Analyse politique :
Les coups d'Etat Répétitifs en
Centrafrique (Par Amadou Tidiane FALL)
Cher Patriarche Barthélémy, votre
Oubangui-Chari est entrain de tarir; au pied de votre tombe, je vous le dirais,
ce soir !
«Rien ne s’accomplit de grand sans
de grands hommes.»
Charles De
Gaulle
Cher Patriarche Barthélémy
BOGANDA, vous fûtes un grand homme ! Vous appartenez sans aucun doute à la
communauté des Africains du siècle, ces Africains qui méritent éternellement
reconnaissance. Vous faites parti de ces braves combattants, pères de notre
(nos) indépendance(s), témoins des jours heureux et des deuils
partagés.
Votre pays fut jadis une terre
bienheureuse.
En ce dimanche saint, ce
dimanche des Rameaux, l’information a fini de faire le tour du monde : les
rebelles de la coalition SELEKA sont entrés à Bangui, obligeant le Général
François Bozizé à plier bagages, à céder le trône, trône qu’il avait lui-même
conquis par les mêmes procédés. Si le dimanche des rameaux commémore l’entrée
triomphale de Jésus à Jérusalem, l’entrée des rebelles dans la capitale
centrafricaine en cette veille du dernier dimanche avant pâques ne saurait être
glorieuse. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… Triste
!
Cela me choque, cela me rend
triste le fait que ce pays que vous avez tant aimé, vous le grand
panafricaniste, soit suspendu de l’Union Africaine par son Conseil de Paix et
Sécurité. La mesure est juridiquement et politiquement juste mais le fait que
Excepté Abel GOUMBA et dans une
moindre mesure David DACKO, tous ses successeurs n’ont jamais eu ce sens élevé
des devoirs et cet absolu désintéressement. Boganda a été un grand
panafricaniste. Pendant la période de l’autonomie interne des territoires, le
patriarche Boganda avança l’idée d’une grande République Centrafricaine élargie
à quatre territoires (l’Oubangui Chari, le Tchad, le Congo Brazzaville et le
Gabon). Il avait fait de son mieux, malheureusement ! Selon Abel GOUMBA,
compagnon de Boganda et ancien vice- président de
Dommage !
C’est cette grande icône de
l’engagement politique, ce membre du cercle des vrais leaders africains qui a
disparu un dimanche de Pâques 1959, dans un accident d’avion dont les causes ne
sont toujours pas élucidées.
Cher patriarche, votre disparition a
plongé vos militants et votre pays dans un grand désarroi.
Sous l’hermine, se cachait un
dictateur aux méthodes impitoyables. Comme un tigre en papier ne peut jamais
tenir longtemps, Bokassa est renversé le 21 septembre 1979 alors qu’il se
trouvait en Libye par l’opération Barracuda sur ordre du président Français
Giscard D’ESTAING. Un transit français dépose sur l’aéroport de Bangui son
successeur (et prédécesseur) David Dacko, encore étonné du rôle qu’on lui a fait
jouer. Vous avez toujours su que
Malheureusement, cette
parenthèse démocratique sera de courte durée. En 2001, une tentative de coup
d’Etat provoque de violents affrontements à Bangui. Malgré l’intervention de la
communauté internationale (MINURCA), le 15 mars 2003, le Général François Bozizé
réussit, avec l’aide de militaires français et de miliciens tchadiens un nouveau
coup d’Etat et renversa le Président Patassé. Et le samedi dernier, les rebelles
de la coalition SELEKA ont annoncé leur entrée dans Bangui, demandant aux Forces
Armées Centrafricaines(FACA) de ne pas combattre et au Président François Bozizé
de quitter le pouvoir ; quelques heures plus tard, ils prennent le palais
présidentiel.
Voilà cher patriarche,
l’histoire de votre patrie depuis que vous êtes partis rejoindre les
cieux.
De l’outre-tombe, vous ne devez
vraiment pas être fier de cette nation, je le présume. La vie (ou la mort) ne
vous a même pas donné la chance de voir votre pays accéder à l’indépendance
totale(en 1960) mais vous vous êtes acquitté de votre tache avec abnégation.
Pendant l’autonomie interne (à partir de 1958), votre pays étant devenu une
République, vous l’avez dirigé en tant que chef charismatique, soucieux des
préoccupations de son peuple. Hommage doit vous être rendu, comme du reste il
doit l’être à tous ces patriotes africains, héros combattants, à qui nous devons
l’indépendance dont certains sont hélas souvent mal connus. Sur ce registre,
nous rendons un vibrant hommage à Kenneth KAOUNDA, premier Président de
Hommage et reconnaissance
doivent être aussi rendu au camerounais Ruben UM NYOBE, surnommé Mpodol (le
sauveur). C’est à lui que l’on doit la réunification du Cameroun par un discours
mémorable à la tribune des nations unies. Il est l’une des figures emblématique
de la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Um Nyobé est mort assassiné par
l’armée française le 13 septembre 1958. Il partagea cette fin tragique avec ses
compagnons Félix- Roland MOUMIE et Ernest OUADIE. Il est vrai que UM NYOBE est
proclamé héros national du Cameroun en juin 1991, cependant, il mérite d’être
mieux connu et toute son œuvre ressuscitée. Que dire de Patrice Lumumba, leader
du MNC (Mouvement National Congolais) qui refusa le paternalisme belge
?
Lumumba est un héros, un martyr,
sacrifié par les plans sordides des belges combinés aux tactiques de
La lise est longue ! Assurément,
les coups d’Etat en Afrique constituent un frein pour la démocratie, un
véritable cancer. Les bruits de botte et des armes est de plus en plus
assourdissant sur le continent. Il est temps de mettre un terme à ce cycle
infernal, ce cycle peu honorable. Il s’agira d’accepter courageusement de mettre
un terme aux «tutelles» et au «parrainage». Collaborer avec l’ancien
colonisateur sur des bases claires empreintes de respect réciproque et de
sincérité. Il est impératif d’arrêter de convoiter les trônes que pour les
lambris dorés du pouvoir, pour des intérêts égoïstes ou pour se venger de
frustrations exclusivement personnelles.
L’Afrique doit avancer, donc les
africains doivent changer. Les informations reçues du continent périodiquement
sont inquiétantes. Il appartient à la jeunesse africaine d’exiger un changement
de comportement des élites en vue d’envisager l’avenir avec beaucoup plus de
sérénité et d’espoir. Ce continent regorge de ressources innombrables, de
talents connus ou cachés, une histoire, des leaders qui ont combattu pour
l’indépendance et qui nous ont légué un héritage inestimable. Il est temps que
nous apprenions à noyer les passions particulières dans un bain de volonté
générale, apprendre à nous surpasser pour sauver l’Afrique. Boganda, vous aviez
œuvré pour la cohésion, pour une Afrique prospère, c’était votre cri de cœur qui
exaltait les vertus de l’unité, de la dignité et de la grandeur
africaine.
Votre projet de la grande
République Centrafricaine avait commencé à inquiéter les milieux colonialistes,
aidés par d’autres dirigeants africains qui n’avaient pas la même clairvoyance
que la votre, c’est pourquoi vous vous êtes contentés d’une République
Centrafricaine épousant les seules limites de l’Oubangui-Chari. Nonobstant ces
tourbillons, ces coups d’Etat, ces complots, ces reniements, il est encore
possible de remettre ce pays sur les rails du progrès. Et j’ose espérer que la
prochaine fois, je vous rendrais compte des choses moins tristes. Pourquoi pas,
assez glorieuses ?
Amadou
Tidiane FALL
Administrateur Civil,
Doctorant en Philosophie
Politique
Dimanche 31 Mars
2013
Source :
http://www.rewmi.com