A LA VEILLE D'UN SCRUTIN
CAPITAL
J'avais informé Victor (
Bisséngué ) que j'arrêterais mes tribunes après Bienvenue en Enfer, pour suivre en tant
que simple citoyen la compétition présidentielle.
Je pensais alors que si la
Minusca et la Sangaris n'avaient pu faire
entendre raison aux belligérants, ceux-ci seraient assez intelligents
pour taire, le temps des élections, le langage des armes qu'ils hurlent depuis
trois ans dans le pays.
J'avais tort. Pire : je
ne m'étais même pas douté que la présidentielle doperait ces rebelles, qui
sortiraient leur drapeau, pour le planter dans leur rêve insensé de République
du Logone.
Chacun sait maintenant que
le pays n'est pas sorti de l'auberge, que cette campagne pourrait être la
dernière avant l'apocalypse. Et que si un inapte à la fonction présidentielle réussissait à
se faire élire président de la République, il parachèverait le travail de ses
prédécesseurs, lesquels se sont illustrés par la veulerie, la trahison, la
concussion et la couardise dans la bataille contre le
sous-développement.
J'ai donc repris ma
plume, non pour peser sur les élections ou influencer le cours des événements qui se déroulent
au pays, mais pour me mettre à l'abri de ceux qui pourraient me reprocher demain
d'avoir assisté impassible à l'élection d'un autre roi fainéant, et au sabordage
de ce qui reste du pays.
LA RUEE VERS
L'OR
Tout à coup, la mariée
a paru irrésistible dans ses oripeaux. Au point de mobiliser trente prétendants,
un record, alors qu'elle sent le soufre, alors que ses enfants sont ballottés
comme des feuilles mortes, par un orage qui s'éternise, alors que ses diamants
voyagent incognito, dans des mains invisibles, alors que le plus grand criminel
d'Afrique, après avoir erré entre l'Ouganda, le Congo et le Soudan, s'est fixé
dans ses forêts orientales, avec son cortège d'assassins.
Quel homme normalement
constitué voudrait d'un tel parti ! A moins que la mariée ne dispose
d'atouts cachés, comme la faculté d'immuniser l'heureux élu contre tous les
ennuis, contre la justice, contre l'Assemblée nationale, contre la Cour
constitutionnelle et contre son opinion publique.
Amis présidentiables,
vous vous demandez à quoi rime tout ce galimatias ! Vous vous demandez où
je voudrais en venir ! Eh bien ! à cette question : comment
concevez-vous la fonction présidentielle ?
Vous avez vu des
dictateurs gouverner ce pays. Vous en avez servi quelques-uns, peut-être à
contrecoeur, peut-être pour infléchir un tant soit peu la dureté de leurs
règnes. Vous avez vu sombrer votre pays, et maintenant vous vous posez en
recours, en solution idoine, celle à laquelle on n'a pas pensé jusqu'ici. Mais
le pays est blasé, habitué aux déconvenues des promesses non tenues. Il
s'interroge : comment concevez-vous la fonction présidentielle ? Si
c'est une sinécure, vous serez vite boudé par vos compatriotes. Par contre si
c'est un sacerdoce, le doute dans leur esprit se dissipera et alors ils pourront
vous aider à entreprendre les travaux herculéens qui vous
attendent.
Jusqu'ici la fonction
présidentielle était considérée comme l'aboutissement d'une carrière, une sorte
d'ascension soudaine, qui mettait l'élu ou le putschiste sur un nuage, d'où il
pouvait capter, au gré de ses caprices, les biens de sa
société.
Certes, le président doit
être au-dessus de la mêlée, mais cette position lui donne-t-elle le droit de se
mêler de tout ?
C'est ici l'occasion
de demander aux intellectuels de modérer leurs propos, afin de ne pas s'attacher
furieusement à certains candidats. Il y a des slogans qui accentuent les
clivages politiques, alors que le prochain président aura besoin de tous les
Centrafricains pour reconstruire la Centrafrique.
L'intellectuel doit
être à la politique ce que l'âme est au corps, ou plutôt ce que la conscience
est à l'esprit. Il doit pouvoir aider son candidat et plus tard son président à
voir les pièges que vont lui tendre les gens de son ethnie, les flagorneurs et
les membres de son parti. Il doit voir loin pour contrer les dérives et recadrer
par des critiques constructives son candidat devenu président de la
République.
GBANDI Anatole ( Je suis membre du GROUPE de REIMS, un club de réflexion.
Mais je n'écris pas pour ce groupe. Et je n'ai donné mon accord à personne pour
figurer sur une liste de soutien.)
(23/12/2015)