Par Jean-Didier Gaïna
Le pays aurait une Constitution. Mais peu
s’en faut, les anciens sultanats et les anciennes chefferies de l’Oubangui-Chari
n’avaient pas eu besoin de constitution pour régner sur les territoires qu’ils
avaient conquis ou sur ceux qui avaient appartenus à leurs ancêtres. C’est
bien ce qu’avaient pensé les divers suzerains centrafricains contemporains qui
avaient pris les décisions, soit d’abolir la constitution du pays, soit de la
suspendre, soit de la modifier en y introduisant un chapitre entier ou deux
nouveaux articles spéciaux qui leur attribueraient plus de pouvoir ou d’autorité
ou qui établiraient enfin la pérennité de leur régime. Ceux-ci avaient
certainement pensé qu’une constitution n’était autre qu’un document officiel que
l’on pouvait traiter à souhait comme un décret présidentiel ou comme une
ordonnance. François Bozizé comme plusieurs de ses prédécesseurs, avait
été capable d’imposer à tous les citoyens une interprétation de sa lecture
particulière de la constitution. N’avait-il pas impunément réussi son coup
d’état, libérant le peuple du joug de Patassé et de celui du MLPC, et également
réussi en 2010 son dernier coup de président “démocratiquement élu”.
Qu’importe la légitimité ou non, la validité ou non des résultats de ces
élections! Les autorités internationales, spécialisées en matière
d’élection démocratique dans les pays pauvres d’Afrique, avaient accordé leur
bénédiction au nouveau mandat que Bozizé venait d’arracher au peuple, ajoutant
ainsi sans le vouloir, peut-être, aux maux qui freinaient l’émancipation
politique de
L’histoire du monde avait fait la chronique des
révolutions qui avaient transformé les pensées à travers les siècles.
Cette même histoire avait informé des différentes écoles qui avaient servi de
références ou de modèles pour les gouvernements des affaires publiques ou
privées. Cette histoire avait fait les éloges des révolutions
industrielles ou celles des transformations technologiques qui avaient émergé
d’Europe, d’Amérique, d’Asie ou d’Afrique, et qui avaient démontré leur grande
utilité et révélé l’expansion des frontières du savoir. Malgré ces
témoignages universels, une classe de centrafricains qui avait été moulue dans
cette grande fonderie des clés du développement et de l’évolution de la société,
avait pensé qu’elle n’avait cure de toute cette histoire fantastique du
monde. Cette classe de centrafricains, qui s’était voulue fidèle à un
régime politique particulier à Bangui, et qui émergeait chaque fois des cendres
d’un régime précédent défunt, avait refusé de donner l’occasion à
Ces centrafricains avaient été partout dans les affaires, aussi bien dans les différentes hiérarchies des partis politiques que dans les différentes administrations du pays. Il y avait eu des magistrats, des juges, des avocats, des professeurs d’université, des sociologues, des historiens, des géographes, des économistes, des agronomes, des ingénieurs, des médecins, des vétérinaires, des officiers supérieurs des différentes branches de l’armée nationale, des cartographes, des géomètres, des cadres techniques supérieurs et moyens dans les secteurs variés, publiques ou privés. Selon des critères politiques, techniques ou professionnels, ou encore selon leur appartenance à une région géographique, à une tribu ou à un clan au pouvoir, ils avaient été nommés par le régime en place à différentes fonctions dans le gouvernement, au sein de différents comités de gestion des entreprises publiques ou de comités directeurs des projets de développement dans le pays. Ils avaient souvent été les grands animateurs des débats politiques, surtout justifiant ou défendant les décisions impopulaires du régime en place. Ils avaient été ceux qui avaient créé les fraudes ou magouilles pour tirer des avantages monétaires des postes qu’ils occupaient dans les administrations. Ils avaient eu des responsabilités dans la mise en place des réformes administratives, sociales et autre dans le pays, et qui avaient lamentablement échouées, causant des préjudices au sein de la population. Ils avaient été membres des divers bureaux politiques des régimes du MESAN, du RDC, du MLPC, du KNK qui, chacun à leur tour, avait causé d’immenses torts aux citoyens et freiné la mise en place d’un développement harmonieux dans le pays. Ces mêmes centrafricains avaient aussi été les organisateurs des grands rassemblements politiques de l’opposition. Plusieurs d’entre eux avaient même décidé d’entrer en rébellion contre le gouvernement en place pour des raisons autres que l’intérêt national. Selon la direction du vent qui soufflait sur le pays, nombreux étaient ceux-là aussi qui avaient revendiqué ce qu’ils appelaient des droits qu’ils étaient eux-mêmes prêts à confisquer au peuple dès qu’ils seraient aux affaires. Ils avaient été aussi ceux ou celles qui n’avaient pas eu le courage de dire en coeur au président du régime politique en place, que celui-ci avait perdu la boussole et était devenu incompétent ou incapable de bien diriger les affaires du pays. Dans la jouissance des faveurs de la place qu’ils s’étaient battus à se faire au soleil, ceux-ci avaient oublié que ce n’etait pas la fin et qu’il y avait encore beaucoup à faire pour offrir à chaque centrafricain son bonheur d’être citoyen de cette même cité qui était aussi la leur. Ils avaient crû être les représentants du peuple, mais en même temps considéraient tous les autres centrafricains comme appartenant à une autre classe, différente de la leur. Les autres centrafricains eux étaient des citoyens de seconde classe, qui ne savaient pas, eux-mêmes, se prendre en charge. Devrions-nous préciser que ces citoyens d’une autre classe n’étaient autres que leurs pères, mères, oncles et tantes, cousins ou nièces? Est-ce que nous devrions rappeler que ceux-ci étaient la masse des laissez-pour-comptes, c’est à dire le peuple centrafricain? A quoi serviraient donc toutes ces prétendues rébellions et cette opposition si leurs résultats ne donnent rien de positif pour le compte du bien-être de la population et pour chaque citoyen centrafricain?
Ces centrafricains que nous considérerons comme des
véritables professionnels pour éviter d’utiliser ici le terme abusif
d’intellectuels, étaient entrés en affaires pour leurs propres comptes.
Ils faisaient volontiers observer à qui voulait les entendre qu’ils avaient
investi de nombreuses années d’études laborieuses pour bien évidemment en tirer
des profits. Mais ils avaient aussi oublié que l’état centrafricain avait
été cette institution bienfaitrice qui avait payé la majorité des frais de
toutes leurs études, et, qu’ils devaient bien en retour offrir une compensation
tant soit peu au pays, au peuple centrafricain, à leurs concitoyens, et pour la
bonne cause qui serait celle du développement de
Chaque professionnel centrafricain sans le vouloir,
s’était empressé comme un ouvrier agricole de couper toutes les plantes dans le
pré, mêmes celles susceptibles de porter de bons grains pour la
consommation. Comme des rapaces et sans prendre garde aux conséquences de
la pauvreté, ils étaient nombreux à s’acharner à piller tout ce qui appartenait
à l’administration du pays ou encore à l’état, pensant que c’était ainsi qu’ils
allaient parvenir à s’enrichir et à être reconnus comme les grands propriétaires
d’affaires du pays. Dans ce contexte, ils avaient acheté à vils prix les
propriétés et les biens de l’état, au cours des ventes aux enchères qui
n’étaient publiques que de nom. Ils avaient fait démarquer les impositions
des contribuables ou autres taxes dûes à l’état, afin de s’approprier des
commissions illicites. Ils avaient fait introduire en conseil des
ministres ou à l’assemblée nationale des contrats, des projets d’investissement
dans le pays, même s’ils avaient eu les preuves que l’état y laisserait des
plumes. Le capitaine à bord du navire avait lui aussi accepté de saborder
le navire et de sacrifier pour son compte le précieux cargo
qu’il s’était juré de protéger lorsqu’il prêtait alors serment. Il n’y
aurait plus aucun contrôle strict et régulier des diverses activités
économiques, financières ou fiduciaires de l’administration, et qui en
préserverait à la fois l’intégrité et la pérennité. Il n’y aurait plus
aucune institution nationale de contrôle des opérations de
l’administration. Les services de l’inspection d’état, les procureurs, les
magistrats des différentes cours, les membres des commissions spéciales de
l’assemblée nationale, les officiers assermentés des services de l’état, les
membres des comités de gestion, les directeurs généraux, les directeurs, les
chefs de service et agents en avaient rajouter à tous les cas que nous avons
cités, cherchant, chaque fois, à tirer des gains financiers personnels au
détriment de l’état. Pour se donner une raison d’être ou pour se donner bonne
conscience, le gouvernement organise alors sans grande conviction, tel ou tel
contrôle, telle ou telle initiative qui avait été mentionné dans un rapport de
fin de mission de
La démocratie centrafricaine, elle aussi existerait
bien. Cependant cette démocratie n’aurait rien à voir avec le terme ainsi
défini dans le Petit Larousse. Pour mériter le qualificatif de république
par exemple, vous penseriez entre autre à la séparation des pouvoirs.
Cependant, à l’assemblée nationale, l’épouse du président de la
république, une des maîtresses du président de la république, les enfants
majeurs du président de la république, les cousins de celui-ci, et autre
seraient tous députés au sein de cette auguste assemblée nationale, comme s’il
avait manqué de centrafricains compétents, ailleurs, parmi ses 4 millions
d’habitants pour valablement représenter les diverses couches de la population
et les intérêts du peuple centrafricain. Tout cela ressemblerait à une
grosse blague. Et le régime ne s’en émeut nullement. Devrions nous
rappeler aux membres de cette assemblée que
Nous pourrions discuter longuement ici du rôle de
l’armée nationale, et en particulier son rôle dans une existence sereine et
pacifique du pays. L’histoire de ce pays avait démontré la corruption dans une
démocratie de l’idée de confier à un militaire d’où qu’il vienne la
responsabilité de mener une société civile vers les horizons d’un développement
harmonieux. Disons le simplement, le pays n’aurait pas besoin d’un général
président pour bien fonctionner. Bien au contraire, cette pratique avait
créé la division entre les régions et entre les citoyens. En fonction de
l’ethnie du général-président, la balance du recrutement au sein de l’armée
nationale, les stages dans les écoles militaires à l’étranger, et les promotions
dans l’avancement des carrières penchaient en faveur soit des Ngbakas, soit des
Yakomas ou riverains, soit des Kabas/Soumas ou savaniers, soit des Gbayas de
Benzambé ou des communes avoisinantes. Quels gâchis ces pratiques
n’avaient-elles pas générés! Selon notre humble avis, le pays devrait
bâtir une nouvelle armée nationale, capable de leadership, d’ingénuité, et de
courage pour protéger l’intégrité du pays et la paix civile parmi la population.
Le pays n’a pas besoin d’une armée de mutins ni d’une source fertile de
rébellions parce que certains hommes avaient appris à manipuler des armes de
guerre ou des armes lourdes pour opprimer le peuple centrafricain. Il
faudrait une nouvelle armée nationale capable d’arrêter et de punir les voyous
de tout poil, venus des pays voisins ou ceux nés dans le pays qui méritent tous
une bonne correction. L’armée nationale devrait demeurer indépendante des
autorités d’un régime politique quelconque en place dans le pays. Sinon,
l’armée demeurera celle que nous avons toujours connue, une entité en manque de
leadership adéquat, incapable de déterminer les véritables ennemis de
Mais tous ces maux n’avaient pas empêché un régime
comme celui de Bozizé à prétendre bien gouverner les provinces du pays.
Depuis que Bozizé est au pouvoir à Bangui, quelle misère les paysans, les
éleveurs et les artisans centrafricains ne vivent-ils pas? Les éleveurs
sans défense se font déposséder de leurs bêtes, aussi bien par les autorités
nationales que par des groupes de bandits, sans qu’il y ait une autorité
compétente dans le pays auprès de laquelle ceux-ci pourraient faire recours et
obtenir justice. Des villages centrafricains sans défense sont attaqués par des
bandits ougandais et il n’y avait pour réponse de la part de Bozizé que son seul
argument qui était que celui-ci n’aurait aucun problème avec le LRA du rebelle
ougandais Joseph Nkoni. Des groupes de bandits sont constitués sous le
pseudonyme de rébellions politiques armées pour arnaquer des citoyens qui ne
cherchent qu’à gagner leur pain et à nourrir leurs familles. Bozizé, ses
libérateurs et ses démolisseurs du KNK sont partout aux affaires. Ils
seraient même plus astucieux, plus audacieux et plus laborieux que tous les
régimes politiques précédents confondus. Un ministre du gouvernement
vendrait aux plus offrants divers postes au sein de son département.
Bozizé empocherait personnellement et sous des prêtes-noms de grosses
sommes d’argent sorties du trésor public, sans que personne ne lui demande des
comptes. L’administration et les hommes de Bozizé saignent les caisses de
l’état. Pour cela les militants “ouvriers” de son parti lui avaient
attribué le titre honorable de Grand Ouvrier comme cela se fait encore de nos
jours en Corée du Nord. A Berbérati, des enfants en grand nombre meurent
de malnutrition sous les yeux complaisant des députés de cette circonscription
administrative, y compris le député Ndoutingaï et le gouvernement de
Bozizé. Le député Ndoutingaï n’avait levé aucune voix pour proposer une
solution à un problème qu’il avait lui-même créé dans sa circonscription.
Ces militaires, libérateurs, les opportunistes du KNK et ceux de la mouvance
présidentielle voudraient tous être les leaders politiques. Cependant à la
forge, l’on serait bien amener à conclure que tous ne savent pas ce qu’ils font,
ni ce qu’il faudrait faire. Donnez-nous donc quelques exemples positifs
des actions menées par ces autres partis en faveur du développement de
l’économie du pays. Que font-ils donc au gouvernement? Mais
pourquoi donc faisaient-ils les empressés. Faute de grande intelligence,
sauf pour appauvrir le pays en lui volant ses ressources, faute de compétence
pour comprendre l’étendue des problèmes du pays, et faute de faculté suffisante
pour résoudre ce problème de malnutrition à Berbérati, le gouvernement de Bozizé
avait laissé champ libre à Action Contre
Le peuple centrafricain aurait de nombreuses
aspirations légitimes comme les francais, comme les américains, comme les
européens et comme tous les autres. Les centrafricains auraient
certainement de bonnes idées, susceptibles d’apporter le bien-être pour tous
leurs concitoyens. Les recommandations avaient été valides et
abondantes. Malheureusement, il avait manqué et manquerait de bons
centrafricains, courageux, honnêtes et patriotiques pour faire le reste.
Mais, est-ce que tout cela serait trop tard? Combien de générations
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