Un Centrafrique à l’encan
B. MANDEKOUZOU-MONDJO :
06/10/2014
Si, comme dans un jeu de miroir, nous cherchions à vérifier leurs angles d’incidence et de réflexion, le
temps du Pays et le temps de ses Dirigeants s’ajustent comme la reproduction
d’un dessin avec un calque qui a bougé : à la mesure des clivages, qui sont
le lot des intérêts divergents.
Il est un temps pour
tout :
Avant de récolter il faut avoir
semé ;
Avant de consommer, il faut
avoir produit…
Et dans cette perspective
on peut concevoir que :
Le temps pour le Pays est
celui de la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement ;
mais aussi celui de vérifier où nous en sommes du parcours si nous sommes
effectivement entrés dans l’aventure :
ü
Combattre
l’extrême pauvreté et la faim
ü
Rendre
l’enseignement primaire accessible à tous
ü
Promouvoir
l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes
ü
Réduire (de
2/3) la mortalité des enfants de moins de 5 ans
ü
Améliorer (de
¾) la santé maternelle
ü
Combattre le
VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies
ü
Assurer un
environnement durable
ü
Mettre en place
un partenariat mondial pour le développement
Le temps pour le Pays est
celui des actions et programmes que nous a tracés une feuille de route (Accords
de Libreville revus à Ndjamena (Ndjamena I & II), puis
Brazzaville) : c’est le temps de la pacification d’un Pays en proie à des
rebellions à répétition : comme un préalable incontournable avant de rêver
en Centrafrique d’un développement humain : social et
économique.
La pacification du Pays
avec sa sécurisation comme corollaire est déclinée dans tous les actes pour
mettre fin à la circulation des armes, à l’état de guerre et au règne de la
violence.
La pacification du Pays et
sa sécurisation ne sauraient faire l’économie d’une déclaration de guerre à la
guerre : la guerre en l’occurrence contre ce qui est appelé la « gangstérisation des mouvements
politico-militaires » (1) ; la guerre sans complaisance contre
l’impunité et pour la restauration de la justice.
Le temps pour le Pays est
encore celui de la restauration de l’autorité et de la crédibilité d’un Etat
capable et prêt à garantir un service de qualité aux
citoyens.
Le temps pour le Pays est
l’heure où il faut mettre au travail
un Peuple enfin debout et décidé à prendre tout son destin en
main.
Qui ne voit là que ce que
j’appelle le temps pour le Pays circonscrit ce qu’est et doit être la
politique ? J’écrivais dans un billet publié le
20/02/2013 :
« Amener les hommes
à vivre dans un monde de raison est le but que poursuit la politique ; et
la réflexion qui doit y conduire dans la situation actuelle de la République
Centrafricaine est bien celle qui doit appeler à mettre un terme à la violence
et à toutes les passions meurtrières. Ce combat, du fait des circonstances,
apparaît prioritaire, mais n’en sera pas moins une étape avant ce qui est
l’essence de toute politique : l’organisation de la Cité pour assurer la
satisfaction de tous les besoins des citoyens » (2)
Mais qu’est-ce qui peut
expliquer que le temps ainsi défini pour le Pays ne soit pas aussi le temps de
ceux qui y aspirent et sont effectivement appelés à le
gouverner ?
L’histoire de la République
Centrafricaine est bien celle d’un bradage systématique où il nous est donné de
voir que le temps pour le Pays est suspendu : cédant le pas au temps pour
le partage des dépouilles et pour la prolifération maximale des profits des
Dirigeants.
« Ils ont partagé le monde…
Si tu
me laisses l'uranium
Moi je te laisse l'aluminium
Si tu me laisses tes
gisements,
Moi je t'aide à chasser les Talibans
Si tu me donnes beaucoup
de blé,
Moi je fais la guerre à tes côtés
Si tu me laisses extraire ton
or,
Moi je t'aide à mettre le Général dehors»(3)
Je n’aurai pas l’hypocrisie
de dire que toute ressemblance avec des situations passées ou présentes en
Centrafrique ne serait que fortuite. L’histoire de Ngakola racontée par Guy des
Cars se déroule bien en Centrafrique. (4).
C’est l’histoire d’un
pouvoir qu’on occupe « pour se servir ». Il est arrogant et
brutal : ce qui est tout indiqué pour susciter la colère et la révolte chez
des administrés dès lors qu’ils n’en peuvent plus. Ils se sont donc soulevés et
tuèrent Ngakola.
Est-ce l’histoire d’une
tradition centrafricaine de l’exercice du pouvoir ? Nous avons vu et voyons
tous les Dirigeants en Centrafrique courir à la curée. Il semble qu’ils ne
connaissent qu’un temps : celui de l’enrichissement personnel sans frais.
Et s’ils consentent un effort, il est tout entier dans l’art et l’habileté
qu’ils développent pour accéder au pouvoir et, naturellement, pour le
conserver : en ayant eu soin de s’offrir tous les meilleurs garde-fous
souhaitables.
Le chantage à la partition
est bien l’expression de la volonté de nos seigneurs de guerre d’établir un
monopole sur les richesses du sol ou sous-sol des zones et régions qu’ils
contrôlent.
Tout ceci est et demeure
répréhensible, mais la répétition des situations ne saurait leur conférer le
poids et la valeur d’us et coutumes établis ou d’une culture. Condamner chaque
situation qui se présente ne dédouane pas les situations identiques du
passé : car, les conditions étant identiques, les mêmes causes produisent
et produiront les mêmes effets.
Il suffit que Mme
Samba-Panza décide d’emboîter le pas et la « malgouvernance »
de ses prédécesseurs pour que nous nous estimions en droit de lui dire :
« halte là » : au nom du Peuple et pour le
Peuple !
Notes
(1)
Didier Niewiadowski : République centrafricaine ; Comment
sortir de l’imbroglio ,
(2) SOZOWALA 20/02/2012 : Réaction à un billet : Investir un futur
désirable par M.Paul Henri Akibata Ketté.
(3) Tiken Jah Fakoly :
« Ils ont partagé le Monde »
(4) Guy des Cars :
Sang d’Afrique. Flammarion Editeur, 1969, pp. 141-142
B.
MANDEKOUZOU-MONDJO