de tirer des
conclusions fiables. Les transferts d'argent restent marginaux
par rapport à l'ampleur des opérations d'aide alimentaire. Les
nouveaux projets pilotes sont les bienvenus, mais nous ne
tiendrons compte que de ceux dont les évaluations auront prouvé
leur efficacité ».
Pour M. Harvey d' ODI, si les projets de transfert d'argent mis
en place par les agences humanitaires internationales ont jusqu'à
présent été
développés à petite échelle, ce n'est pas le cas des aides
gouvernementales. Ainsi, en réponse au tremblement de terre qui
a eu lieu en 2005
au Pakistan, le montant total des subventions allouées par le
gouvernement pakistanais était supérieur à 747 millions de
dollars américains en juillet 2006.
« Le rôle crucial joué par les autorités nationales dans la
contribution financière au Pakistan, et après le tsunami de l'océan
Indien, montre que lorsque les gouvernements ont les moyens, ils
sont mieux placés pour fournir une aide aux populations
vulnérables, ce qui, dans certains contextes, implique une
réduction du rôle des agences humanitaires internationales ».
Beaucoup de pays d'Afrique australe ont les moyens et les
infrastructures pour fournir une aide d'urgence et bon nombre de
donateurs leur font confiance lorsqu'il s'agit de leur octroyer
des aides au développement; mais « ironiquement, ils ne leur
font pas confiance pour assurer la distribution de l'aide d'urgence
», a poursuivi M. Harvey.
« Nous savons que l'aide alimentaire dans son ensemble est
encore conditionnée et qu'elle est bien plus chère à
distribuer que les vivres achetés au niveau local ou régional
», a souligné M. Harvey. « Tant qu'il n'y aura une nouvelle
réforme du système de l'aide alimentaire internationale... [les
agences humanitaires] ne pourront pas faire des choix judicieux
sur les ressources adaptées à chaque contexte, ou mettre en
place les structures nécessaires pour distribuer de l'argent ou
de la nourriture, parce que leurs moyens sont limités ».
Santé, actions humanitaires - sangonet