Comme le Général
ce 30 mai 1968
Barthélemy
MANDEKOUZOU-MONDJO
« La
France est menacée de dictature. On veut la contraindre à se résigner à un
pouvoir qui s’imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors
évidemment et essentiellement celui du vainqueur, c’est-à-dire celui du
communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait, pour commencer, d’une
apparence trompeuse en utilisant l’ambition et la haine de politiciens au
rancart. Après quoi, ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids qui
ne serait pas lourd.
Eh bien !
Non ! La République n’abdiquera pas. » (1)
La prestation de Mme Samba-Panza devant les Conseillers
nationaux et un aréopage de « distinguées Personnalités » a
instantanément inspiré ce rapprochement avec l’adresse du Général De Gaulle à la
France entière pour dénoncer le danger que l’exploitation de la révolte des
étudiants par les partis politiques faisait courir à la Nation.
Quand un pouvoir se sent menacé une dénonciation de
complots et manipulations diverses est son réflexe spontané. Mais réduite à ce
seul élan primesautier et incantatoire, la dénonciation est insuffisante ;
elle doit ajouter et développer une
présentation complète du véritable enjeu qui est, dans le cas d’espèce,
la mise en péril des acquis de la politique conduite jusqu’alors :
politique de progrès dans tous les
domaines, d’indépendance nationale, de paix et de liberté.
« Le pays
avait pris conscience, grâce à De Gaulle, que ce qu’il y a de plus rare dans un
peuple et de plus nécessaire, c’est un chef d’Etat authentique »
(2).
Quand De Gaulle dit « La
République n’abdiquera pas ! », il ne
laisse point voir qu’il ne prend là qu’une « posture » (3)
assimilable, -puisque les mots ont un sens et leur sens-, à une image ou
attitude de composition : factice à cet égard. Il en appelle
solennellement à un Peuple qui a
été témoin du travail qui a été accompli pour qu’il juge, fasse en toute
connaissance de cause le bon choix
de garder le cap et de s’éviter des
regrets.
Je sais que le parallèle que j’ai esquissé est
osé :
Mme Samba-Panza, -pas plus, ni moins que ceux qui l’ont
précédée-, n’est « De Gaulle », ni ne souhaite peut-être l’avoir
jamais comme modèle.
« C’était de
Gaulle » (4) : Alain Peyrefitte confirme le portrait retracé par
Malraux dans son livre « Les Chênes qu’on abat » :
« Un vieil homme qu’habite le génie de la
France ; un héros follement épris de sa patrie ; oscillant, comme tous
les amoureux, de la jubilation au dépit ; mais reprenant vite ses marques
en relativisant les péripéties ; incarnant l’Etat, parce que c’est l’Etat
qui doit soutenir la France et inciter les Français à être dignes d’elle face à
l’univers… ; s’installant sur les hauteurs pour en descendre de moins en
moins souvent… ; un homme hanté par une idée plus grande que
lui. »
« C’était De
Gaulle » : l’Homme d’Etat qui a compris que si elle ne veut pas
être une aventure folle et d’avance vouée à l’échec à cause de cela, toute
politique doit être le choix placé au-dessus de toutes autres préoccupations ou
entreprises de servir son Pays et de le conduire vers les sommets : vers la
grandeur et la dignité.
« C’était De Gaulle » :
c’est-à-dire : l’Homme d’Etat qui avait une vision, mais aussi des
résultats : les grandes conquêtes en matière de prospérité, d’indépendance
nationale et de liberté individuelle… qui risquaient d’être réduites à néant par
ceux qu’il désignait du terme méprisant de « politiciens au
rancart ».
« C’était De Gaulle » : et même ce mépris
pour ceux qui étaient en face et le combattaient s’était avéré recevable. Les
Français l’ont compris et légitimé en lui offrant une majorité très confortable
quand l’Assemblée nationale fut dissoute et renouvelée lors des Elections
Législatives de 1968.(5)
Mais qu’il est frustrant de ne pas savoir jusqu’à quand
il nous faudra encore attendre en Centrafrique pour avoir un « authentique chef d’Etat.» : l’Homme
ou la Femme qui lancera ce jour-là le grand et exaltant chantier de la
construction d’une Nation !
Et quand on n’a atteint aucun des objectifs qu’une
feuille de route vous a établis, ni respecté aucun des engagements que vous avez
pris en prêtant serment et jurant « devant Dieu et devant la Nation »,
il y a de l’imposture dans la
« posture » que Mme Samba-Panza entend garder jusqu’à la fin de
la Transition et l’appel au Peuple pour qu’il maintienne ou lui renouvelle une
confiance qu’elle a trahie.
Je ne suis pas de ceux qui demandent la démission de Mme
Samba-Panza comme l’intention m’en a été a prêtée par une certaine lecture
de mon billet du 1 octobre 2014 : « Pourquoi et comment il faut en finir avec la
Transition ». Je suis en revanche opposé aux manœuvres pour prolonger
la Transition au-delà de son terme fixé au 15 février 2015 et pour retarder
encore le lancement effectif du chantier de la construction de notre
Pays.
B. MANDEKOUZOU-MONDJO
Longjumeau, 9 octobre 2014
Notes
(1) Allocution du Général de Gaulle :
30 mai 1968
(2)
Le Bloc-Notes de François Mauriac : 14 juillet
1968.
(3) Mme
Samba-Panza devant les Conseillers nationaux :
« Je me
suis toujours positionnée en rassembleuse de tous les Centrafricains. Je
resterais dans cette posture jusqu’à la fin de la transition que je souhaite
voir aboutir le plus rapidement possible, en réaffirmant une fois encore que je
ne serai pas candidate aux élections à venir. »
(4)
« C’est de Gaulle », A. Peyrefitte de l’Académie Française,
Editions de Fallois FAYARD, 1994.
(5) Dans un Commentaire : « Homo
politicus » (Tout est politique) j’ai écrit ceci sur Mai 1968 :
« Deux
philosophies de l’homme fondent et opposent le Capitalisme et le
Communisme :même si l’histoire et les mouvements sociaux notamment ont pu
les rapprocher l’un de l’autre comme deux formes égales de répressions, qui
dépouillent les individus de leurs libertés : le Communisme, par la
bureaucratisation excessive, qu’il développe et dont il semble
s’accommoder ; le Capitalisme, parce qu’il crée des besoins artificiels, y
assujettit les individus en mettant en place une incitation forcenée à la
consommation qui appelle, à son tour, une surenchère en demande de
production.
Le mouvement
de Mai 1968 en France a été essentiellement une révolte contre la société de
consommation inspirée par « l’Homme unidimensionnel » de Herbert Marcuse. Les partis
politiques ont tenté quelques approches pour le récupérer. Le Capitalisme et le
Communisme furent renvoyés dos à dos. Et les résultats des Législatives de la
même année ont montré que le vent de la révolte ne soufflait pas pour
eux. »