CENTRAFRIQUE : URGENCE ALIMENTAIRE ET HUMANITAIRE ABSOLUE
Situation terrible, insupportable, calamiteuse !
Depuis l’offensive de la Séléka, la Centrafrique
agonise.
Et nul ne semble s’émouvoir, ni à l’O.N.U., ni dans l’Union Africaine, ni dans
aucune autre nation...
La République Centrafricaine est devenue invisible sur le plan
international à la suite de gouvernances successives catastrophiques. L’état, en
tant que réalité administrative, n’existe pas. Pas d’armée. Les forces
centrafricaines ont été dissoutes. La sécurité des populations n’est pas
assurée. Le territoire est livré aux bandes de ruffians incontrôlées de la
Séléka, qui rançonnent et sèment la terreur. L’armée ougandaise, en toute
impunité, occupe le Haut- Mbomou. Elle s’y livre à des exactions insupportables,
comme le feraient des barbares envahisseurs. Il s’agit d’un véritable acte
d’occupation par la force d’un état souverain par un autre. Est-ce qu’on entend
les protestations des autres nations dites civilisées, et surtout celles
de la France, qui a signé, avec la République Centrafricaine, des accords de
défense ?
Comment envisager, dans un contexte aussi tendu, qu’un programme de
développement et d’investissement ou une action humanitaire puissent être mis en
place d’une manière pérenne ?
C’est une catastrophe humanitaire et alimentaire sans précédent qui s’annonce.
Une Banguissoise, âgée de 35 ans, mère de deux enfants, dit sa détresse, sur le
site d’information Bêafrika Sango : « je ne me souviens pas
de la dernière fois où mes enfants et moi avons eu un repas équilibré(…)
Souvent, je mets une casserole vide sur le feu une demi-heure avant que
les enfants n’aillent au lit. Pour leur donner l’impression, qu’ils
auront quelque chose à manger pour le dîner… » Des mères, comme cette
jeune femme, sont des centaines sur le territoire centrafricain, à subir les
affres de la famine et les brutalités insoutenables. Il y a un mois, dans la
région de la Lobaye, au sud-ouest du pays, des mutins de la Séléka ont
ligoté neuf enfants. Ils réclamaient une rançon pour chacun. Les parents,
pauvres hères démunis, n’ont pu s’acquitter de la rançon. Les neuf enfants ont
été exécutés sous leurs yeux…
La crise humanitaire et alimentaire frappe presque tous les
Centrafricains, soit 4, 6 millions de personnes Souvent, la pitance
quotidienne se résume à quelques feuilles de nguounza (manioc) cuites à
l’eau, accompagnées de boules de manioc ( gozo) 2 millions d’habitants
sont en état d’urgence sanitaire et alimentaire absolue. Au nord-est du
territoire, 45 000 personnes et 30% d’enfants souffrent de malnutrition et de
rougeole. Les agriculteurs commencent à manquer de semences pour les
plantations. Les personnes déplacées sont soumises à des conditions de vie
désastreuses et inhumaines. Dans la capitale, Bangui, plus de 700 000 personnes
sont victimes de souffrances diverses.
Pillages. Populations
dénutries. Viols. Embrigadements d’enfants soldats drogués. Violations
quotidiennes des droits de l’homme. Assassinats…Ce pays semble
damné.
Et pourtant…
Il ne l’est pas vraiment aux yeux de
tous. Voyez Claude Guéant, ex-ministre français de l’Intérieur, champion
de la chasse aux immigrés clandestins, conseiller à l’Elysée de Nicolas Sarkozy,
l’homme qui déclara à l’Assemblée nationale « qu’il y a des
civilisations qui sont supérieures à d’autres.. » Hé
bien ! Aujourd’hui, accompagné de son gendre, il est un habitué des palais
présidentiels centrafricains, « pour affaires… »
Patrick Balkany, maire de Levallois,
ami intime de Nicolas Sarkozy, côtoie, depuis longtemps, le pouvoir
centrafricain.
On peut également noter à Bangui la
présence de Gilbert Mitterrand (« Papa m’a dit », comme le
surnomment les Africains).
A Dakar, devant un public d’universitaires médusés, Nicolas Sarkozy avait osé
déclarer : « l’homme africain n’est pas assez entré dans
l’histoire… » Maintenant, ça y est ! Les Africains y
sont !
Et ils sont loin d’être dupes de ce qui se passe chez eux. A savoir une
éternelle tragédie, avec les mêmes Harpagons assoiffés d’aventures
juteuses. Comme d’habitude, ils seront les témoins muets du pillage de
leurs ressources naturelles. Ils assisteront, étranglés par la faim et les
maladies, aux bamboches indécentes de ces étrangers, qui se sont toujours
comportés comme en pays conquis.
Or, on le sait, la Centrafrique est riche : diamant, or, uranium,
fer pétrole, bois précieux, café, coton, sisal….A cela, il faut ajouter
des richesses touristiques et cynégétiques qui n’ont jamais été rationnellement
exploitées. Elle devrait être, non pas un pays qui tend la main, mais une nation
courtisée et respectée.
Mais il faudrait que l’actuel gouvernement de transition signifie
fermement à tous les étrangers qui viennent investir en R.C.A, que c’est
gagnant-gagnant. Qu’ils sont les bienvenus, mais que le gouvernement gardera la
majorité, à 51%, dans les sociétés exploitant les ressources
stratégiques.
Les Centrafricains en ont assez. Il faut leur redonner confiance, afin qu’ils
redeviennent maîtres de leur destin et de leur pays. Cela ne peut se réaliser
que dans un cadre d’un minimum de sécurité sur tout le territoire. En l’état
actuel des choses, la République centrafricaine ne peut s’en sortir toute seule,
après tant d’années de gabegie. C’est pourquoi l’aide des pays amis est
primordiale.
Le 30 juillet 2013, le gouvernement français, par l’intermédiaire de Yamina
Benguigui, ministre déléguée à la Francophonie, s’est engagé, enfin, auprès des
populations centrafricaines. Soutenue par le président François Hollande,
la ministre a reçu une délégation de femmes centrafricaines, issues de la
diaspora, venues crier leur détresse. Le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, a
annoncé le recentrage de l’aide au développement. Seize pays d’Afrique ont été
retenus pour en bénéficier. La République centrafricaine en fait partie. Il
était plus que temps.
Il ne reste plus, aux dirigeants centrafricains
actuels, qu’à se montrer capables d’imaginer des lendemains apaisés,
permettant ainsi à leurs compatriotes de se reprendre à
espérer.
A De kitiki -
mediapart.fr
(4 août 2013)