SAHEL: Organisations humanitaires, une partie du problème - ONG

 

DAKAR, 12 juillet 2007 (IRIN) - Selon un rapport choc rédigé conjointement par 10 organisations non gouvernementales (ONG) et publié mercredi à Londres, l'inadéquation des politiques pour le développement est en partie responsable de la pauvreté de la région du Sahel.

 

Le rapport, intitulé « Derrière la sécheresse » et porté par un réseau d'ONG internationales influentes, qui inclue la Croix-Rouge anglaise, CARE international, Save the children et Action contre la faim, rompt avec l'image généralement positive du travail des organisations humanitaires en affirmant que les projets financés par les bailleurs de fonds pour la région sont souvent basés « sur des analyses superficielles » qui ignorent les réalités.

 

« [Les projets d'assistance pour le Sahel] sont pour la plupart construits sur des idées pour le développement venues de l'extérieur » et la majorité des programmes des organisations d'aide au développent s'établissent « sur les bases de leurs propres priorités et leur propre vision » des choses, indique le rapport.

 

Lors de l'élaboration des projets, le point de vue des acteurs locaux est généralement occulté parce qu'il est « imprévisible ». Une fois que des projets sont en place, les organisations d'aide les contrôlent de manière « restreinte et inflexible », de sorte qu'elles s'attèlent plus à se faire bien voir des donateurs plutôt que d'apporter de vraies améliorations à la vie des gens, affirme le document.

 

« Ce rapport n'est pas seulement une demande pour plus d'argent, c'est un rapport pour une augmentation et une amélioration de la qualité de l'aide », a indiqué Vanessa Rubin, conseillère pour la faim en Afrique à

 Care international.

 

Ce rapport est le dernier d'une lignée de critiques cuisantes sur les pratiques établies en matière d'aide pour le Sahel depuis deux ans, émanant tant du secteur des ONG que de la Banque Mondiale et de différentes organisations des Nations Unies.

 

Un système de financement déconnecté

 

Le rapport insiste sur le paradoxe qui existe entre le fait que les donateurs et les organisations humanitaires reconnaissent que les problèmes du Sahel doivent être traités à long terme, mais la plupart des projets ne portent que sur une ou deux années.

 

Même quand les projets sont prolongés, ils sont encore « de loin trop courts pour provoquer les changements qu'ils visent », a indiqué le rapport. Les donateurs réclament des résultats annuels, même lorsque cela n'est pas réaliste.

 

Plus spécialement, le rapport affirme que la pression des donateurs conduit les organisations humanitaires à se focaliser beaucoup trop sur l'évaluation de la production de denrées alimentaires de base bourratives mais à faible valeur nutritionnelle, comme le millet ou le sorgho, et à ignorer les problèmes économiques de base tel que s'interroger si gens peuvent se permettre de les acheter.

 

« La sécurité alimentaire est trop facilement considérée comme un problème technique, mais en réalité, elle est profondément ancrée dans des problèmes politiques.qui mêlent intérêt et pouvoir », dit le document.

 

Depuis plus de 15 ans, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance souligne l'importance de la nutrition pour la survie des enfants, pourtant cela est souvent ignoré dans la conception des programmes d'aide, a indiqué le rapport.

 

L'Agence américaine d'aide gouvernementale USAID est particulièrement montrée du doigt, avoir entrepris ce que le rapport appelle des politiques « risquées » qui comprennent le déversement sur le continent de milliers de tonnes de denrées alimentaires provenant des surplus américains.

 

Le rapport affirme que Care va cesser d'accepter la nourriture d'USAID pour des raisons « idéologiques et pratiques ».

 

Une contradiction « choquante »

 

Le rapport s'intéresse aussi au laborieux et long débat politique qui consiste à savoir si les niveaux très élevés de malnutrition au Sahel doivent être considérés et traités comme une urgence ou uniquement comme une question de « sous-développement ».

 

Cette distinction a en effet des implications importantes pour les donateurs, afin de déterminer quels types d'organisations et de projets ils souhaitent financer.

 

Les organisations d'urgence qui se sont précipitées au Niger en 2005 suite à une vague de publicité concernant la malnutrition des enfants, se plaignent d'être désormais utilisées comme « des sapeurs-pompiers pour le sous-développement », car les niveaux alarmants de malnutrition, les décès infantiles ainsi que les problèmes de santé des enfants sont en fait la norme et non pas l'exception, note le document.

 

Pendant ce temps, les organisations de développement ont argumenté que c'est le développement national qui est une réelle priorité et accusent l'enthousiasme naïf des organisations d'aide d'urgence de compromettre les relations qu'elles entretiennent de longue date avec les gouvernements de ces régions.

 

Le rapport des ONG estime qu'il existe un antagonisme « choquant » entre les travailleurs du développement et les travailleurs humanitaires au Niger et que cette division est un obstacle à la réussite des initiatives pour le développement »

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