Contribution à l’analyse
de l’Etat Postcolonial à la lumière de la crise politique en Cote
d’Ivoire.
Par
Patrick-Emery Nguerembassa
·
A la situation, à l’état
de quasi-guerre civile insupportable que vit
·
A la partition du pays
entre le nord et le sud au mépris du principe sacro-saint de
·
A l'insécurité chronique
que connaît le Nord de
·
Aux circonstances de fait et de droit
ayant entaché, en certains endroits du territoire ivoirien, la régularité de
l’expression démocratique des électeurs ivoiriens, en tout cas ceux qui n’ont pu
exprimer, librement, leurs suffrages ; circonstances, susceptibles de
vicier de facto le scrutin ;
·
Au fait qu’en Cote
d’Ivoire, l’organisation des élections, qui est un acte de gouvernement, ait été
confiée à une Commission Electorale Indépendante (C.E.I.), chargée de piloter le
processus électoral aux lieux et places des autorités de l’Etat, en raison,
semblerait-il de l’incroyance politique, de l’insincérité voire de la partialité
des pouvoirs publics ;
·
A la proclamation, du
moins partielle, des résultats des élections, qui a donné lieu à des empoignades
(et les images ont fait un Buzz sur la toile) des plus inimaginables.
Empoignades à la limite de la voie de fait, notamment, lorsque le rapporteur de
·
Résultats proclamés, par
voie de conséquence, au Quartier général de campagne d’un des candidats. Et,
aussitôt contestés par le Conseil Constitutionnel ;
·
A l’annulation, nonobstant
les motifs de fait et de droit, par le Conseil Constitutionnel de l’expression
de la volonté d’un pan entier de la population Ivoirienne, notamment, celle de
plusieurs départements au Nord de
·
Au fait que les deux
institutions, à savoir
·
A la reconnaissance par la
communauté internationale d’une des deux têtes de l’exécutif ivoirien sans que
ce dernier ait, à sa disposition les corps constitués de
l’Etat ;
Des faits, qu’aucun des commentateurs ou analystes politiques, des plus avisés, de la vie politique ivoirienne n’aurait pu anticiper, n’aurait pu prévoir, il y a seulement une décennie, à savoir la situation chaotique, invraisemblable imposée au peuple ivoirien du nord comme du sud, à savoir la situation surréaliste que vit le peuple ivoirien dans sa globalité aujourd’hui.
Bref, nulle part au monde, l’on ne pourrait imaginer ces situations.
Dans ces conditions :
Comment soutenir, plaider, en tout état de cause, l’idée de la maturité politique de la classe politique ivoirienne et africaine d’une manière générale ?
Comment expliquer, justifier le fait qu’après cinquante années d’indépendance, il n’est point possible de rationaliser la société politique africaine, en général et, ivoirienne en particulier ?
Est-ce à dire
que
Bref, autant de questions, autant d’interrogations que l’on peut légitimement se poser, qui doivent interpeller aussi bien l’homme du commun, le citoyen lambda ivoirien ou africain, que celui qui détiendrait, un tant soit peu, un potentiel de savoir.
Loin de prendre partie dans ce conflit, tant les positions sont tranchées de part et d’autres, les prétentions des uns et des autres paraissant légitimes et inconciliables ; tant, les littératures, articles, reportages ou monographies qui fourmillent depuis lors sont, au moins partiaux, au pire, guerriers ; tant, la situation du pays s’inscrit dans la droite ligne du précédent de Nairobi au Kenya, ayant opposé, en son temps, Mwai KIBAKI et Raila ODINGA à propos de réélection, également controversée, du premier avec son cortège de malheurs et d’énormes pertes en vies humaines.
Loin de prendre partie dans ce conflit, l’urgence et la gravité de la situation obligeant à prendre du champ, à prendre de la distance, un peu de hauteur par-rapport aux événements, notre objectif est de tenter de comprendre et, dans un langage accessible à une majorité, de rendre intelligible la crise ivoirienne.
Notre objectif est aussi, peu ou prou, de tenter de dégager la signification politique de cette sorte d’imbroglio historico-politique que connait la société ivoirienne.
En tout état
de cause, il appert, à l’analyse, que la notion de crise, sans excès, sied à la
situation de
Ce qui
importe pour nous, c’est ce que révèlerait cette crise tout comme celles qu’ont
connu le Nigéria, le Libéria, l’Angola, le Rwanda, le Burundi, le Soudan, le
Tchad,
Nous
postulons alors, avec quelques réserves naturellement, que cette crise ou ces
crises politiques en Afrique, procèdent d’une conception artificielle de
I/
Si
l’exploration et la colonisation de l’Afrique, avaient-elles, permis aux
puissances coloniales de s’accaparer des pans entiers de territoires africains,
Nous n’en retiendrons que trois principales :
Les Traités
de Berlin et de Versailles des 1885 et 1919 ainsi que les vagues des
indépendances des années soixante.
a)
Les Traités de Berlin et
de Versailles des 1885 et 1919 :
Le
Traité de Berlin du
De même, le traité de Berlin a partagé, la partie du continent africain au sud du Sahara, en plusieurs zones d’influences coloniales.
Il s’ensuit de ce partage soit, la division, sur plusieurs territoires, d’entités humaines intrinsèquement homogènes, culturellement homogènes.
Soit, la réunion, sur un même territoire, d’entités culturellement hétérogènes, voire antagoniques.
Le
phénomène s’est exacerbé avec le Traité de Versailles du
Ce qui fait qu’au final, les frontières politiques en Afrique ne sont nullement le reflet des frontières culturelles.
La constitution de blocs anglophones, lusophones, francophones et les mouvements migratoires des populations africaines, inhérents aux nécessités de la mise en valeur des colonies, ne sont pas pour atténuer le phénomène.
En Afrique Equatoriale Française par exemple, on pouvait naître à Brazzaville, grandir en Oubangui-Chari et travailler au Cameroun ou au Tchad. Les interversions étaient possibles.
Sauf erreur ou omission de notre part, ces mouvements migratoires se faisaient, également, dans les mêmes conditions en Afrique Occidentale Française.
On pouvait naitre en Haute Volta (actuel Burkina Faso), grandir au Mali et travailler en Cote d’Ivoire. Ou encore, naitre au Ghana (même si le Ghana ne faisait partie de l’AOF), grandir au Togo et travailler au Bénin.
Les vagues des
indépendances, par la suite, ont figé les populations dans les ensembles
artificiellement constitués.
b)
Les vagues des
indépendances des années 1960 :
Si la seconde guerre
mondiale a permis, indubitablement, aux colonies d’Afrique de se valoriser, aux
côtés des forces alliées, tant au plan matériel qu’humain, à travers l’effort de
guerre qui leur était demandé, elle a surtout été l’occasion de la remise en
cause des dogmes du colonialisme et de l’impérialisme développés au dix neuvième
siècle.
Les
esclaves ou les colonisés, aux travers de ce conflit mondial, se sont rendus
compte de la fébrilité, de la faiblesse voire de l’impuissance de leurs
maîtres.
Pour
couronner le tout, l’émergence de nouvelles puissances, permettra, par la force
des choses, l’adhésion de la communauté internationale aux principes de la
liberté, de l’égalité des peuples et du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes. (Cf. Résolution 637 de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur
le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes du
Cette nouvelle tendance de la communauté internationale favorisera le développement du concept de décolonisation et entrainera, par voie de conséquence, les vagues d’indépendances en Afrique dans les années soixante.
Cependant, la décolonisation des années soixante n’a pas permis de corriger les erreurs du passé.
Bien au contraire, la décolonisation a cristallisé et consacré les mouvements migratoires d’avant les indépendances : Le Droit International Public étant toujours dominé par les principes de l’intangibilité des territoires et celui de « l’uti possidetis juris ».
Principe signifiant littéralement qu’en cas de substitution de la souveraineté du fait de la décolonisation, les frontières établies par le prédécesseur s’imposent au successeur au moment du transfert territorial.
En application de ces principes, l’idéal eût été, pour les anciennes colonies d’Afrique, la continuité au sein des ensembles constitués au temps des colonies.
Mais, force est de constater que, par micro-nationalisme étatique béat, souvent soutenu par les anciennes puissances coloniales, les nouveaux Etats d’Afrique, au lieu de constituer de grands ensembles, sont partis individuellement aux indépendances.
Certains leaders africains de l’époque, voulant restés « maîtres » chez eux, ont proclamé l’indépendance de leurs pays, dans des entités étatiques peu viables économiquement et politiquement, contribuant, de facto, à la balkanisation de l’Afrique.
Il y avait pourtant des théoriciens d’une certaine forme de fédéralisme en Afrique à la veille des indépendances, des panafricanistes : Patrice Emery Lumumba, Modibo Kéïta, Kwamé Nkrumah, Barthélémy Boganda...
Mais, tour à tour, les théoriciens du fédéralisme étatique en Afrique ont été pour la plupart, au pire, physiquement éliminés au moment des indépendances, au mieux, écartés de l’exercice du pouvoir.
Tout ce développement pour dire, en filigrane, que les Etats africains actuels ne correspondent pas souvent à une Nation préexistante.
Ils n’ont pas suivi, pour la plupart, le processus normal de formation Etatique passant par une constitution Nationale, passant par la constitution d’une Nation.
Ernest Gellner ou Eric J. Hobsbawn l’ont si bien démontré dans leurs ouvrages respectifs « Nations et Nationalism » ; « Nations and nationalism since 1780 : programme, myth, reality ».
Même si
Johann Gottlieb Fichte dans son ouvrage, « Discours à
Ainsi, ça et là, les chrétiens peuvent contester la légitimité d’un musulman dans le cadre d’un Etat unitaire en Afrique et inversement, les Ovimbundu contester les Bakongo et les Kimbundu en Angola, les natives contester les congos au Libéria, les Hutus peuvent contester les Tutsis aux Rwanda et Burundi, les peuhls peuvent contester les soussous ou les Malinkés en Guinée Conakry, les Kikuyus contester les Kalenjis ou les Massaï au Kenya, les Sénoufo dans leurs composantes Koulango et Lobi contester les Krou, dans leurs composantes Guéré, Wobé, Niaboua, Neyo, Beté ou Godié , les Adioukrou contester les Akan etc. en Cote d’Ivoire.
Ne maîtrisant totalement les tissus ethniques ivoiriens, nous ne saurions nous avancer plus loin.
Et que,
dans le cadre de la compétition politique en Cote d’Ivoire, le fait que les
discours des élites de
Toutes ces circonstances dénotent, sans aucun doute, des limites du sentiment du vouloir vivre ensemble de la population ivoirienne, toutes ces circonstances mettent la lumière sur les limites de la construction Nationale en Cote d’Ivoire.
Et que, surtout, en tout état de cause, ces conflits politiques aux soubassements ethniques en Cote d’Ivoire, révèlent au grand jour que le vouloir vivre ensemble n’a pas souvent été le leitmotiv de l’action politique.
Que le repli identitaire autour de l’ethnie, de la tribu a eu raison des jeunes Etats africains.
Mais, plus généralement, ils révèlent la nature intrinsèque de l’Etat postcolonial en Afrique dont ils sont une forme de contestation.
II/ La crise ivoirienne ou
la révélation de la nature de l’Etat postcolonial en Afrique
Pour avoir une idée de la
valeur intrinsèque des Etats africains, il importe d’abord de mettre en exergue
ses caractéristiques propres.
a)
Les caractéristiques de
l’Etat postcolonial en Afrique :
Quelques éléments, non
exhaustifs qui, jadis, avaient permis à René Dumont d’affirmer que l’Afrique
était mal partie, nous permettent
aujourd’hui de rendre la crise ivoirienne intelligible et, au delà, les crises
qui secouent les Etats africains : le sous développement.
Il est à la fois
économique et politique.
-
Le sous développement
économique :
L’accession des Etats
africains à la souveraineté internationale a fait apparaitre le phénomène du
sous développement économique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène
parmi lesquels :
·
Une croissance
démographique plus rapide que la croissance de
l’économie ;
·
La fameuse chute des cours
des premières sur lesquelles reposait l’économie extravertie des Etats
africains ;
·
La détérioration des
termes de l’échange entre les Etats africains et le reste du monde, le commerce
international étant toujours dominé par les principes de la non-discrimination
et d’égalité entre les Etats ;
·
Une monnaie dont la valeur
a été fixée artificiellement pendant la période coloniale, préservée au moment
des indépendances pour garantir la convertibilité, dit-on illimitée, des
monnaies africaines mais qui, surtout, ne reflétaient pas le niveau de
l’économie réelle handicapant, de ce fait, fortement les exportations et
entrainant, par voie de conséquence, d’importants déficits en termes de balances
commerciales et de balances des paiements ;
·
Une absence de
l’initiative privée et de compétitivités des entreprises en raison des pratiques
monopolistiques mais, aussi en raison de la prévalence, de la prégnance des
dogmes de l’interventionnisme étatique dans l’économie, de l’Etat
providence…
Tous ces facteurs cumulés
favorisent le développement de la pauvreté, aboutissent à la paupérisation d’une
masse importante des populations africaines.
Dès lors, la conquête du
pouvoir, de l’appareil étatique devient le seul moyen d’ascension
sociale.
A quelques exceptions
près, et
D’où, l’érection des
régimes militaires qui vont contribuer au développement de l’autre élément,
l’autre phénomène que connurent les Etats africains dès leurs naissance :
le sous développement politique.
-
Le sous développement
politique :
L’accession à
l’indépendance des Etats africains permît, dès ce moment de constater le
décalage entre les institutions politiques héritées des puissances
colonisatrices et les nouvelles institutions politiques africaines, marquées par
le poids de la tradition et l’influence des pays
socialistes.
Ces jeunes Etats ont
adopté, pour la plupart, dès leur indépendance, le modèle politique reposant sur
la prépondérance d’un parti unique.
Il en a été ainsi pour
Le chef de ce parti
devient, lui-même, chef d’Etat omnipotent et permanent, le régime politique ne
faisant place, ni au développement de la participation politique, ni au
développement ou la promotion des libertés publiques.
Les atteintes aux libertés
publiques ont été très nombreuses en ces nouvelles entités
étatiques.
L’Etat, dans ce contexte,
ressemble alors, pour reprendre la conception marxiste de l’Etat, à une sorte
« d’appareil d’oppression au service de la classe dirigeante … »,
pratiquant la corruption et le clientélisme et, circonstances aggravantes,
s’appuyant sur l’armée pour se maintenir au pouvoir.
Les armées africaines,
souvent avec la bénédiction des anciennes puissances coloniales, ayant pris
conscience de leur importance en tant que pôle de stabilité, se sont lancées à
leur tour dans la conquête du pouvoir politique.
En tout état de cause,
L’Etat, en Afrique pouvait épouser, voire épousent assez aisément l’un des
modèles décrits par Juan José Linz, in « Totalitarian and Authoritarian
Régimes, Handbook of political Science, vol. 3, pp. 174-441 », à
savoir : (énumération non exhaustive et non
ordonnée) :
·
Le type
postindépendance : Il regroupe, dès les
indépendances, les régimes qui pratiquent la mobilisation contre l’occident
(Ghana ; Guinée Conakry) ;
Ce type de régime s’est
révélé fragile. Les structures sociales et le niveau extrêmement faible de
développement économique confèrent au parti unique ou dominant des possibilités
limitées pour mobiliser vraiment la
population en faveur de projets radicaux de développement ;
·
Le type
bureautico-militaire : Défini par son
pragmatisme et, parfois, l’absence de parti de masse qui peut coexister avec des
formes politiques traditionnelles.
L’origine des élites est
caractérisée par une certaine ouverture. La structure du pouvoir est complexe
car les militaires ont pour partenaires nombre de civils : politiques,
experts… ;
·
Le type
post-démocratique : Il est caractérisé par
l’instauration d’une dictature dans un régime démocratique qui s’écroule et qui
doit, pour se maintenir au pouvoir, pénétrer profondément la société, la
contrôler totalement, par un parti unique idéologique et dominateur qui cherche
à détruire ce qui survit des autres partis ;
·
Le type démocraties
raciales ou ethniques : Il recouvre des régimes
où la participation se fait selon les règles démocratiques mais laissant sur son
pourtour une frange d’ilotes définis racialement. (en serait-il le cas en Cote
d’Ivoire pour le
Nord ?) ;
·
Le type multiethnique sans
consensus : Ce type regroupe les
régimes où les règles sont réellement démocratiques pour tous mais, où les
clivages ethniques sont tels qu’une seule communauté dispose en fait du
pouvoir.
Sans être exhaustif dans
l’énumération des modèles de régimes totalitaires et autoritaires de Linz, on
peut s’apercevoir tout de même du fait que, les régimes politiques des Etats
africains, cinquante après les indépendances, se rapprochent encore aujourd’hui,
ça et là, des modèles de Juan José Linz.
Ce sont de véritables
bombes à retardement qui sont génératrices de profondes crises
sociétales.
Les
crises, en Cote d’Ivoire ou en Afrique, révèlent en fait que, cinquante ans
après les indépendances, le plus dur reste encore à faire.
Que,
cinquante après les indépendances, l’Etat postcolonial dans le contexte ivoirien
ou africain n’a pas réussi sa mutation vers une société qui serait une instance
d’innovation sociale, ou qui serait l’expression transcendante de la
réconciliation de l’Etat postcolonial sans Nation et des ethnies-Nation sans
Etat d’Afrique pour reprendre la formule des professeurs J. Soppelsa et Tsiyembe
Mwayila à savoir l’Etat Espace.
Ce sont, en dernière
analyse, des Etats, somme toute, encore en transition.
b)
La crise ivoirienne et
l’exigence de la transition de l’Etat postcolonial en
Afrique :
L’Histoire universelle
peut corroborer cette idée. Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux
différentes révolutions françaises, entre autres de 1789 et 1848 ; à la
guerre de sécession américaine de 1861 à 1865 ; la révolution russe de
1917 ; les guerres de libérations dans les colonies sud-américaines ou
africaines ; la guerre en Yougoslavie…
Ces différents conflits
sont témoins d’un passage d’une société donnée à un autre modèle
social.
A chaque fois, ce sont des
étapes nécessaires d’expression de
La situation de
Le dépassement de ces
modèles serait-il le but ultime, le sens de l’Histoire ?
Telle est la question que
l’on peut se poser en dernière analyse.
Y répondre suppose, au
préalable, préciser la notion de crise dans sa dimension
historique.
La notion peut être
appréhendée de différentes manières.
Nous avons des raisons
d’admettre que la notion, telle que définie par Wallerstein, sied à la
situation :
Immanuel
Maurice Wallerstein in « Crises: the world-economy, the movements, and the
ideologies » in Albert Bergesen, ed. Crises in the
world-system… définit en effet une crise dans un système historique comme
« … une tension structurelle si grande que l’unique issue possible est la
disparition d’un tel système, soit par un processus de désintégration graduelle…
ou par un processus de transformation
contrôlée… » ;
Mais, comme Michel Brecher
lui, in « crise, conflit, guerre-état de la discipline » in, revue
internationale de science
politique, 1996 pp. 127 et S., indique,
même si c’est dans le domaine de la société internationale, que « … crise
et conflit engendrent la guerre
inévitablement… » ;
Et que, le baron Von
Clausewitz, in « …De
Rapportées à la situation
actuelle de
La relation dialectique
entre crise et guerre risque de ne pas souffrir d’exception dans le contexte
ivoirien.
Les échecs successifs des
offres de bons offices et de
La solution militaire, la
guerre parait inéluctable. La guerre serait, sans aucun doute, le point
culminant des antagonismes que la société ivoirienne actuelle porte en
elle-même.
Loin de nous l’idée de
céder au catastrophisme. Nous avons cependant conscience de la réalité du
risque. Tant, la situation de
Mais comme nous en sommes
point, pour l’instant, à cette extrémité, ce qui importe maintenant c’est la
signification politique de la crise ivoirienne.
C’est là que la notion de
la crise, telle que définie par Immanuel Maurice Wallerstein, retrouve sa
pertinence en tant que « … tension structurelle si grande que l’unique
issue possible est la disparition d’un tel système, soit par un processus de
désintégration graduelle… ou par un processus de transformation
contrôlée… ».
-
Disparition du système par
une désintégration, même graduelle nous plongerait inexorablement dans l’une des
conséquences possibles de l’exacerbation de la crise, c'est-à-dire la
guerre.
Cette hypothèse
enfreindrait le droit international ainsi que les stipulations des traités
instituant
Sauf que toute crise,
quelle qu’elle soit est vecteur de changement, de mutation. Aussi, même s’il est
établi, qu’il est plus aisé de concevoir que d’accoucher, de défaire que de
faire, de détruire que d’édifier, de déconstruire que de construire, il faut
admettre aussi que chaque déconstruction, chaque destruction s’accompagne, porte
en elle-même un dynamisme de changement.
C’est ce phénomène qui est
à l’origine de nombre d’Etats modernes, à l’origine du monde occidental
d’aujourd’hui. C’est la résultante de la dialectique entre
Il va sans dire, abondant
en ce sens, que dans le contexte ivoirien, ce que cinquante années de travail
acharné d’ivoiriens de naissance ou d’adoption, ce que le travail acharné de non
ivoiriens aussi, d’étrangers régulièrement installés en Cote d’Ivoire, mais
aujourd’hui pointés du doigt, ont permis de mettre en œuvre :
Ce sera le sens de
l’Histoire même si le spectacle de la violence peut nous conduire à la
réfutation du sens de l’Histoire.
Elle conduira
inéluctablement à l’avènement de
-
Transformation contrôlée
remettrait la crise ivoirienne dans sa dimension historique en tant que
révélation de la difficile mue de l’Etat postcolonial en
Afrique.
Transformation contrôlée
permettrait de mettre en évidence la nécessité de mutation étatique en Afrique,
de dépassement du modèle de l’Etat postcolonial.
Transformation contrôlée
permettrait de replacer la crise ivoirienne dans son contexte, en tant qu’elle
révèle une société qui n’a pas su se départir du modèle étatique postcolonial,
caractérisé par l’existence d’Etats sans Nation et des ethnies-Nation sans
Etat.
Et, du point de vue
universel, cette crise doit nécessairement permettre ou appelle une redéfinition
du concept d’Etat en Cote d’Ivoire et en Afrique.
Une réflexion globale sur
ce que devraient être les Etats en Afrique.
En cela, elle aura été
bénéfique au continent dans son ensemble.
Patrick-Emery
Nguerembassa
Diplômé d’études
supérieures de sciences juridiques et politiques
Chargé
d’enseignement contractuel, Icom, Université Lumière, Lyon
2.
Gérant de Villa
Urbana Patrimoine Optimis.