ARGUMENTS DE CAMPAGNE

 

 

    «  Je vais ramener la paix, puis la prospérité. Je vais donner à la Centrafrique le lustre qu'il n'a jamais eu. Votez pour moi et vous allez voir comment je vais épater le monde ! »

    Ceux qui tiennent de tels propos feraient mieux de se taire. Car ils prennent le risque de se faire contrer par leurs compatriotes désabusés, et désormais peu enclins à gober n'importe quoi.

    Comment comptez-vous réussir là où tout le monde a échoué ? Avec quels moyens allez-vous financer le désarmement, puisqu'il a été décidé de donner une prime aux criminels, au lieu de les châtier. 

1. PROPOSITIONS PRIORITAIRES

    Quelles sont vos propositions prioritaires ? On ne vous demande pas de reconstruire en cinq ans ce pays qu'on a mis cent ans à détruire. On vous demande la paix. Pour le paysan qui vit de sa terre. Pour les écoliers privés d'école. Et si vous voulez construire une deuxième université au pays, parlez-nous dès maintenant de son financement. Si vous souhaitez construire un lycée professionnel à Bouar et un autre à Bambari, détaillez dès maintenant leur financement. Si vous projetez de construire des routes dans les préfectures excentrées comme le Haut-Mbomou et la Vakaga, pour les rearrimer à la République, détaillez-nous leur financement ou alors considérez le projet comme une simple lubie démagogique et retirez-le de vos propositions prioritaires.

    Cette campagne présidentielle se fait dans des conditions particulières, sur fond d'inquiétude et de canonnade. La première règle pour tous les candidats sera de ne pas surenchérir dans le pessimisme ambiant. Des slogans du genre « C'est moi ou le chaos ! «  sont à bannir.

     Avant d'étayer les projets, les arguments de campagne doivent panser les plaies superficielles et cautériser les blessures profondes. Un mot de compassion peut valoir de l'or, quand il va tout droit au coeur. C'est pourquoi je considère que le meilleur «  argument » de cette campagne, loin d'être une phrase ou un discours pompeux, est un mot de deux syllabes comme Nola, comme Carnot, comme Bira, Comme Awè, le meilleur argument de cette campagne me semble être le mot « Pardon » : qu'on doit demander non pas au pape François mais bien au peuple centrafricain. Pardon pour la faillite de l'Etat, Pardon pour la déroute des FACA, Pardon pour les exactions des mercenaires, Pardon pour les politiques de tout pour mon ethnie, rien pour les autres, Pardon pour les terribles souffrances infligées au pays... 

2. LA TENTATION DE L'A-PEU-PRES

    Amis présidentiables, vous avez beau être une trentaine, si second tour il y a, il ne concernera que deux d'entre vous. Ce qui me semble augurer d'une compétition acharnée, dans laquelle certains seraient tentés de jouer des coudes pour espérer tirer leur épingle du jeu. Mais n'oubliez jamais que votre pays n'est plus que ruines et que calamité. La démagogie sur les décombres d'un pays ne peut flatter que l'ego du démagogue.

     Dans une République qui n'existe que de nom, il me paraît très difficile de se départir de la camisole de l'à-peu-près ou des approximations grossières. La tentation est alors grande pour chacun d'entre vous, les candidats, de faire un semblant de campagne, comme la Minusca et la Sangaris ont fait un semblant de désarmement, comme Samba-Panza a fait un semblant de règne.

    Le lecteur pourrait ici me reprocher de me citer, moi qui répugne à l'autocitation. En réalité, je complète ce que j'ai déjà dit dans une autre tribune. Si les candidats n'élèvent pas le niveau de leur campagne au diapason du modèle standard, le peuple votera du bout des lèvres, et nous aurons de nouveau un semblant de règne, lequel sera dès le départ, déconnecté du pays.

 

 GBANDI Anatole