République Centrafricaine
Unité-Dignité-Travail
L'Avant-Proposition de Constitution
Centrafricaine
Les propositions de
Wabaï YANGA KANDA
Docteur en Finances Publiques
Professeur d’université
AVANT-PROJET DE CONSTITUTION DE LA
RCA
Dans l’ordre de la
présentation, certains articles de l’avant-projet de Constitution appellent de
ma part les observations suivantes :
Article
18 alinéa 2 « l’Etat
Centrafricain a pour nom : République Centrafricaine ».
Le nom du pays « REPUBLIQUE
centrafricaine » n’a aucune signification aujourd’hui. D’abord parce que ce
pays n’est pas situé géographiquement au milieu de l’Afrique. Ensuite, lorsque
le fondateur a choisi ce nom, il s’est battu pour construire un Etat fédéral
regroupant la RCA, le Cameroun, le
Congo Brazzaville, le Gabon et le Tchad. Dans cette perspective, l’appellation
de Centrafrique se justifiait par rapport au coeur du continent mais plus de nos
jours.
En dehors des
considérations ci-dessus, il est frustrant de s’entendre dire : « La
République Centrafricaine est située où ? Est-ce le Cameroun, le
Congo… ? »
Dans plusieurs
documents internationaux, les pays
s’écrivent par leur nom par exemple le Cameroun, la France, le Brésil…
S’agissant de la CENTRAFRIQUE, il faut ajouter préalablement « La
République » pour pouvoir le retrouver sur une liste. C’est comme si ce
pays avait des dimensions, des caractéristiques ou des valeurs
républicaines à démontrer et qu’il
fallait commencer par dire « République ». Nous savons tous que la
France, le Tchad ou le Gabon sont des républiques. Il en est de même pour la
Centrafrique, alors pourquoi passer par « République » pour désigner
la Centrafrique ?
Enfin, son genre
n’est pas officiellement arrêté. Est-ce la Centrafrique ou le
Centrafrique ? Le doute subsiste.
Il en est
d’ailleurs de même du drapeau à cinq couleurs qui ne représentent absolument
rien historiquement pour ce pays. Le fondateur, dans sa lutte panafricaniste et
dans l’optique d’un Etat fédéral, voulait qu’apparaissent sur le drapeau de la
fédération les signes représentatifs de chacun des futurs Etats fédérés. Le
bleu, c’est l’océan ou le fleuve
Congo, Le blanc c’est le coton du Tchad, le vert c’est la forêt gabonaise, le
jaune c’est l’or centrafricain et le rouge le sang versé par les citoyens de ces
pays pour arracher leur indépendance. Conserver cet emblème en l’état n’a plus
de grande signification historique ni même sociologique ou politique puisque
chacun de ces pays est indépendant et a son propre
drapeau.
Article 18 alinéa
9 « Sa fête nationale est fixée
au 1er décembre, date de la proclamation de la
République ».
Les centrafricains fêtent le
1er décembre qui est la date de la proclamation de la République. Ils
en oublient presque le 13 août,
celle de l’Indépendance. Il est possible de penser que pour les centrafricains,
la proclamation de la République l’emporte sur l’indépendance. Or il s’avère que
dans de nombreux pays, c’est l’indépendance qui prime sur la proclamation de la
République. Que justifie cette inversion de priorité ? Une réflexion ou une
discussion intellectuelle à ce sujet ne pourrait-elle pas être menée avant
l’adoption de la constitution ?
Article 22 alinéa
12 « Il(Le Président de la
République) préside le Conseil
Supérieur de la Magistrature, la Commission Consultative du Conseil d’Etat et la Conférence des
Présidents et du Procureur Général de la Cour des Comptes… ».
Une précision est
nécessaire. Le Président de la
République préside la Conférence des Présidents de quoi ? Un juriste peut
connaitre la réponse mais un citoyen ordinaire la saura-t-il ?
Article 22 alinéa
13 : « Il (le Président de la
République)a le droit degrâce ». Cet alinéa est incompatible avec le
principe de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. Il se justifiait
à l’époque où le Roi était le souverain et détenteur de la SUMMA POTESTAS,
c’est-à-dire le plus grand des pouvoirs. L’Etat était le Roi et le Roi était
l’Etat. Il concentrait entre ses mains la plénitude des trois pouvoirs
(Exécutif, Législatif et Judiciaire).
Article 22 alinéa
16 : « Il (le Président de la
République) négocie etratifie les traités ». Je propose ceci :
« Il négocie les traités et les accords internationaux. L’Assemblée
Nationale les ratifie ».
Article 23 alinéa
2 : « Durant son mandat, le
Président de laRépublique ne peut par lui-même, ni par autrui, rien acheter ou
prendre en bail un bien qui appartienne au domaine de l’Etat, sans autorisation
préalable de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans les conditions
fixées par la loi. Il ne peut prendre part ni par lui-même, ni par autrui, au marché public ouprivé pour les
administrations ou institutions relevant de l’Etat ou soumise à leur
contrôle ». Je propose
qu’il soit écrit : au marché public ou privé des administrations ou
institutions relevant de l’Etat, des collectivités territoriales ou soumis à
leur contrôle.
Cet alinéa soulève
les remarques suivantes :
1.
Il faudrait
étendre le champ d’application de cet alinéa aux membres du gouvernement et
prévoir une loi les soumettant au délit de la prise illégale d'intérêt qui
sanctionne la violation du principe de la séparation de l’intérêt public et de l’intérêt
privé et se définit ainsi : « Le fait pour une personne dépositaire de
l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une
personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver,
directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans
une opération qu’elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge
d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le
paiement ».
En cas de
violation, les sanctions pourraient être par exemple l’interdiction des droits
civils, civiques, politiques…assorties de peines de prison, de fortes
amendes ; l’interdiction d’exercer toute fonction publique, la confiscation
des biens ainsi que le remboursement des sommes
perçues.
2.
Il ne faut pas
restreindre son application seulement aux dépendances de l’Etat mais à toute la
domanialité publique ou privée de
toutes les personnes morales de droit
public.
Article 24 alinéa
3 : « En aucun cas, le
Président de la République ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ou
le proroger pour quelque motif que ce
soit ».
Il faudrait
compléter cet alinéa par : « Toute tentative de prorogation, de
quelque manière que ce soit, qu’elle vienne du Président de la République
lui-même ou qu’elle vienne d’une institution ou personne privée, oblige le
Président de la Cour Constitutionnelle à engager les procédures de destitution
immédiate du Président. Les tentatives ne venant pas directement du Président de
la République sont considérées comme émanant de lui s’il est informé d’une
réunion, d’un écrit ou d’une parole préparant ou appelant à cette prorogation et
qu’il a laissé faire ».
Article
27 : « Dans les trente
jours qui suivent la prestation de serment, le Président de la République
nouvellement élu fait unedéclaration écrite de patrimoine déposée au greffe de
la Cour Constitutionnelle qui la rend publique dans les huit
jours ».
Quel est l’intérêt
de cette déclaration de patrimoine si la constitution ne prévoit pas qu’elle
doit être comparée, à la fin de mandat
avec l’inventaire de
patrimoine du Président de la République sortant ? Cet inventaire doit être
dressé par un cabinet d’expertise comptable choisi suite à un appel d’offres
publié par la Cour des comptes. La Cour des Comptes est d’office co-prestataire
de l’établissement de cet inventaire au nom du peuple
centrafricain.
Article
28 alinéa 2 : « A
défaut de promulgation dans les délais requis, la loi entre automatiquement en
vigueur soit après constatation par la Cour Constitutionnelle soit sur saisine
de l’Assemblée Nationale ».
Cet alinéa
comporte plusieurs imprécisions susceptibles de donner lieu à des
interprétations divergentes voire contradictoires et embarrassantes pour la Cour
Constitutionnelle :
1.
L’alinéa dit
clairement que la loi entre automatiquement en vigueur à défaut de promulgation
dans les délais requis. Pourquoi alors ajouter l’expression
suivante : « soit après constatation par
la Cour Constitutionnelle soit sur saisine
de l’Assemblée Nationale » ? Il n’y a absolument rien à
constater. La loi entre en vigueur automatiquement sans aucune autre procédure
dans les quinze jours en temps normal et en cas d’urgence dans les cinq jours.
Quelle serait l’utilité ou la nécessité d’une constatation par la Cour
Constitutionnelle?
2.
La seule
difficulté ici est de savoir qui va signer la loi pour la rendre obligatoire en
cas de dépassement du ou des délais constitutionnels (quinze et cinq
jours) ? Considérerons-nous le silence du Président de la République comme
une promulgation implicite ou une décision implicite de rejet ?
Selon moi, il n’y
a pas lieu à une décision implicite de rejet. Son silence vaut promulgation.
C’est la Constitution, norme suprême qui le précise. Si le Président de la
République veut s’opposer à la promulgation, cette même Constitution lui donne
le droit de demander une nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale et cette
nouvelle délibération ne peut lui
être refusée.
3.
S’agissant de la
saisine de l’Assemblée Nationale : Est-ce l’Assemblée Nationale qui procède
à la saisine ou bien c’est Elle qui est saisie ? Si c’est la deuxième
hypothèse, par qui sera-t-elle saisie ? Le dépassement du délai ne vaut-il
pas promulgation ? Je pense sous réserve de me tromper qu’il s’agit de la
saisine par l’Assemblée Nationale de la Cour
Constitutionnelle.
4.
En principe, en
droit pur, le Président de la République est en situation de compétence liée
pour signer les décrets promulguant les lois. En droit, l’usage du présent de
l’indicatif vaut obligation. L’article 22 alinéa 8 précise que le Président de
la République promulgue les lois. C’est donc une compétence liée. Dans le cadre de la rédaction telle
qu’envisagée, les futurs Présidents seront tenus de promulguer les lois et à
l’expiration des délais, celles-ci seront automatiquement promulguées. Mais
promulguées par quelle autorité puisque le Président de la République ne l’a pas
fait au terme du délai ? Deviendront-elles pour étant exécutoires ?
Non. Il faut prévoir une autre autorité qui va prendre un texte rendant la loi
votée exécutoire par exemple la Cour Constitutionnelle ou une autre
autorité.
Article 30 dernier
alinéa « A l’expiration de ce
délai, les ordonnances, lorsqu’elles ont été ratifiées, ne peuvent plus être
modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine
législatif ».
Le dernier membre
de la phrase soulignée est superfétatoire. Ill’est parce qu’une ordonnance, en
droit centrafricain comme en droit français, relève de la procédure législative
déléguée. En procédure législative ordinaire, le gouvernement ne peut pas
intervenir dans le domaine de la loi. En cas d’urgence ou lorsque le calendrier
de l’Assemblée Nationale est surchargé ou si le gouvernement veut éviter de
longs débats sur un texte très important, il va demander l’autorisation à
l’Assemblée Nationale pour intervenir dans le domaine législatif pour un temps limité et sur des sujets précis.
Une loi d’habilitation doit intervenir pour ratifier ces ordonnances. Dans le
cas contraire, elles deviennent caduques. Avant la ratification, ces ordonnances
ont le caractère réglementaire et
sont donc susceptibles d’être annulées par le juge administratif. Après la
ratification, elles revêtent le caractère législatif et ne peuvent plus être
modifiées par l’exécutif.
Il n’est donc pas
utile d’ajouter les mots « dans les matières qui sont du domaine législatif » puisqu’une ordonnance
n’intervient en droit centrafricain que dans le domaine législatif.
Article 31 :
Cet article attribue des pouvoirs exceptionnels au Président de la République
pour rétablir l’ordre public menacé, l’intégrité du territoire et le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Les mesures prises par le
Président de la République pendant cette période doivent être ratifiées par l’Assemblée Nationale
dans les quinze jours de leur publication. Ces mesures deviennent caduques sauf
si l’Assemblée Nationale est saisie d’un projet de loi de ratification dans
ledit délai.
Un délai devrait être fixé à l’Assemblée
Nationale pour adopter le projet déposé sur son bureau afin d’éviter des
difficultés ultérieures. Que se passera-t-il si l’Assemblée Nationale ne vote
pas le projet déposé sur son bureau au bout de six mois ou un an ? Lesdites
mesures deviennent-elles caduques ou pas ? En principe non puisque le
Président de la République s’est libéré de la procédure lui incombant. Si ces
mesures ne deviennent pas caduques, elles sont donc de nature réglementaire.
Cela signifie que tout citoyen ayant un intérêt peut demander au juge
administratif de les annuler en exerçant un recours pour excès de pouvoir. Ce
sera une véritable insécurité juridique. L’état du droit ne doit souffrir
d’aucune approximation.
Enfin, les
ordonnances doivent être explicitement ratifiées pour éviter que leur légalité
ne soit contestée de manière permanente. Pour cela, il faut fixer un délai à
l’Assemblée Nationale pour les ratifier.
Article 35 alinéa
2 : « Tout cas
d’empêchement définitif ou de maladie, qui place le Président de la République
dans l’impossibilité absolue
d’exercer ses fonctions, doit être constaté par un comité spécial présidé par le
Président de la Cour Constitutionnelle.
Le Comité Spécial, saisi par le Gouvernement, statue à la majorité
absolue de ses membres… ».
Il faudrait éviter
au pays qui a déjà souffert de retardspris dans tous les domaines de tomber dans
des paralysies futures qui seront liées à la mauvaise volonté d’un Président de
la République rongé par la maladie et incapable de diriger le pays, de garder le
pouvoir pour la simple raison que le gouvernement nommé par ce Président
hésitera ou refusera de saisir le comité spécial pour constater l’impossibilité
du Président de la République d’exercer ses fonctions. En effet, il est
souhaitable de confier l’initiative de la saisine à la Cour Constitutionnelle
avec une ou des garanties
opérationnelles, par exemple si le Président de la République n’a pas présidé le
Conseil des Ministres pendant trois mois, la Cour a l’obligation de saisir le
comité spécial. Ce sera un mécanisme d’auto-saisine. Le Président de la Cour
Constitutionnelle saisit l’Institution. Ce sera, me semble-t-il, efficace
puisque les membres de la Cour Constitutionnelle étant désignés à vie, son
Président ne craindra pas les éventuelles représailles du Chef de
l’Etat.
Article
42 : « Après la
nomination des membres du Gouvernement, le PREMIER Ministre, Chef du
Gouvernement, se présente dans un délai
maximum de soixante jours devant l’Assemblée Nationale et expose son
programme de politique générale. En cas de non-respect du délai de soixante
jours, il est fait application de
l’article 41 ».
Cet article 41
énonce ceci :
« Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
est responsable devant le Président de la République et devant l’Assemblée
Nationale.
Il peut être mis
fin, à tout moment, aux fonctions de
Premier Ministre par le Président de la République ou à la suite d’une motion de
censure adoptée à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée
Nationale ».
Il est évident que
l’application de l’article 41 ne conduit pas absolument à la cessation des
fonctions du Premier Ministre. D’abord parce que le début de l’alinéa 2 de
l’article 41 fait usage du verbe pouvoir. Ce n’est donc pas une obligation pour
le Président de la République de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre et
ce n’est pas une obligation non plus pour l’Assemblée Nationale de voter une
motion de censure. Ensuite, la responsabilité qu’évoque l’alinéa 1er
de l’article 41 est une responsabilité traditionnelle, ordinaire de tout régime
parlementaire bicéphale. Il n’y a rien
d’exceptionnel.
Si les
centrafricains veulent sanctionner
la défaillance du Premier Ministre incapable de présenter son programme de
politique générale dans le délai de soixante jours, il faudrait
dire : « En cas de non-respect du délai de soixante jours, le Président de la
République met fin aux fonctions du
Premier Ministre. Cette phrase est plus opérationnelle.
L’expression : « il est fait application de l’article
41 » peut conduire à des dénis de compétence ou des cas d’incompétence
négative de la part du Président de la République ou de l’Assemblée Nationale
forcément préjudiciable à la nation centrafricaine qui n’a pas besoin de
cela.
Article 43 :
Cet article organise ce qu’on appelle la question de confiance ou l’engagement
de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée Nationale sur un texte
qu’il considère comme très important.
Comme tout
démocrate, je suis rétif aux dispositions constitutionnelles qui sont de la
dictature constitutionnalisée. Tout ce qui est parlementarisme fortement
rationalisé ressemble à un déni de démocratie ou un coup de force. La question
de confiance est la soeur jumelle du vote bloqué qui oblige les députés à se déjuger, à
voter les dispositions qu’ils avaient initialement refusé
d’adopter.
En démocratie, il
faut dialoguer, discuter et essayer de convaincre plutôt que de passer en
force.
Article
45 : « Les fonctions de
membre du Gouvernement sont incompatibles avec celles de membre de l’Assemblée
Nationale, de membre du Conseil Economique et Social, de toute fonction de
représentation professionnelle, de tout emploi salarié et de toute activité
lucrative ».
Cet article
tombera en désuétude dès l’entrée en vigueur de la Constitution si les
mécanismes de sa mise en œuvre comprenant les sanctions ne sont pas prévus
directement par la Constitution elle-même.
Article 46 :
« Dans les trente jours qui suivent
la formation du Gouvernement, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement
font, chacun en ce qui le concerne, une déclaration écrite de patrimoine,
déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle qui la rend publique dans les
huit jours francs ».
Attention, cet
article est incomplet ou insuffisant. Il ne prévoit pas de confrontation entre
le patrimoine déclaré lors de l’entrée en fonction du ministre et le patrimoine
détenu à la sortie du gouvernement. Que se passera-t-ilpar exemple, si à la
cessation de fonction, il est constaté une différence positive importante entre
le patrimoine déclaré lors de l’entrée au gouvernement et celui détenu à la
sortie ? Il serait bon de prévoir des mécanismes de contrôle des deux
patrimoines à l’entrée et à la sortie du gouvernement et prévoir également les
autorités ou organismes spécialement missionnés de ce contrôle comme par exemple une
Haute Autorité chargée de la transparence de la vie publique qui se saisira automatiquement lors de la formation de
chaque nouveau gouvernement et qui transmettra ses conclusions au parquet et/ou à la
Cour Constitutionnelle. Elle se saisira automatiquement lors de la sortie d’un
ministre du gouvernement et comparera le patrimoine d’entrée à celui accumulé à
la sortie.
Article
48 : « Le Gouvernement
examine, en Conseil des Ministres, les projets de lois avant leur dépôt à
l’Assemblée Nationale. Il est consulté pour avis sur les propositions de
lois ».
Il est en outre
saisi préalablement à toute décision :
-
Des questions
concernant la politique générale de la
Nation ;
-
Du projet du
plan ;
-
Du projet de
révision de la constitution ;
-
Des nominations à
certains emplois civils et militaires.»
Je me permets donc de
proposer :
Article 48 :
« ….Il est en outre saisi préalablement à toute décision
concernant :
- des questions de
politique générale de la Nation ;
- un projet du
plan ;
- un projet de
révision de la constitution ;
- des nominations
à certains emplois civils et militaires. »
Article 54 alinéa
2 : « Les autres membres
du Bureau(Bureau de l’Assemblée Nationale) sont élus chaque
année. »
Cette fréquence
trop rapprochée est source de difficultés. Les membres d’un Bureau ont besoin de
temps pour asseoir leur politique et faire leurs preuves. Je suggère un
renouvellement complet par élection en milieu du
mandat.
Article 54 alinéa
3 : « Le Président de l’Assemblée Nationale peut faire
l’objet de procédure de destitution pour manquement aux devoirs de sa charge sur
demande motivée du tiers des députés. »
Auprès de qui
doit-être déposée cette demande ? Auprès du Président de l’Assemblée
Nationale ? Celui-là même dont on veut destituer ? Comment va-t-il
organiser efficacement et promptement sa propre
destitution ?
Il faudrait
compléter cet alinéa par cette phrase : « Cette demande est déposée
sur le Bureau de l’Assemblée Nationale. Ce dépôt donne lieu à une inscription à
l’ordre du jour d’une séance extraordinaire de l’Assemblée Nationale qui doit
être convoquée dix jours francs par le Premier Vice-Président de l’Assemblée
Nationale et à son absence par le
deuxième Vice-Président. En cas d’empêchement de ceux-ci, l’ordre protocolaire
est suivi pour l’inscription et la convocation.
Article
64 : « Sont du domaine de
la loi :
1.
Les règles
relatives aux matières suivantes :
……..
……..
-
Le régime d’émission de la
monnaie »
La République
Centrafricaine n’a pas d’Institut
d’Emission monétaire. Le franc CFA n’est pas émis par l’Etat centrafricain. La
RCA n’a pas la souveraineté monétaire et la politique monétaire n’est pas faite
par les Etats membres de la CEEAC. La BEAC ne porte que le nom de Banque
Centrale. Tout est décidé au niveau de la France et de la Banque Centrale
Européenne située à Francfort en Allemagne.
La parité du franc
CFA est fixe avec l’Euro. Les Etats africains, la CENTRAFRIQUE comprise,ne
décident absolument de rien. Les grands principes régissant le franc CFA tels
que la transférabilité illimitée, la convertibilité illimitée, la fixité de la
parité etc ont été coulés dans le marbre par la convention de la zone franc.
Tous ces principes ont été repris par le traité de Maastricht. Le franc CFA fait
donc partie de la zone Euro. C’est une subdivision de la monnaie européenne. La
politique monétaire du franc CFA est déterminée et conduite par la Banque
Centrale Européenne et non par les africains.
Article 65 alinéa
2 : « Les lois de finances sont obligatoirement
votées avant la fin de l’exercice encours. Si la loi de finances fixant les ressources
et les charges d’un exercice n’a pas été adoptée en temps utile par le
Gouvernement, celui-ci demande d’urgence à l’Assemblée Nationale l’adoption
d’une loi portant douzièmes provisoires de la loi de finances de l’exercice
précédent »
Cet article
comporte des imprécisions et des
contradictions :
D’abord, si les
lois de finances sont obligatoirement votées avant la fin de l’exercice, il ne
peut pas y avoir des douzièmes provisoires. Cette technique de douzièmes
provisoires n’intervient que s’il n y a pas d’obligation de voter la loi de
finances avant la fin de l’exercice. Or dans le cas sous examen, la future
Constitution centrafricaine fera obligation aux députés de voter la loi de
finances avant la fin de l’exercice.
L’utilisation du
terme « exercice » ici constitutionnalise le principe de l’annualité
budgétaire, c’est-à-dire l’obligation de voter le budget et de l’exécuter au courant de l’année. En
d’autres termes, toutes les écritures comptables doivent être réalisées au
courant de l’exercice. Le nouveau budget doit être voté avant le 31 décembre
pour être appliqué à compter du 1er janvier de l’exercice suivant. Le
vote obligatoire de la loi de finances avant la fin de l’année et l’adoption des
douzièmes provisoires sont absolument incompatibles et contradictoires.
Si la nouvelle
Constitution exige le vote de la
loi des finances avant la fin de l’exercice, il faudrait retirer le recours aux douzièmes provisoires du
texte de la Constitution. S’il faut assouplir la gestion budgétaire et comptable
en inscrivant les douzièmes provisoires en prévision d’éventuelles forces majeures qui pourraient entraîner
des retards dans la préparation et le vote de la loi de finances, dans ce cas il
faudrait supprimer du texte de la Constitution, l’obligation de voter la loi de
finances avant la fin de l’exercice.
Ensuite, ce même
alinéa 2 dit : « Si la loi
de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été adoptée en temps utile par le
Gouvernement, celui-ci demande d’urgence à l’Assemblée Nationale l’adoption
d’une loi portant douzièmes provisoires de la loi de finances de l’exercice
précédent. »
Le principe de la
séparation des pouvoirs interdit au Gouvernement d’adopter une loi. C’est à
l’Assemblée Nationale d’adopter la
loi. Il est pourtant bien écrit dans ce projet de Constitution à l’article 64
que les lois de finances relèvent
du domaine de la loi et donc de la compétence du Parlement. Il n’est pas
de la compétence du Gouvernement d’adopter une loi.
La commission a
certainement voulu écrire la phrase suivante : « Si la loi de
finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être
promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d’urgence au
parlement l’autorisation de
percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services
votés. »
NB : Il y a
deux procédures ou techniques budgétaires
distinctes :
1-La procédure ou
technique des douzièmes provisoires : Elle est mise en œuvre dans le cas où
le budget n’est pas encore voté. Le gouvernement demande d’urgence au parlement
d’adopter une loi lui permettant d’exécuter le budget de l’exercice N-1 par
douzième en attendant le vote du budget de l’exercice N qui sera voté
ultérieurement.
2-La procédure ou
technique de perception des impôts et l’exécution des services votés : Ici,
la loi de finances est
généralement déjà votée mais elle
n’est pas encore promulguée. Le Gouvernement demande au Parlement de voter
rapidement une loi qui l’autorise à percevoir les impôts et d’exécuter, en
termes de dépensespubliques, ce qu’on appelle les services votés. Ils sont le
minimum de dotation que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre
l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées par
le Parlement l’année précédente. Ce sontcelles qui figuraient déjà dans le
budget de l’exercice N-1 et reconduites dans la loi de finances de l’exercice N
non encore promulguée. Autrement dit ces dépenses sont reconduites
automatiquement d’une année à l’autre.
Je suis surpris
que la future Constitution reprenne la technique des services votés qui est une
technique laxiste, une véritable absence de rigueur et d’efficience dans la
préparation du budget. La plupart des Etats au monde l’ont abandonnée au profit
d’autres techniques beaucoup plus efficace des dépenses publiques, par exemple
la technique du budget à base zéro, la méthode ABC, le budget par activité ou
par mission, le budget opérationnel de programme, le budget de performance etc…
etc…
Article 65 alinéa
7 : « Si le Gouvernement
le demande, l’Assemblée Nationale se prononce sur tout ou partie du projet de
loi de finances en ne retenant que les amendements acceptés par le
Gouvernement. »
Je vous renvoie à
l’avis donné précédemment sur l’engagement de la responsabilité du Gouvernement
(page 10 article 43). Il s’agit ici de la mise en œuvre du voté bloqué qui
oblige les députés à voter des dispositions qu’ils avaient initialement refusé
de voter. Les députés se déjugent. C’est ce que j’appelle de la dictature
constitutionnalisée. C’est l’équivalent de l’article 44-3 de la Constitution
française du 4 octobre 1958 qui n’est pas du tout un modèle de démocratie. Il
faut plutôt procéder par persuasion que par la
brutalité.
NB : Aucune
disposition de ce projet de Constitution ne prévoit le cas où par un fait
extraordinaire ou pour une raison extérieure à la volonté du Président de la République, la loi de
finances votée n’a pu être
promulguée,par exemple la Cour Constitutionnelle déclare la loi de finances
votée inconstitutionnelle, ou bien volontairement aussi, pour des raisons qui
lui sont propres, le Président de la République refuse de promulguer cette loi.
Comment les institutions vont fonctionner ?
Il y a deux cas de
figure :
1-
La Cour
Constitutionnelle déclare tout ou partie de la loi de finances contraire à la
Constitution. Si c’est une partie seulement, la loi de finances est promulguée
sauf les dispositions jugées contraires à la Constitution. Si c’est toute la loi
de finances qui n’est pas conforme à la loi fondamentale, le gouvernement a
l’obligation de déposer sur le Bureau de l’Assemblée Nationale un autre projet
de loi de finances. L’Assemblée Nationale dispose alors de vingt jours francs à
compter de sa saisine pour voter le texte. Les Institutions de la République
vont fonctionner par douzièmes provisoires durant les mois de janvier et
février.
2-
Le président de la
République refuse de promulguer la loi de finances votée. Ce cas est improbable.
Je l’ai dit ci-haut que dans le système mis en place dans la future
Constitution, le Président de la République sera obligé de promulguer toute loi
votée. L’usage du présent de l’indicatif en droit vaut impératif et met le
Président de la République dans une situation de compétence
liée.
Article 88 alinéa
1er : « La Cour
des Comptes est la juridiction compétente pour juger les comptes des comptables
publics, ceux des collectivités territoriales ainsi que ceux des entreprises
publiques. »
L’article 88
devrait s’écrire ainsi : « La Cour des Comptes juge les comptes
des comptables publics ».En jugeant les comptes des comptables publics, la
Cour des Comptes juge aussi les comptes de toutes les personnes morales de droit
public (Etat et ses établissements
publics, collectivités territoriales et leurs établissements publics,
entreprises publiques..). Le droit budgétaire centrafricain applique le principe
de la séparation des ordonnateurs et des comptables (sauf si les règles ont
changé en Centrafrique mais celles que j’appliquais quand j’étais inspecteur du
trésor à Bangui était bien la séparation de ces deux agents), il est donc
impropre de dire que la Cour des Comptes juge les comptes des comptables
publics, ceux des collectivités territoriales ainsi que ceux des entreprises
publiques. En jugeant les comptes des comptables publics, la Cour juge aussi les
comptes des collectivités
territoriales et ceux des entreprises publiques sauf si les comptables des
collectivités territoriales n’ont pas la qualité de comptable public ou sauf si
le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables n’est plus
appliqué en Centrafrique, ce qui serait absolument dangereux pour les finances
publiques de ce pays.
Au sujet du
contrôle, je propose que désormais les comptes de l’Etat soient certifiés par la
Cour des Comptes et que ceux des collectivités locales ainsi que des entreprises
publiques le soient par des organismes indépendants comme par exemple les
cabinets d’expertise comptable ou des commissaires aux comptes dans le cadre de
la transparence financière. Ce contrôle assurera la fidélité des comptes ainsi
que leur sincérité et régularité.
Le contenu de
cette certification constituera une mine d’information pour les citoyens, un
outil de contrôle pour l’Assemblée Nationale et un levier de bonne gouvernance
pour le gouvernement.
Les missions de la
Cour des Comptes doivent, à mon avis, s’étendre au contrôle de gestion des
ordonnateurs. Contrôler les comptes des comptables publics et contrôler la
gestion des organismes publics sont deux choses bien distinctes. Le contrôle de
gestion, c’est l’appréciation de la bonne ou mauvaise gestion de la chose publique qui touche tous les
aspects de la vie publique. Il s’agit de porter un regard critique sur la
manière de gérer la chose publique par les ordonnateurs. Il s’agit de s’assurer
du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les ordonnateurs. Ce
contrôle de gestion s’effectue aussi sur les organismes non dotés de comptables
publics.
Le contrôle des
comptables publics, par contre est un simple contrôle de
régularité.
Article 92 alinéa
1er : « La Cour
Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière
constitutionnelle. Elle est chargée de :
-
Juger la constitutionnalité des lois
organiques et ordinaires déjà promulguées ou simplement votées, des règlements
ainsi que du règlement intérieur de l’Assemblée
Nationale ; »
Cet alinéa fait
l’objet de deux remarques :
A – La Cour
Constitutionnelle est en principe chargée de vérifier la conformité des lois à
la Constitution. Elle n’est pas une Cour suprême en matière administrative.
L’alinéa 1er tel que rédigé, a inclus les règlements dans le contrôle
de la Cour Constitutionnelle. Cela signifie que désormais la Cour
Constitutionnelle contrôlera la constitutionnalité des normes émanant de l’exécutif. En
d’autres termes, il y aura deux juridictions suprêmes pour contrôler les
règlements d’une part le Conseil d’Etat et d’autre part la Cour
Constitutionnelle.
Cela n’a pas de
sens et même si cette nouvelle technique juridique propre à la Centrafrique est
mise en œuvre, elle se fracassera contre une énorme contradiction.
Laquelle ? La voici : l’article 85 dit que le Conseil d’Etat est la
juridiction d’appel et de cassation des tribunaux administratifs… Les décisions
rendues par le Conseil d’Etat ne sont susceptibles d’aucun
recours.
Si le Conseil
d’Etat est la juridiction d’appel et de cassation des tribunaux administratifs,
cela signifie que dans l’ordre administratif, les tribunaux administratifs
connaissent des contentieux administratifs, c’est-à-dire des contentieux en
matière règlementaire en premier ressort ; le Conseil d’Etat intervient en
dernier ressort et ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours. Autrement
dit, une fois que le Conseil d’Etat
a statué, une fois que le Conseil d’Etat a dit le droit, aucune autre
juridiction ne peut intervenir puisqu’il est situé au sommet de la pyramide
judiciaire pour contrôler la légalité des règlements sauf le règlement de
l’Assemblée qui relève directement de la Cour
Constitutionnelle.
Il se trouve que
l’article 92 de ce projet de Constitution dit que la Cour Constitutionnelle juge
aussi la conformité des règlements à la Constitution. Les règlements vont donc
subir un double contrôle. Le premier effectué par le juge administratif qui sera
le contrôle de la légalité des règlements et le deuxième le contrôle de
constitutionnalité de ces mêmes règlements effectué par la Cour
Constitutionnelle.
Le droit
centrafricain a certainement établi la hiérarchie des normes. La Constitution
est située au-dessus de la hiérarchie de toutes ces normes juridiques. Toutes
les autres normes lui sont
inférieures. La norme que contrôle la Cour Constitutionnelle c’est la loi et les
règlements d’Assemblée. Les autres normes, c’est-à-dire celles émanant du
pouvoir exécutif (ordonnances avant leur ratification, décrets, arrêtés et
circulaires) sont soumises au contrôle du juge administratif qui vérifie leur
légalité.
Si les règlements
doivent aussi être contrôlés par la Cour Constitutionnelle, ce qui est possible,
puisque le droit centrafricain peut aussi choisir sa propre voie, cela posera
des problèmes d’engorgement. Il va falloir recruter plusieurs juges à la Cour
Constitutionnelle pour examiner tous les recours contentieux en matière
administrative. Les neuf juges prévus ne pourront pas faire tout le travail. En
plus, il faudrait réécrire l’article 85 en retirant l’alinéa 3 qui dispose que
les décisions rendues par le Conseil d’Etat ne sont susceptibles d’aucun recours
puisque la Cour Constitutionnelle étant la plus haute juridiction en matière
constitutionnelle, elle aura donc aussi à connaître des recours contentieux par
lesquels les requérants insatisfaits de la décision du Conseil d’Etat pourront
s’adresser à elle. Chaque pays a ses règles propres de droit. En République
Démocratique du Congo par exemple, une ordonnance est une norme signée par le
Président de la République. Il prend ainsi une ordonnance pour nommer les
membres du gouvernement ou pour confirmer l’élection des gouverneurs des
provinces désignés par les grands électeurs, eux-mêmes élus par la population
aux scrutins directs. La Centrafrique peut aussi avoir une définition et une
opérationnalité des termes juridiques différentes de celles des autres pays. Le Droit doit être la
traduction des réalités sociologiques de chaque peuple. Il faudrait seulement
clarifier les domaines de compétence.
B- La Cour Constitutionnelle juge la constitutionnalité des lois
organiques et ordinaires, déjà promulguées ou simplement votées. Cette rédaction
de l’article 92 ne règle pas un deuxième problème qui est celui de la
promulgation de ces deux catégories
de loi. Est-ce que ces deux catégories de loi sont obligatoirement
soumises à la vérification de leur conformité à la Constitution avant leur
promulgation ou seulement les lois organiques ? En France par exemple,
seules les lois organiques doivent obligatoirement être soumises au contrôle de
constitutionnalité avant leur promulgation. Cette règle n’est pas sans
inconvénient puisqu’il n’est pas rare de constater que pour une loi ordinaire
donnée, des divergences de vue apparaissent entre les juges quant à sa
conformité à la Constitution. Je propose que toutes les lois soient soumises au
contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation. Pourquoi ? Avant de
répondre à cette question, je vais retracer brièvement les deux modèles de
justice constitutionnelle avec leurs avantages et inconvénients pour essayer de
situer ce que pourrait être la spécificité centrafricaine avec cette proposition
de vérification de la constitutionnalité
de toutes les lois avant leur promulgation.
Il existe le
modèle américain et le modèle européen de justice constitutionnelle. La
Centrafrique pourrait faire la
synthèse des deux en ne prenant que les avantages des deux
mécanismes :
1
Aux USA, tous les
tribunaux, quelle que soit leur
place dans la hiérarchie, sont compétents
pour vérifier la conformité d’une loi à la Constitution. Du premier degré
à la Cour Suprême, tous les tribunaux sont juges de la constitutionnalité des
lois. Ce ne sera pas le cas en Centrafrique puisque seule la Cour
Constitutionnelle effectuera ce contrôle qui sera déjà fait avant la
promulgation et donc la question de l’inconstitutionnalité ne se posera
plus.
2
Aux USA, lors d’un
procès, l’une des parties peut soulever devant le juge l’inconstitutionnalité de
la loi que son adversaire veut lui faire appliquer et le juge doit vérifier la
constitutionnalité de la loi en cause. Le contrôle s’effectue donc a posteriori.
En Centrafrique, les tribunaux vont être épargnés de cette lourdeur puisque
cette vérification a été déjà faite en amont de la promulgation. Il n’y aura
donc, en principe, aucune loi contraire à la
Constitution.
3
Aux USA, la
décision que rend le juge pour le procès sous examen est revêtue de l’autorité
relative de la chose jugée c’est-à-dire qu’elle ne s’applique qu’aux parties à
ce procès. Si le juge déclare la loi invoquée contraire à la Constitution
américaine, il n’a pas le droit de l’annuler. Il va simplement l’écarter. Cette
loi reste en vigueur et pourra être appliquée lors d’un autre procès si l’une
des parties ne soulève pas la question de sa conformité à la Constitution. Même
si l’une des parties le fait, le juge saisi peut donner une interprétation
divergente de son collègue. Le modèle centrafricain sera ici aussi, épargné de
ces difficultés.
4
Le modèle
américain est confié aux magistrats tandis que le modèle européen est confié aux
juristes.
Alors que le
modèle américain s’exerce par voie d’exception, le modèle européen s’opère par
voie d’action, c’est-à-dire que le procès est fait contre la loi elle-même. La
mise en œuvre du modèle européen se fait indépendamment d’un procès. Il n’y a
pas de litige en cours sauf la spécificité française introduite dans
l’ordonnancement juridique depuis 2010 appelée la question prioritaire de
constitutionnalité. Le modèle centrafricain fera l’économie de ces deux
mécanismes. Il n’y aura ni voie d’action ni voie d’exception. Tout se fait
comme pour les lois organiques. La
constitutionnalité est vérifiée avant la promulgation. En Centrafrique, avant
que les lois n’aient produit leurs effets, elles sont déjà
contrôlées.
5
En Centrafrique,
lorsque les lois seront déclarées contraires à la Constitution, elles seront
annulées avant leur entrée en vigueur. La décision de la Cour
Constitutionnelle aura l’autorité
absolue de la chose jugée c’est-à-dire qu’elle s’imposera à
tous.
6
Voici ce que
pourrait être en résumé le modèle
centrafricain :
A) Toutes les
lois, organiques comme ordinaires sont soumises au contrôle de
constitutionnalité avant leur promulgation ;
B) La Cour
Constitutionnelle centrafricaine est composée de magistrats et de juristes. Les
¾ sont des magistrats.
C) La vérification
de la constitutionnalité des lois avant leur promulgation résout tous les
problèmes :
1-Il n’y aura plus
le côté aléatoire du modèle américain où l’initiative est laissée aux parties à
un procès. Si l’une des parties ne soulève pas la question de la conformité à la
Constitution de la loi que son adversaire veut lui faire appliquer, le juge ne
fait rien. Une loi déclarée inconstitutionnelle par un juge peut être appliquée
par un autre juge.Il n’y aura plus de contrariété de jurisprudence concernant la
constitutionnalité des lois.
2-Il n’y aura plus
d’insécurité juridique pour ce qui concerne les nouvelles lois entrées en
vigueur après l’adoption de la nouvelle constitution. Mieux, il n’y aura plus du
tout de contentieux mettant en jeu la constitutionnalité des nouvelles lois puisque leur
constitutionnalité aura été déjà vérifiée.
3-Les lois
déclarées constitutionnelles deviennent donc inattaquables et de ce fait toute
procédure contentieuse à ce sujet
n’existera plus.
Article 93 alinéa
1er : « Toute personne
qui s’estime lésée peut saisir la
Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement,
soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une
juridiction dans une affaire qui la concerne. La Cour Constitutionnelle est
tenue de statuer dans un délai d’un mois. En cas d’urgence, ce délai est ramené
à huit jours. »
Les articles 92 et
93 de la future constitution centrafricaine ont opté pour le modèle américain de
justice constitutionnelle, c’est-à-dire la voie d’exception où la loi est déjà
votée et promulguée. Ce système reprend partiellement le modèle français avec la
technique des questions prioritaires de constitutionnalité, technique inscrite à
l’alinéa 2 du projet de constitution qui s’énonce ainsi : « Lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité
est soulevée par un justiciable
devant une juridiction, quelle qu’elle soit, celle-ci est tenue de surseoir à
statuer et de saisir la Cour Constitutionnelle qui doit se prononcer sur la
constitutionnalité du texte en litige dans le délai d’un mois qui court à
compter de sa saisine par la juridiction
concernée. »
Ces dispositions
comportent plusieurs inconvénients :
·
Si aucune des
parties ne décide de poser la question prioritaire de constitutionnalité, la loi
contraire à la Constitution va demeurer.
·
Même si la
question prioritaire de constitutionnalité est posée, elle fait trainer le cours
du procès et surenchérit le coût.
·
Il y a un risque
de divergence d’interprétation entre le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation
puisque la question prioritaire de constitutionnalité doit transiter par les
plus Hautes Juridictions des deux ordres qui la transmettront ensuite à la Cour
Constitutionnelle. Ils apprécient la pertinence de la question avant la
transmission. C’est à ce niveau que la divergence peut
apparaitre.
·
NB : Si le
contrôle a posteriori ou l’exception d’inconstitutionnalité devait être retenu,
il faut mettre des filtres pour éviter l’encombrement de la Cour
Constitutionnelle
Je persiste à dire
que la vraie solution pour l’efficacité du système de justice constitutionnelle
est le contrôle en amont de la promulgation de toutes les lois. Les avantages
sont nombreux comme je les ai indiqués ci-dessus et notamment ce contrôle a
priori intégral qui permet d’éviter la survenance des contentieux
d’inconstitutionnalité. Tout ou partie d’un projet de loi entaché
d’inconstitutionnalité sera supprimé avant la promulgation. Les projets de loi
sont donc ainsi à l’abri de tout soupçon
d’inconstitutionnalité.
Le seul
inconvénient du contrôle a priori intégral sera la survivance des lois
antérieures à la future Constitution centrafricaine c’est-à-dire le stock des
lois existantes. Le contrôle a priori intégral ne concernant que les lois qui ne
sont pas encore promulguées, les lois actuelles contraires à la Constitution
vont demeurer. Pour les actualiser et les rendre conformes à la nouvelle
Constitution, je propose ceci :
1-
Mettre en place au
sein de la Cour Constitutionnelle une cellule chargée de mettre à jour le stock
des lois existantes. Elle serait chargée durant quelques années, peut-être deux
ou trois ans, de confronter toutes les lois existantes aux dispositions de la
nouvelle Constitution. Celles qui ne sont pas conformes à la nouvelle
Constitution feront l’objet, soit d’une nouvelle délibération de l’Assemblée
Nationale, soit d’une abrogation directe par la Cour Constitutionnelle
elle-même. Dans ces deux cas, la procédure législative ordinaire avec toutes les
contraintes de délais légaux reprennent leur cours normal. Les lois qui ont fait
l’objet d’une abrogation directe seront transmises à l’Assemblée Nationale qui
dispose d’un mois pour les voter à nouveau en prenant la précaution pour les
rendre conformes à la Constitution. Si la nouvelle délibération n’intervient pas
dans le délai imparti (un mois), l’abrogation devient définitive. Certaines de
ces lois qui sont intervenues dans le domaine règlementaire feront l’objet d’un
déclassement par la Cour Constitutionnelle pour permettre à l’exécutif de les
modifier. Cela accéléra le processus de
nettoyage.
2-
Garder
momentanément pendant la période de mise à jour, l’exception
d’inconstitutionnalité comme soutien à ce travail pour aller encore plus
vite.
3-
Pour que la
deuxième proposition ci-dessus soit efficace, toutes les décisions rendues dans
le cadre de l’exception d’inconstitutionnalité doivent être revêtues de
l’autorité absolue de la chose jugée. Elles doivent avoir la valeur erga omnes
c’est-à-dire qu’elles seront opposables à
tous afin d’éviter l’application ultérieure de cette loi déclarée
contraire à la constitution lors d’un procès par un autre
juge.
Article 94 alinéa
1 : « La Cour des Comptes
comprend neuf membres dont au moins trois femmes, qui portent le nom de juges
constitutionnels.»
A ce niveau de
responsabilité, la présence ou non des femmes n’a aucun intérêt. La parité, la
non-parité ou la présence des hommes ou des femmes importe peu. C’est la
compétence des futurs juges constitutionnels qui importe. Je n’ai rien contre la
gente féminine. Il s’agit de l’avenir d’un pays.
Article 94 alinéa
2 : « La durée du mandat
des juges constitutionnels est de 7 ans ».
Il faudrait rendre
la durée du mandat indéfinie, c’est-à-dire que les juges soient nommés à vie.
Cela permettrait de les rendre indépendants des autres pouvoirs et notamment de
l’exécutif. Ils n’auraient donc rien à craindre lorsqu’ils reprendront leurs
activités dans leur administration ou organisme
d’origine.
En outre, il
faudrait trouver un mécanisme pour rendre difficile la corruption des juges
constitutionnels. J’affirme ceci parce qu’un ancien membre de la Cour
Constitutionnelle m’a révélé que les membres de cette prestigieuse institution
avaient perçu de l’argent de la part de l’ancien Président de la République, en
l’occurrence Monsieur BOZIZE, pour orienter les résultats des dernières
élections présidentielles en sa faveur (la personne qui m’a fait cette
révélation a aussi perçu une partie de cet argent). Je n’ai aucune idée sur le
mécanisme à mettre en place à ce sujet mais cela mérite
réflexion.
Article 94 alinéa
3 : « Les membres de la
Cour Constitutionnelle sont désignés comme
suit :
-
Deux magistrats
dont une femme, élus par leurs pairs ;
-
Deux avocats dont
une femme, élus par leurs pairs ;
-
Deux
enseignants-chercheurs en Droit dont une femme, élus par leurs
pairs ;
-
Un membre nommé
par le Président de la République ;
-
Un membre nommé
par le Président de l’Assemblée
Nationale ;
-
Un membre nommé
par le Président du Conseil Economique et
Social. »
La référence aux
pays européens qui font nommer certains membres de la Cour ou du Conseil
constitutionnel par les Présidents de la République, de l’Assemblée Nationale et
du Sénat n’est pas du tout un modèle de démocratie. Je propose qu’aucun membre
de la Cour Constitutionnelle centrafricaine ne soit nommé par qui que ce soit.
Ils doivent tous être élus par leurs pairs.
Article 94 alinéa
4 : « Ils élisent, en
leur sein, un Président parmi les membres juristes et un Vice-Président.
L’élection est entérinée par Décret du Président de la
République. »
Il faudrait fixer
une échéance au Président de la République afin d’éviter des manœuvres
dilatoires de sa part du fait que la présence de certaines personnes au
sein de la Cour Constitutionnelle
ne lui convienne pas.
Article 94 alinéa
6 : « Les membres de la
Cour Constitutionnelle se renouvellent
intégralement. »
Si la proposition
de désigner à vie les juges constitutionnels est retenue, l’alinéa 6 n’aura plus
lieu d’être. Dans le même ordre d’idée, l’alinéa 7 sera
réécrit.
Article 94 alinéa
9 : « Lors des prises de
décision, et en cas d’égalité des voix, celle du Président est
prépondérante. »
il faudrait faire
très attention à cette disposition. Tout le monde a encore fraichement en tête
la récente déclaration de Monsieur Dumas, l’ancien Président du Conseil
Constitutionnel français. Il a déclaré qu’en 1995, les comptes de compagne de
l’ancien Président de la République
française, Monsieur CHIRAC avaient dépassé les seuils fixés par la loi.
Le Conseil Constitutionnel devait annuler les élections présidentielles de 1995.
Or, Monsieur DUMAS, ancien Président du Conseil Constitutionnel avait été
longuement reçu à l’Elysée pour ne pas invalider les résultats de ces élections.
Il a décidé de suivre les conseils de Monsieur CHIRAC parce qu’ « il
ne voulait pas faire sauter la République ».
Il faudrait mettre
en place un mécanisme de verrouillage pour empêcher une telle éventualité en
Centrafrique.
Article 95 alinéa
1er : « Les
fonctions de juge constitutionnel sont incompatibles avec l’exercice de toute
fonction politique, administrative ou au sein d’un parti politique, de toute
activité lucrative, de toute fonction de représentation professionnelle ou de
tout emploi salarié, à l’exception de l’enseignement et de l’exercice de la
médecine. »
Il faudrait
prévoir un organisme chargé de veiller au respect de cette disposition ainsi que
les mécanismes de sanction en cas de violation. Il faudrait peut-être s’inspirer
de mes préconisations concernant le Président de la République et les membres du
Gouvernement.
Article 95 alinéa
2 : « Dans les soixante
jours qui suivent leur installation, les membres de la Cour Constitutionnelle
font, chacun en ce qui le concerne, une déclaration écrite de patrimoine,
déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle qui la rend publique dans huit
jours francs. »
Les dispositions
de cet alinéa sont insuffisantes pour assurer un contrôle efficace. Il faut, par
période de cinq ans ou tous les deux ans qui suivent une élection
présidentielle, comparer la déclaration déposée au greffe de la Cour
Constitutionnelle à un inventaire du patrimoine de chacun des juges
constitutionnels (voir le mécanisme que j’ai proposé pour la sortie de fonction
du Président de la République et les membres du
Gouvernement).
Article
100 : « Le Président de la
République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses
fonctions qu’en cas de haute trahison.
Sont notamment
considérés comme crimes de haute
trahison :
-
La violation du
serment,
-
Les homicides
politiques,
-
L’affairisme,
-
La constitution ou
l’entretien de milice,
-
Le refus de doter
les forces de défense et de sécurité de moyens nécessaires à l’accomplissement
de leurs missions,
-
La non mise en
place des institutions de la République dans le délai
constitutionnel,
-
Toute action
contraire aux intérêts supérieurs de la
nation ».
Le terme
affairisme mérite d’être circonscrit parce que le Président de la République
peut faire des affaires via le mécanisme de prête-nom ou par l’intermédiaire des
descendants ou ascendants.
Il faudrait aussi
définir ou préciser ce que pourrait être « toute action contraire aux
intérêts supérieurs de la nation ».
Article 101 alinéa
2 : « Le Président de la
République ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée Nationale si le
vote au scrutin secret recueille les tiers des membres qui la
composent ».
Je suppose que la
bonne rédaction de cet alinéa est : « Le Président de la République ne peut être
mis en accusation que par l’Assemblée Nationale si le vote au scrutin secret
recueille les deux tiers des
membres qui la composent. »
Article 101 alinéa
3 : « La résolution de
mise en accusation, dûment motivée, est transmise par le Président de
l’Assemblée Nationale au Procureur
Général près la Haute Cour de Justice. »
Il faudrait
remplacer le Président de l’Assemblée Nationale par le Président de la Cour
Constitutionnelle parce que dans plusieurs cas, le Président de la République
sera de la même famille politique que celui de l’Assemblée Nationale. La mise en accusation sera
alors difficile. La procédure serait la suivante : Le Président de
l’Assemblée Nationale dispose de huit jours francs, après le vote mettant en
accusation le Président de la République pour saisir le Procureur Général près
la Haute Cour de justice. Passé ce délai, le Président de la Cour
Constitutionnelle s’auto-saisit de la résolution de mise en accusation du
Président de la République et la transmet dans les huit jours francs au
Procureur Général près la Haute Cour de justice. Celle-ci doit statuer dans les
huit jours à compter de la réception de la résolution transmise par la Cour
Constitutionnelle. Durant ces huit jours, tous les juges de la Haute Cour de
justice seront logés aux frais de l’Etat dans un endroit sécurisé sous la
protection de l’armée centrafricaine. Il leur est interdit, pendant cette
période, de prendre contact, par quelque moyen que ce soit, avec les autorités
politiques du pays. Tout contact doit se faire en
plénière.
Article
102 : « Lors des prises de
décision de la Haute Cour de Justice, et en cas de partage de voix, celle du
Président est prépondérante. ».
Il faudrait
appliquer ici les mêmes préconisations que pour la Cour
Constitutionnelle.
Article 107 :
S’agissant des collectivités territoriales, il serait souhaitable d’avoir un
alinéa ou un article transférant obligatoirement une fraction des ressources
budgétaires de l’Etat à celles-ci et notamment aux régions afin de contribuer au
renforcement de la décentralisation et le développement des provinces comme cela
se fait dans plusieurs autres pays.
Article
111 alinéa1er : « Les
fonctions de membre du Haut Conseil de la Communication sont incompatibles avec
l’exercice de toute fonction politique, administrative ou au sein d’un parti
politique, de toute activité lucrative, de toute fonction de représentation
professionnelle ou de tout emploi salarié, à l’exception de l’enseignement et de
l’exercice de la médecine. »
Les préconisations
concernant la Cour Constitutionnelle s’appliquent aussi
ici.
Article 115
alinéa1er : « La révision
(de la constitution) intervient lorsque le projet ou la proposition présentée en
l’état a été votée par l’Assemblée Nationale à la majorité des trois quarts des
membres qui la composent ou a été adoptée par
référendum ».
Il faudrait
renforcer cette condition pour rendre
difficiles les révisions de complaisance ou les révisions à des fins
politiques ou personnelles. Je propose par exemple les quatre cinquièmes(4/5) au
lieu des trois quarts(3/4).
Article
117 : « Le Chef de l’Etat de transition reste en place jusqu’à la
prise de fonction effective du Président de la République, Chef de l’Etat
démocratiquement élu ».
Cela peut, dans
une certaine mesure, se comprendre.
Article
118 : « Le Premier
Ministre reste en place jusqu’à la nomination de son successeur par le futur
Président élu démocratiquement. »
Cette disposition
n’a aucun sens et aucun intérêt. Cela signifie que l’actuel Premier
Ministre ou le Premier Ministre en
fonction lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution ne pourra pas
être destitué avant les prochaines élections présidentielles et précisément tant
que le nouveau Premier Ministre nommé par le futur Président démocratiquement
élu ne prend pas ses fonctions l’actuel ou celui en fonction ne pourra pas être
remplacé.
Et si les
nouvelles élections auront lieu dans deux ou trois ans voire plus, le Premier
Ministre est intouchable durant
cette période !!!
Article
122 : « Les institutions
prévues par la présente Constitution seront mises en place dans les six mois qui
suivent la date de l’investiture du Président de la République
élu ».
En cas
d’inobservation des dispositions de l’alinéa un ci-dessus et en l’absence de la Haute Cour de Justice, la
Cour de Cassation réunie en assemblée plénière sur saisine de l’Assemblée
Nationale, statue exceptionnellement dans les huit jours francs sur le crime de
Haute trahison suivant la procédure prévue à l’article 100 de la présente
Constitution ».
Je me pose
simplement cette question : Pour effectuer une dépense publique, il faut
que deux conditions essentielles soient réunies. L’inscription au budget des
crédits nécessaires et l’existence d’une trésorerie suffisante. A supposer que
ces deux conditions ne soient pas réunies, le nouveau Président de la République
démocratiquement élu sera quand même mis en accusation pour crime de Haute
trahison parce qu’il n’aura pas mis en place les institutions prévues par la
constitution?Nous connaissons tous la situation financière de la RCA en ce
moment.
Article
123 : « Les Chefs d’Etat
de Transition, les Premiers
Ministres de Transition, les membres des Gouvernements de Transition, les
membres des Bureaux du Conseil National de Transition, les Juges
Constitutionnels de Transition et les membres du Haut Conseil de la
Communication de Transition sont inéligibles aux élections présidentielles et
législatives organisées à l’issue de la
Transition. »
Je ne comprends
pas cette disposition. A l’article 117, il est écrit que le Chef de l’Etat de
Transition reste en place jusqu’à la prise de fonction du Président élu
démocratiquement. Paradoxalement, je constate qu’il est encore écrit à l’article
123 « les Chefs d’Etat de Transition ». Question : il y a un seul
Chef d’Etat de Transition qui reste en place jusqu’aux prochaines élections ou
il y en aura plusieurs ?
Si le Chef de
l’Etat qui est en place y reste
jusqu’à la prise de fonction de celui qui sera élu, alors l’article 123 ne peut
pas s’écrire « les Chefs d’Etat de Transition » puisqu’il y en a
qu’un qui restera jusqu’aux élections comme le précise
l’article 117.
Pour terminer, je
voudrais ajouter trois petites idées :
1-
Inscrire le
contrôle des signes extérieurs de richesse directement dans la
constitution.
En effet, lorsque
le train de vie d’un contribuable
est disproportionné par rapport à ses revenus, deux opérations se
déclenchent :
a) Le fisc évalue
forfaitairement ses revenus et les soumet à
l’impôt,
b) Une brigade
financière spécialisée pour traquer toutes les personnes travaillant pour tout organisme public
ayant des éléments de train de vie disproportionnés par rapport à ses revenus
officiels doit être mise en place. Ces personnes doivent obligatoirement
justifier les sources de financement de leur train de vie qui peut s’expliquer
par exemple par un héritage ou un crédit bancaire ou par d’autres sources
légales et légitimes. Dans le cas contraire, et nonobstant le redressement
fiscal mentionné au 1 ci-dessus, cette brigade financière saisit dans les huit jours de sa conclusion le procureur
de la République qui dispose à son tour de quinze jours pour saisir le tribunal
qui doit statuer dans les deux mois de sa saisine.
Parler de la bonne
gouvernance, du développement sans mettre en place des mécanismes de bonne
gestion financière est une vanité.
2-
Eviter absolument
le koudoufarisme
Le député qui veut
quitter son parti pour un autre pendant le mandat doit démissionner de son
mandat et remettre son siège en jeu. De nouvelles élections sont donc organisées
auxquelles celui-ci peut participer.
Les juristes me
diront que je mélange le mandat impératif avec le mandat représentatif mis en
place par ce projet de constitution ; que je détruis tout le système de la
souveraineté nationale. C’est un argument qui s’entend sur le plan de la
technique juridique mais j’ai dit supra que le droit c’est aussi la traduction
des réalités sociologiques d’un pays. Les centrafricains comprendront
certainement pourquoi, il faut absolument éviter le koudoufarisme. Il ne s’agit
pas de mélanger et confondre les deux régimes (mandat impératif et mandat
représentatif). Il s’agit simplement de moraliser la vie publique
centrafricaine. Ce pays a manqué un important tournant de sa vie politique avec
le koudoufarisme.
3-
Limiter le nombre
des partis politiques
Pour éviter la
multitude de petits partis dont les dirigeants sont attirés uniquement par le
gain social, c’est-à-dire par un poste politique ou la ventrologie et qui se
prostituent en vendant leur âme, en s’apostasiant quelquefois avec des
raisonnements aporétiques, il faudrait mettre en place un mécanisme qui permette
de bipolariser la vie politique centrafricaine. Cette bipolarisation lutterait
contre les profonds maux qui
ruinent la Centrafrique que sont le régionalisme, le clanisme et l’ethnisme.
Pour y arriver :
1-Lors des
prochaines élections législatives, il faudrait éliminer les petits partis
politiques de la représentation parlementaire. Comment faire ? Les partis
qui n’auront pas obtenu 5% des suffrages exprimés ou trois députés élus
directement ne seront pas représentés au Parlement. Ces conditions sont
alternatives et non cumulatives. Cela signifie qu’un parti qui a 5% des
suffrages exprimés même s’il n’a qu’un seul député sera représenté au parlement
et inversement un parti qui a trois députés élus directement et qui a moins de
5% des suffrages exprimés pourra être représenté. Par contre, le parti qui a
moins de 5% des suffrages exprimés et qui a un ou deux députés ne sera pas
représenté et l’unique député ou les deux seront inscrits comme
indépendants.
2-Lors des
deuxièmes élections législatives,
il faudrait éliminer les partis moyens de la représentation parlementaire. Les
partis qui n’auront pas obtenu 15% des suffrages exprimés ou 5 élus directs ne
seront pas représentés au Parlement. Au fur et à mesure, et progressivement, les
petits partis disparaitront de la scène politique
nationale.
Les petits partis
et les partis moyens inférieurs seront obligés à l’avenir de se dissoudre dans
les grands partis ou dans le parti moyen supérieur. De ce fait, il n’ y aura que
deux grands partis et un ou difficilement deux partis moyens qui jouera ou
joueront le rôle d’arbitre entre les deux grands partis pour former une majorité de gouvernement
au cas où un parti ne peut obtenir tout seul la majorité absolue. Cette
technique pourrait inciter les partis à des gouvernements de grande coalition,
fondés sur le consensus, facteur de stabilité et d’attractivité des
investisseurs étrangers. Elle permettra aussi d’éviter au pays des crises
politiques à répétition comme à l’heure actuelle.