BIENVENUE EN ENFER

 

 

 

 

    Sa Sainteté le pape François arrivera bientôt au cœur des ténèbres. Puisse le Ciel qu'elle  connaît si bien l'y accompagner ! On a beaucoup glosé à juste titre sur sa sécurité. Certains auraient même souhaité qu'elle annulât cette visite, la Centrafrique n'étant plus contrôlée ni par son gouvernement ni par les casques bleus.

    On pourrait peut-être faire observer à ceux qui ont lourdement insisté sur la sécurité que le 365ème successeur de saint Pierre n'est pas un chef d'Etat comme un autre. Il gouverne un Etat riquiqui, réduit aux dimensions d'une place, d'un immeuble et placé dans une capitale, Rome. Petit territoire donc et forces armées à l'effectif dérisoire, qui ne tiendraient pas deux secondes devant une seule compagnie des hordes qui terrorisent la Centrafrique. Mais grand charisme et rayonnement spirituel considérable. Comme son Seigneur, il n'a pas besoin d'une escorte de blindés pour visiter un pays en ruine.

 

 1. SOUS LE SIGNE DE LA PAUVRETE

 

     Le pape François a placé son pontificat sous le signe de la pauvreté, comme avant lui son modèle éponyme, saint François d'Assise, avait choisi de placer son existence. Pas d'appartement luxueux, ni à Buenos Aires ni à Rome où il loge dans un modeste deux-pièces. Plus de Limousine ni d'anneau en or comme ses prédécesseurs. Le successeur de Benoît XVI préfère les croix en argent.

    Il n'a pas de parents ni de fils ni de frère ni de neveu ni de nièce ni de cousin à caser au Vatican. Quel exemple pour la galaxie du népotisme ! Sa famille ce sont ses prêtres, sa famille ce sont ses cardinaux (l'un d'eux est logé dans un appartement dix fois plus grand   que le sien), sa famille ce sont les catholiques du monde entier, sa famille c'est << toute la Création >>.

     Je l'ai vu à la télévision française laver les pieds des jeunes, dont une musulmane. Quelle humilité pour ce monde gonflé d'orgueil et de prétentions ! Laïd, mon ami algérien le trouve bien, par rapport à son prédécesseur, qui aurait dit je ne sais plus quelle vacherie. Qui mieux que lui peut parler aux croyants fâchés de Centrafrique ?

    On a tout tenté. On a laissé parler les armes sans résultat. On a fait venir les casques bleus sans résultat. On a essayé les forums sans résultat. Alors pourquoi ne pas << essayer >> le pape dans un conflit en partie religieux ?

 

 2. LE DERNIER RECOURS

 

    Jusqu'ici c'était l'ONU, ses Casques bleus. Mais voyez comme ils pataugent dans le bourbier centrafricain, empêtrés dans de sombres histoires de pédophilie. Venus pacifier le pays, ils ont réussi l'exploit de faire regretter les FACA. Les Forces Armées Centrafricaines ainsi réhabilitées ne feront peut-être jamais leur mea culpa. Leur défaite, c'était un repli stratégique, devant des condottieres coalisés, à la tête d'une armée de rebelles surarmée. A l'exception des héros d'opérette qui plastronnent en province, tous les Centrafricains réclament leur retour. Il faut dire que les populations se sentent démunies, en face de brutes sanguinaires et un vide inquiétant au sommet de l'Etat.

    Les affrontements se multiplient : à chaque fois, les populations accusent le gouvernement de non-assistance à quartier en danger, le gouvernement se tourne vers l'ONU et lui fait les gros yeux : c'est toi qui ne protèges pas le peuple centrafricain, c'est toi qui m'interdis de réarmer les FACA.

     D'abord, l'ONU n'a pas le droit d'interdire à un pays de protéger sa  population. Quand elle a refusé d'aider les forces armées de la RDC, au motif que deux de leurs généraux avaient commis des exactions, les autorités congolaises ont eu le courage de demander leur départ. Aucun gouvernement ne peut accepter que lui soit refusé l'exercice de sa tâche cardinale. Supposons une absurdité : que les Etats-Unis sombrent demain dans une guerre civile, puis dans le chaos. Va-t-on interdire à la police américaine de travailler, sous prétexte qu'elle est ethniquement déséquilibrée ? Question subsidiaire au général Onanga-Anyanga. Concrètement, comment fait-on pour construire une armée << ethniquement équilibrée >> dans un pays de quatre-vingt-dix ethnies ? Va-t-on inscrire dans le marbre que l'ethnie  majoritaire a droit à 33% de généraux, 33% de colonels, 33% de commandants et 33% d'hommes de troupe ? L'ONU pose des problèmes là où elle devrait apporter des solutions. En remettant les statistiques ethniques au cœur de l'imbroglio centrafricain, elle joue avec le feu. Va-t-on en pleine crise laisser tomber les concours et les examens, les deux ailes de la méritocratie, pour décréter une fois pour toute que l'ethnie majoritaire aura droit dorénavant à 33% de députés, 33% de maroquins, 33% d'ambassadeurs etc. Le terme ethnie en Centrafrique est une bombe qu'il faut manier avec précaution.

    Je peux me tromper mais j'ai la désagréable impression que les Nations-Unies sont en train de suivre les traces des présidents centrafricains. Tous étaient venus libérer leur pays : qui du colonialisme, qui de l'impérialisme, qui du néo-colonialisme, qui de l'esclavage, qui de la misère, qui d'une dictature. Résultat : le chaos. Il est vrai que l'enfer est pavé de bonnes intentions.

 

 3. AIDE-TOI LE CIEL T'AIDERA

 

    Si la RCA avait voulu sortir de l'ornière, elle aurait confié la présidence du Forum de Bangui à une autorité morale au-dessus de tout soupçon. Le pape n'aurait pas refusé qu'un de ses prélats ou prêtres présidât cette grande réunion. Du temps de Mobutu, les Zaïrois avaient confié la présidence de leur Conférence Nationale Souveraine à l'archevêque Laurent Mossengwo Pasinya, qui sera par la suite créé cardinal.

    On ne va pas toujours compter sur les autres pour nous résoudre nos problèmes. La France vient de se déclarer en guerre, après que les terroristes de Daech ont sauvagement massacré des Parisiens, dont des mélomanes au Bataclan. Il est à craindre que pour sanctuariser l'Hexagone, elle ne fasse appel à ses soldats de Bangui. Une telle éventualité ouvrirait toutes les portes de la Centrafrique aux islamistes, qui auront alors à portée de main les minerais stratégiques. Je ne vois pas comment le peuple centrafricain désabusé, affamé, affaibli et surtout chloroformé par une succession de dictatures impitoyables pourrait les combattre.

    Sa Sainteté va côtoyer la pauvreté, dans une guerre absurde. Sa Sainteté va côtoyer un peuple à genoux, dans son propre pays, un peuple qui se dit abandonné de toute la terre, peut-être même de Dieu ! Tous ceux qui l'ont précédée dans ce Pandémonium, semble avoir échoué. Alors qui mieux qu'un croyant peut redonner espoir aux croyants !

 

 

                  GBANDI Anatole   (21 novembre 2015)