Athlétisme : les Africains de l’Est
courent pour exister
par Arnaud Bébien, 07 août 2009 –
Syfia.info
(Syfia Kenya) Les
coureurs d'Afrique de l'Est dominent la scène athlétique internationale depuis
un demi-siècle. Quel est le secret de cette hégémonie ? Un séjour dans
À
Eldoret, ville kényane de la vallée du Rift, chaque matin, avant même que le
soleil ne perce, des coureurs prennent possession des chemins en terre rouge.
Ils partent en petits groupes, sur un rythme tranquille, avant de se livrer une
lutte infernale sur un rythme effréné. Trois cent soixante-cinq jours par an, le
rituel est identique. Eldoret, comme Iten et Nyahururu, non loin de là,
pourraient n’être que des villes banales du Kenya. Mais ici, plus qu’ailleurs à
travers le monde, on compte une densité exceptionnelle de médaillés mondiaux et
olympiques d’athlétisme. Kipchoge Keino, le pionnier, a démarré ici à la fin des
années 1960, sur ces terres de l’ethnie kalenjin, la plus pourvoyeuse de
champions. Kip Keino, John Ngugi, Moses Kiptanui, Paul Tergat ou Wilson
Kipketer, devenu danois, en font partie.
Les Kenyans, mais
aussi les Erythréens, les Ethiopiens, les Ougandais et les Tanzaniens comptent
parmi les meilleurs en fond et demi-fond à l'échelle mondiale. Ainsi, aux Jeux
olympiques de Pékin en 2008, ils ont trusté tous les podiums du
La course, ça
paye
À Iten, non loin
d’Eldoret, un homme a vu défiler depuis trente ans des centaines de
journalistes, avec toujours la même question : "Pourquoi sont-ils si forts ?".
Cet homme, Frère Colm O'Connell, venu d'Irlande dans les années 1970 pour
enseigner, a vécu la transformation du Kenya, ancienne colonie britannique, en
un pays de champions. D’ailleurs, juste devant son école, un panneau avertit les
automobilistes du risque d'enfants qui "courent", et non qui "traversent"…
Frère Colm a connu et
entraîné des dizaines de champions. Dans la cantine de son école, un mur est
décoré de photos jaunies des célébrités. Les plus grands ont leur arbre planté
dans la cour de récréation. L'Irlandais a vu passer des entraîneurs et des
scientifiques, à la recherche d'explications. La morphologie y a certainement sa
part, mais pas uniquement. "Il est difficile d'affirmer que la génétique est la
seule raison de leur domination, dit-il. Les gènes s'expriment dans le mode de
vie, la morphologie, la mentalité et bien d'autres choses. Des scientifiques de
l’université de Copenhague au Danemark sont venus ici et ont comparé la taille
des mollets de jeunes Kenyans avec celle de Danois. Ils ont fait un tas de
tests, sur les globules rouges et la capacité d'absorption d'oxygène. Mais
jamais personne n'a pu réduire le phénomène à un seul facteur décisif. " Pour
Colm, le succès actuel n'a rien de mystérieux : l’entraînement paye, tout
simplement.
Pour les enfants de
Courir, manger,
dormir
Au Kenya, le salaire
mensuel moyen est de 50 €. Lors d'une compétition, en Europe ou aux États-Unis,
un coureur et son manager peuvent gagner plusieurs dizaines de fois cette somme.
Dans
Ils n’ont peur de
rien, ne se fixent aucune limite. Ainsi, le Tanzanien Faustin Baha, 27 ans,
vice-champion du monde de semi-marathon en 2000 derrière le Kenyan Paul Tergat,
court depuis 1993, mais se voit bien encore parti pour 10 ans ! Il a des projets
et il compte sur l’argent de la course à pied. "Je veux construire une école
pour les enfants. J’ai un terrain de dix hectares mais il me manque l’argent
pour construire. Ma mère vit seule au village. Chaque jour, pour aller chercher
de l’eau, elle doit marcher deux kilomètres. Je veux qu’il y ait l’eau au
village. Mais là aussi, c’est une question d’argent."
Certains sont devenus
richissimes, comme Gebreselassie, à la tête d’un empire colossal qui emploie des
centaines d’Éthiopiens, et qui envisage de se lancer en politique. La plupart
ont la volonté d’aider leurs proches ou leur région d’origine. Tegla Loroupe,
recordwoman du monde du marathon il y a dix ans, a financé les études de ses
soeurs dans des universités américaines et a lancé une fondation qui cherche des
fonds pour construire des orphelinats et des écoles dans sa région natale.
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